27 octobre 2011 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les décisions prises au niveau européen face à la crise de la Zone euro, à Bruxelles le 27 octobre 2011.
Mesdames et Messieurs,
A la suite d'une longue nuit de négociations, nous venons de terminer le sommet de la zone euro qui nous a permis, du moins nous le croyons, d'adopter les éléments d'une réponse globale, d'une réponse ambitieuse et d'une réponse crédible à la crise que traverse la zone euro.
Tout d'abord, nous avons trouvé une solution durable à la crise grecque. En échange d'engagements très forts, la Grèce bénéficiera donc d'un nouveau programme de 100 Mds d'euros, et nous nous sommes mis d'accord sur une participation du secteur privé permettant de ramener le ratio de la dette grecque sur sa richesse nationale à 120% de son PIB, à l'horizon de 2020. Je rappelle que le ratio de la dette de la Grèce est aujourd'hui à 165%. Ceci se fera par un accord volontaire avec les créanciers privés dont nous avons discuté les paramètres avec leurs représentants.
Ainsi, comme le demandait la France depuis le début, nous avons exclu la perspective d'un défaut de la Grèce. Mais les créanciers privés ont renoncé à la moitié de la dette qu'ils détiennent. Cela représente un effort de 100 Mds d'euros pour eux. Pour arriver à cet accord avec le secteur privé, les Etats de la zone euro sont prêts à mobiliser 30 Mds d'euros de fonds publics pour financer des garanties pour le secteur privé. Comme vous le voyez, cet accord va bien au-delà de l'accord prévu le 21 juillet et cet accord a reçu le soutien de toutes les institutions : le FMI, la BCE, la Commission.
Deuxième élément très important, le renforcement du Fonds européen de stabilité financière. Nous avons décidé de démultiplier l'utilisation des ressources du Fonds européen de stabilité financière. L'effet de levier permettra de multiplier par quatre ou cinq les ressources disponibles du Fonds. Donc, il y aura bien un effet de levier et nous estimons ce potentiel à quatre à cinq.
Par ailleurs, nous avons mandaté les institutions européennes pour engager des discussions afin de coopérer plus étroitement avec le FMI pour attirer de nouveaux financements.
Ces décisions constituent une avancée majeure pour mettre en place des pare-feu puissants pour éviter que la crise ne se propage à d'autres Etats membres de la zone euro et, au-delà, nous sommes convaincu que la BCE est déterminée à éviter les dysfonctionnements des marchés financiers et monétaires, comme l'a d'ailleurs dit, aujourd'hui, lui-même, Mario DRAGHI, le futur gouverneur, avec beaucoup de clarté.
Nous avons également mis en place un deuxième pare-feu en demandant aux banques européennes de renforcer leurs fonds propres. Elles devront valoriser au prix du marché les dettes souveraines et atteindre une cible de capital de 9% de fonds propres.
Enfin, nous avons mis en place concrètement le gouvernement économique de la zone euro. Le Sommet de la zone euro se réunira au moins deux fois par an. L'ensemble des Etats de la zone euro devra adopter, d'ici la fin 2012, une règle d'or, de préférence au niveau constitutionnel. Et nous élirons un président de la zone euro.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce sont des décisions extrêmement lourdes que personne aurait pu imaginer, il y a encore un an ou un an et demi. Et si je devais faire en quelques mots le bilan, la France, depuis le début, réclamait un gouvernement économique de la zone euro et indiquait que ce gouvernement économique devrait être constitué par la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est ce qui a été décidé. Je vous rappelle que jusqu'à encore deux ans, jamais il n'y avait eu un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.
La France réclamait l'intégration, la convergence des politiques économiques, budgétaires et fiscales. C'est ce que nous avons décidé.
S'agissant de la Grèce, la France souhaitait éviter le drame qu'aurait représenté un défaut de la Grèce, quand on se souvient des conséquences de la faillite de Lehman Brothers. C'est ce qui est fait.
Et enfin, la France souhaitait un Fonds européen avec un effet de levier. C'est ce que nous avons décidé également.
Et, par ailleurs, les déclarations de Mario DRAGHI, aujourd'hui même, enfin hier, à la veille du sommet montrent à quel point la BCE est derrière les initiatives qui ont été prises.
