22 janvier 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts du gouvernement en faveur de l'Outre-mer, à Cayenne (Guyane) le 22 janvier 2012.

Madame le Ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement,
Monsieur le Ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,
Madame le Ministre de l'Outre-mer,
Monsieur le Président de la Région Guyane, cher Rodolphe ALEXANDRE,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mes chers compatriotes de la France d'Outre-mer et de l'hexagone,
Et, si vous me le permettez, chers amis,
Dans cette salle que je connais bien où je suis venu à plusieurs reprises, je veux vous dire combien je suis heureux de vous retrouver, pour la troisième fois, afin de vous présenter mes vux en cette année qui débute. C'est désormais devenu un rituel : il me paraît fondamental que le Président de la République vienne lui-même marquer, à intervalles réguliers, l'attachement que l'ensemble de la communauté nationale porte aux Outre-mer.
Vous connaissez la profonde considération que je porte à chacun de nos départements et collectivités, et la conviction absolue qui est la mienne que la France peut vous offrir, en son sein, un espace de liberté suffisant pour que vos identités puissent s'épanouir. Il n'y a pas, il n'y aura jamais de demande de la République française de vous mettre en situation de choisir entre votre attachement à la France, à la République, et votre attachement à votre identité.
Je me suis attaché à bâtir une nouvelle relation de confiance entre nous : la France à la mission de protéger vos territoires contre les soubresauts du monde, la France a la mission de vous protéger, chaque fois que vous en avez besoin. Dans le même temps, la République française reconnaît aussi la diversité de vos territoires, en sachant vous donner les moyens d'être, davantage qu'auparavant, les acteurs de votre développement. Si vous n'êtes pas les acteurs de votre développement, personne ne le fera à votre place. On peut vous aider, on peut vous soutenir, on peut vous encourager, on ne peut pas faire le travail à votre place. Et tous ceux qui racontent qu'on peut faire le travail à votre place vous mentent.
Pour préparer ce discours, je relisais le beau texte d'Aimé CESAIRE à Maurice THOREZ en 1956 : « Nous ne voulons plus donner à personne délégation de penser pour nous, délégation de chercher pour nous, nous ne pouvons désormais accepter que qui que ce soit se porte fort pour nous ».
Ce texte et d'une très grande actualité. N'écoutez pas ceux qui sont craintifs à l'idée de vous donner davantage de responsabilités. Ils disent vous aimer, mais on n'aime pas lorsqu'on ne fait pas confiance, on ne respecte pas lorsqu'on ne fait pas confiance. La France ne craint pas de vous donner davantage de responsabilité sur le plan institutionnel, diplomatique, économique, culturel.
N'écoutez pas ceux qui essaient d'instrumentaliser les peurs en agitant un prétendu « largage » sous prétexte que vous est reconnu le droit de vous occuper davantage de vous-mêmes, dans la France.
Je n'ai jamais été ambigu sur l'attachement de la France aux Outre-mer. J'appartiens à une famille politique qui n'a jamais considéré qu'il fallait accompagner les Outre-mer vers l'indépendance. Je n'ai dans ma vie politique, jamais été l'allié d'aucun parti indépendantiste. Quand parfois on veut masquer ce que l'on a à dire, on peut interpréter ce que l'on ne dit pas par les gens avec qui on veut travailler. Il y a deux façons d'être pour l'indépendance : le dire, ou ne pas le dire et travailler avec ceux qui sont pour l'indépendance, cela revient au même. Et je me félicite d'avoir confié à Marie-Luce PENCHARD le portefeuille ministériel qu'elle détient aujourd'hui. Sa sensibilité et sa pugnacité lui ont permis de porter, avec courage, les grandes réformes que j'ai voulues pour l'outre-mer.
Alors, la politique que nous voulons est simple, je suis déterminé à ce que vos territoires demeurent dans le grand espace de liberté et de protection qu'offre la France. La France offre protection et liberté, les deux sont liées, avec les droits, mais aussi les devoirs qui y sont attachés.
Ce rendez-vous annuel est l'occasion de dresser le bilan des engagements que nous avons pris à votre endroit, et de tracer des perspectives pour l'année qui vient. Au fond, c'est une question de respect.
Nous avons évidemment de nombreuses autres occasions d'échanger directement. Depuis que je suis Président de la République, je me suis rendu, cher Didier ROBERT, à La Réunion, à Mayotte, cher Pierre FROGIER, en Nouvelle-Calédonie, deux fois en Guadeloupe, chère Lucette, quatre fois en Martinique.
