20 octobre 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement , à Changé (Mayenne) le 20 octobre 2011.

Madame le Ministre, chère Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis d'être aujourd'hui avec vous à Changé, Monsieur le Maire, dans ce département de la Mayenne, Monsieur le Président, pour évoquer, quatre ans après son lancement, le Grenelle de l'Environnement, dont je voudrais vous dire qu'à mes yeux, il incarne l'une des réformes les plus importantes du quinquennat.
C'est une réforme décisive parce que le Grenelle de l'environnement a suscité une profonde transformation des mentalités, il a inscrit l'économie et l'industrie françaises dans le développement durable. L'environnement et sa défense, ce n'est pas le refus du développement, c'est la volonté du développement durable. Vous avez besoin que vos enfants travaillent, vous avez besoin d'emploi. Il ne faut pas mettre les Français en situation de devoir choisir entre l'emploi et l'environnement. Vous avez un environnement admirable dans ce département de la Mayenne et, en même temps, si vous ne pouvez pas vivre de vos emplois, vous vivrez de quoi ? Et donc ce Grenelle a engagé des évolutions irréversibles en faveur de la croissance durable, on ne peut pas demander aux gens de renoncer à la croissance et à l'emploi.
Aujourd'hui, je suis venu sur le terrain pour voir si les engagements du Grenelle sont tenus. Je voudrais remercier les salariés et le chef d'entreprise qui m'ont accueilli ce matin dans l'un des centres de tri des déchets de Séché Environnement. Et par ma présence, je voulais marquer l'importance de ce secteur, et des 130 000 hommes et femmes qui y travaillent chaque jour.
Ce secteur illustre parfaitement les transformations engagées par le Grenelle au cours des quatre dernières années. Je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET que je remercie une nouvelle fois. Jamais dans notre pays, des objectifs aussi ambitieux n'avaient été fixés, sur la réduction, sur la production de déchets, sur le recyclage des déchets. Des moyens considérables ont été mobilisés pour ce secteur des déchets et de leur recyclage. On a multiplié les moyens par 2 en 2009, on les a multipliés par 3 en 2010 et on les a multipliés par 4 en 2011. C'est un demi-milliard d'euros qui aura été engagé sur trois ans pour soutenir les initiatives de recyclage, de tri et de récolte des déchets, 520 millions d'euros en trois ans.
Le secteur du traitement des déchets a été retenu, tenez-vous bien comme l'une des filières stratégiques qui alimenteront la croissance verte de demain. Il faut arrêter de considérer qu'il y avait ceux que l'on appelait les éboueurs, c'est un secteur stratégique maintenant. Et nous avons des Investissements d'Avenir qui seront consacrés au développement de la filière du traitement des déchets. Nous nous donnons les moyens d'une véritable rupture pour développer l'ensemble d'une filière où la France compte déjà des champions industriels.
Quatre ans après, les défis qui ont nourri notre prise de conscience, les défis qui justifiaient l'urgence écologique et qui ont conduit au Grenelle de l'Environnement, qui a été mis sur les rails et je veux lui rendre hommage, par Jean-Louis BORLOO qui a fait un travail remarquable et qui est aujourd'hui incarné par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
Quel est notre constat : la perspective, c'est l'épuisement des ressources naturelles en énergie. C'est une certitude, il n'y a pas de choix. Nous les Français, nous le savons, on n'en a déjà plus, mais je parle du monde. On ne peut pas continuer à fonctionner sur un système reposant sur les énergies fossiles alors que la fin des énergies fossiles est programmée. On ne peut pas simplement dire : « notre génération pourra survivre, je me moque de la génération qui vient ». Ce n'est pas possible, et les hydrocarbures fossiles leur production atteindra un plafond historique dans les prochaines années. La mobilisation de nouveaux gisements ne fera que différer une échéance absolument inéluctable. Il faut donc préparer la société de l'après-pétrole. Nous n'avons pas le choix, c'est une certitude. Ce n'est pas une question de gauche, de droite, d'opposition et de gouvernement : l'après pétrole a commencé.