Je crois pouvoir dire que ce sont des décisions extrêmement importantes, prises à 17 pays. La complexité des dossiers, la nécessité de mettre d'accord tout le monde, fait que cela fût une longue nuit de négociations, mais je crois que le résultat sera accueilli avec soulagement par le monde entier qui attendait des décisions fortes de la part de la zone euro. Je crois que les décisions, nous les avons.
Si vous souhaitez me poser quelques questions. Essayez de ne pas être trop long.
QUESTION -- Monsieur le Président, est-ce que vous pourriez nous dire que sera la force de frappe du Fonds de stabilité financière au total et combien vous espérez de la part du FMI et des Chinois ? Est-ce que c'est à l'ordre du jour d'avoir des fonds de la part des Chinois ?
LE PRESIDENT -- Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais on peut estimer aux alentours de 1 400 Mds de dollars. Je crois avoir dit dollars, j'aurais pu dire euros, si vous le souhaitez. Vous faites la conversion et vous aurez aux alentours de 1 000 Mds. Mais comme les comparaisons mondiales se font souvent en dollar, j'ai utilisé le dollar. Alors, cela change avec le niveau de l'euro qui devait être aujourd'hui aux alentours de 1,39 pour un dollar. Mais c'est à peu près de cet ordre d'idée. Je donne cette information pas tant pour les marchés européens, mais pour les marchés mondiaux.
QUESTION -- Et pour la participation de la Chine ?
LE PRESIDENT -- La réponse est oui sur le principe. J'ai vu de nombreuses déclarations des dirigeants chinois en la matière et j'aurai un entretien téléphonique demain en fin de matinée avec le Président HU Jintao. Car naturellement, maintenant, il nous faut rentrer encore plus avant dans la préparation du G20 de la semaine prochaine.
QUESTION -- Des questions, Monsieur le Président, sur les discussions avec les banques. D'abord, comment les décririez-vous ? Est-ce que c'était un véritable bras de fer ? Il a, semble-t-il, fallu que vous alliez vous-même avec la Chancelière MERKEL et Mme LAGARDE, arracher en quelque sorte cet accord avec les banques. Est-ce que c'est bien le cas ? Vous évoquiez dans les chiffres, le fait que les banques renoncent à 100 Mds d'euros d'engagements avec la Grèce. Il resterait, si j'ai bien compris, à peu près 110 Mds de dettes à la Grèce. Pouvez-vous confirmer qu'il aurait également été demandé aux banques de refinancer une partie de cette dette restante à des conditions plus avantageuses ?
LE PRESIDENT -- La réponse est oui. D'abord, Mme LAGARDE a dit très clairement qu'elle approuvait cet accord, qu'elle le considérait comme crédible.
Deuxièmement, vous comprenez bien que l'accord, il est dans ses principes parfaitement bouclé et organisé. Mais, il y a des éléments qui sont encore à ajuster et, notamment, le nombre de créanciers qui viendront à l'accord. Nos partenaires nous indiquent que le pourcentage sera très important. Nous visons 100%, mais on verra bien, il y a pas mal de documents juridiques à signer. Mais les lignes de l'accord avec les créanciers sont vraiment celles-ci : 50% d'abandon de la créance, auquel il convient de rajouter l'engagement de financer les 100 Mds de dette grecque qui reste à des taux moins élevés. Donc, on est à un peu plus de 50% pour dire les choses. Mais Mme LAGARDE a écouté les discussions, mais a bien précisé qu'elle ne participait pas à la négociation.
Cette discussion est une discussion entre gens qui savaient que pesait sur leurs épaules la responsabilité d'une catastrophe s'il n'y avait pas d'accord. Et donc, elle a été assez facile à obtenir, parce qu'on ne pouvait pas se permettre d'avoir un plan qui ne marche pas. Donc, nous sommes partis d'un raisonnement assez simple : le FMI, la BCE et la Commission indiquent que la dette grecque est soutenable à partir du moment où elle est ramenée aux alentours de 120% du PIB en 2020. Donc, on a pris cet objectif et on a décliné ce qu'il fallait pour que la Grèce puisse rembourser sa dette. Et c'est cela qui a conduit à ce qu'on appelle un haircut, un abandon de 50% de la créance, ce qui veut dire que les créanciers privés feront un effort volontaire de 100 Mds. Et naturellement, en échange, il fallait que les pouvoirs publics amènent en garantie 30 Mds d'euros qui permettront d'éviter qu'on passe d'un défaut sélectif à ce qu'on appelle un incident de crédits, c'est-à-dire une faillite.
