20 septembre 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la démocratisation de la Libye, à New York le 20 septembre 2011.

Mesdames, Messieurs les Chefs d'Etat et de gouvernement,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Secrétaire général, cher Ban Ki-Moon,
Mesdames, Messieurs,
Mon propos sera bref.
Ce début du XXIe siècle ne nous réserve pas beaucoup de bonnes surprises. Depuis que nous sommes dans ce siècle, nous n'avons à gérer que des crises nouvelles : crise économique, crise financière, crise de la famine, crise de la pauvreté. Partout où nous portons le regard, ce ne sont que complications et difficultés. Pour dire les choses, il y a eu une bonne nouvelle : les révolutions arabes, les jeunes arabes qui sont descendus dans la rue avec un discours que nous autres, en Occident et en Europe, nous n'imaginions pas. Ils ne sont pas descendus pour dire « à bas l'Occident », « à bas la France », « à bas les États-Unis », « à bas Israël ». Ils sont descendus pour dire « nous voulons des emplois, des études, la démocratie. Nous voulons la liberté ».
Je dois dire que, quand nous avons vu la rue arabe descendre pour réclamer la liberté et la démocratie, nous avons mis du temps à réagir, étonnés que nous étions, stupéfaits que nous étions devant ce changement considérable qui est la grande nouvelle. Il y a eu la Tunisie, il y a eu l'Egypte, et puis il y a la Libye. Mais qui, dans cette salle, aurait pensé que le peuple libyen, que les jeunes libyens auraient été capables de mettre à bas un régime de dictature qui durait depuis 41 ans, qui l'aurait imaginé ? Les spécialistes, non, les spécialistes, ils ne nous expliquaient pas cela, les spécialistes ils nous expliquaient que l'Occident et l'Orient, nous étions condamnés à l'affrontement. Et les jeunes libyens sont descendus à Tripoli, à Misrata, à Benghazi, pour dire « nous ne voulons pas l'affrontement, nous voulons la liberté ».
Et voilà pourquoi, avec un certain nombre de pays, nous sommes intervenus pour aider les révolutionnaires libyens et nous en sommes fiers. Et vous savez peut-être que ce qui nous rend le plus fiers, c'est que parmi ceux qui sont intervenus, il y avait les frères arabes des Libyens, il y avait le Qatar, il y avait les Emiratis, il y avait la Jordanie. Je veux dire ici, M. le Secrétaire général, devant vous, que si les arabes n'avaient pas eu le courage d'aider leurs frères libyens, pour nous, cela aurait été beaucoup plus difficile, parce que nous ne voulions à aucun prix que qui que ce soit en Libye puisse imaginer qu'il s'agissait d'un relent de colonialisme. Nous connaissons l'histoire et nous en avons retenu la leçon.
Aujourd'hui c'est une Libye libre sur laquelle le monde entier se penche. C'est aux Libyens et à personne d'autre de décider quel sera l'avenir de la Libye. Nous, nous l'avons dit avec nos amis américains, avec nos amis anglais bien sûr, avec tous les partenaires de la coalition, nous resterons pour faire le travail tant que les révolutionnaires libyens en auront besoin.
Mais il y a quelque chose qui a été démontré, c'est que la révolution peut être gagnée sans qu'il y ait autre chose comme troupes au sol que les Libyens eux-mêmes.
Nous disons simplement à nos amis libyens « dites-nous, jusqu'à quand, nous devons rester à vos côtés et nous le ferons ». Et nous, nous voulons vous dire une autre chose « après avoir eu le courage de vous libérer les armes à la main et le courage de pardonner, ayez le courage de vous réconcilier ».
Le monde entier vous regarde. Et peut-être la plus belle récompense pour nous qui avons été à vos côtés dès le premier jour, c'est de voir que l'on ne s'est pas trompé sur nos amis. Que lorsque vous arrêterez KADHAFI, il sera jugé. Lorsque vous demanderez des comptes à ceux qui doivent en rendre, ils auront le droit de se défendre. C'est comme cela que vous construirez l'avenir de la Libye avec tous les Libyens qui pourront participer à cette reconstruction. Et plus tôt le gouvernement sera en place, le plus tôt cette démocratie libyenne sera en place et mieux cela sera.
Je voudrais terminer en disant une chose, il y a beaucoup de gens qui nous interrogent et qui nous disent « mais dans le fond, est-ce que vous n'avez pas peur qu'à l'avenir il y ait un régime pire que celui dont vous avez débarrassé la Libye ?» Je voudrais leur dire une chose « la peur n'est pas bonne conseillère ». Avec des raisonnements de ce type, les Européens de l'Est ont gardé la dictature communiste pendant des années. Avec des raisonnements de ce type, nous-mêmes, pays européens, nous avons toléré des régimes que nous n'aurions jamais dû tolérer.
La liberté n'est pas sans risque, mais la dictature, c'est la certitude de l'échec.
Moi, j'ai confiance dans l'avenir de la Libye. Il y aura des hauts, il y aura des bas, mais il n'appartient à personne de pouvoir faire revenir en arrière ceux qui se sont libérés les armes à la main.
Et enfin, cela fait peser sur nos épaules, une autre responsabilité, puisqu'enfin, les sociétés arabes bougent vers la liberté. Alors, prenons garde que des conflits qui durent depuis soixante ans, ne viennent empoisonner la construction de la démocratie dans les pays musulmans. Non seulement, la rue arabe nous donne une obligation d'agir, mais elle condamnerait toute forme d'immobilisme.
Mesdames et Messieurs,
Inutile de vous dire que la France est fière et heureuse d'avoir été membre de la coalition et que si c'était à refaire, nous le referions.
Benghazi ne sera pas Srebrenica. La Libye ne sera pas le Cambodge martyrisé par les Khmers rouges. Il n'y aura pas un nouveau massacre entre Hutus et Tutsis.
Enfin, M. le Secrétaire général, la communauté internationale a eu le courage de réagir. Tirons-en la leçon. Cela s'est passé comme cela en Côte d'Ivoire. Cela s'est passé comme cela en Libye. Que tous les dictateurs du monde sachent que désormais la communauté internationale n'est pas condamnée qu'à des discours, elle est condamnée à l'action et, s'il le faut, les armes à la main au service de la démocratie.
Je vous remercie.