1 février 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts du gouvernement en faveur des entreprises, à Paris le 1er février 2012.

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous pour inaugurer le 19e Salon des entrepreneurs.
Alors que la France et l'Europe sont touchées par l'une des crises sans doute les plus graves de ces 60 dernières années, alors que les équilibres du monde ont été si profondément bouleversés, il nous faut faire preuve de courage, de lucidité, et inventer les nouvelles réponses à une crise telle que nous n'en avons jamais connue dans son ampleur et dans ses contours.
Il faut prendre des risques. Il faut se remettre en question. Il faut s'adapter. En bref, il faut faire preuve des qualités dont vous faites preuve, vous les créateurs et les entrepreneurs.
Que dirait-on d'un entrepreneur qui reste arc-bouté sur ses certitudes ? Que dirait-on d'une entreprise qui refuserait l'innovation et le changement ? Que dirait-on d'un entrepreneur qui dépenserait davantage que ce qu'il ne gagne ? Que dirait-on d'un entrepreneur qui voudrait appliquer les techniques des années 80 pour faire face au monde de 2012 ? On jugerait qu'il mène son entreprise au déclin et à la ruine.
Je veux saisir l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous dire le prix que la France doit attacher à l'esprit d'entreprise et la confiance que la France doit accorder aux chefs d'entreprises.
La réputation de notre pays est que nous n'avons pas l'esprit d'entreprise. Rien n'est plus faux, cela arrange une partie des élites qui n'ont pas l'esprit d'entreprise, qui sont eux-mêmes peu entreprenant. C'est normal, ils sont assurés d'avoir les premiers postes quels que soient les efforts qu'ils font, parce qu'ils ont fait de bonnes études entre 18 et 22 ans. Ils n'ont donc pas besoin d'avoir l'esprit d'entreprise ! - Je précise que ce n'était pas dans le discours, lui-même préparé par bac+24, je le rajoute... -
Mais vous avez là le problème de l'image faussée de notre pays.
Les élites obéissent à un modèle, sont normées. Ce modèle est : il faut être le premier à l'école, être une bête à concours. C'est bien, formidable. Tant mieux. Mais tout le monde n'a pas les qualités pour être le premier à l'école et être une bête à concours. D'autres ont d'autres qualités qu'ils font valoir après 22 ans. On s'aperçoit d'ailleurs, que parfois cela avance très vite pour les uns et puis cela décline assez vite. Et puis pour d'autres, cela se révèle plus tard.
Mais c'est tout cela l'esprit d'entreprise. Car naturellement, quand on est assuré à 22 ou à 23 ans, d'avoir une place dans la société, parfois cela ne donne pas la force d'aller chercher ailleurs d'autres ressources, puisque de toute manière, on est garanti d'avoir cette place.
Je suis sûr que dans cette salle, il y a des gens qui ont fait des études, -et c'est très bien, il faut faire des études -, et puis il y en a d'autres, qui n'ont pas eu cette chance ou tout simplement qui s'ennuyaient à l'école. Cela peut arriver. Et puis il y en a d'autres qui se sentent pleins d'énergie, qui ont envie d'être leur propre patron, qui ont envie de créer, qui ont envie de réaliser, qui ne veulent pas être dans les codes habituels, qui ne veulent pas attendre, qui veulent se lancer dans l'aventure de l'entreprenariat. On a besoin de vous.
Mais vous êtes aujourd'hui plus de 2 millions et demi d'entrepreneurs individuels en France. Malgré 3 années de crise, 2,5 millions d'entreprises se sont créées depuis 2007. En 2011, un demi-million d'entreprises ont vu le jour, 4 fois plus qu'il y a 15 ans. Donc cela progresse.
Il y a eu le succès du statut d'auto-entrepreneur : 1 million de Français, dont 200 000 jeunes, ont choisi ce régime depuis sa création par Hervé NOVELLI en 2009. Une étude récente montre que 3 auto-entrepreneurs sur 4 n'auraient pas créé d'entreprise sans ce statut. C'est 4 milliards d'euros de chiffre d'affaire en 2011, réalisés par eux. Je sais, cela pose d'autre problèmes par ailleurs, mais on est en train de les résoudre.
