15 novembre 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la préservation du modèle social et sur la lutte contre les fraudes à la Sécurité sociale, à Bordeaux le 15 novembre 2011.

Mesdames et Messieurs,
Madame et Messieurs les ministres,
Cher Alain JUPPE,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
En empruntant ce matin les quais de la Garonne pour venir jusqu'à vous, je prenais toute la mesure de la renaissance de Bordeaux et donc du formidable travail entrepris depuis des années par Alain Juppé, que je veux saluer et que je veux remercier. Je me souvenais aussi, que de cette même ville, de ces mêmes quais, au moment où notre pays s'abîmait dans la défaite et que certains faisaient acte de défaitisme, un homme, le général de GAULLE partait rejoindre l'Angleterre pour s'atteler à la renaissance de la France.
C'est dans le combat contre l'occupant que l'ensemble des mouvements de résistance, chrétiens, gaullistes, socialistes et communistes ont défini le fameux programme du Conseil National de la Résistance. De cette solidarité de la France combattante est née une ambition nouvelle pour la France. Une ambition généreuse inscrite dans le marbre de nos lois fondamentales car dès 1946 la nouvelle constitution garantissait à tous les citoyens de notre pays la protection de la santé et la sécurité matérielle.
Conçu par la résistance, né avec la Libération, notre modèle social fait aujourd'hui partie de l'identité de notre Nation. Les Français y sont attachés, viscéralement attachés, car il est le fruit de notre histoire et de nos valeurs et dans le contexte de crise économique et financière qui est le nôtre aujourd'hui, en tant que chef de l'Etat, je suis le garant et mon devoir est d'être le protecteur de notre modèle social.
Faut-il rappeler que dans notre pays, nous ne laissons pas au bord du chemin ceux qui sont frappés par la maladie, par l'âge, par la dépendance ou par le handicap ?
Faut-il rappeler qu'en France, on ne perd pas sa couverture maladie quand on perd son emploi ?
Faut-il rappeler qu'en France, on ne perd pas sa retraite par le fait des errements de la finance internationale ?
Faut-il rappeler qu'en France, on garantit aux plus démunis un accès aux soins, absolument sans équivalent dans le monde ?
Je le rappelle, aujourd'hui devant vous, car il faut inlassablement rappeler que l'honneur de la France, c'est d'avoir construit une République démocratique et sociale sur les décombres de la seconde guerre mondiale.
Je tiens à rappeler cette vérité car j'entends dire, ici où là, que le pacte de 1945 serait remis en cause, que les valeurs et les idéaux du CNR seraient foulés au pied, que nous serions en train de trahir l'héritage que nous ont laissé les pères de notre modèle social.
Je veux dire que je n'accepte pas ces mensonges et que je n'accepte pas ces outrances.
Je les refuse et je suis venu ici, à Bordeaux pour les réfuter, point par point.
Je veux dire que ceux qui ont trahi l'héritage du CNR, ce sont ceux, qui depuis des décennies, ont refusé toute réforme par lâcheté politique ou par opportunisme. Là est la trahison dans notre modèle social.
Ceux qui ont trahi l'héritage du CNR, ce sont ceux qui pendant des décennies ont bien soigneusement dissimulé aux Français qu'ils finançaient leur système de protection sociale à coup de déficit et à coup de dette.
Voilà donc que pendant des décennies, on a protégé les Français à crédit sans le dire aux Français. On a protégé les Français des années 1980 en hypothéquant l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Là, est la vérité et là est la trahison de l'esprit et de la lettre de notre modèle social.
Avec la réforme des retraites de 2010, et les efforts de tous les Français, nous avons voulu sauver la branche vieillesse de la Sécurité sociale. Un travailleur qui a été salarié au SMIC pendant toute sa vie professionnelle bénéficie ainsi d'un taux de remplacement égal à 85% du SMIC net. La réforme des retraites de 2010 a préservé un acquis social majeur. Ceux qui refusent la réforme des retraites sont prêts à détruire un acquis social majeur. La réforme des retraites, nous l'avons mise en uvre pour protéger l'acquis social des Français.