Le changement climatique continue de faire sentir ses effets dramatiques. Chacun le voit dans l'actualité, comme dans l'élévation du niveau des eaux. Nos concitoyens s'inquiètent des effets de la pollution eh bien, il fallait donc mener les changements prévus dans le Grenelle pour pouvoir apporter des réponses. On a d'abord changé de méthode pour transcender les clivages anciens, pour que l'écologie devienne la préoccupation de tous. L'écologie, c'est tellement important que cela ne peut pas être le monopole d'un parti qui déléguerait en quelque sorte à un parti la préoccupation de l'environnement, alors que le parti qui se préoccupe de l'environnement ne se préoccuperait pas de l'éducation, de l'emploi, de la santé, de la culture. Cela n'a pas de sens. Cela n'a tout simplement pas de sens. Donc, nous avons essayé de mettre en place une méthode de travail qu'on appelé le dialogue à cinq : Etat, collectivités locales, syndicats, entreprises, organismes non gouvernementales, ce qu'on appelle les ONG.
Une fois qu'on a changé de méthode, on a essayé de changer notre manière de décider. J'ai souhaité un grand ministère du développement durable. C'était l'un des engagements du pacte écologique que j'avais signé avec Nicolas HULOT, qui est un homme que je respecte, qui est un homme de qualité et je ne comprends pas pourquoi, dans notre société, on traite de cette façon des gens de qualité. On peut être d'accord ou pas d'accord avec Nicolas HULOT mais ce qu'il a fait mérite le respect, et il me plait, en tant que président de la République, de le dire. Je le dis d'autant mieux que je n'ai pas toujours été d'accord avec lui, mais c'est un appauvrissement de ne pas essayer de rassembler toutes les compétences dont nous avons besoin.
Donc, on a changé notre manière de décider. Le ministre chargé de l'environnement n'a jamais eu dans l'histoire de la Ve République, un périmètre aussi large de compétences associant le champ traditionnel de l'écologie, les transports, les énergies renouvelables, l'urbanisme, le logement. Parce que, naturellement, le ministre de l'Environnement, s'il est simplement sur le traditionnel de l'écologie, mais que le ministre du transport, de l'autre côté, fait le contraire de la politique qu'il mène, cela n'a pas de sens.
Nous avons également modifié nos institutions. Le Conseil économique et social est devenu le Conseil économique, social et environnemental, avec un collège environnemental de 33 membres représentant les associations, là où il n'en existait aucun précédemment. Rien. On disait que l'environnement était une priorité, mais au Conseil économique et social, pas un représentant du monde de l'environnement.
Alors les choix que nous faisons en matière de politiques publiques intègrent de nouveaux paramètres : les émissions de CO2. Je vois bien que mes prédécesseurs, si on leur disait que maintenant pour choisir, il faut tenir compte des émissions de CO2, ils regarderaient stupéfaits ce monde nouveau. L'impact sur la biodiversité, l'artificialisation des sols. Face à des pratiques susceptibles de porter de graves atteintes à l'environnement, nous avons pris des décisions difficiles.
Je pense à la culture du maïs avec les fameux OGM MON810. Non seulement la France a activé la clause de sauvegarde prévue par les textes européens, mais elle a fait adopter en 2008 un renforcement spectaculaire des règles d'évaluation. Le résultat concret de notre action, c'est que, depuis 2008, aucun OGM n'a été mis en culture en France. J'ai veillé en même temps avec Nathalie à ce que la recherche se poursuive. Et après avoir pris ces décisions, je veux condamner l'obscurantisme et la violence de certains. Voilà, parce que la position du gouvernement, elle est de ne prendre aucun risque avec votre santé, mais ne pas céder non plus à des obscurantismes moyenâgeux et à des gens qui utilisent la violence. Mais nous avons considéré qu'il fallait stopper la culture en plein champ d'OGM Elle a été totalement stoppée dans l'attente de quoi ? D'une réponse aux doutes qui ont été exprimés. C'est normal d'agir comme cela. Donc on poursuit la recherche, mais on n'autorise aucune exploitation en plein champs.
Plus récemment, nous avons eu le problème des risques et des menaces que fait peser la technique dite de « fracturation hydraulique ». Il n'y aura pas de « fracturation hydraulique » en France. Il n'y aura pas non plus d'exploitation des gaz et des huiles de schiste tant que les industriels ne feront pas la preuve que cette exploitation peut être compatible avec la protection de l'environnement, et notamment la protection de vos nappes phréatiques. J'ai demandé à Nathalie et à Éric BESSON d'engager une réforme du code minier, afin que la France dispose d'un cadre juridique moderne, adapté aux exigences environnementales pour l'exploitation des ressources minières et énergétiques de son sous-sol. On n'a pas le droit de jouer avec la santé des Français. Mais, en même temps, on n'a pas le droit d'arrêter la recherche et c'est en permanence cet équilibre que nous devons rechercher.
