11 janvier 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes engagées par le gouvernement et le rôle des assemblées, à Paris le 11 janvier 2012.


Vous comprendrez que mes premiers mots, et je suis sûr que chacun aura à cur de s'y associer, seront pour la compagne de Gilles JACQUIER, ce journaliste de France Télévisions qui vient de perdre la vie en Syrie, en faisant son travail d'information, ce qui permet à chacun d'entre nous de se rappeler la difficulté du métier de journaliste, les dangers qu'ils encourent et, en même temps, l'importance, dans des régimes qui sont ce qu'ils sont, dans des situations qui sont celles qu'elles sont, d'avoir des femmes et des hommes courageux pour dire la vérité de ce qui se passe. Et je suis sûr que toutes les formations politiques, ici, s'associeront à l'expression de ces sentiments émus, notamment à l'endroit de la compagne de Gilles JACQUIER et de tous ses amis de la rédaction et de la profession.
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés et les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les représentants au Parlement européen,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris,
Je suis heureux de pouvoir vous adresser mes vux pour cette nouvelle année. Ce sont des vux pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous ceux qui vous sont proches. Le combat politique est rude, la vie politique est difficile, et chacun d'entre nous, quel que soit son engagement, sait le prix d'un entourage familial et personnel solide, qui souvent souffre d'un combat politique qu'il n'a pas choisi et que nous leur imposons. Je pense aussi que, quels que soient vos engagements, chacun peut partager ce sentiment et que chacun comprend ce que je veux dire et ce à quoi je fais allusion.
Bien sûr, je n'oublie pas les institutions que vous incarnez. Vous êtes les représentants de la souveraineté nationale. A ce titre, à travers vous, c'est aux Français que je souhaite adresser mes vux.
Le 31 décembre, j'ai souhaité parler aux Français avec gravité, car la crise que traverse notre pays depuis trois ans est grave. J'ai souhaité leur parler avec sincérité, sans déni et sans faux-semblants.
Comment, d'ailleurs, les Français pourraient-ils avoir confiance s'ils avaient le sentiment qu'on leur cache la vérité ? Comment par ailleurs leur demander des efforts si on ne leur dit pas la vérité ?
Depuis que cette crise a commencé, nos compatriotes ont fait preuve d'un courage exemplaire. Ils ont fait également preuve de leur capacité à accepter les réformes qui étaient, à nos yeux, inéluctables pour préserver notre modèle social.
Depuis trente ans que je me suis engagé dans la vie politique, j'entends dire que la France n'est pas un pays réformable, que la France serait vouée au déclin du fait de sa prétendue incapacité à transformer en profondeur ses structures. Toute l'action que nous avons menée ensemble, depuis le début de la législature, démontre l'inverse. Lorsqu'il en va de la survie de notre modèle social, comme ce fut le cas pour la réforme des retraites, les Français apportent la démonstration qu'ils sont un peuple responsable. Pas de violence. Pas de blocage. Bien sûr, l'expression de différences - c'est normal en démocratie - , des manifestations pour marquer un mécontentement, mais la France a donné au monde entier l'exemple d'un pays qui acceptait le discours de vérité et la prise de décisions difficiles.
L'an passé, je vous disais en vous présentant mes vux, que je pensais que cette 13e législature resterait marquée dans l'histoire contemporaine comme celle du courage.
Je crois que nous pourrons convenir ensemble que cette dernière année a confirmé cette conviction. Vous avez voté trois collectifs budgétaires, deux PLFSS, en plus des exercices budgétaires traditionnels. Qu'avez-vous démontré, Assemblée nationale et Sénat ? Votre réactivité et votre sens des responsabilités.
Loin des images d'Épinal sur la prétendue tiédeur parlementaire, vous avez apporté la preuve que vous étiez à la hauteur de la mission que les Français vous ont confiée. Vous avez permis à la France d'affronter les épreuves nouvelles, d'assumer la solidarité européenne, tout en protégeant notre économie.
Soyez fiers de la manière dont vous avez exercé votre mandat. Le courage n'est jamais une vertu vaine. Les Français savent reconnaître ceux qui les protègent et surtout, les Français devinent dans quelle situation aurait été le pays si vous n'aviez pas voté les réformes que nous vous avons soumises pour sauver notre modèle social.
