3 mai 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, en mémoire des victimes de l'attentat terroriste de Marrakech au Maroc, à l'aéroport d'Orly le 3 mai 2011.

C'est une immense douleur, c'est une profonde tristesse qui nous réunissent aujourd'hui. Comment, devant ces cercueils, ne pas partager votre peine, avec vous qui les aimiez tant, ces enfants, ces mères, ces pères, ces frères, ces surs que vous aviez quittés plein de vie et qu'une folie meurtrière vous a à jamais arrachés.
Le terrorisme a frappé vos familles, il a déchiré les liens les plus tendres, les sentiments les plus forts qui lient les êtres qui s'aiment profondément.
Le terrorisme n'a pas choisi ses victimes au hasard, comme on le dit trop souvent, il a voulu détruire le bonheur, il a voulu défigurer la joie de vivre, il a voulu taillader avec une détermination sadique des vies heureuses.
Vos vies.
Leurs vies.
Si je parle de bonheur et de joie en cet instant tragique c'est parce que tous partageaient ce bonheur et cette joie de vivre.
Le 28 avril dernier, à Marrakech, ils ont succombé au plus lâche des attentats. Ils étaient en vacances. Ils étaient heureux. On les a tués pour semer la terreur.
Oui, ils étaient heureux. Heureux d'être ensemble, heureux d'être en famille, heureux de contempler le spectacle de la célèbre place Jamma el-Fna depuis le magnifique point de vue qu'en offre la terrasse du café Argana.
Heureux, comme la petite Camille. Elle avait dix ans et comme tous les enfants de son âge qui rentrent d'un très beau voyage, elle devait sans doute être fière des quelques babioles achetées le matin même sur la place avec ses parents. Elle les montrerait à ses camarades, lundi pour la rentrée des classes. Peut-être même avait-elle dans le fond de son sac une surprise pour son instituteur ? Tout cela a été emporté par le souffle de l'explosion.
Un terroriste tueur d'enfants a décidé que pour Camille il n'y aurait plus jamais de rentrée des classes.
Heureux, comme la jeune Salomé GIRARD, 18 ans et qui elle aussi se faisait une joie de ce voyage en famille au Maroc en compagnie de sa sur Louise et de sa tante Marie-Christine également morte dans l'attentat.
Heureux, comme Marie-Christine qui rêvait en effet de ce voyage depuis des années. Un terroriste fou a décidé de transformer ce rêve d'une vie en cauchemar pour ceux qui restent.
Heureux, comme Jean AUBERT et sa compagne Catherine LOMBARD ou comme Eric ASNAR et sa compagne Maud SOMBRET. Quinze minutes avant l'attentat, quinze minutes avant de mourir Maud avait appelé sa famille depuis la terrasse de l'Argana pour lui dire son bonheur d'être là devant un des plus beaux points de vue du Maghreb en compagnie de l'homme qu'elle aimait.
Heureux, comme Angélique GAUTIER et Ludovic qui allaient bientôt se marier. Angélique avait fait les derniers essayages de sa robe de mariée avant son départ pour le Maroc. Cette robe, elle ne la portera jamais. Elle a été tuée par la bombe.
Elle laisse un bébé de 4 mois qui grandira sans sa mère. Il faudra tout son amour à Ludovic, blessé dans l'attentat, pour dire à leur petite fille, lorsqu'elle sera en âge de comprendre, combien sa maman était belle et heureuse sur cette terrasse avant qu'un terroriste barbare ne décide qu'elle devait mourir.
Il y avait ce jour-là place Jamma el-Fna, au café Argana, trois couples profondément épris qui étaient venus fêter leur amour sous le grand ciel bleu de Marrakech.
Trois belles histoires d'amour qu'un terroriste aveuglé par la haine a donc décidé d'anéantir.
Car bien sûr, rien n'a été laissé au hasard, ni le lieu, la place la plus touristique de Marrakech, ni l'heure car à midi la place est noire de monde. Les terroristes visaient bien sûr le Maroc mais ils visaient aussi, de fait, les touristes étrangers et notamment Français qui aiment à se retrouver sur cette place unique.
Car si les victimes ne sont pas toutes françaises, on compte parmi elles des Marocains, des Européens, un Canadien, c'est la France qui avec 8 morts et 9 blessés paie le plus lourd tribut à la haine terroriste.
La France, je le dis ici, je le dis devant les corps rapatriés de huit Français dont une petite fille de 10 ans, je le dis devant vous qui allez maintenant devoir vivre avec cette douleur mais aussi avec ce terrible sentiment d'injustice qui nous habite tous ce soir : la France ne laissera pas ce crime impuni.
Je fais bien sûr toute confiance aux autorités marocaines pour conduire l'enquête jusqu'au bout, identifier et juger les criminels qui sont à l'origine de ce massacre. Mais le combat contre le terrorisme ne relève pas de la responsabilité d'un seul pays. Ce combat est un combat collectif. Un combat des États de droit contre des organisations criminelles qui ne sont rien d'autre qu'une mafia déguisée en armée de l'ombre.
