24 mai 2011 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, en réponses à des questions posées sur la révolution Internet, à Paris le 24 mai 2011.
Q - Monsieur le Président, pari tenu. Vous avez dit : pourquoi pas chaque année avant le G8, en tous les cas, en ce qui me concerne, moi, je suis prêt à relever le défi et j'espère que mes amis me suivront.
Si vous le voulez bien, nous allons passer à une petite session de questions/réponses et je vais peut-être commencer par une question qui ressort un peu de tout ce que nous avons vu sur le Net depuis trois semaines, que ce soient les blogueurs, les «twiteurs», les «facebookeurs», se sont exprimés et grosso modo ce qu'ils disent, c'est la chose suivante : vous avez souhaité qu'il y ait une discussion autour de l'Internet au niveau du G8, ils ont grosso modo deux réactions. La première : «c'est fantastique, formidable». Voilà un chef d'État et voilà les chefs d'État des pays les plus industrialisés qui vont s'intéresser à ce secteur qui fait partie de leur vie quotidienne et qui est extrêmement important. Vous avez une deuxième réaction qui dit : «oh la, là ! Ce n'est pas possible, ils ne vont pas se mêler de cela tout de même, qu'est-ce qu'ils risquent de faire en touchant à cela». Quelle est la réaction que vous avez face à ces deux réactions des internautes ?
R - Vous savez, les internautes quand ils se méfient, quand ils ont peur, ils ressemblent à tous les citoyens qui, par définition devant toute initiative, expriment une réticence. L'un des premiers problèmes de nos sociétés démocratiques, c'est le manque de confiance. Mais si je devais, en tant que chef d'État, ne prendre des initiatives que quand les gens sont contents, que quand les gens sont confiants, franchement, je peux rester couché toute la journée, quel que soit le domaine et spécialement avec ce nouveau monde qui est Internet. Je pensais qu'il fallait vaincre ce mur artificiel de la méfiance. Il ne peut pas y avoir d'un côté la société virtuelle, de l'autre la société réelle. Ce sont les mêmes acteurs qui, à des moments différents de leur vie, s'expriment sur la toile où dans la vie réelle et je me suis dit : «on a des choses à discuter entre nous».
Au moment où votre évolution arrive à maturité, quels sont les dispositifs dont vous avez besoin pour être encouragé, quelle fiscalité, quelles règles minimum êtes-vous prêts à accepter ou à refuser ? La question, moi, qui me passionne, celle de la liberté de création - vous êtes des créateurs -, comment on la rémunère ? La question de la propriété intellectuelle, comment on fait ? La question des monopoles, comment on la règle ? C'est à Maurice Levy, si les chefs d'État restent dans leur club à discuter entre eux ? ayant comme expérience de l'Internet, en général, l'expérience de la campagne électorale ? Là, vous êtes en risque maximum.
Si l'on se rapproche, si on vous écoute, si on essaie de comprendre, comme j'ai essayé de le faire en France, de me rapprocher de ce monde que je connaissais si mal et en tout cas de l'extérieur, tout d'un coup je vois des entrepreneurs qui ressemblent à d'autres entrepreneurs, je vois des femmes et des hommes qui sont des créateurs, qui ne sont pas des hors-la-loi, qui créent de la croissance et qui ont envie de vivre dans un monde avec des valeurs qui sont des valeurs universelles. Pourquoi se méfier ? Quel risque prenons-nous ? Vous croyez que chacun perdra son identité parce qu'il est venu s'exprimer avec des chefs d'État et de gouvernement ? Au contraire, toute révolution à la première étape de sa maturité a besoin, comme la personne qui creuse un tunnel, de l'étayer, de la consolider, de l'installer pour préparer la seconde étape. Au-delà des soucis d'image, je pensais qu'il n'y avait aucun risque à prendre cette initiative. Cela n'a pas été si simple d'obtenir que les chefs d'État et de gouvernement dégagent du temps pour parler d'Internet alors que nous avons le Japon et la crise nucléaire sans précédent, que nous avons les révolutions arabes, que nous avons les crises financières, que nous avons la croissance mondiale à conforter, que nous avons tant de sujets à évoquer. Et pourtant, je pensais que c'était une reconnaissance pour vous, de votre importance et de votre influence, et que l'on ne se trompe jamais lorsque l'on fait appel à la responsabilité de ses partenaires alors qu'en vérité, je n'ai pas beaucoup été impressionné par les réactions de méfiance, cela m'a au contraire incité à confirmer l'organisation de ce e-G8.