Le ministre d'Etat, revenant du Portugal, m'indiquait que le gouvernement portugais travaille sur une diminution de 25% du salaire des cadres de la Fonction publique portugaise. Voilà ce qui arrive dans des pays proches de nous, des pays courageux, des pays forts où les décisions de réforme n'ont pas été prises à temps.
Je ne rappellerai jamais assez l'ampleur de la menace qui pesait sur notre système de répartition. Une retraite sur dix n'était plus garantie et l'État avait, chaque année, recours à l'emprunt pour les payer.
Évidemment, personne n'est enthousiasmé à l'idée de cotiser deux ans de plus. Mais quelle était la solution juste ? Baisser les retraites des Français ? Augmenter les cotisations ? Toute autre solution aurait été injuste. Les Français le savent. Comme nos compatriotes savent parfaitement que personne ne reviendra sur cette réforme que vous avez décidée ensemble.
Pour que les Français acceptent de suivre le chemin qui leur est proposé, il faut, j'en suis bien conscient, un équilibre entre les efforts demandés et les bénéfices escomptés.
La voie est étroite. Le rôle du politique est d'emmener les Français sur cette ligne de crête. Durant cette législature, nous nous sommes essayés à ce souci d'équilibre et de justice.
Nos compatriotes sont prêts à l'effort, à condition qu'ils n'aient pas le sentiment qu'on leur en demande plus qu'ils ne peuvent en fournir ou plus exactement qu'on ne leur demande pas davantage que la situation ne le nécessite exactement. Le problème, c'est qu'il n'existe pas un grand livre où cette ligne est définie précisément. Comme cela serait commode pour les responsables politiques que nous sommes, quels que soient nos engagements et nos sensibilités, de pouvoir se référer à ce grand livre où est expliqué parfaitement où se trouvent la limite et la ligne de crête.
C'est la raison pour laquelle -- en plus de la sauvegarde des retraites -- avec le Premier ministre, il nous a semblé juste de protéger les plus fragiles en revalorisant le minimum vieillesse de 25% sur la durée du quinquennat, et l'Allocation pour Adultes Handicapés de 25% sur la durée du quinquennat.
De la même façon, nous avons maintenu le cur de notre projet sur le travail.
Je n'ai pas voulu revenir sur l'exonération de charges et la défiscalisation des heures supplémentaires, pour une raison simple, c'est que 9 millions de salariés en bénéficient. 9 millions ! Pour ceux qui ont touché les heures supplémentaires, et nous aurions souhaité qu'il en ait d'autres, c'est du pouvoir d'achat en plus. Revenir sur cela, c'était les priver de ce pouvoir d'achat gagné par du travail supplémentaire.
Pour que la France puisse traverser la crise dans les meilleures conditions, il a fallu chercher en permanence cet équilibre. Je ne dis pas que nous l'avons trouvé, je dis que c'est sans doute le plus difficile à faire pour des responsables politiques. Finalement le dialogue entre l'Exécutif et le Parlement permet de trouver cet équilibre, texte après texte, le bon dosage pour arriver à une réforme juste.
Je veux donc rendre hommage, en ce jour de vux, à la fructueuse collaboration entre le gouvernement, que je salue, et vos assemblées.
Parmi les membres du gouvernement, vous me permettrez de saluer tout particulièrement Patrick OLLIER pour le remarquable travail qu'il accomplit.
Dans mes vux aux Français, j'ai rappelé que c'est grâce à leur sang-froid que la France a résisté. Mais je crois qu'il est juste de dire que c'est également grâce à la solidité de nos institutions.
Nous pouvons collectivement nous en féliciter. Les institutions de la Ve République ne sont plus aujourd'hui en débat sur le fond. L'échiquier politique, les plus anciens parmi nous le savent bien, s'est construit en 1958 entre partisans et opposants à la Constitution de la Ve République. Il a fallu deux décennies et l'alternance pour que ceux qui contestaient la légitimité du régime s'y rallient. Aujourd'hui, il ne se trouve plus un parti de gouvernement pour en contester les fondements. Notre régime est un bien précieux. Que nous puisions ou non nos racines dans le gaullisme, il me semble que nous pouvons tous en convenir.
A ce titre, le changement de majorité au Sénat en septembre dernier, Monsieur le Président, n'est que la dernière illustration de la longue série des exemples qui démontrent que nos institutions relèvent d'un subtil équilibre qu'il serait absolument insensé de vouloir bouleverser.