Je n'ai en revanche pas pu me déplacer en Polynésie Française. Je veux dire aux Polynésiens, pour lesquels j'ai la plus grande affection, que j'aurai l'occasion de m'adresser tout particulièrement à eux dans les jours qui viennent.
Et c'est, donc, la troisième fois que je suis en Guyane depuis que je suis président de la République. Je veux remercier les Guyanaises et les Guyanais de leur présence si nombreuse aujourd'hui. Permettez-moi de prendre quelques instants pour m'adresser plus particulièrement à vous.
Ensemble, nous avons parcouru bien du chemin. Chaque fois que vos élus l'ont souhaité, j'ai tenu à apporter des réponses précises et concrètes aux préoccupations qui sont les vôtres :
- la collectivité unique de Guyane se met en place, comme vous qui l'avez décidé les 10 et 24 janvier 2010. Vous l'avez décidé librement et j'ai toujours pensé que les habitants de la Guyane française étaient les mieux à même d'apprécier le cadre qui devait être le leur pour gérer leurs propres affaires £
- le Parc Amazonien de la Guyane a été créé afin de protéger les ressources naturelles immenses de votre territoire £
- le plan HARPIE a été lancé, c'est-à-dire une opération sans précédent de lutte contre l'orpaillage clandestin, appuyé par plus d'un millier d'hommes. En 5 ans, ce sont 7.000 orpailleurs clandestins qui ont été interpellés, six fois moins de surfaces qui ont été déforestées et de cours d'eau souillés £
- les populations amérindiennes et bushinengués, reléguées depuis tant d'années, ont été officiellement reconnues £
- lors de l'annonce de l'organisation des jeux olympiques et de la coupe du monde de football au Brésil, vous avez suggéré que la Guyane pourrait jouer un rôle de premier plan pour la préparation de nos sportifs. La base avancée pour les sportifs de haut-niveau est aujourd'hui lancée et le ministre des Sports viendra dès le mois de février pour confirmer que nous réaliserons tous les équipements nécessaires pour cette base, de façon à faire de la Guyane la terre d'entraînement, de préparation de tous nos sportifs.
- l'ouverture sur le Brésil a été possible avec la création du pont sur l'Oyapock. Sa construction est terminée côté Français. Son inauguration aura lieu, avec nos amis Brésiliens, dès que les travaux nécessaires auront été réalisés côté brésilien.
Je sais que beaucoup reste à faire sur votre territoire, mais enfin voici quelques exemples de problèmes que vous aviez soulevés, qui étaient bloqués depuis des années. Ce n'est plus le cas, et je veux rendre un hommage sincère à Rodolphe ALEXANDRE pour son opiniâtreté et sa détermination à faire avancer les dossiers guyanais, jusque dans mon bureau à Paris. Je pourrais vous parler du rond-point de BALATA ou de l'usine d'eau potable de MATITI dont j'ai fait un chantier personnel pour qu'ils soient débloqués.
Bien évidemment, nous allons continuer à travailler en 2012. Mais le fond des choses que je tenais à vous dire aujourd'hui, c'est que dans notre esprit les Guyanais doivent bénéficier des justes retombées de leurs richesses naturelles. Je vais prendre trois exemples qui me semblent absolument capital d'évoquer devant vous.
La récente découverte d'un gisement potentiellement très important au large des côtes de la Guyane française ouvre des perspectives considérables. Vous le savez, j'ai tenu à ce que le Gouvernement, prévoie d'ores et déjà que la Guyane bénéficie directement d'une part des revenus engendrés par cette exploitation. Je souhaite que nous allions au-delà, chère Nathalie, pour nous assurer que les retombées sur le tissu économique guyanais soient réelles. On va vous donner plus de responsabilité, si le gisement tient ses promesses, vous aurez directement une partie de ces ressources pour faire décoller le tissu économique guyanais qui en a tant besoin.
Le deuxième domaine sur lequel il convient que je m'explique c'est celui des ressources minières, et notamment de l'or. Je n'ai pas oublié ma visite de 2008, ou nous nous étions expliqués entre amis avec franchise, c'est ma façon de vous respecter. La publication du Schéma départemental d'orientation minier, je l'ai voulu. Je veux que vous compreniez bien, tant qu'il n'y avait pas de schéma départemental sur le plan minier, vous ne pouviez pas avoir l'appui, vous les exploitants guyanais, de grands groupes internationaux qui vous disaient : « on n'ira pas parce que la situation n'est pas stabilisée et en vérité on ne savait pas où on avait le droit d'exploiter. Le schéma départemental crée un cadre, une stabilité qui va vous permettre de vous allier avec des grands groupes si vous le souhaitez. Je sais que la décision que j'assume sur la montagne de KAW a été douloureuse pour un certain nombre d'entre vous, y compris mes amis, mais, je suis chef de l'Etat, je dois embrasser la globalité du problème et non pas une seule partie de celui-ci. En revanche, je n'accepte pas que l'on puisse croire que vous voulions mettre la Guyane « sous cloche », la Guyane développera l'exploitation minière, notamment de l'or, selon un schéma précisé juridiquement, organisé territorialement, elle le fera avec des exploitants légaux en même temps que nous combattrons l'orpaillage clandestin. Aucune faiblesse pour l'orpaillage clandestin, un combat frontal contre les mafieux et les malhonnêtes en la manière et des autorisations renforcées pour les chefs d'entreprises qui voudront exploiter, pour le bénéfice de tout le monde, les richesses minières de la Guyane.