Alors, l'énergie c'est l'un des premiers enjeux du Grenelle de l'Environnement. Il faut bien comprendre que l'énergie la moins chère et la plus propre c'est celle que l'on ne consomme pas. Nous avons donc mis l'accent sur les économies d'énergie et sur l'efficacité énergétique. Dans l'habitat, où se concentrent 43% de la consommation d'énergie nationale et 25% des émissions, nous avons le devoir d'exploiter tous les gisements d'économies possibles. Notre engagement, réduire de près de 40% la consommation d'énergie dans l'habitat d'ici 2020, c'est vous faire économiser 500 euros chaque année pour chaque famille. On n'a pas le droit de gaspiller, on n'a pas le droit de gâcher compte tenu du prix de l'énergie.
Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET va animer une table ronde sur l'efficacité énergétique, afin qu'on définisse les moyens pour aller plus loin et accélérer la rénovation de l'habitat.
Dans le bâtiment neuf, une nouvelle réglementation thermique correspondant aux « bâtiments basse consommation » (BBC) est désormais en vigueur. Tenez-vous bien, dans un bâtiment à basse consommation, on divise par trois la consommation d'énergie. A un moment où tout le monde me parle, à juste titre, du pouvoir d'achat, un bâtiment basse consommation, c'est trois fois moins d'énergie qu'un autre. Vous savez, le pouvoir d'achat, on peut l'augmenter par l'augmentation des recettes et on peut aussi l'augmenter par la diminution des dépenses. Je vois que cela percute, je voulais vérifier.
Pour les bâtiments existants, les ménages français disposent de toute une gamme d'outils, de crédit d'impôt, de l'éco-prêt à taux zéro. S'agissant de l'éco-prêt à taux zéro, il a permis la rénovation de 180 000 logements et, en même temps, il a permis de donner aux entreprises 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires de travaux. Je souhaite qu'il puisse encore être simplifié et, chère Nathalie, que cet éco-prêt à taux zéro soit rendu accessible aux résidents en copropriété, ce qui nous permettra de nous approcher de l'objectif de 400 000 rénovations thermiques par an. Je ne vois pas pourquoi lorsqu'on est en copropriété, on n'a pas le droit d'avoir cet éco-prêt à taux zéro. Cela, c'est toujours formidable, le gouvernement a une idée, le parlement la vote, en général très bien, et l'administration l'applique, et là, on découvre quelque chose de tout nouveau, voilà. Donc il faut élargir l'éco-prêt à taux zéro.
Par ailleurs, nous avons éliminé la vente des ampoules à incandescence qui étaient beaucoup trop consommatrices en énergie. Nous l'avons décidé. C'est fait.
Alors pour autant, quelle que soit la qualité de notre politique d'économies d'énergie, la demande en matière d'électricité des particuliers et des entreprises restera importante, spécialement si les véhicules électriques ou hybrides connaissent un développement rapide.
Alors s'agissant de la production d'électricité, je veux vous parler très franchement, en tant que chef de l'Etat, je ne peux pas accepter que la France brade les avantages considérables en matière de production d'électricité qui sont aujourd'hui les siens. Je ne l'accepterai pas. Je veux être clair avec vous, là-dessus.
Le consommateur français, aujourd'hui, paye son électricité 40% moins cher que dans le reste de l'Europe et 50% moins cher qu'en Allemagne. Ce n'est pas une promesse, je vous décris une situation. La France n'est plus dépendante de l'étranger pour sa production d'électricité. Et je veux rappeler que cette production électrique ne dépend du charbon qu'à hauteur de 4%, chacun sait combien le charbon pollue, contre 43% en Allemagne. Je récapitule : vous payez, nous payons notre électricité 50% moins cher qu'en Allemagne et la moitié de l'électricité produite en Allemagne, c'est du charbon. Et chacun sait bien les ravages en termes de pollution. Donc on paye moins cher et on pollue moins. L'électricité française est donc l'une des plus faiblement émettrices de CO2 au monde : 30 millions de tonnes de CO2, savez-vous en Allemagne, combien ? 10 fois plus, 300 millions. Donc j'aimerais qu'on réfléchisse, est-ce qu'il est possible, y compris en période pré-électorale, de raisonner, de faire appel à son cerveau, à son sang-froid et à son intelligence ? Alors, je vais aller un peu plus loin, parce que c'est de l'environnement tout ceci. 300 millions de tonnes de CO2 produites en Allemagne, 30 millions en France.