Je ne doute pas d'ailleurs que ceux qui plaidaient, il y a peu encore, pour la disparition du Sénat verront dans l'alternance au Sénat une raison de préserver une institution bien utile à l'équilibre de notre République.
Alors souvent, héritiers de Montesquieu, nous aimons opposer majorité et opposition, l'Exécutif et le Législatif, en considérant que les institutions, telles qu'elles ont été pensées, devraient avoir pour objectif principal de permettre à chaque pouvoir de tempérer l'autre ou d'en éviter les dérives.
Ce n'était pas la marque que je souhaitais imprimer à nos relations. Je crois à la complémentarité. Je crois à la stimulation réciproque.
En vous proposant la révision constitutionnelle de 2008, je vous avais dit qu'un pouvoir exécutif « fort » n'implique pas un pouvoir législatif « faible ». Il faut un Parlement fort. Pas pour nous protéger contre je ne sais quelle dérive. Mais plutôt pour que la dynamique d'un pouvoir exécutif fort et d'un Parlement fort se nourrissent l'une et l'autre. C'est le sens de la révision constitutionnelle que vous avez adoptée.
Pas un d'entre vous n'a eu à la regretter, depuis que cette réforme s'applique, y compris ceux qui ne l'ont pas votée. Elle est passée à une voix près.
Mais c'est une constante de notre système politique moderne. Une fois un texte adopté, et quelles qu'aient été les batailles parlementaires, on en reparle assez peu par la suite. Cette réforme a donné lieu à un psychodrame, comme notre système politique les adore. Mais qui, aujourd'hui, deux ans après, conteste la réforme ou parle de la modifier ? Personne.
Ne vous y trompez pas : cette révision constitutionnelle sera une uvre majeure de votre action parlementaire. Car on parle souvent des deux premiers rôles du Parlement : le pouvoir législatif et le pouvoir de contrôle. Mais on oublie un autre pouvoir fondamental, celui de Constituant.
Pour le cinquantenaire de notre Constitution, vous avez adopté sa révision la plus profonde depuis 1958. Vous avez créé pas moins de 9 articles nouveaux et en avez modifié 39 autres.
Contrairement aux fantasmes véhiculés, pas un seul de ces articles n'a renforcé le pouvoir présidentiel. Toutes les dispositions que vous avez adoptées -- ainsi que les 9 lois organiques afférentes -- renforcent les droits de nos concitoyens, les droits du Parlement et les droits de l'opposition.
Les droits de nos concitoyens.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un immense progrès pour les libertés individuelles. Chaque justiciable dispose, aujourd'hui, du droit de contester la conformité d'une loi à la Constitution.
Cette réforme avait été envisagée à plusieurs reprises au cours des vingt dernières années et à chaque fois elle s'était enlisée dans des débats sans fin. Le président du Conseil constitutionnel l'avait appelée de ses vux dès 1989, Robert BADINTER. Deux projets de loi constitutionnelle, en 1990 porté, si mon souvenir est exact, par M. François MITTERRAND, et en 1993, n'ont pas abouti.
C'est l'honneur de cette législature, la vôtre, que d'avoir donné à nos compatriotes le droit de soulever une exception d'inconstitutionnalité. Et ce droit, nos concitoyens l'utilisent puisque, pour l'année écoulée, le Conseil constitutionnel a rendu 110 décisions en réponse à ces questions. Nous découvrons ainsi, chaque mois, la portée de ce dispositif qui réaménage en profondeur notre environnement juridique et protège mieux les droits fondamentaux de nos concitoyens.
C'est un choix qu'il a été difficile de faire. Mais aujourd'hui qui viendrait dire aux Français : la question prioritaire de constitutionnalité, il faut l'annuler ?
Depuis cinq ans, les libertés publiques ont progressé dans notre pays, mais, également la démocratie.
Votre rôle, le rôle du Parlement, a été revalorisé.
Nous avons ainsi instauré la discussion en séance publique sur la base du texte adopté en commission. Depuis que je suis engagé dans la vie politique j'entendais cette demande. Personne n'ignore, qu'en pratique, ce droit est probablement le plus puissant puisqu'il inverse rigoureusement le rapport de force lorsqu'il y a désaccord entre la commission et le ministre.