Enfin, il y a la biodiversité exceptionnelle de la Guyane. Vous avez une réelle expertise sur ce sujet, puisque le Centre d'Études de la Biodiversité Amazonienne vient d'être retenu dans la liste très sélective des « Laboratoires d'excellence », et vous bénificierez à ce titre du Grand Emprunt. Depuis des années, la Guyane cherche la meilleure manière de valoriser et d'exploiter raisonnablement le potentiel économique de cette biodiversité. Le Conseil régional, cher Rodolphe ALEXANDRE, sollicite une habilitation législative pour s'occuper directement de cette question, et bien qu'il soit clair que cette habilitation vous l'aurez. Je suis venu vous l'annoncer officiellement.
Vous voyez les relations que je voudrais entre la métropole et vous, une relation franche, confiante, quand il faut dire non, je le dis, et je viens pour l'expliquer. On ne peut pas avoir confiance en quelqu'un qui dirait toujours oui, parce que cela cacherait quelque chose. En revanche, quand on dit oui, je le dis aux élus de la Guyane, c'est un vrai oui. Ce n'est pas un oui à moitié, ce n'est pas une visite un peu folklorique, suivie d'un trou noir, c'est un continuum, c'est une visite suivie du travail, de décisions, et d'une nouvelle visite. C'est cela le rapport nouveau entre les Outre-mer français et la métropole.
Mes chers compatriotes, il ne faut pas avoir peur de nous faire confiance. Faire confiance, c'est d'abord ne pas avoir peur de vous donner plus de capacités d'initiative au niveau local, et en même temps de réaffirmer la place de l'État sur ses missions essentielles.
L'uniformité c'est le contraire de l'unité, l'uniformité conduit à de telles tensions qu'au bout de l'uniformité il y a l'explosion de l'unité. C'est par la diversité des situations, des statuts et de la méthode que l'on maintiendra l'unité de la République française. Mon devoir est de tout faire pour respecter vos différences, avec un principe incontournable : ne rien permettre sans recueillir au préalable le consentement des populations concernées.
C'est ainsi que, Guyanais et Martiniquais, vous avez voulu fusionner le conseil général et le conseil régional en une assemblée unique.
La Guadeloupe, pour sa part, a souhaité davantage de temps pour dégager un consensus entre les élus. Je suis disponible pour examiner toutes les propositions, à deux conditions : qu'elles soient conformes à nos règles constitutionnelles, et à une deuxième condition à laquelle j'attache au moins autant d'importance, c'est qu'elles ne cherchent pas à éviter la consultation directe des Guadeloupéens. Il n'y aura pas d'arrangements entre élus sur le dos d'une population à qui on ne demanderait pas son avis, cela je ne pourrais jamais l'accepter.
Mayotte a pu, après plus d'un demi-siècle de promesses non tenues, accéder au statut de département Français.
Plusieurs lois organiques ont été prises pour accompagner les nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthelémy, avec le passage, pour cette dernière, au statut européen de P.T.O.M. qu'elle revendiquait depuis des années.
La Réunion s'est inscrite dans la réforme générale des collectivités territoriales et Wallis-et-Futuna, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon n'ont pas souhaité faire évoluer leur statut. La diversité de ces parcours renforce l'unité de la République française. Imaginez, si nous avions répondu aux élus guyanais et à la population de Guyane : « on ne bouge pas, parce que les autres ne peuvent pas bouger ». C'est là que se trouve le risque d'explosion, de distanciation des liens entre les Outre-mer et la métropole.
La Polynésie Française a connu plusieurs réformes destinées à assurer la stabilité de ses institutions. Chacun doit assumer ses responsabilités, tout ne peut pas venir de la métropole, tout n'est pas de la faute que de la métropole. Chaque fois que nous avançons vers les nouveaux statuts, nous pouvons le faire en nous appuyant sur des hommes et des femmes courageux qui acceptent d'endosser leurs responsabilités.
