10 mai 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Interview télévisée de M. Valéry Giscard d'Estaing sur la coopération franco-africaine, le trilogue et le conflit tchadien, à l'issue de la conférence franco-africaine de Nice, le samedi 10 mai 1980

`Politique étrangère ` relations franco - africaines`
- QUESTION.- Monsieur le Président, ce sommet franco - africain de Nice a été essentiellement centré sur les questions économiques et sociales. Comment une conférence comme celle-là peut-elle contribuer concrètement à éviter les catastrophes économiques pour certains pays africains, puisque l'expression a été employée ici ?
- LE PRESIDENT.- Elle est employée à juste -titre : nous avons des difficultés économiques nous-mêmes, que les Français connaissent bien £ mais il faut savoir que les pays en développement, notamment les pays les plus pauvres, ont actuellement des situations économiques souvent catastrophiques.
- On peut dire en gros que les déficits des pays en développement vont représenter l'année prochaine aux alentours de 80 - 85 milliards `somme` de dollars. L'existence de ces déficits non financés les amène à restreindre leurs importations et à réduire encore leurs conditions d'existence et de développement. Naturellement la France n'est pas du tout à l'origine de ces difficultés, puisque c'est le renchérissement des prix de l'énergie, du pétrole, qui a déclenché cette nouvelle aggravation de la situation des pays en développement./ Nous pouvons rechercher sur-le-plan international des solutions positives, et nous avons examiné avec les représentants des pays africains ce qui pouvait être fait à cet égard. Ce qui peut être fait d'une part, c'est une action de coopération : je disais que la France maintiendrait, et même accroîtrait son effort de coopération en_direction des pays africains en 1980 et 1981 `année`. D'autre part, on peut rechercher des solutions sur-le-plan international : à-partir de l'été prochain, au mois d'août, vont s'ouvrir ce que l'on appelle les "négociations globales" dans-le-cadre des Nations-unies : nous avons préparé ensemble ces négociations.\
`Politique étrangère ` relations franco - africaines`
- QUESTION.- Monsieur le Président, les pays africains soutiennent le projet de trilogue, de coopération entre la Ligue arabe, l'Europe et l'Afrique. Pensez-vous que cette réaction favorable permettra d'aboutir à court terme à l'organisation d'une sorte de Conférence entre les représentants de ces trois groupes ou à la mise en_place d'une structure commune ?
- LE PRESIDENT.- A court terme, non, mais il y a eu un progrès très sensible. Je rappelle pour les téléspectateurs que ce trilogue, c'est l'idée d'établir des relations confiantes et régulières entre trois groupes de pays, les pays européens, arabes et africains. Ces pays sont à l'écart des super-puissances. Il n'y a pas de super-puissance dans ces trois groupes. Ce sont des pays qui sont voisins, autour de la Méditerranée, l'Europe au Nord, les pays arabes à l'Est, les pays africains au Sud. Ce sont des pays qui ont entre eux, ce qu'on ne sait pas, des échanges beaucoup plus développés qu'ailleurs dans le monde. Il y a déjà une certaine communauté d'intérêt et de culture entre eux. Et à un moment où tous trouvent le monde instable et dangereux, le sentiment de sécurité et de stabilité du monde ne serait-il pas amélioré si chacun savait, dans la rue, chez soi, que les pays européens, les pays arabes, les pays africains établissent des relations stables et pacifiques.
- Or j'ai été frappé de voir que cette idée, que j'ai lancée l'année dernière, connait maintenant un progrès incontestable et qu'elle a reçu, en séance, le soutien d'hommes aussi importants que le Président en exercice `M. SENGHOR` de l'Organisation de l'Unité Africaine `OUA` ou que le prochain Président `M. STEVENS` de cette même Organisation.
- Quel est le calendrier possible ? C'est d'abord de faire définir par chacun de ces trois groupes de pays une petite instance de négociation, entrant en-rapport avec les instances des deux autres groupes : c'est ensuite de prévoir une réunion des ministres des Affaires étrangères. Cette réunion, à mon avis, ne pourrait pas intervenir avant la fin de 1981 `date` £ c'est seulement à son occasion que l'on verrait si un sommet du trilogue est ou non souhaitable.\
`Politique étrangère ` relations franco - africaines`
- QUESTION.- Monsieur le Président, en Afrique, il y a aussi des risques de déstabilisation politique £ vous déclarez dans une interview à l'Express `journal` : "l'Occident s'est affaibli il n'a plus de ligne qui soit clairement comprise par le Tiers-Monde" £ alors vis-à-vis de l'Afrique et au nom de l'Occident, que peut faire et que doit faire la France pour corriger cette situation ?
- LE PRESIDENT.- Ce que je dis dans cette interview, c'est la constatation d'un fait. Vous êtes vous-mêmes des commentateurs : il n'y a pas eu dans les mois récents une ligne stable, constante, à laquelle les pays du Tiers-Monde pouvaient se référer en disant : "nous savons ce que veut et que fait l'Occident". Alors la France, elle, a une ligne en Afrique, parfaitement connue. Il est frappant de penser que 26 pays, dont 25 états africains, étaient réunis à Nice. Vous avez pu y observer les uns et les autres, recueillir des confidences, poser des questions. Vous avez vu qu'il n'y a entre nous ni tension, ni malentendu, parce que la ligne de la France est claire et connue : cette ligne c'est celle de la non-ingérence et de la solidarité. La non-ingérence : aucun pays africain ne craint que la France n'intervienne tout à coup dans ses propres affaires, et sans la moindre demande ou suggestion présentée par le Gouvernement du pays. Nous ne le faisons et ne ferons jamais. Mais en revanche solidarité : parce que les pays d'Afrique savent que lorsqu'ils ont des difficultés, ils peuvent demander à la France un appui pour les aider à les résoudre notamment en-matière économique et sociale. Nous maintenons, je l'ai dit, un programme particulièrement important de coopération et d'aide vis-à-vis de ces pays.\
`Politique étrangère ` relations franco - africaines`
- QUESTION.- Monsieur le Président, au-cours de cette conférence, vous avez lancé un appel à la paix au Tchad. Cet appel précède-t-il une initiative de la France ?
- LE PRESIDENT.- Non, il n'y aura pas à l'heure actuelle de nouvelles initiatives de la France, pour la raison simple que l'Organisation de l'Unité Africaine s'est saisie du dossier et qu'il ne faut pas multiplier les initiatives diverses. Il y a eu à la fois une mission très courageuse du Président du Togo, le Président EYADEMA, qui participait d'ailleurs à nos délibérations. A l'heure actuelle, l'OUA s'est saisie du dossier et suit l'évolution de la situation. Nous avions une délégation tchadienne qui a participé à nos délibérations, qui a fait une communication £ mais il n'y a pas eu de débat sur la situation politique du Tchad. Naturellement, la France, qui connait bien ce pays, suit avec beaucoup de regret et d'émotion le déchirement fratricide des populations tchadiennes. Mais la France a apporté une grande contribution au maintien de l'unité du Tchad au-cours des dernières années et elle continuera d'apporter son -concours £ en revanche, en ce qui concerne la présence de nos forces, j'avais indiqué que la France retirerait ses forces armées du Tchad : elle retirera ses forces armées du Tchad.\