Regardons autour de nous, mes chers compatriotes, et chacun pourra constater que dans la crise, les retraités français ont été davantage préservés et protégés que partout ailleurs en Europe.
Il en va de même pour la situation de la branche famille. Elle est l'une des plus généreuses et des plus efficaces au monde. Elle conjugue l'universalité dans l'accès aux allocations familiales et le soutien ciblé aux familles les plus défavorisées. Avec l'investissement massif dans les politiques d'accueil du jeune enfant que nous réalisons, la politique familiale est un pilier central du dynamisme de notre pays et je n'accepterai jamais la remise en cause des fondamentaux de notre politique familiale car les résultats sont là.
Nous parvenons à concilier en France un taux de natalité élevé, de plus de 2 enfants par femme, avec un taux d'activité féminin de 85%. La France a tout fait pour que les femmes puissent connaître un épanouissement professionnel sans renoncer à un épanouissement familial.
Année après année, notre population active continue de croître. Dans 20 ans, la population de la France aura crû de 20%, alors qu'elle aura baissé dans 8 autres pays européens, notamment en Allemagne.
« Il n'est de richesse que d'hommes » écrivait déjà au XVIème siècle le grand humaniste français Jean Bodin. Cette richesse, la France a su la préserver parce qu'elle s'est dotée d'une politique familiale sans nulle autre pareille en Europe.
La France est en train de redevenir ce qu'elle fut pendant des siècles : la première puissance démographique d'Europe. Dans 30 ans la France aura davantage d'habitants que l'Allemagne.
Regardons enfin la branche maladie. Elle prend en charge plus des trois quarts des dépenses de santé engagées par les Français. Quoi qu'en disent les critiques, même avec les progrès de la médecine et l'augmentation des coûts, ce taux est stable depuis 15 ans. Notre système de santé est l'un des meilleurs au monde.
Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, la proportion de la richesse nationale ainsi dévolue à la protection sociale -- un tiers de notre PIB -- fait de la France l'un des pays les plus généreux sur le plan social. Il faut que chacun d'entre nous ait bien cette réalité à l'esprit. C'est une chance et c'est un atout.
C'est un atout parce que j'ai la conviction que les économies se portent mieux lorsqu'il existe des régimes de protection sociale efficaces et je conteste l'équation, croissance et faiblesse du modèle social. La protection sociale efficace permet d'améliorer la productivité des salariés et de favoriser une croissance équilibrée et durable. C'est cette même conviction que nous avons soutenue au G20, notamment avec Alain JUPPE et Xavier BERTRAND. Pour la première fois, des pays comme les États-Unis, l'Inde, la Chine, le Brésil ont reconnu la nécessité de construire dans chaque pays un socle de protection sociale. Le chemin est long, mais la voie est ouverte. Et c'est la France qui l'a tracée.
C'est le cur de mon engagement politique. Ceci posé, pouvons-nous, mes chers compatriotes, regarder notre système de protection sociale, notre système de solidarité, comme si rien ne s'était passé entre 1945 et 2011 ?
Je suis, plus que tout autre, attaché à l'idéal fixé par le général de GAULLE et par le Conseil National de la Résistance. Mais le meilleur moyen de préserver cet acquis, c'est de le réformer en permanence pour l'adapter aux réalités de notre monde.
Dans ce domaine, comme dans tous les autres, j'aimerais tant vous convaincre, mes chers compatriotes, que ce n'est pas la réforme qui est un danger, c'est l'immobilisme qui est un danger, c'est le conservatisme qui est un danger, c'est le refus d'assumer des responsabilités, et c'est le refus de voir que le monde change et qu'il ne nous attendra pas.
Grâce aux progrès de la médecine et à notre système de santé, notre société connaît aujourd'hui une formidable révolution, celle de l'augmentation de l'espérance de vie, et par conséquent un défi colossal, celui de l'augmentation de la population la plus âgée.