Voilà, pardon, j'espère que j'ai été à peu près clair, mais c'est la discussion et comme dans toute discussion, il y a des avancées, des reculs et, effectivement, Mme MERKEL et moi, nous avons été au contact des représentants des banquiers pas pour négocier, mais pour les informer de décisions qui avaient été prises par les 17. Et après, eux-mêmes y ont réfléchi et ont travaillé et ont donné leur accord.
QUESTION -- Une première question technique, les 50% d'abandon de créances, est-ce que cela concerne aussi les obligations d'Etat détenues actuellement par la Banque centrale européenne...
LE PRESIDENT -- Non...
QUESTION -- D'accord, et les établissements grecs seront aussi soumis à une décote de 50% ?
LE PRESIDENT -- Oui, enfin disons, qu'on a prévu que l'ensemble des banques seraient traitées dans les mêmes conditions.
QUESTION -- Alors deuxième question, est-ce que...
LE PRESIDENT -- c'est la troisième...
QUESTION -- Oui ! Est-ce que vous considérez que les engagements qui ont été pris aujourd'hui pour renforcer le gouvernement économique de la zone euro, achèvent l'intégration de la zone euro ou est-ce que c'est un premier pas vers davantage d'intégration, de fédéralisme, comme dirait Alain JUPPÉ ?
LE PRESIDENT -- Non, il faudra d'autres pas, mais ces pas là ne seront pas forcément institutionnels. Ce seront des pas fondés sur la convergence des fiscalités, la convergence des compétitivités des économies, tout n'est pas dans les institutions, beaucoup se retrouve dans le contenu des politiques. Donc, il y a un travail à faire qui est important, mais les éléments pour cette intégration sont clairement posés, oui.
QUESTION -- Est-ce que vous vous êtes donné à peu près une limite de temps pour la mise en place du mécanisme de soutien, enfin donc de démultiplication du Fonds ? Est-ce qu'il faut lire dans les déclarations de M. DRAGHI ce matin, que la BCE sera sur le marché tant que ce mécanisme ne sera pas en place, voire au-delà ?
LE PRESIDENT -- Alors moi, je ne suis pas le porte-parole de la BCE. La BCE est une institution indépendante et il convient de respecter son indépendance. M. DRAGHI ne nous a pas interrogés avant de prendre ses décisions. Nous ne lui avons rien demandé, mais il est permis de se réjouir de ce qu'il a dit et qui est assez clair au fond et que vous avez certainement en tête, puisqu'il a dit qu'il y a des circonstances où des mesures dites non conventionnelles, comme l'achat de dettes publiques. Et bien, ces mesures sont nécessaires de manière transitoire, a-t-il dit, pour pacifier les marchés. On ne peut pas être plus clair. La mise en place du Fonds doit être extrêmement rapide et donc dans notre esprit, c'est le mois de novembre.
QUESTION -- Monsieur le Président, dimanche dernier, vous avez demandé des engagements sérieux à l'Italie, je voudrais savoir si vous êtes satisfait par les éléments présentés ?
LE PRESIDENT -- Oui. Pardon, ce n'est pas à moi d'être satisfait. Je n'ai pas à gérer l'Italie ni à la contrôler. Mais d'après ce qu'ont dit le président de la Commission et le président du Conseil et le gouverneur de la Banque centrale, ils semblaient satisfaits des engagements, puisqu'ils ont dit que ces engagements, c'était exactement ce qu'il fallait et qu'ils en attendaient maintenant la réalisation.
QUESTION -- Ce soir, M. BERLUSCONI en parlant à une émission de télé par téléphone, a demandé officiellement à M. BINI SMAGHI de démissionner, je voulais savoir si vous aviez un commentaire à faire là-dessus.