En Nouvelle-Calédonie, cher Pierre FROGIER, l'Accord de Nouméa, qui était au point mort a été vigoureusement relancé. Mais on n'aurait rien pu faire sans un homme du courage de Pierre FROGIER, et la volonté de la métropole de l'aider. Il faut bien que vous compreniez cela, la meilleure façon de nous convaincre d'aller dans la direction que vous souhaitez c'est que vous-même localement, vous sachiez faire émerger des élus qui sont prêts à porter cette diversité.
Alors ne signifie en rien un recul de l'État sur ses principales missions.
J'ai annoncé, hier, avec Claude GUEANT, un accroissement important des moyens consacrés à la lutte contre l'insécurité en Guyane, je n'y reviens pas.
Je veux simplement dire une chose, c'est que je connais la sensibilité de ce sujet ici, je sais l'émotion suscitée par des faits divers particulièrement atroces. Je ne peux pas vous promettre que l'on va résoudre tout, parce que la situation est complexe du fait de votre localisation géographique et des frontières qui sont les vôtres. Je peux vous dire une chose, c'est que vous n'êtes pas seuls, et que le combat que l'on a décidé d'engager contre les mafias de l'orpaillage clandestin, comme contre les mafias de la délinquance quotidienne sera sans relâche, absolument sans relâche. Ici, ce n'est par le Far-West, et cela ne le deviendra jamais. J'ai vu que deux bandes s'étaient entretuées hier, composées à ce que l'on me dit pour l'essentiel de brésiliens, mais ils n'importeront pas sur le territoire de la République françaises des pratiques mafieuses. Je le dis parce que chacun doit bien entre ce message. Si nous avons décidé d'engager l'armée française dans la lutte contre ces mafias, si nous avons décidés de le faire de façon permanente, si plus de mille hommes y sont consacrés, c'est parce que nous considérons que c'est un sujet extraordinairement sérieux.
Ce qui est vrai pour la Guyane l'est aussi pour l'ensemble des Outre-mer. Tout l'enjeu a été de remettre des moyens Outre-mer, au service de la sécurité des Ultramarins. Dans un contexte général de réduction des dépenses au ministère de l'Intérieur, nous avons souhaité que les effectifs des forces de sécurité soient maintenus Outre-mer, et que les retards d'équipements soient rattrapés, je pense aux hélicoptères supplémentaires, en Guyane ou en Martinique, aux bateaux de surveillance et d'intervention en Polynésie française ou à la Réunion, aux radars pour prévenir l'immigration illégale à Mayotte.
La délinquance de proximité, c'est-à-dire celle qui touche au quotidien, a baissé Outre-mer de près de 4 %. Entre 2007 et 2011. Nous avons enfin reconstruit notre dispositif de sécurité. Naturellement, il faut aller plus loin, je n'ai pas été élu pour commenter ces résultats, je n'ai pas été élu pour dire : « vous êtes inquiets, vous devriez être rassurés », je connais la gravité de la situation, mais croyez bien que les moyens que nous mobilisons sont sans précédent.
Nous allons poursuivre cet effort en adaptant davantage notre réponse aux formes de délinquance propres à chaque territoire. Je l'ai fait cet été en Nouvelle-Calédonie, nous venons de le faire en Guyane, et nous le ferons partout Outre-mer. Je demande au ministre de l'Intérieur d'y veiller tout particulièrement. Il se rendra d'ailleurs, au mois de février, en Guadeloupe et en Martinique.
Je veux le dire avec calme, mais avec détermination : partout où les délinquants essaieront d'enclencher un rapport de force avec l'État, ils nous trouveront sur leur chemin. Que les choses soient claires : si d'un côté on veut déclencher une guerre, la réponse de l'Etat sera à la hauteur de la situation. Ici, c'est la République française, ce n'est pas une zone de non-droit.
Se faire confiance, c'est aussi croire à vos capacités de développement économique endogène.
J'ai tenu à impulser une dynamique nouvelle, fondée sur le développement des productions locales.
Qui pourrait être contre le fait de dire : « nous pouvons produire davantage de richesses ici, par nos propres capacités, par notre travail, à l'aide des ressources de notre terre » ?
Comment ne pas voir qu'au-delà des questions de développement économique, il s'agit aussi de respecter votre identité, votre fierté de pouvoir vivre, dans une proportion plus importante qu'aujourd'hui, de ce que vous produisez ! Quand on sait ce que coûtent les produits importés, il est profondément anormal que l'ensemble de nos territoires n'aillent pas vers l'autosuffisance sur les produits alimentaires, la viande par exemple. Ici, il n'y a pas que le commerce, il doit y avoir de la production.
