30 janvier 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la réforme du Traité européen, la situation économique de la Grèce et sur les mesures en faveur de la croissance et de l'emploi, à Bruxelles le 30 janvier 2012.

Mesdames et Messieurs,
Ce ne sera pas une conférence de presse parce qu'au fond, tout s'est passé exactement comme nous avions prévu pendant cette réunion de travail, il n'y a rien qui a été décidé que vous ne sachiez déjà.
S'agissant du traité, les choses ont fonctionné comme on l'avait prévu, la mise en place de l'accord qui avait été négocié le 9 décembre, les rendez-vous du mois de mars et du mois de juillet sont prévus comme il a été indiqué. Le traité sera mis en place. Le progrès de la gouvernance de la zone euro se met également en place comme nous l'avions demandé et je précise simplement que la zone euro se réunira en sommet de chefs de gouvernement et de chefs d'État pour traiter des problèmes de la zone euro à 17.
Et lorsque nous prendrons des décisions qui concerneront la compétitivité, c'est le pacte Euro Plus que nous avions négocié, nous inviterons ceux qui veulent adhérer à la zone euro et qui n'y sont pas encore.
Donc la gouvernance économique sera réglée par les 17 chefs d'État et de gouvernement, dans des réunions qui se tiendront sous forme de sommets autant que de besoin. Cette gouvernance, que nous appelons de nos vux depuis de nombreuses années, se met donc en place et sera traduite dans le traité que nous sommes en train de rédiger et dont nous avons prévu l'adoption pour le mois de mars je crois.
S'il y avait une ou deux questions, j'y répondrais bien volontiers et après je rentrerais à Paris.
QUESTION -- En ce qui concerne l'accord dont vous venez de parler, est-il exact que, outre la Grande-Bretagne, la République tchèque a choisi de ne pas l'appliquer ou de s'en retirer, et deuxième point, avez-vous évoqué la situation grecque et est-ce que cela avance et dans quels termes ?
LE PRESIDENT -- Le Premier ministre tchèque nous a indiqué que pour des raisons constitutionnelles, il souhaitait ne pas adhérer au futur traité. Nous avons pris acte de cette décision qui est en quelque sorte une clarification. Alors, je ne connais pas assez les modalités du jeu politique à Prague pour savoir pourquoi ce qui était acceptable en décembre ne l'est plus aujourd'hui, je n'en sais rien, mais bon voilà, ce sera donc un traité à 25 puisqu'à l'inverse le Premier ministre du Danemark nous a indiqué que son Parlement l'autoriserait à ratifier ce traité. Donc se sera un traité à 25.
Oui, il y a eu un rapport du Premier ministre grec sur la situation en Grèce qui n'a pas fait l'objet d'un débat puisque ce n'était pas le lieu, c'était une réunion à 27 comme vous le savez. Sur la situation en Grèce, ce que je peux vous dire, c'est que les négociations avancent dans la bonne direction et que nous avons bon espoir que la situation de la Grèce fera l'objet d'un accord définitif, disons dans les quelques jours qui viennent. Cela fonctionne bien mais, si vous voulez, ce n'était pas l'objet de la réunion des 27 chefs de gouvernement puisque le problème de la négociation de la Grèce est un problème entre le secteur privé, éventuellement d'autres institutions européennes, et la Grèce, ce n'était pas un problème des 27 en quelque sorte.
QUESTION - Toujours en ce qui concerne la Grèce, je voulais savoir quelle est votre opinion. Est-ce que vous pensez que le redressement de la Grèce doit être géré d'Athènes ou est-ce que, comme certains ont pu le dire outre-Rhin, il doit être réglé de Bruxelles ?
LE PRESIDENT -- En aucun cas. Le redressement de la Grèce ne peut être mis en uvre que par les Grecs démocratiquement qui doivent respecter la parole qu'ils ont donnée et c'est un pays souverain. Par conséquent, c'est avec eux que les choses doivent se faire. Qu'il y ait une surveillance étape par étape des engagements que prennent les Grecs, c'est tout à fait normal. Mais il ne peut pas être question de mettre quelque pays que cela soit sous tutelle. D'ailleurs, pour en avoir parlé avec la Chancelière, je peux vous dire que c'est exactement sa position, en tous cas telle qu'elle me l'a indiquée. Et vous avez bien fait d'employer l'expression « certains outre-Rhin ont dit que » £ ce n'est pas une position qui a été exprimée et encore moins défendue par la Chancelière MERKEL. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir une surveillance des engagements, mais à l'évidence, on ne peut pas mettre un pays sous tutelle comme cela et le gérer de l'extérieur. Cela ne serait pas raisonnable, cela ne serait pas démocratique et pas efficace pour tout dire.
QUESTION -- Monsieur le Président, est-ce qu'on a résolu la question de l'accord de justice dans le traité ?