La réponse au problème du chômage, ce sont les nouvelles entreprises. La moitié des nouvelles entreprises prévoit de recruter au moins 2 salariés dans les 2 ans qui viennent. Il faut cesser de croire que l'emploi public est l'alpha et l'oméga de la réponse au chômage. C'est une erreur, c'est un mensonge, c'est une impasse. Parce que naturellement, les postes de fonctionnaires, qui, par ailleurs, sont nécessaires, augmentent les dépenses publiques, qui donc doivent être financées, et pour les financer, on doit accroitre les charges. En augmentant les charges, on pénalise l'emploi, on pénalise les entreprises, on pénalise votre compétitivité.
Cela pose la question du rôle de l'Etat.
Le rôle de l'Etat, c'est de créer un environnement favorable au développement de vos projets.
Le rôle de l'Etat, c'est de diriger l'investissement vers vos entreprises, le moins que l'on puisse dire, c'est que vous en avez besoin.
Il y a vraiment quelque chose que je ne comprends pas : nous sommes l'un des pays où les banques sont les mieux implantées, nous sommes l'un des pays où il y a le plus de succursales, où il y a le plus de réseaux bancaires, nous avons les banques les plus importantes d'Europe. Et quand il faut prêter de l'argent aux PME, c'est l'Etat qui doit créer OSEO. Quand il faut prêter de l'argent aux petites industries, c'est l'Etat qui doit créer une banque de l'industrie. Et maintenant, quand il faut prêter de l'argent aux collectivités territoriales, M. le Ministre, c'est nous qui devons encore créer une banque. On se demande à qui les banques commerciales prêtent donc de l'argent s'il faut que l'Etat prête à OSEO, dont je félicite, par ailleurs, les dirigeants.
Je voudrais en appeler à la responsabilité et à la compréhension. Nous avons de très grandes banques. Je précise que ce ne sont pas mes ennemis, d'ailleurs je ne vois pas ce que cela amène de dire qu'untel ou untel est un ennemi. Si cela soulage celui qui le dit, c'est très bien, mais cela ne fait pas avancer la solution aux problèmes des autres.
Je voudrais que l'on ait cette réflexion sur le rôle du banquier dans la société. La place de la banque dans la société. Le rôle du banquier dans la société, ce n'est pas de gagner beaucoup d'argent très rapidement, c'est de faire confiance à des entrepreneurs, sur 5 ans, sur 10 ans, sur 15 ans. Prêter de l'argent à cette entreprise au début et être associé à la réussite de cette entreprise après. Le rôle d'un banquier, ce n'est pas d'entretenir des salles de marché où des jeunes ultra-diplômés, derrière des ordinateurs hyper-compétents, qui parient sur une chose aussi intéressante que de savoir si la bourse va franchir les 2000 points ou les 2100 points.
Franchement, nous n'en avons pas besoin. On a vu où cela conduisait le pays, on a vu où la finance dérégulée conduisait les finances publiques.
Je ne comprends pas une chose : quand il y avait des périodes de spéculation, de spéculation sur l'immobilier, n'importe quel promoteur pouvait aller trouver n'importe quel banquier pour acheter n'importe quel terrain, à n'importe quel prix, il y avait du crédit abondant. Et avec cela, on a créé une bulle immobilière, qui, comme toutes les bulles immobilières, tous les 10 ans, explose.
Quand il y a eu la bulle de l'internet, on ne rencontrait que des gens qui ne vous expliquaient pas ce qu'ils fabriquaient, mais qui vous expliquaient : « nous levons des fonds. » On ne comprenait pas tout ce qu'ils disaient, mais apparemment ils avaient trouvé des gens qui leur prêtaient de l'argent pour lever des fonds. En général, ils ont levé des fonds, cela s'est écroulé dans des proportions invraisemblables du jour au lendemain. Là il y avait des financements.
Quand c'est une petite industrie, chère Laurence PARISOT, qui demande à acheter une nouvelle machine, parce qu'elle a l'espérance d'un nouveau marché, c'est 100 000 euros d'investissement. Là, c'est la croix et la bannière pour trouver quelqu'un pour lui prêter. Ce n'est pas normal. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas acceptable et ce n'est pas cela le rôle qui doit être celui des banquiers au service de l'économie.