Et d'ailleurs, quelle est l'alternative à cette politique de développement endogène ? J'ai vu que le mot avait donné lieu à un jeu de mots auquel, franchement, je ne serais pas risqué. Il ne faut pas plaisanter avec cela. Mais quelle est l'autre solution ? Que l'on rende totalement dépendants vos territoires ? Cette politique a été expérimentée pendant des années, et le résultat c'est qu'on en était arrivé à mettre sous oxygène des économies, à part pour quelques-uns qui en ont profité. L'essentiel de nos compatriotes d'Outre-mer, l'immense majorité en a été la victime. Et puis, le jour où il n'y a plus assez de crédits en métropole, on vous coupe les crédits et vous restez avec rien. C'est pour cela que je crois au développement endogène de vos territoires. Plus de formation, plus de production, plus de pouvoir pour vous, plus d'agriculture, plus de filières locales.
Les zones franches globales, que tout le monde considérait comme infaisables, sont désormais opérationnelles. Je me souviens de la polémique que tout cela avait créé quand j'ai lancé cette idée. Sur des territoires comme les vôtres, créer des zones franches partielles, cela n'avait pas de sens, cela créait des distorsions de concurrence sur vos territoires.
La Guadeloupe et la Martinique sont désormais desservies directement depuis Roissy-Charles-de-Gaulle, ainsi que les professionnels du tourisme le demandaient depuis des années pour développer le secteur.
Un fond pour la diversification agricole a été doté de 40 millions d'euros pour encourager les agriculteurs à développer de nouvelles filières sur vos territoires.
Des commissaires au développement endogène, issus du monde du privé et très appréciés par les professionnels, ont été nommés aux Antilles, dans l'Océan indien et en Guyane pour faire émerger de nouveaux projets.
Ces outils sont au service de vos projets, de vos initiatives. La nouvelle impulsion donnée au tourisme aux Antilles en 2011 ou le formidable engagement de la Réunion, « île verte », dans la valorisation de son patrimoine naturel doivent être accompagnés dans la durée. J'aurai d'ailleurs l'occasion de venir le dire moi-même aux Réunionnais, puisque je me rendrai dans l'Océan indien au premier semestre de cette année.
Vous connaissez mon attachement à l'outil économique qu'est la défiscalisation. Si la conjoncture internationale et l'esprit de responsabilité nous ont conduits à en adapter les contours, je veux redire que nous maintiendrons le dispositif de défiscalisation Outre-mer. C'est par l'incitation fiscale que nous pouvons mieux stimuler le développement économique. Je sais que certains défendent le passage à une politique de subventions directes. Mes chers compatriotes, imaginez le contexte budgétaire qui est le nôtre, croyez-vous que vous gagneriez au change si on vous mettez des subventions au lieu de la défiscalisation ? Et par ailleurs l'avantage de la défiscalisation c'est que le secteur privé est mieux armé que l'administration pour impulser un véritable développement économique. Donc, nous ne toucherons pas à ce système, je sais que Dominique PERBEN, comme Jean-Marie BOCKEL, me soutiendront.
Mes chers amis, le développement endogène c'est aussi vous donner les moyens d'aller conquérir de nouveaux marchés dans votre bassin régional. Le temps où la France sentait son unité menacée par l'émergence de ses territoires en Outre-mer est révolu. Je souhaite que les autorités élues de chaque territoire puissent, encore plus d'aujourd'hui, représenter la France dans les organisations internationales régionales. Enfin, réfléchissons, ne vaut-il pas mieux que dans les organisations régionales ce soit des élus de vos territoires qui représentent la République française, plutôt que de faire venir un diplomate ou un technocrate, qui vient pour la première fois ici et qui expliquera aux gens d'ici comment il faut se comporter et comment il faut se parler ?
Ici en Guyane, je souhaite que se mette en place les commissions avec le Guyana et le Suriname pour gérer le fleuve, cher Léon BERTRAND. Mais est-ce que ce n'est pas mieux que ce soit les élus qui représentent la République française avec un mandat, nous discuterons avec eux, plutôt que d' envoyer sur le Maroni quelqu'un qui n'y a jamais été de sa vie et qui va expliquer à ceux qui y vivent ce qu'il convient de dire, ce qu'il convient de faire et ce qu'il convient de penser. La République française, est-ce qu'elle sera plus forte si elle est représentée par des élus français qui parleront au nom du territoire et au nom de la République, ou est-ce qu'elle sera plus faible ? Bien évidemment, elle sera plus forte. Ce que je pense pour ici, je le pense pour les Antilles françaises, je le pense pour La Réunion, je le pense pour la Nouvelle-Calédonie, la République française n'a qu'avantage à faire confiance aux élus que vous avez choisis et que vous choisirez. De même, plus de 130 visas ont été supprimés pour permettre une circulation plus naturelle des personnes dans vos environnements régionaux. Cette idée curieuse qu'il fallait monter à Paris pour demander un visa pour que vous puissiez vous rendre chez vs voisins, cela n'a pas de sens.