Nous avons imposé le respect de délais obligatoires entre le dépôt d'un texte et son examen qui garantit aux commissions de ne pas escamoter leurs travaux.
Nous avons instauré le partage de l'ordre du jour. En deux ans, la pratique a évolué : au lieu d'avoir deux ordres du jour distincts et parallèles, le Gouvernement et les chambres dialoguent pour établir ce que nous appelons un ordre du jour concerté. Cela permet de mieux hiérarchiser les priorités du travail législatif dans l'intérêt des Français.
Nous avons strictement limité, en droit, l'usage du 49-3. Dans les faits, Mesdames et Messieurs les parlementaires, avec le Premier ministre, François FILLON, nous sommes les seuls à ne pas avoir eu recours au 49-3 depuis le mandat de Georges POMPIDOU, jamais, pas une fois.
La révision constitutionnelle a également permis que le Parlement soit à présent systématiquement informé des opérations militaires extérieures, ce qui est normal, et en autorise leur prolongation.
Cette révision a doté l'opposition et les groupes minoritaires d'un véritable statut constitutionnel.
En pratique, cela leur permet, de disposer de nombreuses plages d'ordre du jour et de proposer, de droit, des commissions d'enquête. Je vous rappelle que, nous avons aussi confié à l'opposition la présidence de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Et cela ne devait pas être une si mauvaise idée, puisque la nouvelle majorité sénatoriale a décidé de suivre cet heureux chemin démocratique en confiant la présidence de la Commission des finances à l'opposition.
Qui, aujourd'hui, peut contester que ce soient des pratiques démocratiques qui honorent la France et qui n'affaiblissent pas le Parlement ?
En outre, j'ai veillé à ce que cela soit un parlementaire de l'opposition, du groupe majoritaire de l'opposition, qui soit nommé à la présidence de la Cour des comptes. Et je crois que, là aussi, la pratique habituelle qui consistait à nommer à la tête de l'organisme de contrôle un ami politique, fût-il de grande dimension, fût-il au caractère bien trempé, ne renforce pas cette grande institution qu'est la Cour des Comptes.
Je sais que cela a provoqué dans la majorité bien des interrogations, mais franchement, la France mérite cet effort d'ouverture.
Je voudrais rappeler également que nous avons fait le choix de davantage encadrer les prérogatives du chef de l'État.
A mon initiative, vous avez adopté la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels consécutifs. Je crois que c'est sage et que cela évitera à la France ces carrières interminables. Cela obligera la France à des alternances qui ne sont pas simplement des alternances entre la gauche et la droite, entre la gauche, la droite, le centre, mais aussi à l'intérieur de chaque camp politique, de chaque famille politique.
Qui, lorsqu'il interroge sa conscience en toute sincérité, peut se dire qu'il était normal que nous soyons le seul grand pays démocratique à la longévité politique telle que nous l'avons connue, quelle que soit par ailleurs la qualité des hommes qui ont exercé ces responsabilités ?
Qui connaissait en 2006 celui qui allait devenir le Président OBAMA ? Et qui peut douter du rythme, scandé par la rue, des « 10 ans, ça suffit » mais qu'on pourrait décliner aussi de l'autre côté de la Manche et dans tant d'autres systèmes démocratiques ?
Cela vise à faire de notre pays une République exemplaire. Je vous parlais également de la présidence de la Cour des Comptes, fonction occupée par un député de l'opposition. Franchement, était-il normal qu'il ait fallu attendre 50 ans pour que les magistrats de la Cour des Comptes puissent franchir la porte de l'Élysée ? Qu'il ait fallu attendre 50 ans pour que le Président de la République accepte que les comptes de la maison qu'il incarne ou qu'il dirige soient contrôlés ? Jamais un magistrat de la Cour des Comptes n'avait été autorisé à entrer au Palais de l'Élysée. Désormais, l'Élysée est contrôlé par la Cour des Comptes chaque année. Là aussi, c'est un progrès dans notre fonctionnement démocratique.
Je précise, enfin, s'agissant des nominations dont j'ai voulu que pour les plus importantes vous ayez votre mot à dire, que j'ai décidé, en accord avec le Premier ministre, que les postes vacants d'ici à la prochaine élection présidentielle ne seront pas pourvus s'il s'agit de responsables d'établissements publics qui jouent un rôle essentiel dans la mise en uvre de la politique économique et sociale de la Nation.
