12 août 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, en hommage aux militaires français, à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle le 12 août 2011.


Monsieur le Ministre,
Monsieur le Maire de Toulon,
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres et marins,
C'est avec une très grande tristesse que nous avons appris hier soir la mort en Afghanistan de l'un de vos frères d'armes, Caporal chef du 19ème Régiment de génie de Besançon. Il a été tué par un engin explosif improvisé, victime de la lâcheté d'autres hommes.
Quatre jours plus tôt, deux autres soldats étaient tués en opérations dans la même région. Ces deux soldats avaient rejoint les rangs de la Légion Étrangère par amour et admiration pour la France et ses valeurs. Par leur sang versé, ils ont porté haut la devise de la Légion « Honneur et fidélité ».
A ces soldats morts au combat, nous devons l'hommage et la reconnaissance de la Nation. La France ne les oubliera pas. Leur sacrifice doit maintenir vivace en chacun de nous la détermination à défendre les valeurs de notre pays.
Je veux dire à leurs familles et à leurs camarades que nous nous associons à leur douleur. Toute la communauté militaire est à leurs côtés, des hommes et des femmes de l'équipage du Charles-de-Gaulle jusqu'au ministre de la Défense Gérard LONGUET et au secrétaire d'État Marc LAFFINEUR.
Venir à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle est toujours un moment particulier. Cette nouvelle rencontre, un an après ma première venue à bord parmi vous, intervient alors que cela fait bientôt cinq mois que vous êtes déployés au large de la Libye. Cinq mois que vous uvrez dans le cadre d'une mission difficile, au service de la France et de ses alliés, au service du peuple libyen, opprimé et violenté par ses propres dirigeants.
Dans l'action, comme vos camarades déployés en Afghanistan, au large de la Somalie et dans toutes les opérations extérieures, vous avez fait honneur à votre pays.
Je suis ici pour vous témoigner la totale confiance et la grande satisfaction du chef des Armées, mais aussi l'estime de la Nation toute entière. Nos concitoyens vous confient leur sécurité et leur liberté. Je peux leur témoigner qu'elles sont entre les mains les plus expertes.
Au cours de ces cinq mois, vous avez de nouveau démontré votre extraordinaire endurance. Jour après jour vous avez maintenu au meilleur niveau de disponibilité opérationnelle ce navire fantastique, le Charles-de-Gaulle, avec ses deux chaufferies nucléaires et sa vingtaine d'aéronefs de combat, de guet aérien et de sauvetage. Ce défi militaire est aussi un défi humain, technologique et logistique, nos concitoyens doivent en avoir conscience car très peu d'hommes et de femmes, très peu de nations en sont capables.
Se projeter loin du territoire national, combattre pendant de nombreuses semaines et au meilleur niveau opérationnel requiert un savoir-faire, une technologie et une ténacité hors du commun. « Durer à la mer » est la caractéristique des vrais marins et des grandes nations maritimes. La France demeure ainsi un pays à vocation océanique, l'un des plus grands même.
Votre engagement dans l'opération Harmattan avait pour objectif d'empêcher les exactions d'un dictateur contre son propre peuple.
Et les « rivières de sang » promises par le colonel Kadhafi n'ont pas coulé. Le retour du Charles-de-Gaulle à Toulon s'inscrit dans un mouvement de redéploiement de notre dispositif. L'Aéronavale a joué un rôle essentiel et vous avez beaucoup donné ces derniers mois. Dans les prochaines semaines, grâce à l'armée de l'air déployée à Sigonella en Sicile et à la Sude en Crète, ainsi qu'aux moyens de la marine toujours présents sur zone, notre effort militaire va demeurer constant.
Aux côtés de ses alliés, la France ira jusqu'au bout de sa mission. Notre volonté ne faiblira pas. Nous n'en avons pas le choix, nous n'en avons pas le droit. Au sein de l'Alliance, sous mandat des Nations Unies, confié par le Conseil de Sécurité, nous sommes engagés dans le soutien et la défense du peuple libyen. Ce peuple a le droit à la liberté après 41 ans de dictature. Comme tous les peuples il réclame la démocratie, la liberté d'expression, de réunion, d'entreprendre, de créer. Le peuple libyen veut l'Etat de droit et la fin de la dictature.
En Libye, comme en Afghanistan, notre présence correspond à l'engagement constant de la France au profit de la sécurité et de la paix dans le monde, partout où la liberté des peuples et la démocratie sont menacées. Pour être efficace cette présence exige de s'inscrire dans la durée. À quoi bon mettre fin au régime de terreur des Talibans si on ne prend pas le temps de donner au peuple afghan les moyens de son avenir et de sa sécurité ? Le métier des armes ne peut s'accommoder de la faiblesse de la démagogie.
Nos missions, nous les mènerons à leur terme parce que c'est ainsi qu'on s'assure de leur succès. Évidemment, la cause de la démocratie pourrait connaître bien des fronts, nous le savons tous. Si nous participons à l'opération en Libye, c'est pour répondre à la demande d'un peuple, qui était soumis à un danger immédiat et parce que la communauté internationale est parvenue à un accord, au sein des Nations Unies. Sans l'accord des Nations Unies, nous ne serions pas intervenus.