Je le dis d'autant mieux que, moi, je ne crois pas à la différence entre l'économie virtuelle et l'économie réelle. Je trouve que c'est trop simple et trop facile car, après tout, dans la sphère d'internet, il y a de la création d'emploi, il y a de la plus-value, il y a de la création de richesse. Je comprends parfaitement cela. Mais je n'arrive à comprendre pourquoi il y a un tel blocage, une telle frilosité au moment où vous, les entrepreneurs, vous avez besoin que l'on vous fasse confiance.
Depuis cinq ans, nous avons essayé de développer au maximum les possibilités pour l'entreprise dans notre pays. Ce fut d'abord la création du statut d'Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée. Nombreux parmi vous étaient ceux qui disaient : « il y a un problème, c'est que nous, les petits chefs d'entreprise, nous sommes plus exposés que le patron de la grande multinationale ». Pourquoi ? Parce si la grande entreprise fait faillite et s'il n'y a pas de faute pénale, on ne va pas chercher le dirigeant, ou les dirigeants, de la grande entreprise qui fait faillite sur son patrimoine personnel. En revanche, le chef d'entreprise d'une entreprise de 4, 5, 10, 15 personnes, on allait le chercher sur sa maison, sur son appartement, sur son patrimoine familial.
Avec le statut d'Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée, vous êtes protégés. Et en 2011, 6040 EIRL ont été créées dont les ¾ représentent des nouvelles entreprises. Par ailleurs, nous avons essayé d'alléger considérablement, - c'est Frédéric LEFEBVRE qui l'a fait -, les démarches que vous entreprenez et qui sont encore trop lourdes, j'en ai bien conscience. Nous avons mis l'ISF à la disposition des PME, c'est un milliard d'euros d'investissement.
Je vois aussi les faiblesses du système, parce que, chaque année, il faut trouver l'entreprise dans laquelle on doit investir. Par ailleurs, certains malins se sont emparés du système et prennent parfois des commissions extrêmement lourdes, trop lourdes, et on ne sait pas toujours si cela va vraiment aux petits entrepreneurs. Sans doute, il va falloir qu'on y réfléchisse.
Nous avons mis en place le système de l'impôt sur les sociétés à 15% pour les TPE. J'ai vu que certains le promettaient. Voilà une promesse qui ne sera pas difficile à tenir, c'est déjà fait ! De ce point de vue-là, c'est une bonne nouvelle !
Nous avons supprimé l'imposition forfaitaire annuelle, c'était une demande que vous nous présentiez régulièrement. Nous avons supprimé la taxe professionnelle. C'est quand même 4 milliards d'euro en moins, en particulier pour les entreprises industrielles.
Nous avons décidé d'exempter de charges les Très Petites Entreprises qui embauchent un jeune, parce que ce dispositif fonctionne même s'il est coûteux.
Nous avons essayé de résoudre un problème qui était extrêmement irritant pour vous : lorsque vous aviez un marché avec l'Etat, l'Etat ne vous payait pas, je veux dire qu'il payait avec retard. Aujourd'hui, les dépenses de l'Etat sont payées en moins de 30 jours. Le délai était de 27 jours en 2010. Le délai dans lequel l'Etat payait en 2006, c'était 41 jours. De ce point de vue, cela pose clairement une question morale : l'Etat doit appliquer les règles qu'il veut faire respecter par les entreprises. Sinon, on n'est pas dans une société d'état de droit.
Mesdames et Messieurs,
On ne va pas passer tout notre temps sur ce que l'on a fait. Après tout, ce que l'on a fait, ce n'est que notre devoir. Ce qui compte maintenant, c'est ce que l'on va faire.
Je voudrais vous dire ma conviction absolue qu'on ne peut pas répondre à la problématique du XXIe siècle avec les idéologies du XXe. La grille de lecture du débat politique ou du débat économique, la grille de lecture habituelle est totalement obsolète. Nous sommes au XXIe siècle dans un monde ouvert.