LE PRESIDENT -- Il y a un engagement qui a été pris, et comme toujours, c'est mieux de tenir ces engagements et je me félicite que ces engagements soient tenus. Mais enfin, je ne sais pas si c'est la télévision la meilleure façon de faire passer les messages. Encore une fois, ne m'attirez pas dans la politique italienne. Simplement, si mon souvenir est exact, il y a six membres du directoire de la BCE, il y a aujourd'hui deux Italiens, j'en suis ravi pour l'Italie, mais enfin, cela ne peut pas durer d'autant plus qu'il n'y a pas de Français.
Cela faisait partie, je le dis, c'est un engagement qui a été pris qui me semble assez normal, je rappelle, je crois, avoir été le premier à soutenir la candidature de M. DRAGHI et on était bien clair. J'ai, par ailleurs, le plus grand respect pour M. BINI SMAGHI.
QUESTION - Monsieur le Président, il y aura le directeur du FESF qui se rendra en Chine déjà vendredi. Quel genre de conseil vous donneriez, à l'occasion, aux investisseurs potentiels chinois, ce sera vers le FESF ou vers le FMI et comme vous parlez du G20 la semaine prochaine, c'est très bientôt ? Que pensez-vous sur le risque du blocage de la part des États-Unis sur le renforcement des moyens du FMI, surtout de la part des pays émergents au monde du G20, la semaine prochaine ?
LE PRESIDENT -- Franchement, Madame, il est 4h15 du matin, j'essaye d'expliquer, sans doute laborieusement, l'importance des décisions que nous avons prises, et je me mettrai, dès demain, sur le G20. Mais là, d'abord un, mon expérience des discussions avec la Chine, c'est que je n'ai pas de conseil à leur donner, et deuxièmement, s'agissant du G20, on va déjà digérer ces décisions dont je voudrais insister sur le caractère historique des décisions qui ont été prises, extrêmement fortes pour stabiliser, pacifier les marchés et permettre à la Grèce de retrouver un chemin et une croissance normale.
C'était extrêmement important, difficile, et je crois que le travail qui a été fait par l'Europe est un travail qui était à la hauteur de la situation.
Je vous remercie, bon retour pour ceux qui reviennent.
A la suite d'une longue nuit de négociations, nous venons de terminer le sommet de la zone euro qui nous a permis, du moins nous le croyons, d'adopter les éléments d'une réponse globale, d'une réponse ambitieuse et d'une réponse crédible à la crise que traverse la zone euro.
Tout d'abord, nous avons trouvé une solution durable à la crise grecque. En échange d'engagements très forts, la Grèce bénéficiera donc d'un nouveau programme de 100 Mds d'euros, et nous nous sommes mis d'accord sur une participation du secteur privé permettant de ramener le ratio de la dette grecque sur sa richesse nationale à 120% de son PIB, à l'horizon de 2020. Je rappelle que le ratio de la dette de la Grèce est aujourd'hui à 165%. Ceci se fera par un accord volontaire avec les créanciers privés dont nous avons discuté les paramètres avec leurs représentants.
Ainsi, comme le demandait la France depuis le début, nous avons exclu la perspective d'un défaut de la Grèce. Mais les créanciers privés ont renoncé à la moitié de la dette qu'ils détiennent. Cela représente un effort de 100 Mds d'euros pour eux. Pour arriver à cet accord avec le secteur privé, les Etats de la zone euro sont prêts à mobiliser 30 Mds d'euros de fonds publics pour financer des garanties pour le secteur privé. Comme vous le voyez, cet accord va bien au-delà de l'accord prévu le 21 juillet et cet accord a reçu le soutien de toutes les institutions : le FMI, la BCE, la Commission.
Deuxième élément très important, le renforcement du Fonds européen de stabilité financière. Nous avons décidé de démultiplier l'utilisation des ressources du Fonds européen de stabilité financière. L'effet de levier permettra de multiplier par quatre ou cinq les ressources disponibles du Fonds. Donc, il y aura bien un effet de levier et nous estimons ce potentiel à quatre à cinq.
Par ailleurs, nous avons mandaté les institutions européennes pour engager des discussions afin de coopérer plus étroitement avec le FMI pour attirer de nouveaux financements.
