2 juillet 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion de l'inauguration du Centre international du vitrail, Chartres, le mercredi 2 juillet 1980

Monsieur le député-maire,
- Monsieur le ministre de la Culture et messieurs les ministres,
- Monsieur le président,
- mesdames,
- messieurs,
- Chartres connaît aujourd'hui deux manifestations culturelles et artistiques de très grande importance : l'ouverture de ce centre international du vitrail avec le premier salon qu'il abrite et, tout à l'heure, un superbe concert dans la cathédrale.
- C'est assez dire l'importance de la vie culturelle de Chartres, c'est aussi souligner l'importance du Chartres contemporain dans la vie intellectuelle et artistique de la France.
- Vous avez tracé, monsieur le maire `LEMOIGNE`, un historique de votre ville, la plaçant sous la triple rubrique des arts, des armes et des lois. Je voudrais rappeler que le nom de Chartres est un des noms de villes françaises les plus célèbres du monde. Ce n'est pas un lieu de bataille, bien qu'il y ait eu comme partout quelques affrontements, ce n'est pas un lieu de querelle, bien qu'il y ait eu comme partout quelques divisions. Vous faisiez allusion à HENRI IV, je vous signale que HENRI IV ne s'est pas converti seulement à Chartres, car à ma connaissance il s'est converti au moins quatre fois dans les deux sens. Le nom de Chartres est associé à la fois à la force de la spiritualité et à l'éclat de notre art national.
- La force de la spiritualité : Chartres est un des grands pélerinages français et mondiaux et lorsqu'il s'est agi d'établir le programme de la visite du Pape `JEAN PAUL II`, voici quelques semaines, Chartres est un des endroits auxquels nous avions songé.
- C'est aussi un haut lieu de l'art et à côté de l'admirable cathédrale dont on a entrepris heureusement la préservation, il reste encore à faire et je suis sûr que la France répondra à la juste querelle de Chartres. A côté de la cathédrale, on se promène dans la ville et on découvre des emplacements comme ceux-ci connus des Chartrains mais moins connus dans l'ensemble de la France et qui témoignent de l'extraordinaire richesse architecturale de votre ville.\
Je voudrais conclure cette visite en vous remerciant de vos propos et en félicitant toutes celles et tous ceux qui ont concouru à la création de ce centre international du vitrail et du premier salon qu'il abrite.
- Monsieur le président, vous avez beaucoup insisté pour que je participe à cette inauguration et je connais la profondeur de votre attachement chartrain £ je vous félicite pour la qualité de votre exposition qui couronne les efforts individuels des artistes qui sont ici aujourd'hui et que j'ai été heureux de saluer et de féliciter tout à l'heure.
- Je me réjouis, monsieur le maire, que ce centre soit fixé à Chartres, lieu priviligié de notre histoire et de notre culture. Je souhaite qu'il devienne, ce que vous m'avez dit que vous souhaitiez pour lui, c'est-à-dire le centre international du vitrail dans le monde, ceci suppose naturellement qu'il ne soit pas seulement un lieu d'exposition mais aussi un lieu de recherches, un lieu de documentation, un lieu de rencontres pour tous ceux qui se préoccupent de la survie de cet art.
- L'année 1980 est l'année du patrimoine. Lorsque nous avons eu cette idée avec monsieur le ministre de la Culture, nous n'étions pas du tout assurés de son succès, et je souhaitais que les Françaises et les Français ressentent, découvrent pour les uns, confirment pour les autres leur attachement à notre patrimoine national. Les réalisations ont répondu très largement aux espérances : les collectivités locales, communes, villes, départements, les régions, diverses associations, les pouvoirs publics ont donné une grande densité à cette année du patrimoine. Cette année connaîtra d'ailleurs, à l'automne, une de ses manifestations les plus remarquables qui sera la présentation aux Françaises et aux Français de l'enrichissement de notre patrimoine national au-cours des cinq dernières années. On présentera, au Grand Palais, les principales acquisitions de l'Etat entre 1975 et 1980 et vous verrez que notre période est du point de vue de l'enrichissement du patrimoine national artistique, une période qui se compare, si ce n'est même qu'elle les dépasse, aux années fastes de la Renaissance.\
Cet après-midi, c'est le vitrail qui est honoré et, avec le vitrail, les maîtres-verriers qui, par leur technique, leur savoir, leur inspiration, ont offert à la France, la moitié des vitraux recensés dans le monde entier. Travaillant aux cotés des bâtisseurs de cathédrales, ces artistes, artisans du passé, ont su apporter aux édifices, désormais millénaires, leurs ouvertures de couleur et de lumière. Le vitrail est sans doute né à l'origine des exigences de l'architecture, mais comme tous les arts il a acquis une existence propre. Il n'est demeuré figé ni dans sa conception, ni dans ses techniques. A la reproduction fidèle des vitraux médiévaux a peu à peu succédé une interprétation plus libre. Les progrès dans la recherche, notamment dans la recherche du verre, ont permis au vitrail d'intégrer désormais la dimension artistique contemporaine. C'est cette évolution qui est si bien décrite par ce premier salon du vitrail, où l'on trouve à côté des vitraux des premières églises de Chartres, des oeuvres de TOULOUSE-LAUTREC interprétées par le verrier TIFFANY, des vitraux contemporains et l'exposition des arts décoratifs entre les deux guerres, et des exemples brillants de la création des vitraux contemporains et je dirais même pour les derniers quotidiens.\
Le centre international du vitrail est donc à Chartres.