Nous faisons 60% de notre commerce extérieur avec l'Europe. Vous êtes en compétition avec nos voisins les plus immédiats, je pense à nos amis allemands. Si on ne vous met pas en situation d'être en compétition à égalité de charges avec nos voisins, alors vous ne pourrez pas développer vos entreprises et si vous ne pouvez pas développer vos entreprises, nous ne pourrons pas répondre à la demande d'emploi dans notre pays.
Ce n'est pas une question de gauche ou de droite. Ce n'est pas une question de savoir si on est pour le libéralisme, pour le keynésianisme, le monétarisme, c'est une question de bons sens. Le monde est devenu un village. Nous sommes en compétition avec le monde entier. Le pays est ouvert, personne ne mettra une ligne Maginot. D'ailleurs la ligne Maginot, cela n'a jamais fonctionné !
Nous n'avons pas d'autres solutions que de nous battre à armes égales en faisant plus d'innovations et d'investissements que les autres, en formant mieux notre main-d'uvre que les autres et en allégeant le poids des charges qui pèsent sur vous. C'est une affaire qui est indispensable et qui s'impose à tout gouvernement quel qu'il soit. J'ajoute que, dans le même temps, il nous faut rembourser nos dettes et réduire nos déficits, parce qu'on ne peut pas alléger les charges qui pèsent sur le travail et sur vous si on ne diminue pas les dépenses.
Ce fut un débat qui vous concerne : la réforme des retraites en 2010. Qu'il faille se battre avec une telle énergie pour faire comprendre ce qui est compris par le monde entier... L'idée c'est que quand on gagne une année d'espérance de vie tous les quatre ans, il n'y a pas d'autre solution que de vous demander de cotiser plus longtemps pour payer la retraite qui sera la vôtre. Si on vit plus longtemps, on doit cotiser plus longtemps, parce que la retraite est payée par la cotisation de ceux qui travaillent. Passer la retraite de 65 à 60 ans en 1983 fut une erreur, une démagogie, un mensonge, même ceux qui l'ont fait à l'époque savaient que ce n'était pas raisonnable, parce que les perspectives démographiques, elles existaient.
Quand en 2010, il a fallu faire la réforme des retraites, toutes les organisations syndicales étaient opposées. Je peux comprendre : personne n'a envie de prendre cette impopularité. Mais qu'il se soit trouvé tant de forces politiques pour refuser l'évidence, c'est absurde, parce que ce n'est pas une réforme de droite ou une réforme de gauche. Pour un million et demi de retraités, les retraites n'étaient pas financées.
Alors, il y avait trois solutions, pas quatre.
La première, c'est de baisser les pensions de retraite aux 15 millions de retraités qui ont déjà des petites pensions. Je pense que ce serait injuste socialement.
La deuxième solution, c'était d'augmenter les cotisations payées par les entreprises. C'est le contraire de ce qu'il faut faire, parce que cela accroît le coût du travail, alors que vous êtes en compétition.
La seule solution qu'il restait, c'était de demander aux gens de travailler deux années de plus tout au long de leur vie, parce que vivant plus longtemps, dans ces vies plus longues, la part de la vie active doit également s'allonger. Les Français l'ont compris. Il est quand même invraisemblable de voir que tout le monde dans les élites politiques n'a pas compris ce que les Français comprennent parfaitement.
Bien sûr, il n'est pas facile de dire aux gens qu'ils vont devoir travailler deux années de plus, mais si vous n'avez pas le courage de leur dire cela, expliquez-leur qu'ils vont vivre plus longtemps, que c'est une bonne nouvelle, qu'il n'y a pas besoin d'avoir peur. En tout cas, ceux qui disent qu'ils reviendront sur la réforme que nous avons construite, mentent. C'est un mensonge. Il n'est pas plus acceptable, parce qu'il est un mensonge d'Etat. Il est plus grave, parce qu'il est un mensonge d'Etat. Quand on a les responsabilités ou quand on aspire à des responsabilités, on a un devoir de vérité et de responsabilités. Tout n'est pas dans la facilité. Tout n'est pas dans le « systématiquement dire oui ». Tout n'est pas dans la démission. Tout n'est pas, « allez, on met la poussière sous le tapis pour être sûr de laisser aux autres ce qu'on n'a pas le courage de faire soi-même.