Ces décisions constituent une avancée majeure pour mettre en place des pare-feu puissants pour éviter que la crise ne se propage à d'autres Etats membres de la zone euro et, au-delà, nous sommes convaincu que la BCE est déterminée à éviter les dysfonctionnements des marchés financiers et monétaires, comme l'a d'ailleurs dit, aujourd'hui, lui-même, Mario DRAGHI, le futur gouverneur, avec beaucoup de clarté.
Nous avons également mis en place un deuxième pare-feu en demandant aux banques européennes de renforcer leurs fonds propres. Elles devront valoriser au prix du marché les dettes souveraines et atteindre une cible de capital de 9% de fonds propres.
Enfin, nous avons mis en place concrètement le gouvernement économique de la zone euro. Le Sommet de la zone euro se réunira au moins deux fois par an. L'ensemble des Etats de la zone euro devra adopter, d'ici la fin 2012, une règle d'or, de préférence au niveau constitutionnel. Et nous élirons un président de la zone euro.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce sont des décisions extrêmement lourdes que personne aurait pu imaginer, il y a encore un an ou un an et demi. Et si je devais faire en quelques mots le bilan, la France, depuis le début, réclamait un gouvernement économique de la zone euro et indiquait que ce gouvernement économique devrait être constitué par la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est ce qui a été décidé. Je vous rappelle que jusqu'à encore deux ans, jamais il n'y avait eu un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.
La France réclamait l'intégration, la convergence des politiques économiques, budgétaires et fiscales. C'est ce que nous avons décidé.
S'agissant de la Grèce, la France souhaitait éviter le drame qu'aurait représenté un défaut de la Grèce, quand on se souvient des conséquences de la faillite de Lehman Brothers. C'est ce qui est fait.
Et enfin, la France souhaitait un Fonds européen avec un effet de levier. C'est ce que nous avons décidé également.
Et, par ailleurs, les déclarations de Mario DRAGHI, aujourd'hui même, enfin hier, à la veille du sommet montrent à quel point la BCE est derrière les initiatives qui ont été prises.
Je crois pouvoir dire que ce sont des décisions extrêmement importantes, prises à 17 pays. La complexité des dossiers, la nécessité de mettre d'accord tout le monde, fait que cela fût une longue nuit de négociations, mais je crois que le résultat sera accueilli avec soulagement par le monde entier qui attendait des décisions fortes de la part de la zone euro. Je crois que les décisions, nous les avons.
Si vous souhaitez me poser quelques questions. Essayez de ne pas être trop long.
QUESTION -- Monsieur le Président, est-ce que vous pourriez nous dire que sera la force de frappe du Fonds de stabilité financière au total et combien vous espérez de la part du FMI et des Chinois ? Est-ce que c'est à l'ordre du jour d'avoir des fonds de la part des Chinois ?
LE PRESIDENT -- Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais on peut estimer aux alentours de 1 400 Mds de dollars. Je crois avoir dit dollars, j'aurais pu dire euros, si vous le souhaitez. Vous faites la conversion et vous aurez aux alentours de 1 000 Mds. Mais comme les comparaisons mondiales se font souvent en dollar, j'ai utilisé le dollar. Alors, cela change avec le niveau de l'euro qui devait être aujourd'hui aux alentours de 1,39 pour un dollar. Mais c'est à peu près de cet ordre d'idée. Je donne cette information pas tant pour les marchés européens, mais pour les marchés mondiaux.
QUESTION -- Et pour la participation de la Chine ?
LE PRESIDENT -- La réponse est oui sur le principe. J'ai vu de nombreuses déclarations des dirigeants chinois en la matière et j'aurai un entretien téléphonique demain en fin de matinée avec le Président HU Jintao. Car naturellement, maintenant, il nous faut rentrer encore plus avant dans la préparation du G20 de la semaine prochaine.