Alors si la France possède une électricité plus propre et moins chère, elle le doit à une chose : à son parc nucléaire. Je ne fais pas un engagement, je décris une situation et, ce parc nucléaire est le fruit d'un programme conçu sous les mandats du Général de GAULLE, préparé par le Président POMPIDOU, décidé par le Président GISCARD D'ESTAING et construit, pour la quasi-totalité, sous les deux mandats de François MITTERRAND. On l'avait oublié. J'aimerais que ceux qui ont été ses collaborateurs, lui qui a présidé à la construction de la quasi-totalité des centrales nucléaires françaises, ne viennent pas nous expliquer maintenant qu'il faut s'empresser de démonter ce que le Président MITTERRAND, justement, s'était empressé de monter, ou alors il y a une incohérence, une de plus. Eh bien, moi je veux rendre hommage à mes prédécesseurs et notamment à M. MITTERRAND, et saluer leur constance à défendre l'indépendance énergétique française. Comprenez-moi, la question de l'indépendance énergétique française, la France qui n'a pas de pétrole et pas de gaz, ce n'est quand même pas une question de parti politique, ce n'est quand même pas une question de gauche ou de droite ou de centre.
Or depuis l'accident dramatique de Fukushima, certains veulent faire croire à nos compatriotes qu'il faudrait choisir entre le nucléaire et la sûreté. Mais, là encore, qu'il me soit permis de raisonner et non pas d'être comme toujours dans l'instantanéité et dans la perte de sang-froid. Si tel était le cas, si le nucléaire était dangereux, s'il existait un péril si menaçant pour les populations et pour leur santé, alors je me demande pourquoi ceux qui proposent d'arrêter le nucléaire proposent de l'arrêter en 2025, 2030 ou 2050. Si c'est dangereux, il faut l'arrêter tout de suite. Non, je sais, c'est compréhensible ce que je dis, mais, j'espère qu'au-delà de notre salle, cela ira percuter la réflexion de certains esprits.
Je comprends qu'on soit contre le nucléaire. Moi, je pense que compte tenu du fait que c'est une énergie propre, peu coûteuse et qui garantit notre indépendance, il faut être pour. Il peut y en avoir qui soient contre, après tout, mais ceux qui sont pour le moratoire, c'est étrange, parce qu'encore une fois, soit c'est bien et on continue et il vaut mieux continuer avec des nouvelles centrales dont le niveau de sûreté est meilleur que de garder les vieilles jusqu'en 2050. Donc plus j'y réfléchis, plus je pense qu'il n'y a pas d'alternative.
Alors en France, depuis plus de 30 ans, nous bénéficions d'une production nucléaire sûre. Mais j'entends que nous nous donnions les moyens de continuer à garantir les plus hauts niveaux de sûreté au monde. Un milliard d'euros des Investissements d'Avenir seront donc consacrés à l'amélioration de la sûreté sur l'ensemble de la filière nucléaire. Parce que, non seulement on veut garder nos centrales, mais on veut qu'elles soient de plus en plus sûres. Et c'est pourquoi, dès le lendemain de l'accident de Fukushima, nous avons demandé à l'Autorité de Sûreté Nucléaire, organisme parfaitement indépendant des pouvoirs publics, de conduire un audit de la sûreté du parc nucléaire français, afin d'examiner si nous avions des leçons à tirer de cet accident pour nos propres centrales. Et je l'ai dit à la ministre Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, quelles que soient les conclusions de l'ASN, elles seront intégralement mises en uvre. Nous n'avons pas le droit de transiger si peu que cela soit, sur les problèmes de sûreté.
Et nous n'avons pas non plus à choisir entre nucléaire et transparence. C'est pour cette raison que nous avons accepté la demande des ONG du Grenelle. La Cour des Comptes réalisera un audit indépendant des coûts de la filière nucléaire.