Nous avons avec vos voisins du Pacifique, de l'Océan indien ou de l'Atlantique une culture en commun, qui doit être la porte d'entrée naturelle de notre diplomatie commerciale. Les départements et collectivités d'Outre-mer seront désormais les avant-postes de la République française.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de nommer Daniel MAXIMIN, « Délégué général pour l'action culturelle internationale des Outre-mer ». Il est sans doute l'un des plus fins connaisseurs des cultures des Outre-mer, et a toute ma confiance pour mener à bien cette mission difficile.
Je suis convaincu que l'ouverture sur les pays qui vous entourent est indispensable. Il faut que les solidarités régionales se développent, mais je considère que le rapport qui unit chacun de vos territoires à la France est d'une autre nature.
Nous formons une Nation qui se reconnaît dans des valeurs communes, dans une histoire partagée, qui forme une communauté de destin. Je sais qu'il y a beaucoup de sujets métropolitains qui vous passionnent, d'autres qui vous passionnent moins. Je voudrais dire juste un mot d'une proposition à laquelle j'ai été amené à m'opposer ces derniers temps, et je voudrais l'illustrer par la situation particulière de vos territoires. Comme vous le savez, comme chef de l'Etat, je me suis opposé à l'idée d'accorder le droit de vote aux étrangers non-communautaires, même pour les élections locales. Chacun peut avoir son opinion sur le sujet, mais puisque je m'adresse à l'ensemble des Outre-mer français, a-t-on bien mesuré les conséquences de cette décision en Guyane où 37% de la population régulière n'a pas la nationalité française ?
Et à Mayotte, où les ressortissants étrangers, principalement Comoriens, constituent 40% de la population de l'île ?
A-t-on bien considéré la situation à Saint-Martin, avec ses 36% d'étrangers en situation régulière ?
Sans parler de la Nouvelle-Calédonie, où les questions de composition du corps électoral sont si sensibles, et les équilibres si fragiles ? J'aimerais que tous les responsables politiques quand ils parlent de la République française n'oublient pas que la République française, c'est la métropole et les départements et collectivités d'Outre-mer, par simplement la métropole.
Mes chers compatriotes, on ne construira rien sur un territoire dont les grands équilibres auront été bouleversés.
C'est pourquoi j'estime que faire confiance, c'est aussi garantir la solidarité de la Nation à ceux d'entre vous qui sont les plus fragiles.
C'est parce que c'est une question de dignité pour les femmes et les hommes concernés que j'ai décidé, pour la première fois, de faire de la lutte contre l'illettrisme en Outre-mer une priorité absolue. J'étais très étonné quand j'ai proposé cela, qu'on me réponde, « attention, l'illettrisme Outre-mer, il ne faut pas en parler, ça va stigmatiser » ! Moi je pense que c'est l'illettrisme qui est stigmatisant, ce n'est pas de parler de l'illettrisme. C'est le refus de nommer les choses qui fait tant de mal à nos territoires. Eh bien moi, j'ai décidé qu'il fallait s'en occuper, y compris des adultes, avec un objectif très ambitieux : la réduction de moitié en dix ans de l'écart entre l'hexagone et les Outre-mer en la matière. Au prétexte de ne vexer personne, on s'accommoder d'une situation qui était inacceptable.
Nous avons donné à l'État les moyens de remplir cette mission en nommant cinq sous-préfets à la cohésion sociale, dont trois sont originaires d'Outre-mer. Ils ont élaboré des plans de lutte contre l'illettrisme, signés avec l'ensemble des collectivités locales. Ce drame est enfin pris au sérieux.
C'est aussi parce que c'est une question de dignité que nous avons fait un effort sans précédent sur le logement social. En cinq ans, nous avons augmenté de 50% le nombre de logements sociaux construits. Je sais que les besoins sont immenses, mais malgré tout 50% de production de logements sociaux en plus, ce n'est pas neutre.