Au moment de la Libération, je vous donne ces chiffres pour vous convaincre que ce n'est pas une affaire d'idéologie, de gauche, de droite d'opposition, de majorité, c'est une affaire de bon sens, de courage, de devoir, de prise de responsabilité. Au moment de la Libération, l'espérance de vie d'un Français était de 62 ans. Aujourd'hui, elle est de 78 ans pour un homme et 85 ans pour une femme. Qui peut dire, qui peut oser dire que notre réforme du système de retraite n'était pas nécessaire alors que de 45 à aujourd'hui, nous sommes passés d'une espérance de vie de 62 ans à 78 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Qui osera le dire aux Français ? Sans mentir, sans avoir le rouge qui monte à la figure ? Il serait choquant, et pourquoi ne pas le dire, scandaleux, de ne pas à ce point vouloir assumer la responsabilité qui est celle des femmes et des hommes d'État. En 1960, dans notre pays, il existait 4 cotisants pour un retraité. Aujourd'hui, 1,8 cotisant pour un retraité et à l'horizon 2050, 1 cotisant pour 1 retraité. Qui osera dire aux Français : « retraités, dormez tranquilles. Malgré ces chiffres, il n'y a rien à changer, il n'y a rien à revoir, il n'y a rien à dire » ?
La société française a profondément évolué et son environnement s'est transformé. Nous vivons dans un monde ouvert, où les produits que nous consommons tous les jours viennent de tous les horizons, où notre industrie est confrontée à la concurrence de nouveaux pays.
Notre modèle social n'est pas intangible. Notre modèle social doit rester vivant. Le réformer, l'adapter, c'est le sauver et le pérenniser !
Regardons avant tout les valeurs qui l'inspirent et auxquelles nous sommes attachés ainsi que les objectifs que nous voulons atteindre !
Voulons-nous toujours dépenser plus sans jamais nous interroger sur les charges que cela représente ?
Voulons-nous d'un système de Sécurité sociale qui ne serait qu'un guichet auquel chacun pourrait se servir comme bon lui semble ou bien voulons-nous que les droits des assurés sociaux répondent aussi aux devoirs des assurés sociaux. Le mot devoir n'est pas un gros mot, il est la contrepartie des droits.
Le Conseil National de la Résistance n'a pas voulu un système d'aumône. Il a voulu construire un système digne pour une France démocratique et libre.
La solidarité est totale à une condition, c'est que la responsabilité soit totale et donc partagée.
Ce que je souhaite, c'est défendre l'esprit d'une réforme sociale fondatrice ! Je ne suis pas le défenseur d'organisations corporatistes ou de faux acquis. Et en tout cas, je n'accepterai pas le mensonge, la dissimulation de la vérité, au prétexte qu'il y a des rendez-vous électoraux qui arrivent. C'est trop grave. Les Français choisiront, mais ils ont le droit à la vérité, pas au mensonge.
Il y a quelques semaines, j'avais parlé des nouveaux enjeux qui s'offrent à notre pays. Et que les choses soient claires, nous ne pouvons pas, nous n'avons pas les moyens, de nous lancer dans une stratégie de toujours plus de dépenses pour toujours plus d'impôts. Cette stratégie, c'est l'impasse. Parce que les impôts reposent sur la France qui travaille, qui est en concurrence avec les autres. Et nous les payerons alors, de délocalisations et de perte d'emplois. La vraie réponse, la seule, passe par une transformation de nos politiques sociales.
Il y a quelques semaines, certains acteurs, cher Xavier, du système de santé ont publié un manifeste dit « pour une santé égalitaire ». Il ne s'agit pas de discuter ici l'attachement que je crois sincère de ces personnes à notre système de santé mais de leur dire : « vous aussi, vous avez un devoir de responsabilité ». Et à vous aussi, l'irresponsabilité vous est interdite.