LE PRESIDENT -- Oui il est exactement résolu. Et si vous voulez, là, on était vraiment dans des points, comment dire, de mise en uvre de l'accord que nous avions négocié - je crois que c'était le 9 décembre si mon souvenir est exact -, donc il s'agit étape par étape de mettre en forme juridique l'accord que nous avons conclu. Et dans l'accord que nous avions conclu, la Cour de justice ne pouvait pas annuler un budget, la Cour de justice tout juste pourrait-elle vérifier la conformité de la règle d'or adoptée par tel ou tel Etat avec les engagements européens qui ont été pris dans le futur traité. Donc ce problème n'a même pas été évoqué. Le problème qui a été évoqué, c'est celui des réunions de la zone euro, à quel moment doivent-elles être à 17. A quel moment doivent-elles s'élargir à ceux qui ne sont pas encore membre de la zone euro mais qui souhaitent y participer ? Cela a été l'un des problèmes en discussion et que nous avons réglé selon les modalités que je vous indiquais tout à l'heure.
QUESTION -- Monsieur le Président, on a révisé à la baisse la prévision de croissance pour 2012. Aujourd'hui, on est à 0.5%. Dans quelle mesure est-ce que cela affecte la capacité de la France à tenir ses engagements européens ? Et j'ai une autre question si vous le permettez au sujet de la hausse de la TVA dont vous avez parlé hier soir. M. Hollande l'a qualifié d'inopportune, d'injuste, d'infondée et d'improvisée. Que lui répondez-vous ?
LE PRESIDENT- Rien, de Bruxelles, rien. Et je suis à Bruxelles dans un sommet européen, la France prend des engagements qu'elle tiendra et j'aurai bien le temps dès demain de revenir à Paris et de répondre s'il y a lieu de répondre à des déclarations qui ne sont pas d'une telle originalité qu'elles méritent une réponse immédiate. Et pardon, en revanche j'ai oublié votre première question. La révision de la croissance, le Premier ministre l'a annoncée tout à l'heure c'est une question de crédibilité. Nous étions à 1% si mon souvenir est exact, les Allemands ont révisé et, ils étaient beaucoup plus haut à 2% je crois, sont passés à 0,75, on est passé à 0.5, cela ne change rien en terme de respect des engagements puisque j'ai eu l'occasion de le dire nous sommes en avance sur le calendrier de réduction de déficit. Donc, c'est simplement une adaptation - dont j'admets bien volontiers d'ailleurs que nous sommes dans le domaine des prévisions - et tout ceci doit être manié avec beaucoup de prudence puisque cela dépend de notre capacité à juguler définitivement la crise financière et cela serait une étape très importante si nous arrivions dans les jours qui viennent à régler la question grecque qui empoisonne le calendrier européen depuis des mois.
QUESTION -- Vous nous avez indiqué à propos de la Grèce que c'était une négociation entre le secteur privé et le gouvernement grec, mais en faisant quand même allusion à d'autres institutions européennes. A quoi pensez-vous ? Considérez-vous que la Banque centrale européenne ou des banques centrale ou des établissements de type Caisse des dépôts en France devraient accepter une décote sur leur portefeuille d'obligations grecques ? Et puis deuxième petite question, sur le traité : pensez-vous que cela sera possible de le ratifier en France avant les élections ?
LE PRESIDENT --Pourquoi dites-vous petite question ? Pourquoi vous sous-estimez-vous ? J'ai dit des institutions européennes, je ne préciserais pas d'avantage, mais à ma connaissance la Caisse des dépôts n'est pas encore une institution européenne. Les institutions européennes décideront souverainement et de façon indépendante s'il y a lieu ou pas de donner un coup de main pour régler définitivement une situation, qu'il faut régler définitivement parce que cela donnera me semble-t-il un acquis de confiance immense pour la zone euro.
Pour le traité, on devrait l'adopter ici au mois de mars .Et vous me demandez si l'on pourrait le ratifier avant la présidentielle. C'est-à-dire avant fin avril, début mai. Vous trouvez vous aussi qu'il y a du temps utile pour agir avant la présidentielle alors ? Peut-être savez-vous que, pendant la campagne présidentielle, le Parlement ne se réunit pas et qu'il est donc difficile de faire ratifier un traité par un Parlement qui n'est plus en cession. Cela me semble difficile pour la raison que je vous indique. Et c'est la raison pour laquelle il faut profiter du travail du Parlement en février. Ma position n'aurait pas été la même si on avait eu le traité début février. Comme on l'aura début mars, si tout se passe bien, ce qui est déjà très rapide. Rendez-vous compte, accord le 9 décembre, traité début mars. Débat de ratification au Parlement français en pleine campagne électorale pour le coup, il me semble que non, cela ne me semble pas raisonnable. Ce n'est pas du tout une finesse politique ou une argutie politique. Tout simplement parce que le Parlement en pleine campagne ne sera pas en situation de se réunir. Quoi qu'il arrive, je ne doute pas que ce traité sera ratifié, et vous le savez bien.