Nous avons décidé de doubler les effectifs du SMA sur l'ensemble des Outre-mer. Je crois toutefois qu'il est temps d'aller plus loin, compte-tenu du nombre très important de jeunes qui restent au chômage Outre-mer. La mobilisation doit être absolument générale. Je propose deux pistes de travail à ce sujet :
Tout d'abord, développer considérablement l'offre de formation dans nos Outre-mer, en utilisant tous les leviers disponibles : l'Université, LADOM, le SMA, les CFA, les lycées professionnels. Nous allons par exemple doubler le nombre de jeunes en Contrat d'apprentissage Outre-mer.
Mais Le SMA seul ne suffit pas, nous allons vous donner un nombre plus important de Contrats d'insertion dans la vie sociale et de Contrats uniques d'insertion pour les Outre-mer. Ces contrats ne doivent pas devenir la norme : ils doivent utilisés comme un marchepied temporaire, de quelques mois, pour permettre un retour à une vie professionnelle normale.
Alors, je sais bien, dans mon discours, j'essaie d'être précis, c'est à dessein, parce que quand on est précis on prend des engagements. Quand on prend des engagements on peut suivre. Si c'était des discours, des paroles, ou si cela a été des décisions. Le moment où on venait simplement faire un clin d'il à l'Outre-mer sans prendre d'engagement précis, cette période est totalement révolue.
Faire confiance, c'est enfin faire en sorte que le regard de l'ensemble de la communauté nationale change sur les Outre-mer.
A cet égard, « 2011, l'année des Outre-mer » a été étape très réussie, avec plus de 550 manifestations à travers toute la France. Je garde des images fortes de cette Année des Outre-mer.
Je me souviendrai de ce défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées. Franchement, je trouve que ce n'est pas la meilleure idée que celle qui consisterait à le supprimer, c'est vraiment une idée étrange. Je me souviendrai longtemps de cette petite fille reprenant le « chant des dissidents », qui avait été le chant marquant le signal de ralliement des Antilles au combat pour la libération de la France £ de ce « HAKA » polynésien £ de la fierté des jeunes du SMA défilant pour leur cinquantenaire.
Je n'oublierai jamais l'accueil qui m'a été fait lors des Jeux du Pacifique à Nouméa.
J'ai en mémoire cette journée de commémoration de l'abolition des esclavages le 10 mai dernier, ou j'ai voulu, au nom de la Nation, employer des mots forts pour par de cette histoire commune, car il s'agit bien de l'histoire de la France. Et on n'est pas une grande Nation si on ne regarde pas avec lucidité les périodes sombres, les périodes où l'on s'est trompé, les périodes où l'on a fait du mal. Il n'y a que les grandes Nations qui peuvent faire cela sans peur de remettre en cause leur unité.
Je resterai, enfin, longtemps marqué par la très grande dignité de la cérémonie d'hommage à Aimé CESAIRE au Panthéon, parce qu'elle était à son image.
On manque d'établissements de formation et d'infrastructures culturelles Outre-mer, c'est un vrai problème, et je remercie le ministre de la Culture, pour son investissement Outre-mer, je sais qu'il est en train de trouver une solution à ce problème.
Le deuxième enseignement, c'est l'insuffisance de la diffusion des artistes originaires d'Outre-mer dans les lieux de culture de l'hexagone. Je veux qu'on favorise la programmation de nos artistes d'Outre-mer. D'ailleurs, c'est la réponse française à la culture. La commissaire européenne en charge de la concurrence disait : « enfin, pourquoi demandez-vous le taux de TVA réduit pour les biens culturels ? Je lui ai dit : « voyez-vous Madame la France, c'est un pays particulier, on considère que les biens culturels en France sont des biens de première nécessité, que pour vivre un homme ou une femme a besoin de boire, a besoin de se nourrir et a besoin d'un accès à la culture, c'est la même chose ». Pour favoriser cette programmation des artistes d'Outre-mer nous avons pris la décision de créer une Agence pour la diffusion des cultures des Outre-mer, dont la préfiguration sera lancée avant la fin du mois de février, sous la direction de Greg GERMAIN.
Mes chers amis, c'est peu de dire que je me sens engagé, au service des Outre-mer français. La forte communauté ultramarine de l'hexagone contribue aussi à modifier la perception de nos compatriotes.
De plus en plus de médecins, de chefs d'entreprises, d'artistes, de haut-fonctionnaires originaires d'Outre-mer incarnent tous les jours, dans l'hexagone, la réussite de vos régions.