- Les richesses de Chartres, comme toutes les oeuvres humaines, n'étaient pas à l'abri des intempéries de la nature ou de la manie destructrice des hommes. Il a fallu les protéger et les défendre. Cette lutte pour la survie d'une partie de notre patrimoine, qui nous paraît aujourd'hui si naturelle, a été un long effort et a supposé une action tenace de votre part, monsieur le maire, et aussi celle du centre international du vitrail.
- Ce centre d'où vient-il ? Emanant d'un particulier, Monsieur LOIRE, maître-verrier, l'idée de ce centre s'est concrétisée en 1970 `année` par la création d'une association. La ville de Chartres, la région centre se sont intéressées à cette réalisation. Chacune d'entre elles à sa manière, a aidé au développement et au rayonnement du centre soit par des donations, soit par des subventions.
- L'Etat, pour sa part, y a contribué. Par son action en_faveur du vitrail, l'Etat poursuit deux objectifs complémentaires : l'un est la sauvegarde du patrimoine existant, le second est le développement de la création contemporaine.
- Pour aider à cette conservation et à cette création, d'importants moyens sont mis en_oeuvre. Ils se traduisent par des ressources à la fois sur-le-plan financier et sur-le-plan de la recherche. Sur-le-plan de la recherche, cet effort associe des historiens d'art qui éclairent les travaux de restauration, des spécialistes des monuments et des scientifiques. Au plan financier, le vitrail est le métier d'art pour lequel, à l'heure actuelle, l'effort financier est le plus important. Je veux dire à ces créateurs isolés, que nous avons vus tout à l'heure et qui s'interrogent certainement sur la poursuite ou le développement de leur activité, que leur activité est appréciée et honorée et qu'elle sera soutenue. Encore une fois mes remerciement et mes félicitations vont à toutes celles et à tous ceux présents ici qui ont permis cette réalisation.\
Je suis sûr que, grâce-à votre bienveillant appui, monsieur le maire, grâce qu dynamisme de votre association et à l'action de son Président, M. FIRMIN-DIDOT, grâce au soutien assuré des pouvoirs publics, M. le ministre de la Culture `Jean-Philippe LECAT`, Chartres conservera au vitrail ancien et moderne son éclat et sa gloire.
- Je voudrais vous dire, à l'occasion de cette manifestation de l'année du patrimoine, quelle est l'inspiration qui nous soutient dans cette affaire. Elle est double. D'abord conserver pour transmettre : nous avons reçu, des générations précédentes, d'immenses trésors artistiques et des trésors de culture en France. Nous n'avons pas le droit de les laisser se perdre ou se dégrader. Dans notre collectivité nationale, nous avons le devoir de conserver pour transmettre. Combien sommes-nous sévères vis-à-vis de ceux dans le passé qui se sont mal acquittés de cette fonction. Combien y a-t-il dans nos villes, dans nos départements, de bâtiments qui ont été abandonnés, dégradés, humiliés et lorsque nous les observons, nous imaginons la responsabilité de ceux qui n'ont pas su nous les transmettre. C'est pourquoi il nous faut conserver pour transmettre.
- Mais il nous faut aussi créer pour enrichir et pour ouvrir. Pour enrichir, car le patrimoine français, ce n'est pas le patrimoine qui existe en 1980, c'est le patrimoine que les Français ont accumulé au-cours des siècles et qu'ils ont continué de créer par leur création artistique. Nous devons donc simultanément encourager la création pour enrichir etaussi la création pour ouvrir. Nous traversons une période où la gravité des problèmes matériels de toute -nature, nous amène parfois à réserver à ces problèmes la totalité de nos préoccupations.
- Nous ne devons pas oublier que notre société est aussi une société de valeurs culturelles et que les Français ont eu dans le passé, ont dans le présent, auront dans l'avenir soif de valeurs culturelles. Nous devons donc leur apporter ces valeurs par la création artistique, nous devons ouvrir notre société par la justice sur-le-plan social, par la création sur-le-plan artistique et culturel. Voilà pour moi, le sens de cette année du patrimoine. Vous voyez que le vitrail s'y inscrit tout naturellement car le vitrail enrichit et ouvre, il enrichit les bâtiments dont il complète l'architecture en intensifiant et en variant leur lumière, il ouvre ces bâtiments en ménageant entre leurs espaces de pierres une percée sur l'extérieur, l'extérieur visible et aussi l'extérieur invisible de l'inspiration et de la spiritualité. C'est pourquoi, il était naturel que cette inauguration du Centre international du vitrail ait une valeur symbolique au milieu de l'année du patrimoine.\