QUESTION -- Des questions, Monsieur le Président, sur les discussions avec les banques. D'abord, comment les décririez-vous ? Est-ce que c'était un véritable bras de fer ? Il a, semble-t-il, fallu que vous alliez vous-même avec la Chancelière MERKEL et Mme LAGARDE, arracher en quelque sorte cet accord avec les banques. Est-ce que c'est bien le cas ? Vous évoquiez dans les chiffres, le fait que les banques renoncent à 100 Mds d'euros d'engagements avec la Grèce. Il resterait, si j'ai bien compris, à peu près 110 Mds de dettes à la Grèce. Pouvez-vous confirmer qu'il aurait également été demandé aux banques de refinancer une partie de cette dette restante à des conditions plus avantageuses ?
LE PRESIDENT -- La réponse est oui. D'abord, Mme LAGARDE a dit très clairement qu'elle approuvait cet accord, qu'elle le considérait comme crédible.
Deuxièmement, vous comprenez bien que l'accord, il est dans ses principes parfaitement bouclé et organisé. Mais, il y a des éléments qui sont encore à ajuster et, notamment, le nombre de créanciers qui viendront à l'accord. Nos partenaires nous indiquent que le pourcentage sera très important. Nous visons 100%, mais on verra bien, il y a pas mal de documents juridiques à signer. Mais les lignes de l'accord avec les créanciers sont vraiment celles-ci : 50% d'abandon de la créance, auquel il convient de rajouter l'engagement de financer les 100 Mds de dette grecque qui reste à des taux moins élevés. Donc, on est à un peu plus de 50% pour dire les choses. Mais Mme LAGARDE a écouté les discussions, mais a bien précisé qu'elle ne participait pas à la négociation.
Cette discussion est une discussion entre gens qui savaient que pesait sur leurs épaules la responsabilité d'une catastrophe s'il n'y avait pas d'accord. Et donc, elle a été assez facile à obtenir, parce qu'on ne pouvait pas se permettre d'avoir un plan qui ne marche pas. Donc, nous sommes partis d'un raisonnement assez simple : le FMI, la BCE et la Commission indiquent que la dette grecque est soutenable à partir du moment où elle est ramenée aux alentours de 120% du PIB en 2020. Donc, on a pris cet objectif et on a décliné ce qu'il fallait pour que la Grèce puisse rembourser sa dette. Et c'est cela qui a conduit à ce qu'on appelle un haircut, un abandon de 50% de la créance, ce qui veut dire que les créanciers privés feront un effort volontaire de 100 Mds. Et naturellement, en échange, il fallait que les pouvoirs publics amènent en garantie 30 Mds d'euros qui permettront d'éviter qu'on passe d'un défaut sélectif à ce qu'on appelle un incident de crédits, c'est-à-dire une faillite.
Voilà, pardon, j'espère que j'ai été à peu près clair, mais c'est la discussion et comme dans toute discussion, il y a des avancées, des reculs et, effectivement, Mme MERKEL et moi, nous avons été au contact des représentants des banquiers pas pour négocier, mais pour les informer de décisions qui avaient été prises par les 17. Et après, eux-mêmes y ont réfléchi et ont travaillé et ont donné leur accord.
QUESTION -- Une première question technique, les 50% d'abandon de créances, est-ce que cela concerne aussi les obligations d'Etat détenues actuellement par la Banque centrale européenne...
LE PRESIDENT -- Non...
QUESTION -- D'accord, et les établissements grecs seront aussi soumis à une décote de 50% ?
LE PRESIDENT -- Oui, enfin disons, qu'on a prévu que l'ensemble des banques seraient traitées dans les mêmes conditions.
QUESTION -- Alors deuxième question, est-ce que...
LE PRESIDENT -- c'est la troisième...
QUESTION -- Oui ! Est-ce que vous considérez que les engagements qui ont été pris aujourd'hui pour renforcer le gouvernement économique de la zone euro, achèvent l'intégration de la zone euro ou est-ce que c'est un premier pas vers davantage d'intégration, de fédéralisme, comme dirait Alain JUPPÉ ?
LE PRESIDENT -- Non, il faudra d'autres pas, mais ces pas là ne seront pas forcément institutionnels. Ce seront des pas fondés sur la convergence des fiscalités, la convergence des compétitivités des économies, tout n'est pas dans les institutions, beaucoup se retrouve dans le contenu des politiques. Donc, il y a un travail à faire qui est important, mais les éléments pour cette intégration sont clairement posés, oui.