Les Ultramarins qui vivent dans l'hexagone sont une vitrine de vos savoir-faire, de vos cultures, mais ils sont aussi confrontés à des problèmes réels et spécifiques. C'est la raison pour laquelle, dès le mois de juillet 2007, l'un des tout premiers textes que j'ai signé concernait la création de la Délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer. Avec Patrick KARAM hier, dont je veux saluer le travail, et aujourd'hui avec Claudy SIAR, que je veux assurer de ma totale confiance. Je veux les remercier, je pense à la baisse du prix des billets d'avion pour les retours au pays, la sécurisation des congés bonifiés, la pénalisation des double-cautions demandées aux Ultramarins pour la location de leur logement, l'extension de la diffusion de France Ô sur tout le territoire, ou encore la prise en compte de l'Outre-mer lors de la présentation de la météo nationale. Claudy me l'avait expliqué, c'est extraordinaire, cette façon de dire que la République est unique, est indivisible, mais quand on présente la météo, il n'y a plus que l'hexagone. Ils n'ont pas oublié la Corse, ils ont bien fait, mais on a totalement oublié l'Outre-mer, ce n'est pas admissible. Alors on peut me dire, ce n'est pas une grande chose, mais moi je sais depuis bien longtemps que la vie est faite de toutes petites choses qui s'additionnaient et qui font qu'on se sent considéré par les autres.
Alors il reste deux sujets que je souhaite voir traiter.
Le premier, c'est celui des tarifs de la téléphonie mobile entre l'hexagone et les Outre-mer. Moi je suis désolé, je n'accepte pas et je n'accepterai pas que les opérateurs appliquent aujourd'hui aux communications entre l'Outre-mer et l'hexagone des tarifs parfois plus élevés que pour des appels passés vers l'étranger. La continuité territoriale c'est aussi les tarifs de la téléphonie mobile. Le Gouvernement va prochainement réunir les opérateurs de télécommunications et l'Autorité de Régulation des Télécommunications afin d'examiner cette question.
Le second sujet, c'est celui des affectations dans la fonction publique. Il faut aller plus loin que ce que nous faisons, je souhaite que soit étudiée la possibilité de permettre à un fonctionnaire ultramarin en poste sur son territoire d'origine d'aller prendre des responsabilités dans l'hexagone, si c'est son choix, avec une garantie de retour. Ce qui me semble indispensable, sinon il n'y a aucune mobilité. J'ai demandé au préfet Jean-Marc BEDIER, bel exemple du parcours réussi d'un ultramarin, il est originaire de La Réunion, dans la haute fonction publique, de faire des propositions en ce sens.
Mes chers compatriotes, notre relation de confiance nous permet d'accepter sereinement nos différences. Toute notre histoire en témoigne : vos intellectuels ont été, sont considérés aujourd'hui comme de grands Français, et participent au rayonnement de vos territoires et de notre Nation. Je sais que parfois on moque mon bonheur de participer à des cérémonies commémoratives. Mais je voudrais vous dire une chose qui me tient très à cur : la France n'est pas une page blanche.
Il y a eu de grands français avant nous, il y en aura après nous et évoquer la mémoire, l'action, la vie, le destin de ces grands français, ce n'est pas cultiver la nostalgie de nos racines, c'est faire de ces grandes personnalités des exemples pour éclairer l'avenir, et faire en sorte que chacun soit considéré.
J'entendais être là pour l'inauguration de l'aéroport Félix EBOUÉ, parce que c'est un évènement très important. Qu'on puisse dire à la Guyane française, l'un des vôtres a été un grand français et le chef de l'Etat vient pour célébrer l'action de ce grand français. C'est tous les Guyanais d'hier, d'aujourd'hui de demain qui doivent se sentir considéré. J'ai voulu honorer Aimé CÉSAIRE lorsque les Martiniquais ont choisi de donner son nom à l'aéroport.
Gaston MONNERVILLE, Léon-Gontran DAMAS, René MARAN, Alexandre DUMAS, SAINT-JOHN PERSE, Charles LECOMTE-DE-LISLE, Roland GARROS, Frantz FANON, Edouard GLISSANT, Jean-Marie TJIBAOU, ce sont des hommes qui ont compté dans la communauté nationale toute entière et évoquer leur nom, c'est montrer aux jeunes de vos départements et collectivités que eux aussi pourront compter, que eux aussi auront leur chance.
Léon-Gontran DAMAS, que j'ai évoqué, dont chacun sait ici qu'il est le fils d'un mulâtre européen-africain, et d'une métisse amérindienne, avait trouvé la plus belle formule qui soit pour résumer ce sentiment. Il disait : « trois fleuves coulent dans mes veines ». Vous êtes la France des fleuves mêlés, n'ayez pas peur de ce métissage, n'ayez pas peur de cette différence, parce que ce métissage et cette différence font que la France demeurera un pays à nul autre pareil.
Vive la République et Vive la France !