Q - Bonjour, Monsieur le Président, le numérique apparaît, jour après jour, comme une force qui reconfigure la manière dont s'organisent les économies modernes. Comment pensez-vous que les États puissent accompagner ce processus concrètement afin que le numérique devienne un accélérateur de croissance ? Merci.
R - Ce n'est pas une question facile parce que d'abord, pour vous dire la vérité, on a essayé de ne pas être dépassés. On a essayé de comprendre ce qui se passait, l'étendue colossale des changements dans le rapport avec le consommateur et dans le rapport avec le citoyen.
Alors, il y a deux choses qui sont assez faciles à faire - enfin assez faciles, classiques en tout cas -, l'investissement dans les infrastructures du numérique. Pour la France nous avons décidé de mettre 4,5 milliards d'euros parce que, sans ces infrastructures, quelle que soit l'ingéniosité qui est la vôtre, il n'y a pas de contact possible entre des millions d'internautes et vous.
Deuxième élément, nous avons décidé de renforcer considérablement notre système de formation, cela me permet de vous dire que, pour la première fois dans notre histoire, nos universités sont maintenant autonomes. Infrastructures et formation, nous investissons sans compter dans ces deux domaines.
Mais cela va beaucoup plus loin parce que l'arrivée du numérique nous impose de nouveaux comportements. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de la transparence. Cela fait longtemps que je pense que dans la gestion des États, il n'y a plus de secrets, tout se sait. Mais avec Internet, tout se sait immédiatement. Et cela change pour nous de façon considérable la gestion de nos États et de nos gouvernements. Je veux dire par là que notre réactivité a dû s'accélérer de manière colossale, parce que toute décision est immédiatement mondiale, toute polémique est immédiatement mondiale, tout engagement économique a des conséquences dans tous les pays. Je suis persuadé qu'un chef d'État qui était chef d'État il y a dix ans et qui redeviendrait chef d'État aujourd'hui, ne reconnaîtrait pas le pupitre pour diriger un État.
Enfin, et c'est tout le but de nos rencontres, nous essayons de profiter du potentiel de croissance exponentiel que vous représentez. Au fond, on essaye de ne prendre aucune mesure qui pourrait tarir cette croissance et de s'inspirer des dispositifs qui ont permis cette croissance. On n'est pas encore au bout. Et je crois que pour tous mes collègues chefs d'État et de gouvernement, c'est la même chose, on est en écoute, on est en alerte, on hésite sur des décisions à prendre.
Par exemple en France, nous avons décidé la création d'un Conseil national du Numérique, je me suis engagé avec les principaux acteurs du Net en France à ce que le gouvernement ne prenne aucune décision sans solliciter leur avis. Alors, on peut être en désaccord, mais au préalable, ils donneront leur avis et, en échange, eux se sont engagés à jouer le jeu du dialogue et de la responsabilité. Je suis donc incapable de répondre définitivement à votre question, peut-être dans un an, je pourrai répondre de façon plus précise encore. Là, vraiment on est dans le domaine de la découverte réciproque. On voit ces deux mondes, on essaye de les faire converger sans perdre votre jeunesse, sans perdre votre exponentialité, sans perdre votre dynamisme et, en même temps, en vous faisant comprendre que vous ne pouvez pas vous exonérer - comment dire ? Je sais que le mot n'est pas populaire chez vous -, de valeurs minimum ou de règles minimum.
Voilà, c'est cela le point de rencontre et le point d'équilibre qu'on va essayer de trouver. C'est vraiment garder tout ce que vous nous apportez, garder tout ce que vous apportez et en même temps, comprendre qu'il y a un socle minimum de valeurs, de règles qui ne doivent pas empêcher votre développement mais qui permettront que nous continuions ensemble vers des taux de croissance bien supérieurs.
Q - Bonjour, Monsieur le Président, vous l'avez dit vous-même, tout le monde a constaté l'importance d'Internet dans les révolutions arabes, cela a commencé en Tunisie. Or, beaucoup de bloggeurs ne se sont pas sentis aussi soutenus qu'ils l'espéraient par la France. Aujourd'hui des dizaines de blogueurs sont en prison en Syrie, au Bahreïn, en Libye, au Yémen. Que fait la France pour eux ? Que pourra faire la France demain pour ces cyberdissidents ? Et est-ce que vous pensez que demain, la défense d'un Internet libre pourra être une arme de la diplomatie des pays démocratiques.