J'ajoute que je n'ai jamais opposé le nucléaire et les énergies renouvelables. Nous avons besoin des deux, puisque nous sommes engagés à ce que la part des renouvelables progresse jusqu'à 23% de la consommation d'énergie en 2020. Nous nous sommes battus, lorsque nous étions Président de l'Europe, pour faire accepter le paquet que l'on appelait à l'époque « climat-énergie » que nos amis polonais ne voulaient pas. Je crois aux énergies renouvelables. 23% de notre énergie en 2020 sera des énergies renouvelables. Là aussi, voyons ce que nous avons fait.
En 2005, la part des énergies renouvelables dans l'énergie française, c'était 9,5% £ en 2010, nous étions passés à près de 13%. Ce chiffre, qui est passé de 9,5% à 13% entre 2005 et 2010, n'avait pas évolué depuis la construction du dernier grand barrage en France, dans les années 1970. C'est vous dire que le choix du nucléaire s'est associé au choix des énergies renouvelables. Entre 2005 et 2011, la capacité de production installée en éolien a été multipliée par 8.
Le premier appel d'offres pour l'éolien en mer a été lancé et livrera ses prochains résultats. Le second est préparé et sera lancé au printemps prochain. On réalisera des parcs produisant au total 6000 MW d'ici à 2020.
Areva va créer une unité de production d'un millier d'emplois au Havre. Quant à Alstom, il fera connaitre ses intentions dans les semaines à venir. Dans cette filière, l'éolien off-shore, la France est désormais l'un des leaders mondiaux. Dans les énergies marines, l'innovation française sera puissamment soutenue par la labellisation du pôle « France Énergies Marines » au titre, chère Nathalie, des instituts d'excellence en énergies décarbonées, financés sur les Investissements d'Avenir.
La valorisation énergétique de la biomasse est décisive. Nous nous sommes dotés d'un fonds « chaleur renouvelable », doté de 1,2 milliard d'euros qui intervient aux côtés des collectivités locales. Depuis trois ans, chaque année, les investissements réalisés permettent d'économiser, tenez-vous bien 500 000 tonnes équivalent pétrole rien qu'avec la biomasse. Aux cours actuels, cela représente une économie de près de 400 millions d'euros par an sur notre facture énergétique. Par ailleurs, le gouvernement a décidé à la rentrée de retenir la totalité des projets biomasse soumis au dernier appel à projets, ce qui permettra à Gardanne, la reconversion d'une centrale au charbon qui était vouée à la fermeture.
S'agissant des exploitations agricoles, le tarif de rachat de l'électricité produite grâce à la méthanisation a été aligné sur les tarifs allemands, c'est une augmentation de 20%.
Dès demain, il sera même possible que le biogaz produit dans les méthaniseurs soit directement injecté dans le réseau du gaz de ville. Enfin, je n'oublie pas les biocarburants. J'étais, il y a quinze jours, à Compiègne pour la deuxième génération de biocarburants.
Un mot sur l'énergie solaire : le parc de production français est passé depuis 2005 de 2 mégawatts à 1 700 mégawatts. Concernant cette énergie stratégique, la situation est simple. Je veux m'en expliquer, mes chers compatriotes, devant vous pour que vous connaissiez les éléments du débat. Les coûts de production de l'énergie sont 5 à 10 fois supérieurs aux coûts de production de l'électricité nucléaire. Je dois en tenir compte dans la compétitivité de vos entreprises et dans la garantie du pouvoir d'achat. Sans soutien public, elle ne pourrait pas se développer. Lorsque un kilowatt d'électricité solaire est produit, il est racheté automatiquement à un prix élevé, le surcoût étant payé in fine par qui ? Par le consommateur ! Il n'y a pas deux personnes qui paient. Ceux qui me disent qu'il n'y en a pas assez, qu'il en faut plus, il faut qu'ils aillent dire aux Français qu'ils veulent augmenter massivement la facture d'électricité des Français. C'est trop facile, en général c'est les mêmes qui me disent qu'il n'y a pas assez de pouvoir d'achat, mais une fois que l'on aura multiplié par 10 la facture d'électricité, ils se seront bien occupés du pouvoir d'achat. Avec la baisse du prix des panneaux solaires, les tarifs de rachat étaient devenus tellement attractifs que les projets solaires se multipliaient : au rythme où nous allions, l'objectif pour 2020 allait être atteint dès 2012, mais à un coût exorbitant de plusieurs milliards d'euros pour les consommateurs d'électricité. Le gouvernement avait le devoir d'adapter le soutien public apporté au photovoltaïque pour revenir à un rythme de développement soutenable. L'énergie solaire, ne vous trompez pas est stratégique pour nous, absolument stratégique. La ministre me rappelle à mon devoir en permanence sur le sujet. Mais je dois veiller aussi à ce que le prix de l'électricité payé par vous et payé par les entreprises ne monte pas tellement, qu'au fond vous perdiez d'un côté ce que vous gagnez de l'autre. D'ailleurs, sur la base des tendances actuelles, la France aura en 2020 une capacité photovoltaïque installée, deux fois plus importante que celle initialement attendue par le Grenelle de l'Environnement. Franchement, je ne crois pas qu'il y ait à avoir de regret en la matière.