Je souhaite, dans un souci démocratique, qu'il en aille de même pour les fonctions dans les entreprises publiques qui jouent un rôle comparable dans la vie de la Nation. J'ai bien conscience de créer un précédent, mais c'est un précédent qui sera à l'honneur de notre vie démocratique. Naturellement selon la lettre de nos institutions, les prérogatives du chef de l'État durent dans leur intégralité jusqu'à la dernière seconde, quel que soit par ailleurs le choix des Français. Mais il me semble que la France doit apprendre à progresser dans la vie démocratique et que les trois derniers mois ne sont pas propices à des nominations, quel que soit par ailleurs ce que sera le jugement des Français. Vous voyez, je croyais à la République exemplaire en 2007, en ce début 2012 j'y crois tout autant.
Bien entendu, tout n'est pas terminé. Nous devons faire vivre nos institutions.
Bernard ACCOYER me parle souvent de l'exemple du Bundestag. Je tiens d'ailleurs à saluer l'initiative qu'il a prise avec le président Norbert LAMMERT de créer un groupe de travail commun. La convergence tellement indispensable entre la France et l'Allemagne, doit nous apprendre à travailler ensemble et elle ne peut pas être seulement le fait des deux gouvernements, elle doit l'être aussi de leur Parlement.
Mais puisque je parle de responsabilité économique du Parlement, je ne peux pas ne pas évoquer, une nouvelle fois et avec gravité, la nécessité pour la France de se doter de la règle d'or budgétaire.
Mesdames et Messieurs, tous les gouvernements de la zone euro, de droite comme de gauche, sont d'accord pour se doter de cette règle dans leur Constitution.
C'est le chancelier SCHROEDER, grand homme d'État, socialiste, qui l'a fait adopter par le Parlement allemand. C'est le Premier ministre socialiste ZAPATERO qui l'a fait adopter par le Parlement espagnol.
Quel responsable politique pourrait faire croire que cette règle d'or n'est pas nécessaire ?
La France ne peut pas, seule, s'affranchir des règles minimales de discipline budgétaire. La règle d'or n'est ni de droite, ni de gauche. Elle fait l'objet d'un consensus transpartisan.
Nos concitoyens comprennent la nécessité de se doter de ces règles car personne ne peut être exempté de l'indispensable effort de redressement des finances publiques.
Nous nous sommes donc engagés mutuellement au niveau européen. Je voudrais rappeler d'ailleurs que c'est la parole, c'est la signature, c'est l'autorité de la France qui sont en jeu. Et quand le Président MITTERRAND ou le Président CHIRAC signaient un traité, c'était la parole de la France. Et la parole de la France s'impose à tous. On ne peut pas la remettre en cause comme cela. Dans tous les pays, il en est ainsi, et dans le nôtre tout particulièrement, compte tenu de nos responsabilités.
Alors bien sûr, c'est la France dans son ensemble qui accomplit cet effort. Le Premier Président de la Cour des comptes, Didier MIGAUD, vient de souligner, lors de l'audience solennelle de rentrée que : « l'effort structurel de réduction du déficit public en 2011 représente un net progrès par rapport au passé. ».
Je voudrais vous dire à tous que c'est l'ensemble des collectivités publiques qui doivent participer à cet effort national. Je sais bien que la crise frappe vos collectivités aussi et que tout ceci n'est pas facile, mais en 10 ans, de 1998 à 2009, l'ensemble des collectivités locales ont créé un peu plus d'un demi-million d'emplois publics. Sur la même période, le nombre de fonctionnaires d'État a diminué de 59 000. Depuis que je suis Président de la République, la baisse du nombre de fonctionnaires de l'Etat s'est accélérée puisque, durant ces cinq dernières années, 160 000 postes de fonctionnaires de l'Etat ont été supprimés. Je sais bien que, chaque jour, dans les communes de France, 500 000 élus locaux sont au service de nos concitoyens. Je respecte leur action, je connais leur dévouement, je sais leur sens des responsabilités. Mais j'appelle tous les élus locaux à entendre le message que vient de leur adresser le Premier Président de la Cour des Comptes :
« Une réelle maîtrise de la dépense locale passe par une gestion plus rigoureuse des effectifs de la fonction publique territoriale. »
Je l'ai cité pour que chacun comprenne que dans mon esprit il n'y a rien de partisan. La sécurité sociale fait des efforts avec le respect de l'ONDAM. L'État met en uvre des efforts considérables. Nos collectivités territoriales, spécialement régions et départements, ne peuvent pas être exonérées de cette réforme.