R - Merci de me poser cette question. Juste un point de désaccord. Je ne pense pas que cela a commencé avec la Tunisie. N'oublions pas les internautes iraniens. Ce n'est pas parce que cela n'a pas marché. Comprenez-moi, ce n'est pas parce que la révolution par l'Internet en Iran n'a malheureusement pas abouti au départ de M. Ahmadinejad, mais ce sont eux qui ont commencé. Le rôle de l'Internet en Iran a été considérable. Et je souhaite qu'un jour, les Iraniens aient le droit eux aussi à vivre librement.
Deuxièmement, l'Internet libre. Eh bien maintenant c'est clair, c'est un critère pour savoir si on est face à une démocratie ou une dictature. De ce point de vue, c'est le signe avancé de la dictature ou le signe avancé de la démocratie. Internet est libre ou Internet ne l'est pas ? C'est la ligne de partage. Et tous ceux qui ont voulu enfermer l'Internet de leur pays se sont rangés dans le camp des dictateurs.
Vous dites que l'on n'en a pas fait assez, c'est votre droit de le penser. Je vais vous parler très franchement, la Révolution de Jasmin, la révolution tunisienne, on a été surpris quand elle est arrivée, je le reconnais bien volontiers. J'ai du mal à savoir dans le monde, qui n'a pas été surpris. Je n'en tire pas prétexte pour m'en exonérer mais nous en avons tiré un certain nombre de conclusions et nous avons changé la politique de la France en la matière. Jusqu'à présent, disons les choses comme elles sont, gauche ou droite, toute la politique étrangère était organisée autour d'un mot, le mot «stabilité». Et au nom de la stabilité on préférait deux Allemagnes au lieu d'une, au nom de la stabilité, 80 millions d'européens se sont trouvés derrière le mur de Berlin £ et au nom de la stabilité, on a toléré des dictatures. Les choses ont changé parce que le peuple, les peuples arabes se sont pris en main. Et cela a beaucoup compté, voyez-vous, dans la décision que j'ai prise d'intervenir en Côte d'Ivoire pour que la volonté des Ivoiriens, démocratique, triomphe £ d'intervenir en Libye, parce que si nous n'étions pas intervenus en Libye, Benghazi se trouvait massacrée par un tyran. La situation en Syrie est inacceptable
Et donc désormais, l'Internet est devenu l'échelle de crédibilité d'une démocratie ou l'échelle de honte d'une dictature. Nous ne sommes qu'au début d'un phénomène, mais cela ne fera que croître et embellir et je pense que des dictateurs qui voudront museler un peuple, maintenant avec Internet, ils ne pourront plus le faire dans le silence de la communauté internationale. Les choses ont changé de façon beaucoup plus profonde qu'on ne l'imagine. Et croyez bien que j'en suis conscient et cela a beaucoup compté dans notre décision d'intervenir en Libye, qui n'était pas une décision très facile.
Q - Monsieur le Président bonjour, j'aurais aimé avoir votre avis sur le sens de l'inscription de la question Internet spécifiquement au G8. En quoi le G8 est-il une instance appropriée pour débattre de l'avenir d'Internet ? Merci.
R - C'est tout simple, parce que je ne crois pas à des règles minimum de dimension nationale. Il y aurait quand même une contradiction, Mademoiselle, extraordinaire, de dire qu'Internet abolit les frontières, qu'Internet abolit les territoires, qu'Internet élargit l'espace £ et continuer à faire comme si les législations, les règles, les valeurs n'étaient que nationales. Et je me suis dit au fond, Internet est très puissant dans les économies les plus puissantes. Qu'est-ce que le G8 ? Ce sont, mis à part la Chine, les plus grandes économies du monde. Est-ce qu'on ne pourrait pas essayer d'harmoniser nos propositions entre Internet et nous dans une dimension internationale et pas simplement dans une dimension nationale ? Que veut dire une règlementation nationale ou une discussion nationale sur un Internet qui n'a pas de frontières ? Cela n'a pas de sens. Et j'espère commencer par le G8, un jour aller au G20 et enfin aboutir à l'Assemblée générale des Nations unies car c'est un phénomène mondial. Donc valeur mondiale, socle de règles au niveau mondial, sinon cela n'a pas de sens. Voilà pourquoi j'ai souhaité le G8.