Alors, je m'étais engagé à une parité des efforts de recherche et de développement entre, d'un côté, le nucléaire et de l'autre, les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. La hausse de 50% entre 2007 et 2010 des moyens consacrés à ces « nouvelles technologies de l'énergie » a permis d'atteindre une quasi-parité, à hauteur de 450 M pour l'un et pour l'autre. J'avais dit, un euro pour le nucléaire dans la recherche, un euro pour le renouvelable et pour la réduction de la consommation d'énergie.
Dans les années à venir, nous allons développer encore les énergies renouvelables en diversifiant les sources de production d'électricité. Et c'est parce que nous développerons des énergies renouvelables fiables que nous pourrons réduire la part du nucléaire proportionnellement dans notre consommation d'électricité et non l'inverse. Est-ce que je me fais bien comprendre ? Il y a ceux qui me disent : « il faut arrêter le nucléaire ». Personne ne peut remplacer aucune énergie. Vous ne remplacerez pas 58 centrales nucléaires par des panneaux solaires ou des éoliennes. Il faut faire monter l'énergie renouvelable, garder notre pack nucléaire dont on augmentera la sureté et proportionnellement, la part du renouvelable deviendra, dans la production de l'énergie, plus importante. C'est la seule solution crédible.
Sortir d'urgence du nucléaire ? Que se passera-t-il ? Eh bien l'explosion des rejets de CO2. Il n'y a pas d'autre solution. Je voudrais que chacun le comprenne : les énergies renouvelables sont insuffisantes et encore chères, le remplacement des centrales nucléaires, aujourd'hui, n'est possible que par des unités de production d'électricité au gaz ou au charbon, le bouclage des besoins s'effectuant par des importations d'électricité. Pour sortir du nucléaire, en somme, on nous propose de renoncer à la lutte contre le changement climatique et à notre indépendance énergétique.
Quant à nos amis allemands, je n'ai pas à commenter ce qu'ils ont décidé en fermant certaines centrales nucléaires. Ils vont compenser cela comment ? En achetant de l'électricité nucléaire produite en France. C'est leur choix. Mais il n'y a pas d'autre solution.
Le Grenelle de l'Environnement, c'était également la révolution des modes de transport.
Dès 2008, nous avons adopté un bonus-malus appliqué aux automobiles dont le succès est spectaculaire. Il faut comprendre la capacité d'adaptation spectaculaire des Français. En quatre ans, mes chers compatriotes, la France s'est dotée du parc de véhicules neufs le plus faiblement émetteur de CO2 en Europe. En quatre ans. Partant d'une moyenne de 149 grammes de CO2 par kilomètre en 2007, nous sommes désormais en dessous des 130 grammes et la réduction va se poursuivre avec la pérennisation du système bonus-malus.
J'ai d'ailleurs demandé à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, de réfléchir aux nouveaux produits sur lesquels un système de bonus-malus peut s'appliquer.
Je ne crois pas à la sanction, à la prohibition. Je crois à l'incitation.
Pour aller plus loin, nous nous sommes dotés d'un plan « véhicules décarbonés ». L'État a encouragé la croissance du marché des véhicules propres. La première commande de 50 000 véhicules électriques, la plus importante au monde, a été lancée en avril 2010, grâce au travail du Président de La Poste, Jean-Paul BAILLY. Elle débouchera sur les premières livraisons en 2011.
S'agissant des transports collectifs, nous avons prévu de multiplier par 5 les lignes de transport en site propre, en les faisant passer de 330 à 1 800 kilomètres pour la seule province. Deux appels à projets ont déjà été lancés, indépendamment, naturellement du plan de transport du Grand Paris.