La réforme des retraites, c'est 22 milliards d'euros de recettes en plus par le travail des Français. En 2017, les retraites seront payées et, avec cela, on peut faire des allègements de charges sur vous.
Mais ce n'est pas tout, et je le dis très simplement, nous avons un problème en Europe où le coût du travail est trop élevé. Alors combien ont été nombreux ceux qui m'ont dit : « mais Nicolas, ne parle pas de cela », alors je dis « pourquoi ? Parce que ce n'est pas important ? » Alors ils disaient : « si, c'est important, mais ce n'est pas la période. » Ce n'est jamais la période.
En 2010, c'était trop tôt pour faire la réforme des retraites, souvenez-vous. On n'avait pas assez parlé, on ne s'était pas assez écoutés, on avait les études depuis 25 ans qui disaient qu'on allait dans le mur, mais il fallait qu'on continue à se regarder droit dans les yeux pour conclure que c'était difficile et qu'on se retrouverait le lendemain pour savoir ce qu'il convenait de faire. Pendant ce temps, tous les autres pays le faisaient. Et ceux qui ne l'ont pas fait se retrouvent dans les situations qui sont celles de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne et de l'Italie. Que ceux qui n'ont pas le courage d'assumer des décisions difficiles proposent aux Français l'avenir qui est aujourd'hui le présent de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne ou de l'Italie qui doivent faire des efforts sans précédent parce qu'au moment où il fallait faire les réformes, les dirigeants de l'époque n'ont pas eu le courage de mettre en uvre ces réformes.
Sur les charges, il faut regarder les choses comme elles sont, depuis les 35 heures, c'est-à-dire depuis le début des années 2000, les entreprises françaises n'ont cessé de perdre des parts de marché, non pas vis-à-vis de la Chine ou de l'Inde, mais en Europe. Les chiffres parlent et ne peuvent pas mentir. Sur un emploi de 4 000 euros, le même entrepreneur en Allemagne, de l'autre côté de la frontière, va payer 840 euros de charges, et en France, le même entrepreneur, de l'autre côté de la frontière, va payer le double de charges, 1 720 euros de charges. Comment voulez-vous que les entreprises françaises puissent se développer si elles payent le double de charges sur un emploi à 4 000 euros que les entreprises allemandes ? Ce n'est pas une affaire, là encore, d'idéologie, c'est une affaire de bon sens.
Nous avons donc décidé, avec le Premier ministre et les ministres, d'exonérer les entreprises françaises de cotisations patronales finançant la politique familiale.
D'abord, je veux dire une chose, parce que je la crois profondément juste : ce n'est pas aux entreprises françaises de payer la politique familiale de la France. La politique familiale de la France doit être assumée par la France, mais la politique familiale n'a pas à être portée par les entreprises françaises.
Nous avons donc décidé d'exonérer jusqu'à SMIC multiplié par 2,4 de la quasi-totalité des charges des cotisations familiales portant sur les emplois. C'est un allègement supplémentaire pour les entrepreneurs, pour vous, sur les emplois que vous allez créer ou que vous avez créés, de 13 milliards d'euros. Pour que vous compreniez l'importance du choix que nous avons fait : jusqu'à présent, les allègements de charges financés par l'État, c'est 22 milliards d'euros. Avec la décision qui sera votée par le Parlement au mois de février, nous passerons à 35 milliards d'euros. C'est 50% d'allègement de charges en plus pour l'entreprise France, pour vous dans la compétition. C'est un choix absolument sans précédent qui était demandé depuis des années et que j'assume sans aucun état d'âme.
Naturellement, il n'était pas question de financer ces 13 milliards par du déficit. Donc il faut trouver un financement pour ces exonérations. Nous y avons beaucoup travaillé et beaucoup réfléchi.