Je trouvais que pour nous, chefs d'État et de gouvernement, cela nous faisait du bien d'être confrontés à votre monde. Cela peut rajeunir certains qui en auraient besoin, cela met un peut de piment et cela change. Je pense que les chefs d'État et de gouvernement, voyez-vous, doivent parler à l'avenir pas simplement au passé. Nous sommes porteurs de l'histoire de nos pays, nos pays ne sont pas des pages blanches et que nous le voulions ou non, nous nous inscrivons dans un processus historique. Mais on parle très souvent du passé, on parle souvent du présent et pas assez de l'avenir et vous êtes l'avenir. J'ai voulu qu'il y ait cette rencontre entre l'avenir et les chefs d'Etat du présent, alors il y en a certains qui m'ont dit : «ils vont croire que tu veux les contrôler». Est-ce que vous imaginez que je pense que c'est possible ? Cela n'a pas de sens et, en même temps, je pense que pour vous, c'est important d'être entendus, d'être écoutés, parce que dans beaucoup de ceux que j'ai rencontrés, il y a la crainte que par maladresse ou par méconnaissance, on prenne des décisions qui compliquent, voire qui puissent tuer le travail de vos entreprises. Il y avait donc cette dimension mondiale et puis cette envie d'échanger, de se conforter, de voir si on pouvait avoir un langage commun. Je crois que c'était vraiment utile, d'ailleurs votre présence nombreuse en témoigne, mais l'intérêt de mes collègues, ils m'ont tous dit : «mais alors, comme cela va se passer ? Qu'est-ce que tu vas faire ? Qu'est-ce l'on va dire ? J'ai dit : «on verra bien». Il ne faut pas que tout soit joué d'avance, il faut laisser un peu de vie aussi.
Q - J'étais heureux de voir reconnaître que le gouvernement ne possède pas l'Internet et ne peut pas revendiquer la souveraineté sur l'Internet. Les États-Unis appellent officiellement l'Internet le 8ème continent, c'est un nouveau territoire et ce qui fait toute la liberté de l'Internet, c'est bien sa structure, sa structure libre et ouverte. Alors, j'ai une petite demande à formuler, tandis que nous ouvrons ce forum de l'e-G8, je crois que nous comprenons tous les principes de l'Internet, mais je voudrais que les gouvernements fassent une sorte de serment d'Hippocrate pour l'Internet et s'engagent tout d'abord à ne pas lui nuire.
R - Honnêtement ce n'est pas très difficile de répondre à cette question. Ne pas vous nuire, mais bien sûr, pourquoi voudriez-vous que l'on vous nuise ? Vous êtes un potentiel de croissance, de connaissance extraordinaire. J'aime votre expression «le 8ème continent», mais qu'est-ce que vous entendez par nuire ? Vraiment, je veillerai à cela.
Mais est-ce qu'évoquer la question de la sécurité face au terrorisme, c'est vous nuire ? Est-ce que vous dites : «vous êtes des créateurs, ce que vous avez créé doit être respecté, mais respecte aussi les autres créateurs», est-ce que c'est vous nuire ? Dire : «vous avez voulu que ce 8ème continent soit le continent de la liberté et de l'ouverture, attention à ne pas susciter de nouveaux monopoles», est-ce que c'est vous nuire ? Dire : «il y a des valeurs universelles sacrées, par exemple la protection d'un enfant face aux turpitudes de certains adultes», est-ce que parler de cela, c'est vous nuire ? Je ne le crois pas.
Je crois que ce qui serait vous nuire, ce serait de ne pas reconnaître en vous des gens responsables, compétents, intelligents, citoyens, citoyens du monde, mais citoyens et responsables. Ce qui serait vous nuire, ce serait de refuser même d'évoquer le problème de peur que vous ne le compreniez pas. Je pense que vous qui avez si bien compris l'avenir, vous êtes capables de comprendre cela. Donc, si vous voulez que je fasse le serment de ne pas vous nuire, il n'y a pas de problème. Je peux même vous dire que vous êtes sympathiques, que je préfère le soleil à la pluie, que je préfère les entreprises qui gagnent de l'argent à celles qui en perdent, qu'il fait bon vivre ici. Demandez-moi des engagements plus forts.