Ces préconisations de la Cour des comptes me semblent devoir être prises en considération. Il ne s'agit bien évidemment pas de stigmatiser quiconque, - à quoi cela servirait-il ? - , mais de faire face, ensemble, à une réalité : ce sont les mêmes contribuables au plan national, comme au plan local, qui sont sollicités pour financer les dépenses publiques, exactement les mêmes.
J'ai donc la conviction que, dans la situation actuelle, un dialogue républicain, responsable et raisonnable, est possible pour mieux répondre au défi de la maîtrise de nos finances publiques.
C'est pourquoi, avec le Premier ministre, dès le mois prochain, nous réunirons les présidents des associations d'élus locaux, le président du comité des finances locales, les présidents des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale pour examiner, ensemble, les voies et les moyens permettant de mieux associer les collectivités locales à l'indispensable effort de réduction du déficit public. Comment voulez-vous que nos concitoyens comprennent quelque chose si la règle du 1 sur 2 s'applique à l'État et s'il n'existe aucune règle de maîtrise pour les collectivités territoriales ? On me dira, ce n'est pas facile parce que la crise frappe, c'est vrai. Mais si la crise frappe, elle frappe également les comptes de l'État et la gestion de l'État.
Mesdames et Messieurs, en terminant, je voudrais vous dire que parmi toutes les inquiétudes des responsables politiques, il en est une que partagent toutes nos familles, faire en sorte que la politique compte et que « ce ne soient pas les marchés, ni les agences de notation qui fassent la politique à notre place ».
Cette question est légitime, et cette question occupe toutes nos formations politiques. Cette question mérite réponse. Face à la situation dans laquelle nous nous trouvons, pour conserver, aujourd'hui et demain, notre marge de manuvre budgétaire, notre autonomie, notre souveraineté, la maîtrise de notre destin, il faudra se souvenir que l'on ne peut pas dépenser plus que l'on n'a.
Bien sûr, ces agences et ces marchés exaspèrent nombre de nos concitoyens, mais ne nous trompons pas : ce n'est pas le thermomètre qui donne la fièvre. La meilleure façon de retrouver notre autonomie et la maîtrise de notre destin, c'est de mettre en uvre les décisions urgentes, structurelles, pour retrouver de la croissance et de la compétitivité, et de continuer l'effort de redressement de nos finances publiques.
Si ces agences, si ces marchés ont trouvé une trop grande influence, c'est parce que depuis 1974 notre pays n'a pas voté un seul budget en équilibre. Cette question, je crois qu'il faut la poser comme cela. Sans doute elle nous met tous en compte, elle nous interroge tous sur nos responsabilités. Mais cette question, il me semble que nous ne pouvons pas ne pas la poser ainsi.
Voilà, Mesdames et Messieurs les parlementaires, aux amis politiques, je veux dire mon amitié. Aux concurrents politiques, je veux dire que je suis sensible à leur présence républicaine. Qu'ils se rassurent, j'ai suffisamment d'expérience pour n'en tirer aucune conclusion sur leur approbation. Mais pour nos concitoyens, Mesdames et Messieurs de l'opposition, c'est extrêmement rassurant de voir un grand pays comme le nôtre capable de rassembler dans la maison symbole du pouvoir politique des hommes et des femmes d'idées différentes et capables, l'espace d'un instant de se rassembler pour se présenter des vux républicains sans s'insulter, sans se manquer de respect et sans tirer des conclusions que nous n'avons pas à tirer.
Et qu'il me soit permis en terminant sur un mode plus personnel de vous dire les vux que je forme pour vous et pour vos familles, des vux qui, bien sûr, s'adressent à ceux qui partagent mes convictions comme à ceux qui ne les partagent pas. Parce que le droit au bonheur de la classe politique n'est ni de gauche, ni de droite. Il est pour tous ceux qui ont choisi cet engagement bien difficile, avec beaucoup de pression, beaucoup de complexité, et rien que pour cela je voudrais vous dire mon respect et le souhait que vous trouviez dans vos vies familiales la compensation, parce que vous ne la trouverez pas forcément dans votre vie professionnelle au cours de cette année 2012.
Merci à tous.