Les terroristes, mes chers compatriotes, savent désormais qu'ils n'auront aucun répit, nulle part, jamais. Où qu'ils se trouvent, où qu'ils se cachent, ils seront recherchés, suivis à la trace, débusqués par tous les moyens et ils auront à rendre compte de leurs crimes. Chacun doit le savoir, les démocraties ne laisseront aucun acte de terrorisme impuni.
J'ai une pensée aujourd'hui pour les victimes innocentes elles aussi des attentats du 11 septembre dont les instigateurs viennent d'être châtiés comme les assassins de la place Jamma el-Fna le seront un jour. Cela prendra le temps qu'il faudra, des mois, des années peut-être mais ils paieront aussi.
J'espère très sincèrement que nous obtiendrons au plus vite des résultats tangibles mais si tel n'était pas le cas je vous conjure de vous souvenir de l'engagement que je viens de prendre aujourd'hui devant vous.
Certains d'entre vous perdront peut-être espoir et en viendront à penser que leur peine, leur souffrance, le souvenir des victimes devant lesquelles je viens de m'incliner a été oublié, effacé par d'autres événements, par d'autres crimes ou simplement par l'écume des jours.
Je le dis ici avec la plus grande solennité. La France n'oubliera rien et la France ne cessera jamais de réclamer justice. Dès à présent des enquêteurs et des magistrats français travaillent en lien étroit avec la justice marocaine. Ils veilleront au respect du droit à la justice des victimes françaises.
Mes chers compatriotes, face au terrorisme, il n'y a pas d'autre attitude : ne jamais céder, ne jamais se laisser intimider, ne jamais renoncer à poursuivre les responsables, au bout du monde s'il le faut, patiemment, résolument, méthodiquement.
Cet attentat, d'une lâcheté misérable, voulait atteindre le Maroc et peut-être la France. Il a surtout dévasté des familles qui ne faisaient là, qu'exercer leur droit au bonheur. Qu'il me soit permis d'exprimer la tristesse de tous les Français devant la douleur qui frappe les familles de toutes les autres victimes et en particulier les familles des victimes marocaines. Je remercie Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour les attentions permanentes et profondément sincères qu'il a eues dans ces circonstances tragiques pour le Maroc envers les familles françaises touchées par ce drame terrible.
Aussitôt connu la tragédie, il a pris toutes les victimes et leurs familles sous sa protection. Il a donné des ordres très fermes pour que tout soit fait dans un souci, non seulement d'efficacité, mais également de très grande humanité pour soulager les familles et leurs proches présents sur place.
Ces attentions, ces gestes sont ceux de la fraternité et de l'amitié, dont la relation franco-marocaine témoigne chaque jour et plus que jamais dans les épreuves.
Je tiens aussi à rendre un hommage tout particulier aux services de secours marocains qui se sont précipités sur les lieux après l'explosion, ainsi qu'au personnel médical des hôpitaux de Marrakech qui a si admirablement accueilli, soigné et réconforté les blessés tout en apportant un soutien permanent à leurs familles.
Les terroristes ne nous terroriseront pas £ les terroristes perdront £ ils perdent déjà. Le bilan du terrorisme n'est fait que de malheur et d'échecs.
Le terrorisme n'a jamais fait progresser la moindre cause pour la bonne et simple raison qu'il les discrédite moralement et les condamne politiquement.
Aujourd'hui ce n'est pas le terrorisme qui est en train de conduire les peuples arabes sur les chemins de la liberté mais une soif immense et pacifique de justice et de démocratie.
Je veux que l'on sache que la France apporte son soutien aux peuples arabes qui ont pris leur destin en mains.
Je veux que l'on sache que la France est au côté du Roi Mohamed VI qui a compris cette aspiration à la liberté et qui a décidé d'y répondre parce que cette réponse est la plus belle réponse à apporter aux marchands de haine.
Aujourd'hui le Maroc est en deuil.
La France est en deuil.
C'est le temps du recueillement.
C'est le temps de la peine et de la tristesse partagées.
Et c'est au nom de tous les Français que je me suis incliné devant les cercueils de ces victimes innocentes.
La France ne les oubliera pas.
La France n'oubliera pas la douleur.
La France n'oubliera pas l'injustice.
La France n'oubliera pas le crime.
La France n'oubliera pas ses soldats morts pour défendre ses valeurs de liberté et de justice face à la barbarie et au fanatisme.
La France n'oubliera pas ses enfants déchiquetés par les bombes des terroristes haineux et lâches.
La France n'oubliera pas les otages et l'angoisse de leur famille.
Non, la France n'oubliera pas, parce que la France est blessée, parce que la France est meurtrie au plus profond d'elle-même.