QUESTION -- Quelles sont les mesures qui ont été trouvées pour relancer l'emploi et la croissance en Europe ?
LE PRESIDENT -- Alors, il y a tout un tas de mesures que vous verrez dans le communiqué sur la meilleure utilisation des fonds structurels, sur la formation et l'alternance pour les jeunes. Il y a même une disposition qui vous intéressera beaucoup, c'est une recommandation qui consiste pour l'Europe à recommander aux Etats d'alléger les charges en reportant sur la fiscalité indirecte le poids de ces charges. Peut-être cela vous rappellera-t-il quelque chose ?
Je veux bien vous faire le résumé du communiqué que vous allez recevoir, mais je ne suis pas sûr que cela apporterait une plus-value par rapport au texte qui va sortir. On a tous convenu que la question aujourd'hui, c'était une question de croissance et de compétitivité et pas une question de réduction des déficits, qu'il faut continuer à réduire, mais les décisions ont été prises et le chemin doit continuer dans cette direction.
QUESTION -- Monsieur le Président, il va y avoir un autre sommet sur la Grèce d'ici février ou quelques semaines ?
LE PRESIDENT -- Je ne prends aucun engagement. Je vous dis simplement que les négociations avec la Grèce, cela se passe bien, que nous sommes dans une phase conclusive. Est-ce que ça doit être réglé par les ministres des Finances ou par une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, la question n'est pas tranchée.
Ce qui est en revanche clairement dans nos esprits, c'est de régler ça dans les jours qui viennent -- enfin, de régler la question, l'accord qui a fait l'objet lui aussi d'une négociation dans la nuit du 8 au 9 décembre, dans les jours qui viennent. On n'a pas pris de décision et je ne peux pas vous dire ce qui se passera exactement.
Vous êtes très en forme merci !
QUESTION -- Lors de votre émission hier à la télévision française, vous avez fait état de la disparition de l'industrie britannique. Est-ce que vous avez évoqué la question avec M. CAMERON aujourd'hui ?
LE PRESIDENT -- Je n'ai pas voulu vous fâcher, je n'ai pas voulu vous vexer, je n'ai pas voulu vous offenser, surtout. Simplement j'ai voulu signaler que nos amis britanniques, car ce sont nos amis vous le savez, ont choisi de donner la priorité aux services et notamment aux services financiers si j'ai bien compris. Et que c'était un choix que je respectais, qui correspondait d'ailleurs aux liens historiques que nos amis britanniques comptent avec nos amis américains et que nous, nous avons fait le choix de développer les services, les services financiers et aussi l'industrie.
C'est une spécificité qui nous rapproche peut-être plus de nos amis allemands, par rapport à nos amis britanniques. On est tous amis et merci de m'avoir posé cette dernière question qui visait à renforcer encore cette amitié, c'est bien ça, si j'ai bien compris ce que vous exprimiez ?
Non, on n'en n'a pas parlé du tout et M. CAMERON était là, il a participé aux discussions, même si, comme vous le savez, il a choisi de ne pas signer le traité dont il ne partage pas les objectifs, ce qui est tout à fait son droit. Et il sera donc désormais avec les Tchèques - en tout cas, à la minute où je vous parle, parce que là encore on m'a indiqué que c'était des problèmes constitutionnels mais je suis tout à fait prêt à dire aussi que les Tchèques sont nos amis.
De toute façon, je pense qu'il vaut bien mieux qu'il y ait une clarification et que l'Europe sorte de l'ambiguïté. Ceux qui sont d'accord pour ce nouveau traité doivent le dire, doivent le mettre en uvre avec toute la force nécessaire. Et ceux qui ne sont pas d'accord ou ont des réserves, doivent dire : « on a des réserves, on ne signe pas », et je crois très sérieusement ce travail de clarification nécessaire.
L'Europe repose sur des compromis, il faut faire des compromis, mais il y a un moment où le compromis qui va trop loin risque de mettre en danger la totalité de l'édifice. Je crois que ça, c'est vraiment quelque chose qu'il est important de comprendre.
Donc, il y aura 3 niveaux de réunions :
Quand c'est le marché unique, on signera à 27 £
Quand c'est le pacte Euro Plus, c'est-à-dire tous ceux qui veulent rentrer dans l'euro et qui sont dans l'euro, on se réunira à 25 ou à 26 £
Quand c'est les questions de l'euro, on se réunira à 17.
Voilà comment les choses dorénavant vont fonctionner. Ça ne veut pas dire qu'il y a plusieurs vitesses, ça ne veut pas dire qu'il y a des gens, des pays qui seront laissés de côté, au contraire, ça veut dire qu'il y a des degrés d'intégration, qui ne sont pas les mêmes et que chacun choisit librement.
Merci à tous.