S'agissant de la grande vitesse, cette année, les quatre principaux projets ferroviaires seront engagés.
Cela fait 25 ans que la France a un chantier par an de ligne à grande vitesse. Cette année, nous en avons quatre (Tours-Bordeaux, Bretagne Pays de Loire, la LGV Est et les contournements de Nîmes et de Montpellier).
Le report modal, c'est-à-dire le report du transport des marchandises vers le rail et la voie d'eau, a été consacré. Pour la première fois depuis un siècle, la France a engagé la construction d'un canal de plus de 100 kilomètres de gabarit international, afin de mettre en relation le bassin navigable de la Seine et ceux de l'Europe du Nord.
J'ai toujours été convaincu qu'il fallait développer le fret ferroviaire ou fluvial, mais que ce n'était pas la peine de pénaliser le transport routier. Il existera une écotaxe à partir de 2013 pour tous les poids-lourds, français ou étrangers, circulant sur le réseau national et départemental gratuit. Il est normal que ceux qui utilisent notre réseau routier payent une partie de l'entretien de ce réseau routier. Elle permettra de financer nos infrastructures.
Nous avons également, et j'en terminerai là, le problème de la préservation de la biodiversité. Certes, il ne s'agit pas de s'engager sur la voie d'une sanctuarisation de la nature, parce que certains voudraient exclure toute capacité pour l'homme de travailler, comme première étape, ensuite exclure l'homme. Comme cela on aurait bien protégé la biodiversité. Comme si l'homme était nuisible.
Je refuse d'opposer par principe les objectifs de développement et de préservation.
J'assume le refus de la mine d'or dans le sanctuaire écologique inestimable qu'est la Montagne de Kaw en Guyane et je comprends bien la complexité des services écologiques que nous rendent les écosystèmes.
La protection des espaces naturels a retrouvé un élan.
Mesdames et Messieurs, aucun parc national n'avait plus été créé depuis 1989, aucun. Deux des trois nouveaux parcs nationaux prévus vont voir le jour : le parc des Calanques sera officiellement créé dès début 2012 £ le décret de préfiguration du parc en forêt de feuillus aux confins de la Haute-Marne sera pris dans le même temps. S'agissant du parc de zones humides, sa localisation sera déterminée grâce à un appel à projets, que Nathalie lancera le mois prochain.
En mer, 10% des eaux sous souveraineté française, 10%, se trouveront dans une aire marine protégée dès l'an prochain conformément à l'engagement du Grenelle, et 20% à l'horizon de 2020, ce qui constituera la plus vaste zone marine protégée du monde.
Après le parc naturel marin de Mayotte l'an passé, le parc du Golfe du Lion a été inauguré la semaine dernière. Les parcs des Glorieuses et des estuaires picards verront le jour cette année.
Au printemps dernier, sur la suggestion de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, j'avais souhaité qu'un rapport d'inspection examine si la fiscalité applicable au patrimoine naturel offrait des incitations suffisamment adaptées pour permettre l'entretien de ce patrimoine. Je souhaite que les préconisations qui sont maintenant prêtes, soient examinées rapidement, en particulier l'idée de créer un fonds national de préservation de la biodiversité, destiné à soutenir des projets écologiques transversaux. Il devrait pouvoir être abondé au moins par le redéploiement de toutes les incitations fiscales largement inefficaces qui existent. Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET et Valérie PECRESSE feront des propositions avant la fin de l'année sur ce sujet.
Il me semble que le Grenelle de l'Environnement a ébranlé profondément les oppositions entre les défenseurs de la nature, les utilisateurs de la nature, qu'ils soient chasseurs, pêcheurs ou agriculteurs.
La vérité, c'est que nous avons reçu en partage les extraordinaires espaces naturels de notre pays et que les défis écologiques doivent nous rapprocher au lieu de nous diviser. Les chasseurs, pêcheurs et les agriculteurs partagent le même intérêt à la préservation des habitats et à la préservation des espèces. Il ne sert à rien d'opposer les uns aux autres.
Face à la consommation d'espaces agricoles, les préoccupations des agriculteurs et des ONG se rejoignent. J'en veux pour preuve le succès du plan « Ecophyto » visant à diviser par deux l'utilisation de pesticides en dix ans, et qui sont les premières victimes des pesticides, si ce n'est les agriculteurs qui sont sur leur propriété agricole.