Comprenez les choses : savez-vous que pour la construction d'automobiles en France, alors que nous avons deux des grands champions automobiles du monde, PSA et Renault, nous sommes devenus, tenez-vous bien, importateurs de voitures. Importateurs de voitures parce que le mouvement de délocalisations a été massif, et que la France a perdu en 10 ans, un demi-million d'emplois industriels Le mot « délocalisation », ce n'est pas un gros mot, c'est une réalité. Alors il est vrai, cette réalité n'est pas la même selon qu'on appartient aux élites, où on parle des délocalisations comme de la possibilité de gagner des marchés à l'extérieur, je ne suis pas contre, ou selon qu'on appartient au monde des salariés ou des ouvriers et à ce moment-là, c'est son entreprise qui ferme, c'est son emploi qui disparaît, alors qu'on n'y est pour rien.
Comprenez-moi, Mesdames et Messieurs, imaginez la colère qui peut être celle d'un homme ou d'une femme : quand on fait une erreur et qu'on perd son emploi, on regrette son erreur, on se dit : « je n'aurais pas dû ». Mais quand on perd son emploi et qu'on n'y est pour rien, il y a de quoi être furieux.
Le problème français des délocalisations est un problème immense. Si cela coûte plus cher de construire des voitures en France que de les construire à l'étranger, naturellement, la tentation de nos dirigeants va être de continuer à les construire à l'étranger parce qu'en France c'est trop cher. A ceux qui ne veulent pas ou n'osent pas assumer un point et demi de TVA, moi je pose la question : alors vous serez complices des délocalisations ? Les délocalisations, cela ne vous gêne pas ? La France qui se vide de son sang industriel, vous êtes complices ? Cela ne vous gêne pas ? Voilà ce qui arrive lorsqu'on tient le discours de la facilité et lorsqu'on n'est pas capable d'assumer les problèmes de la France tels qu'ils se posent. Naturellement, il est plus facile de promettre des baisses d'impôts que de promettre des hausses d'impôts, c'est tellement simple. Mais alors, qu'est-ce que l'on fait, on reste les bras croisés ? On attend que toutes nos industries s'en aillent ?
Moi, que l'on aille fabriquer des voitures à l'extérieur pour gagner les marchés, cela ne me gêne pas. C'est normal. Mais qu'on aille construire des voitures à l'étranger pour les faire vendre en France ensuite, cela, je ne l'accepte pas.
Parce que c'est du dumping social, parce que ce n'est pas de la conquête de marché extérieur, parce que c'est sacrifier les emplois français sur l'autel de la rentabilité financière. C'est faire le choix du cours de bourse plutôt que de faire le choix de l'emploi industriel en France. Et certains l'ont fait d'ailleurs. Un jour, je serai très heureux de m'en expliquer.
Nous avons donc décidé que pour financer ces exonérations de charges qui vont vous permettre de créer des emplois et d'être plus compétitifs, on va faire un point et demi de TVA en plus, 1,6. Pourquoi la TVA et pas un autre impôt ? Parce que sur ces mêmes dix années, mes chers compatriotes, vous avez acheté 50% de produits importés en plus. Il ne s'agit pas de critiquer le choix des produits importés. Vous voulez des télévisions à écran plat, vous voulez des téléphones portables psychédéliques, vous voulez des ordinateurs, vous voulez de l'informatique, c'est très bien. Je voudrais simplement vous dire une chose : il n'y a pas un seul de ces produits qui est fabriqué en France. En augmentant d'un point et demi la TVA, on frappe ces produits importés et on les fait participer au financement de notre protection sociale. Pourquoi allons-nous nous priver de cela ?
A ceux qui me disent : « il fallait augmenter la CSG », je dis : la belle affaire ! Mais la CSG, les importations ne la payent pas. C'est le contribuable français qui la paye, tandis que la TVA, les produits importés la payent. Si vous achetez plus de produits importés, eh bien les produits importés financeront notre protection sociale.
J'ai fait une exception à cela pour la CSG sur les revenus financiers. J'ai considéré qu'il était normal qu'elle participe.
Que l'on me comprenne bien, je ne suis pas quelqu'un qui est fasciné par les augmentations d'impôts, au contraire. Je veux que les délocalisations s'arrêtent. Je veux qu'on reste une terre de production. Mon projet économique, c'est qu'on garde nos usines, qu'on continue à fabriquer en France, non pas à fabriquer français comme je l'ai entendu, peu m'importe.