QUESTION -- Est-ce que vous vous êtes donné à peu près une limite de temps pour la mise en place du mécanisme de soutien, enfin donc de démultiplication du Fonds ? Est-ce qu'il faut lire dans les déclarations de M. DRAGHI ce matin, que la BCE sera sur le marché tant que ce mécanisme ne sera pas en place, voire au-delà ?
LE PRESIDENT -- Alors moi, je ne suis pas le porte-parole de la BCE. La BCE est une institution indépendante et il convient de respecter son indépendance. M. DRAGHI ne nous a pas interrogés avant de prendre ses décisions. Nous ne lui avons rien demandé, mais il est permis de se réjouir de ce qu'il a dit et qui est assez clair au fond et que vous avez certainement en tête, puisqu'il a dit qu'il y a des circonstances où des mesures dites non conventionnelles, comme l'achat de dettes publiques. Et bien, ces mesures sont nécessaires de manière transitoire, a-t-il dit, pour pacifier les marchés. On ne peut pas être plus clair. La mise en place du Fonds doit être extrêmement rapide et donc dans notre esprit, c'est le mois de novembre.
QUESTION -- Monsieur le Président, dimanche dernier, vous avez demandé des engagements sérieux à l'Italie, je voudrais savoir si vous êtes satisfait par les éléments présentés ?
LE PRESIDENT -- Oui. Pardon, ce n'est pas à moi d'être satisfait. Je n'ai pas à gérer l'Italie ni à la contrôler. Mais d'après ce qu'ont dit le président de la Commission et le président du Conseil et le gouverneur de la Banque centrale, ils semblaient satisfaits des engagements, puisqu'ils ont dit que ces engagements, c'était exactement ce qu'il fallait et qu'ils en attendaient maintenant la réalisation.
QUESTION -- Ce soir, M. BERLUSCONI en parlant à une émission de télé par téléphone, a demandé officiellement à M. BINI SMAGHI de démissionner, je voulais savoir si vous aviez un commentaire à faire là-dessus.
LE PRESIDENT -- Il y a un engagement qui a été pris, et comme toujours, c'est mieux de tenir ces engagements et je me félicite que ces engagements soient tenus. Mais enfin, je ne sais pas si c'est la télévision la meilleure façon de faire passer les messages. Encore une fois, ne m'attirez pas dans la politique italienne. Simplement, si mon souvenir est exact, il y a six membres du directoire de la BCE, il y a aujourd'hui deux Italiens, j'en suis ravi pour l'Italie, mais enfin, cela ne peut pas durer d'autant plus qu'il n'y a pas de Français.
Cela faisait partie, je le dis, c'est un engagement qui a été pris qui me semble assez normal, je rappelle, je crois, avoir été le premier à soutenir la candidature de M. DRAGHI et on était bien clair. J'ai, par ailleurs, le plus grand respect pour M. BINI SMAGHI.
QUESTION - Monsieur le Président, il y aura le directeur du FESF qui se rendra en Chine déjà vendredi. Quel genre de conseil vous donneriez, à l'occasion, aux investisseurs potentiels chinois, ce sera vers le FESF ou vers le FMI et comme vous parlez du G20 la semaine prochaine, c'est très bientôt ? Que pensez-vous sur le risque du blocage de la part des États-Unis sur le renforcement des moyens du FMI, surtout de la part des pays émergents au monde du G20, la semaine prochaine ?
LE PRESIDENT -- Franchement, Madame, il est 4h15 du matin, j'essaye d'expliquer, sans doute laborieusement, l'importance des décisions que nous avons prises, et je me mettrai, dès demain, sur le G20. Mais là, d'abord un, mon expérience des discussions avec la Chine, c'est que je n'ai pas de conseil à leur donner, et deuxièmement, s'agissant du G20, on va déjà digérer ces décisions dont je voudrais insister sur le caractère historique des décisions qui ont été prises, extrêmement fortes pour stabiliser, pacifier les marchés et permettre à la Grèce de retrouver un chemin et une croissance normale.
C'était extrêmement important, difficile, et je crois que le travail qui a été fait par l'Europe est un travail qui était à la hauteur de la situation.
Je vous remercie, bon retour pour ceux qui reviennent.