La principale proposition de ce manifeste était simple : abandonner tout mécanisme de maîtrise des dépenses de santé et s'en remettre à des augmentations automatiques des cotisations. Cette logique-là, je la refuse, je la refuserai toujours, parce qu'elle est absurde et parce qu'elle est dangereuse.
Je le dis avec d'autant plus de force que j'ai observé le débat au Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La nouvelle majorité sénatoriale propose d'augmenter les dépenses de l'ONDAM de 3,6% et de les payer par des augmentations d'impôts. Comme c'est facile ! Les uns promettent des dépenses, les autres subissent les augmentations d'impôts. Je refuse cette stratégie.
Avec la réforme de l'hôpital et de la médecine libérale, nous avons au contraire engagé une réorganisation en profondeur de notre système de soins, Roselyne BACHELOT y a beaucoup contribué. Les maisons de santé permettent de consolider et de rapprocher l'offre de soins. Et cela nous a permis d'obtenir des résultats : l'hôpital a vu son déficit diminué par trois entre 2007 et 2011. Par trois ! Il est à présent réorganisé et recentré sur ses missions au service des malades.
Avec notre politique du médicament, nous concentrons les remboursements sur les produits les plus efficaces et nous ajustons les prix selon leur cycle de vie, tout en continuant à soutenir la recherche et l'innovation dont nous avons absolument besoin. Xavier BERTRAND a parfaitement su tirer tous les enseignements de l'affaire du Médiator, car la confiance des Français dans notre système sanitaire doit être préservée par dessus tout.
Avec la mise en place du Revenu de Solidarité Active, nous avons accru l'écart entre les minima sociaux et les revenus du travail.
Et nous irons plus loin dans la logique des droits et des devoirs. Comme l'a proposé Marc-Philippe DAUBRESSE, d'ici la fin de l'année, nous expérimenterons dans une dizaine de départements une obligation de travail de sept heures pour les bénéficiaires du RSA. Là aussi, que l'on me comprenne bien, ce n'est pas pour punir, c'est au contraire pour respecter, pour redonner de la dignité. On n'a pas de dignité quand on ne peut survivre qu'en tendant la main.
Avec notre politique en faveur de l'emploi des séniors, nous avons voulu construire de nouvelles relations dans l'entreprise qui permettent de garder les séniors au travail. Mes chers compatriotes, entre 2007 et 2010, malgré la crise, le nombre de séniors en emploi a augmenté de 470 000, et le taux d'emploi des 55-59 ans atteint maintenant dans notre pays 62%. Pour la première fois dans notre histoire, nous venons de dépasser la moyenne européenne. Mais quelle était la logique d'une politique qui consistait à mettre dehors tous les quinquagénaires d'une entreprise alors que dans le même temps, le gouvernement explique qu'il faut cotiser plus longtemps pour pouvoir financer nos retraites ?
Avec la réforme des retraites, nous avons donc garanti les principes de solidarité de notre système par répartition. Face à un choc démographique que chacun voyait arriver, avec le Premier ministre, François FILLON, nous avons refusé de baisser le niveau des pensions de 15 millions de retraités, car baisser leurs pensions, cela revenait à remettre en cause purement et simplement notre pacte social. L'effet d'une telle décision aurait été désastreux alors que le grand acquis de l'après-guerre c'est la fin de la pauvreté chez nos aînés, qui a longtemps été un fléau typiquement français.
Et j'ai tenu à respecter mon engagement de revaloriser le minimum vieillesse malgré la crise de 25% d'augmentation entre 2007 et 2012.
Travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps, c'était la seule et unique réponse de bon sens. C'est d'ailleurs, mes chers compatriotes, celle qu'ont choisie tous les grands pays développés, sous des gouvernements de droite comme de gauche. Je veux le dire aux Français, il n'y avait pas d'autre solution. Ceux qui vous disent que l'on peut travailler moins et préserver notre système de retraite vous mentent. Pour combler le déséquilibre de financement de nos retraites, il était nécessaire de travailler plus longtemps. C'est la raison pour laquelle nous avons relevé l'âge de départ à la retraite à 62 ans.