Moi, à la limite, je préfère qu'on achète d'une entreprise étrangère qui fabrique en France plutôt que d'une entreprise française qui fabrique à l'étranger. Ça c'est le choix : produire en France, pas produire français, consommer ce qui est produit en France plutôt que ce qui est produit à l'étranger.
Voilà la démarche qui est la nôtre pour alléger vos entreprises et vous permettre d'être compétitifs. Je suis d'ailleurs fasciné de voir que nous sommes les seuls à parler de la compétitivité, comme si le problème ne se posait pas. C'est votre problème quotidien. Chaque minute qui passe vous vous dites « attendez, comment faire le produit le plus compétitif, comment emporter cet appel d'offre, comment faire mieux que le voisin, comment augmenter ma part de marché ? ». Voilà la contribution qui est la nôtre.
Nous avons voulu une deuxième mesure qui est extrêmement importante. Au milieu des années 2000, nos amis allemands ont fait un choix double qui s'est avéré payant puisque l'Allemagne est le seul pays d'Europe qui voit son chômage décroitre. Moi, je ne suis pas fasciné par le modèle allemand, je n'ai pas envie de m'installer dans un autre pays que le mien. Mais quand on est chef d'État, est-ce que vous ne croyez pas que le mieux qu'on puisse faire pour son pays, c'est de regarder ce qui marche ailleurs et de cesser d'être fasciné par ce qui ne marche pas ? Du côté de ce qui ne marche pas, nous en France on a tout essayé. Et franchement cela a été un triomphe. Franchement les 35 heures c'était merveilleux, ah ça, pour ça, on a été spécifiques ! Il n'y a pas un autre pays qui a fait le choix des 35 heures, compte tenu du résultat des 35 heures on comprend pourquoi les autres n'ont pas fait ce choix-là !
Au milieu des années 2000 les Allemands se disent deux choses. La première : on va faire confiance au dialogue dans l'entreprise au lieu de faire confiance simplement au dialogue national. Dans une entreprise, il y a des salariés, un chef d'entreprise et si ils étaient responsables des deux côtés et si on leur faisait confiance ? Idée très originale.
Et puis la deuxième chose, deuxième choix stratégique qu'ils font, c'est qu'ils se disent « on va faire le choix de l'emploi, parce que l'emploi c'est le pouvoir d'achat. Quand on n'a pas d'emploi on n'a pas de pouvoir d'achat. » Et c'est là qu'ils créent les accords compétitivité-emploi. Et ça marche.
Je ne vois pas au nom de quoi, ce qui a été signé par les syndicats allemands, les syndicats les plus puissants d'Europe, devrait être à priori refusé par les syndicats français. Je ne vois pas pourquoi ce qui a été défendu par les socialistes allemands aurait du mal à être porté par la droite et le centre français. Et donc nous avons, - le premier ministre a écrit hier aux syndicats et au patronat -, donné deux mois aux partenaires sociaux pour négocier ces accords compétitivité-emploi. Cela veut dire que dans vos entreprises, vous serez libres, libres de discuter salaire, durée du travail, maintien de l'emploi. Vous serez libres par exemple de dire : « eh bien, écoutez, tout d'un coup le carnet de commande augmente, eh bien on va travailler plus et on vous payera plus ». Liberté. Vous serez libres, quand le carnet de commande diminue, de dire : qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on licencie ou est-ce que chacun fait un effort ? La liberté, la confiance et la responsabilité. On me dit : « Monsieur le Président, vous êtes toujours pressé, deux mois ! » Deux mois pour discuter pour se comprendre, les autres cela fait huit ans. Est-ce qu'il faut attendre encore huit ans pour faire ce que font les autres avec le succès qu'on connait ?
Je suis confiant qu'un certain nombre d'organisations syndicales répondront à l'appel qui a été lancé par les chefs d'entreprises, par vous, de discuter. Si la discussion se déroule bien, on la laissera faire. S'il devait y avoir un blocage idéologique, cela arrive parfois dans notre pays, il ne faudra pas dramatiser. Dans ce cas-là, le gouvernement déposera immédiatement un texte sur le bureau du Parlement pour que ces accords compétitivité-emploi deviennent réalité.