Notre force est respectable parce qu'elle est légitime. C'est la différence entre la force d'une démocratie et les forces barbares.
La contribution française à l'opération Harmattan mobilise des éléments de toutes nos armées, dans un cadre multinational. Aujourd'hui, mes pensées vont aussi à vos camarades embarqués sur les autres unités de ce déploiement aéronaval : ils poursuivent la mission Harmattan sur mer, sous la mer et dans les airs aux côtés des avions de l'armée de l'air. Je n'oublie pas non plus la vingtaine d'hélicoptères de l'armée de terre embarqués sur le Mistral, qui par leurs tirs de précision ont fait taire les armes lourdes qui martyrisaient la population. Leur contribution est essentielle. J'insiste, l'Armée française a sauvé les civils à Abidjan lorsqu'un dictateur faisait tirer à l'arme lourde sur le marché d'Abidjan. Vous avez sauvé des vies après. C'est votre honneur, c'est votre mission, c'est votre travail. C'est ce qui est d'ailleurs, le prestige de votre uniforme et la mission spécifique de la France.
Enfin, je pense à ceux qui, depuis les états-majors, vous soutiennent et vous orientent dans la planification et la conduite des opérations. Et à ceux qui, dans l'ombre, assurent la logistique complexe d'un tel déploiement. Vous vous inscrivez tous dans la chaîne des opérations militaires françaises et le rôle de chacun est essentiel.
Votre action a été déterminante : elle a rassuré et protégé le peuple libyen. Votre action a été exemplaire : elle fait l'admiration de nos alliés. Vous avez traité et détruit des centaines de véhicules, de chars, de pièces d'artillerie, de Zlitan à Bréga, de Misrata à Tripoli, à Syrte et en bien d'autres lieux. Vous avez neutralisé des points névralgiques : lance-missiles, sites de commandement, stations de télécommunications, dépôts de munitions, stations radar.
Vous avez été présents sur tout le spectre des missions pour lesquelles vous êtes préparés et équipés. Vous avez mis en uvre de nouveaux matériels, dont le missile de croisière naval et certains armements à guidage infra rouge. Vous en maîtrisez les procédures grâce à un entraînement de haut niveau. Leur emploi a été déterminant dans nos succès. 2 500 catapultages, 20 000 heures de vol, la moitié de vos missions effectuées de nuit ! Cette expérience, acquise loin des côtes et sans terrain de dégagement est extrêmement précieuse pour l'avenir : elle constituera l'ossature des flottilles embarquées de demain. Là encore, nous faisons partie du cercle mondial très réduit des forces armées dotées de telles capacités.
Chacun d'entre vous a contribué à ces succès militaires, par son dévouement, son savoir-faire, sa rigueur et son abnégation. Votre engagement de tous les instants n'est jamais superflu. C'est votre honneur. Je dirai même davantage, c'est ce qui fait votre gloire.
Quelques mots encore pour saluer plus particulièrement l'équipage de ce fier navire.
D'ici quelques heures, vous retrouverez vos familles pour un repos bien mérité : je sais qu'elles vous attendent, elles vous admirent, elles sont fières de vous et de votre engagement. Votre engagement, c'est celui d'être à la mer, de vous éloigner de ceux qui vous sont chers. Au cours des neuf derniers mois, vous avez été absents huit mois de votre port base et loin de vos foyers.
J'ai été très heureux des cérémonies du 14 juillet car j'ai vu la Nation toute entière se rassembler autour de l'Armée française. Je sais que le peuple français à confiance dans son armée, respecte votre fonction, respecte votre statut. Vous ne devez pas en douter. Il y a les commentaires et il y a la réalité. La réalité est que les Français sont fiers de l'armée française.
Difficile pour vous, ce choix l'est aussi pour vos proches. Mais il vous donne le droit de partager ensemble la fierté de servir la France, servir la France est une fierté. Lorsque vous vous levez le matin, vous ne vous interrogez pas sur le sens de votre vie et le sens de votre mission parce que vous connaissez votre mission. Seuls un « esprit d'équipage » fort et un tissu familial solide le permettent. Mon épouse a eu récemment la chance de rencontrer les épouses et les compagnes de certains d'entre vous. Elle a été impressionnée par leur force de caractère et leur solidité morale. Puissiez-vous transmettre à vos conjoints et à vos familles mes sentiments de gratitude et d'admiration.
Embarquer sur un porte-avions nucléaire n'est pas donné à tout le monde. Beaucoup de Français aimeraient aujourd'hui être à votre place. Je peux vous dire également le plaisir immense que j'ai d'être ici au milieu de vous qui êtes de vrais marins, des soldats de la mer.
Vous avez constamment sous vos yeux, ces quatre mots : Honneur, Patrie, Valeur et Discipline, qu'arborent tous les bâtiments de la Marine nationale. Ils forgent votre orgueil et votre pugnacité. Ils imprègnent votre action. De tout cela, la France vous est reconnaissante. Les Français, je puis vous l'assurer, sont fiers de leurs soldats, fiers de leurs marins !
Vive la République !Vive la France !