Ce n'était pas une décision facile à prendre mais c'était la seule à même de préserver le système de retraite par répartition qui est l'une des garanties de notre cohésion sociale.
Vous le voyez bien, c'est en adaptant notre système de protection sociale que nous garantirons sa pérennité. Et c'est dans le même esprit que nous avons décidé d'engager une action résolue contre les fraudes sociales.
La fraude : c'est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l'esprit de 1945. C'est la fraude qui mine les fondements mêmes de cette République Sociale que les frères d'armes de la Résistance ont voulu bâtir pour la France et qu'ils nous ont léguée.
Frauder, que dis-je, voler la Sécurité sociale, c'est trahir la confiance de tous les Français et c'est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale.
Frauder la Sécurité sociale, c'est voler. Ce n'est pas simplement « abuser du système », ce n'est pas simplement profiter de ses largesses. C'est voler chacun et chacune d'entre nous.
Celui qui bénéficie d'un arrêt de travail frauduleux comme celui qui le prescrit, je le dis simplement, vole les Français, tous les Français.
Celui qui minore ses ressources pour obtenir une prestation vole les Français.
Celui qui perçoit des allocations familiales alors qu'il ne réside pas sur le territoire national, comme celui qui invente un logement fictif ou loue un logement insalubre pour détourner des prestations vole les Français.
Celui qui emploie un salarié sans le déclarer à la Sécurité Sociale triche au détriment de la collectivité.
Je vous le dis, nous devons être sans indulgence contre les fraudeurs et contre les tricheurs. Il ne s'agit pas dans mon esprit de désigner des boucs émissaires, de monter les uns contre les autres, cela n'aurait aucun sens. Il s'agit de préserver un acquis social. Si la fraude prospère, nous ne pourrons pas garder notre modèle social. Ceux qui refusent de lutter contre la fraude sont ceux qui préparent la désagrégation de notre modèle social.
Trop longtemps, mes chers compatriotes, il fut de bon ton, dans certains milieux, de nier la fraude. Dénoncer la fraude était même déplacé, ceux qui dénonçaient la fraude étaient même condamnés par ces beaux esprits qui voyaient là une sorte de redistribution militante.
Cette période-là, elle est définitivement dernière nous.
Depuis 2008, nous avons mis notre système de Sécurité sociale en situation d'identifier et de réprimer la fraude et les fraudeurs. L'interconnexion des fichiers entre administrations, dans le respect des règles applicables est absolument indispensable.
Je veux d'ailleurs souligner et saluer le rôle des parlementaires qui ont construit avec le gouvernement cet arsenal de lutte contre la fraude à la Sécurité sociale.
Je veux aussi, parce que c'est mon devoir de chef de l'État, souligner l'investissement de l'ensemble des agents des services de l'État et des caisses de Sécurité sociale dans ce travail et notamment le rôle des inspecteurs et des contrôleurs qui font chaque jour sur le terrain un métier très difficile. Et c'est mon devoir de leur rendre hommage. Une caisse d'allocations familiales comme celle de la Gironde distribue 1,3 milliard de prestations familiales. Je veux rendre hommage à ces agents parce qu'ils sont en première ligne des mécontentements, des protestations et parce que les contrôles, c'est toujours bon pour le voisin et toujours douloureux pour soi-même. Vous pouvez être fiers de votre administration. Oh bien sûr, tout ne va pas comme on souhaiterait que cela aille, mais nous avons la chance dans notre pays d'avoir une administration compétente et honnête. Et j'ai voulu dire à ces agents comme aux fonctionnaires que je comprenais que leur métier était difficile, d'autant plus -- et je le revendique, je l'assume -- que j'ai voulu le choix du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux parce que la France ne peut plus continuer à multiplier les emplois publics.
Les premiers résultats de cette politique de fermeté sont là. En 2010, 3,4 milliards d'euros de fraudes fiscales, sociales et douanières ont ainsi été détectées, dont un demi-milliard d'euros au titre des organismes de Sécurité sociale. Simplement parce que nous l'avons voulu. C'est 20% de plus qu'en 2009.