Ce que je peux vous dire, c'est que et je suis persuadé que pour mes collègues chefs d'État et de gouvernement, c'est la même chose, on a parfaitement conscience de la puissance que représente Internet et en même temps de la fragilité de cet écosystème. Et qu'il ne faut pas prendre des mesures qui compliqueraient le développement de ce système, ça oui. Et je pense qu'avec les meilleures intentions on pourrait faire cela. Donc il faut faire attention. Je pense que dans ce marché que vous créez, qui n'est pas encore stabilisé, il faut vraiment faire attention avant de prendre des décisions. Je pense que le terme de réglementation définitive est totalement inadapté à votre secteur. Que l'on doit évoluer avec beaucoup de pragmatisme, d'expérience, que l'on doit choisir plutôt de ne rien faire que de faire mal, dans un secteur aussi en croissance et donc instable. Voilà le serment que je serais prêt à prendre et d'ailleurs vous, en venant, c'est quand même plutôt un bon signe, parce que si vous pensiez que cela n'avait pas d'intérêt, vous ne seriez pas venus. Je crois vraiment que c'est très important que l'on continue à dialoguer et à se respecter et ce que l'on a envie nous, les chefs d'Etat et de gouvernement, c'est de ne pas faire d'erreur dans ce monde qui est le vôtre, en construction et extrêmement sensible, extrêmement fragile, extrêmement puissant en même temps, de façon à ne pas le déstabiliser.
Q - Selon vous, comment l'Internet peut changer le travail du gouvernement et des administrations.
R - Vous savez aujourd'hui moi, en tant que chef d'État, mon équipe passe plus de temps à savoir ce qui se dit sur le web, qu'à savoir ce qui se dit dans la presse. C'est un changement considérable. Jusqu'à présent, la première fois où j'ai été ministre, on attendait, on dit en France la sortie d'un grand journal du soir pour savoir ce qui se disait. Maintenant le grand journal du soir, c'est le vôtre et il est à chaque seconde, il est à 3h00 du matin, il est jour et nuit, il n'y a plus de dimanche, il n'y a plus de week-end. Il n'y a même plus de 1er mai en France, où il n'y a pas de presse, mais il y a toujours Internet. Cela a complètement changé les choses et par ailleurs - et c'est une bonne évolution -, cela conduit à ce que chaque pays fasse moins de nombrilisme, moins de narcissisme national, parce que les informations sont partagées au niveau mondial. Pour nous, c'est un changement absolument considérable, mais qui n'est pas arrivé à son terme, pour vous dire qu'on essaye de comprendre, on essaye de s'adapter, on essaye d'avoir le moins de retard possible. Je crois que face à cela, il faut beaucoup d'humilité et que les évolutions ne sont pas encore arrivées à leur terme.
Q - Comme chaque année cette année, vous allez encore recevoir un contingent des chefs d'État d'Afrique au Sommet du G8. Depuis 2000, c'est comme cela. Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons compter sur vous pour non seulement leur expliquer qu'Internet et un accélérateur de croissance, mais aussi un formidable outil de développement et d'enracinement de la gouvernance démocratique et que par conséquent, ce n'est pas un secteur qui représente les ennemis. On peut le voir, dans beaucoup de pays, on n'investit pas dans l'infrastructure qui va développer ces secteurs et très souvent en fait on reprend ce que le Monsieur a dit «they do harm» ils bloquent le développement de ce secteur. Est-ce que, Monsieur le Président, nous pouvons compter sur vous pour faire passer ce message ?
R - Le continent africain aura 2 milliards d'habitants dans 30 ou 40 ans. Sur les 2 milliards d'habitants, il y en a plus de 70 % qui auront moins de 20 ans. L'Afrique c'est la jeunesse du monde. Qui serait assez fou pour penser que les jeunes Africains ne seraient pas les premiers à vouloir développer Internet ? Vous pouvez compter sur nous, je leur dirai, ils le savent d'ailleurs. De la même façon, je vais vous dire une chose, en Afrique comme ailleurs, les vieux réflexes, c'est fini. Personne ne peut contrôler ou arrêter Internet, alors il restera peut-être la Corée du Nord pendant encore quelque temps, avec un insensé qui transforme son pays en Moyen-âge. Mais l'Afrique, c'est à 12 kilomètres de l'Europe par le détroit de Gibraltar. L'Internet va s'y répandre comme une trainée de poudre et avec l'Internet, l'aspiration à la croissance, l'aspiration à la connaissance, l'aspiration à la démocratie. Ceux qui voudront empêcher cela seront balayés, c'est ma conviction absolue. J'ajoute que, pour le développement de l'Afrique et notamment pour tous ces enfants qui ont besoin de formation, le vecteur de diffusion de la connaissance pour les enseignants africains que représente le net est absolument colossal. Ne doutez pas une minute de la puissance de la révolution qui en marche.
Enfin Mesdames et Messieurs, avant de vous quitter, je voudrais vous dire combien je suis sensible au fait que vous ayez accepté cette rencontre. Ce n'était pas facile pour nous de nous ouvrir, mais je suppose que ce n'était pas facile pour vous d'accepter cette invitation et de jouer cette carte. On essaiera de faire en sorte que personne ne soit déçu.