Il ne s'agit pas ici de nier les divergences de vues entre agriculteurs et défenseurs de l'environnement, mais je refuse les oppositions simplistes. D'ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que la planète comptera 9 milliards d'habitants en 2050. Pour les nourrir, il faut augmenter de 70% la production agricole. Je ne vois pas pourquoi nous ferions de notre ruralité un désert, alors que les besoins de production agricole sont immenses.
Le travail accompli sur le plan national, me semble-t-il, a produit des résultats importants, il faut maintenant que ces résultats continuent et notamment sur le plan international.
Je veux dire un mot de Durban, en décembre prochain, la conférence d'Afrique du Sud. La structuration d'un cadre international de réduction des émissions de CO2 associant en les pays développés et les grands pays émergents, est indispensable. Nous n'avons pas renoncé à défendre l'instauration aux frontières de l'Union européenne d'une taxe carbone destinée à rétablir les conditions de concurrence entre nos industriels qui consentent des efforts très importants et ceux de pays qui s'exonèrent de tout effort de contrôle de leurs émissions. Qui le comprendrait ? Depuis cette année, un Chinois émet en moyenne plus de CO2 qu'un Français.
On ne peut pas continuer à taxer nos industriels pour protéger l'environnement et à continuer à importer des produits venant de pays qui ne respectent aucune règle en matière environnementale. Cela n'a pas de sens.
Mes chers compatriotes, il me semble que le Grenelle de l'Environnement a fait sortir l'écologie de l'impasse dans laquelle elle se trouvait en étant monopolisée par une formation politique.
L'écologie n'appartient à personne, parce que l'écologie doit appartenir à tous. En faisant partager les constats, en faisant comprendre la nécessité d'une action résolue et en élaborant ensemble les propositions, le Grenelle de l'Environnement a permis d'aller plus loin que jamais dans la prise en compte des enjeux environnementaux.
J'ai conscience qu'il y a encore beaucoup à faire, mais nous avons fait tout cela dans un contexte de crise économique en plus et de crise financière en plus. Essayons de continuer avec des objectifs précis, concrets dans le but de rassembler et non pas d'exclure, dans le but de la pédagogie et non pas dans le but de la dénonciation, dans le but de l'indépendance nationale et non pas dans le but du renoncement, dans le but de la croissance durable et non pas dans le but de la récession. C'est cela le chemin que nous voulons retenir et sur lequel nous travaillons. Bien sûr, c'est difficile. Il faut arbitrer entre les ministres, il faut arbitrer entre des intérêts différents. Il faut surtout arbitrer, c'est ce qui est le plus difficile en France, entre l'immédiat et l'avenir. Et ce sera cela ma conclusion.
Mes chers compatriotes, cela fait trop longtemps que pour ne pas faire de peine, pour ne gêner personne, pour se mettre bien avec tout le monde, on refuse de prendre des décisions, parce qu'elles sont difficiles. Et ce faisant, on rend la décision à prendre encore plus difficile. Si nous avions pris les décisions qu'il fallait prendre, en temps et en heure, on connaîtrait moins de difficulté. Et parce que nous avons pris ces décisions difficiles, regardez ce qui se passe chez nos voisins et regardez ce qui se passe chez nous. Ceux dans le monde d'aujourd'hui qui ne prennent pas les décisions qu'ils doivent prendre, le payent cher.
Qui a envie de se trouver aujourd'hui dans la situation des Grecs ? Qui a envie aujourd'hui de se trouver dans la situation de nos amis espagnols, portugais ou irlandais ? Bien sûr, que l'on me demande des postes de fonctionnaires, des dotations aux collectivités, des dépenses multiples, mais est-ce que vous croyez que les Français seraient plus contents de se retrouver dans un pays de faillite ? Regardez ce qui est arrivé à la première nation économique du monde, les Etats-Unis d'Amérique. Je ne souhaite pas que cela arrive à la France et mon devoir, c'est de protéger la France en prenant les décisions qu'il faut prendre. Naturellement, ces décisions ne sont pas faciles, et on est un peu seul quand on prend des décisions difficiles. Mais si on ne veut pas prendre des décisions difficiles, alors il vaut mieux ne pas être candidat à la présidence de la République.
Je vous remercie.