Il est évident que cette politique de lutte contre la fraude n'est pas la réponse structurelle à nos problèmes de déficits. Ceux qui le disent se trompent parce que dans mon esprit, c'est une exigence absolue de responsabilité et de bonne gestion de l'argent public.
Alors cette exigence est celle qui nous conduit enfin à poursuivre dans la voie du redressement de nos finances publiques.
Notre volonté de maîtrise des dépenses publiques n'est pas une obsession comptable.
Mes chers compatriotes, ce qui est en jeu, c'est la maîtrise de notre destin. C'est notre indépendance nationale. C'est notre capacité à assumer notre souveraineté nationale. Seul un pays qui maîtrise ses finances peut demeurer souverain. Et pour cela nous ne pouvons pas continuer à distribuer plus de richesses que nous n'en produisons.
Seul un pays qui maîtrise ses finances peut demeurer souverain. Et pour cela nous ne pouvons pas continuer à distribuer plus de richesses que nous n'en produisons. Nous ne pouvons pas financer nos régimes de protection sociale par la dette qui se crée automatiquement quand année après année nos dépenses sociales restent supérieures aux recettes qui sont censées les financer.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec le Premier ministre, d'augmenter de 1% un certain nombre de prestations sociales, en cohérence avec les dernières prévisions de croissance. On augmentera les prestations au prorata de la richesse que nous serons capables de créer.
Nous avons pu tenir l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2010 £ c'est la première fois depuis 1997, que cela se produit dans notre pays. Et nous le tiendrons en 2011. Et nous tiendrons en 2012 et pour les années suivantes un ONDAM à 2,5%.
Et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'accélérer le calendrier de la réforme des retraites. Pour restaurer plus rapidement l'équilibre des régimes de retraites et protéger les retraités.
Savez-vous qu'avant notre réforme sur 15 millions de retraités en France, pour un million et demi d'entre eux, la sécurité sociale était obligée d'emprunter à la banque un argent qu'elle n'avait pas ? Est-ce que ce système pouvait perdurer ? Non. C'était impossible.
Mesdames et Messieurs, les pensions de retraite en Grèce ont baissé de 20%.Voilà ce qui arrive à un pays qui vit au-dessus de ses moyens. Au Portugal, les pensions de retraites ont également baissé. Voilà ce qui arrive à un pays qui n'a pas fait à temps la réforme qui était nécessaire. Nous ne voulons pas de ces évolutions pour notre pays. Protéger les retraités d'une baisse des pensions qui ferait à nouveau rimer vieillesse avec pauvreté, nous ne pouvons pas l'accepter.
La certitude que le statu quo de notre modèle de financement n'est plus possible sera ma conclusion. Nous devons repenser le système de financement de notre système social. Il en va de la compétitivité de notre pays.
Dans un monde ouvert, soumis à la concurrence, le coût très élevé du travail dans notre pays pénalise notre économie. Et pénaliser la France dans la compétition internationale, c'est accroître le risque de délocalisations. Le coût du travail a augmenté en France plus rapidement qu'en Allemagne sur les 15 dernières années. N'allez pas chercher ailleurs les bons résultats de l'Allemagne et les difficultés de la France.
Deux décisions qui ont été prises ont eu des conséquences catastrophiques sur la compétitivité de la France. La première c'est celle du début des années 1980, quand on a fait croire aux Français que l'on pouvait passer l'âge de la retraite de 65 ans à 60 ans. On a menti aux Français. Tout le monde le savait et cette décision a été prise en niant les réalités. Et puis il y a eu au début des années 2000 l'invraisemblable affaire des 35 heures dont nous avons été le seul pays au monde à nous doter.
Il nous faut à présent ouvrir un débat serein sur le financement de notre protection sociale. Sur ce sujet, nous ne sommes pas sur un terrain vierge. Beaucoup de travaux ont d'ores et déjà été engagés pour analyser les différentes hypothèses.