Enfin la banque de l'industrie. Je félicite les gens d'OSEO parce que j'ai vu qu'il y avait déjà le logo « OSEO Industrie » ! Nous allons doter OSEO Industrie d'un milliard d'euros ce qui va permettre de vous faire 10 milliards d'euros de prêts et notamment, quelque chose qui à mes yeux est fondamental pour vous, nous allons permettre à OSEO Industrie de faire des quasi-fonds propres pour les entreprises qui sont les vôtres. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre d'entre vous, vous avez besoin d'argent pour vous développer. Il y a des fonds qui sont prêts à vous le prêter, mais ils demandent de devenir associés dans votre entreprise et vous ne le voulez pas. Avec les quasis fonds propres d'OSEO Industrie vous aurez ces fonds à votre disposition sur le long terme, mais vous ne serez pas obligés de prendre un associé que vous ne souhaiteriez pas et notamment un associé financier qui vous demandera des taux de rendement qui risquent de crucifier votre entreprise au moment où cela va moins bien.
Voilà les décisions que nous avons décidé de prendre, je les assume.
Je voudrais terminer en vous disant ceci : c'est toujours pareil, on me dit « mais alors pourquoi vous les prenez si tard ? » Mais la crise ! Le premier semestre 2011, pour vos chiffres d'affaires comme pour l'emploi, sur les six premiers mois de 2011, il y a 5 mois où le chômage baisse. La crise que nous connaissons aujourd'hui elle explose quand ? A l'été 2011. Cette crise crée des conditions nouvelles, alors on me dit : « ah oui mais il y a des présidentielles, il ne faut rien faire, il faut attendre... ». Pour celui qui est au chômage, c'est intéressant ! On lui dit : « écoute, laisse les s'expliquer là-haut », et pendant ce temps c'est le chômage. Le problème, c'est qu'après les présidentielles qui ont lieu en mai, il y a des législatives. Si on ne fait rien avant les présidentielles, on ne fait rien aussi avant les législatives. Les législatives c'est fin juin. Et après le mois de juin, je vais vous dire quelque chose de très original : il y a le mois de juillet. Après toutes ces campagnes, ils vont être fatigués, il faut partir en vacances. Ce qui veut dire que ceux qui veulent ne rien faire maintenant, vous proposent d'attendre le début du mois de septembre pour faire. Vous êtes chef d'entreprise, ou vous aspirez à devenir chef d'entreprise, vous savez que neuf mois pour vous c'est vital. En neuf mois, une entreprise peut disparaitre, une opportunité peut être ratée. Des milliers de personnes peuvent être au chômage, il faut aller vite. Il faut être réactif.
Mesdames et Messieurs,
Ce sera ma conclusion, je crois que les valeurs entrepreneuriales, nous devons nous en inspirer : du pragmatisme, de la réactivité, de l'optimisme, de l'audace, de la prise de risque. C'est cela qui permettra à la France de réussir. Tout le reste échouera. On va s'en sortir. Tous les autres, tous ceux qui ont pris ce chemin, ont développé leur économie, ils ont créé leurs emplois. Nous n'avons pas d'autre alternative possible.
J'ai été très heureux de pouvoir partager ces convictions avec vous. Je terminerai en vous disant juste une chose : prenez votre chance, saisissez-la, parce que si vous, vous ne croyez pas en votre chance, personne n'y croira pour vous. J'ai vu des jeunes, tout à l'heure, fantastiques qui avaient des projets avec des idées qui ne m'auraient pas traversé l'esprit une minute !
Mais je trouve cela tellement réjouissant pour notre pays qu'à 20 ans, à 22 ans à 25 ans, on se dise : « mon rêve, c'est de créer mon entreprise, d'avoir des responsabilités sur les épaules. De participer à la construction et à la création de richesse de notre pays, de donner des emplois aux autres, de me battre pour réussir ». C'est tellement réjouissant par rapport à un discours ambiant qui ne parle que d'assistanat, que de dépenses en plus, que de filets de sécurité dans tous les sens, et qui fait que la France au lieu de regarder vers l'avenir se tournera vers le passé.
Bonne année à chacun d'entre vous, et bonne réussite dans vos projets personnels et professionnels.