Quelles dispositions pouvons-nous prendre pour réduire le poids de la taxation sur le travail ? C'est une question essentielle.
Le financement de la protection sociale doit-il reposer autant sur les salaires, alors que nos partenaires européens et mondiaux font un choix différent et que nos salariés sont de plus en plus mis en concurrence ?
Dans quelle proportion faut-il mettre à contribution différents types d'impôts pour réaliser cet élargissement ?
Les importations doivent-elles dans notre pays contribuer au financement de notre modèle social ?
Au-delà du sujet du coût du travail, il y a également la question de la meilleure intégration des couvertures offertes par les organismes complémentaires à la protection des différents risques sociaux.
Ce débat nous concerne tous. Je propose d'installer le Haut Conseil du Financement de la protection sociale, qui associera les partenaires sociaux. Ce Haut conseil engagera le débat public sur ces questions qui sont au cur de notre pacte social et de son avenir. Il nous aidera à poursuivre dans la voie du redressement des différentes branches de la Sécurité sociale.
Je souhaite que ce Haut Conseil commence à travailler avant la fin de l'année qu'il apporte de la sérénité, du sérieux et de l'objectivité dans ce débat. Je lui demanderai de faire des propositions qui soient à la hauteur de l'ambition que je porte pour notre modèle social. Et dans quelques mois chacun de ceux qui envisagent les prochaines échéances aura à se prononcer sur une question absolument centrale : celle du financement de notre modèle social.
Mes chers compatriotes, j'espère que vous l'avez compris, pour moi ce déplacement était très important. Nous allons garder notre modèle social, nous avons tous vu des images outre-Atlantique où quand un homme ou une femme perdait son emploi, il se retrouvait dans un mobil home, sans rien. Ce modèle-là, nous n'en voulons pas. Nous ne jugeons pas les autres mais nous n'en voulons pas. Il ne correspond pas à ce que nous sommes.
Mais dans le même temps, nous voyons aussi dans quelle situation se trouvent des pays qui ont vécu sans se préoccuper du lendemain. Ces modèles-là, nous n'en voulons pas non plus.
Bien sûr que nous voulons continuer avec un modèle généreux mais nous ne voulons pas non plus qu'on abuse de ce modèle. Nous ne voulons pas non plus qu'on manque de respect à notre système social et à notre pays, en considérant qu'on peut tout lui demander et ne rien lui donner. Cela nous ne l'accepterons jamais, parce que ce n'est pas conforme à l'idée que nous nous faisons de notre pays et de notre engagement.
Et c'est en cela que nous serons fidèles à l'héritage du général de GAULLE et de ceux qui ont fait le Conseil National de la Résistance.
Mesdames et Messieurs, la crise est loin d'être finie. Elle crée beaucoup de souffrance dans notre pays. Et elle impose que chacun soit à la hauteur de cette crise en assumant ses responsabilités, quels que soient les risques que les responsables encourent. Assumer ses responsabilités et faire son devoir.
Mais cette crise qui oblige à repenser nos idées, à réfléchir sur ce que nous sommes et vers où nous voulons aller est aussi une opportunité pour la France de réagir, de préparer son avenir et de rester dans le peloton de tête des nations qui comptent dans le monde d'aujourd'hui.
Refuser le 21e siècle n'a aucun sens, refuser la mondialisation n'a aucun sens. Peser sur la mondialisation, réformer le modèle français et compter pour la France afin que vos enfants puissent vivre dans un pays dans lequel ils auront confiance et dont ils seront fiers, comme nous l'avons tous été de ces manifestations du 11 novembre. Faire rimer patriotisme vers l'avenir et pas simplement vers le passé, aimer la France, être fier de la France, redresser la France, construire la France, voilà ce que je souhaite dans cette ville de Bordeaux qui m'a reçu aujourd'hui avec tant de chaleur et tant d'amitié.
Merci, Monsieur le Maire. Merci.