25 mars 2011 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur le pacte pour l'Euro, la sécurité nucléaire et sur l'intervention militaire en Libye, à Bruxelles le 25 mars 2011.
LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, je vous propose de faire une conférence de presse assez courte, compte-tenu de l'heure tardive de la conférence de presse de cette nuit. Si vous le voulez bien, je prendrai trois, quatre questions et m'abstiendrai de faire un propos préalable pour me livrer tout de suite à vos questions.
Enfin, si cela vous trouble, je veux bien faire un.
QUESTION - Monsieur le Président, en parlant de la Syrie vous avez dit que c'est inacceptable pour un pays démocratique comme la France d'accepter qu'on utilise des vraies balles contre des manifestants. Je veux savoir si ces déclarations sont valides aussi pour les pays membres de l'Otan comme l'Albanie. Vous savez, le 21 janvier on a tué quatre manifestants et j'aimerais savoir si ces vies là ont moins de valeur que des centaines comme en Syrie par exemple. Est-ce que la France garde la même position aussi pour l'Albanie ou pas ?
LE PRESIDENT - Si la question : « est-ce qu'une vie humaine, qu'elle soit en Albanie ou en Syrie, a moins de valeur ? », la réponse est assez facile : non, elle a la même valeur. Et les principes valent de la même façon. Mais, hier soir, hier dans la nuit, nous nous concentrions sur ce que vous avez vous-même appelé le Printemps arabe et les révolutions arabes et c'est dans ce cadre là que j'ai été amené à répondre à des questions et à préciser ma pensée, comme l'avait fait d'ailleurs le ministre d'Etat, Alain JUPPE, sur le sujet. Mais il va de soi que si ça se passait ou ça s'est passé de la même façon en Albanie, mon propos serait exactement de la même nature.
QUESTION - Monsieur le Président, quelle est votre analyse et quelle a été l'analyse du Conseil sur la situation économique et politique du Portugal ?
LE PRESIDENT - Je voudrais dire d'abord que le Conseil a remercié Monsieur le Premier ministre SOCRATES pour le courage dont il a fait preuve et les différentes mesures qu'il a proposées aux Portugais, qui ont été jusqu'à présent acceptées par toutes les forces politiques. Bon, il y a une crise politique, mais d'après ce que nous ont dit et M. SOCRATES et M. BARROSO, l'ensemble des forces politiques portugaises adhèrent aux objectifs qui ont été fixés par l'Europe, même si le combat politique, qui a ses règles, a conduit à rejeter le plan présenté par M. SOCRATES. Donc, vraisemblablement, d'après ce que l'on dit, il y aura des élections dans un délai de deux mois, mais notre confiance dans le Portugal est complète et nous sommes rassurés de savoir que toutes les forces portugaises sont bien conscientes de la nécessité de l'effort pour améliorer la compétitivité de l'économie portugaise et pour réduire le déficit du Portugal.
Donc, cela n'a pas changé notre analyse de la situation. Par ailleurs, tous les dispositifs sont aujourd'hui complètement mis en place, ont fait l'objet d'un accord complet : il y a un gouvernement économique, un pacte pour l'Euro. Six pays de plus ont décidé, ont annoncé d'adhérer à ce pacte pour l'Euro, c'est le Danemark, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Bulgarie et la Roumanie. Donc vraiment, économiquement parlant, l'Europe a fait vraiment ce qu'il fallait faire et c'est une grande satisfaction. Elle est dotée d'un gouvernement économique, d'un fonds pérenne, de procédures et d'un pacte. C'est ce que la France demandait depuis bien longtemps.
QUESTION - Vous avez déjà en partie répondu à la question, Monsieur le Président, mais est-ce que vous êtes totalement satisfait ? Est-ce que vous pouvez dire aujourd'hui que l'Europe dispose véritablement d'un vrai gouvernement économique ou est-ce qu'il y a encore des progrès qui restent à faire, des incertitudes à lever et, si c'est le cas, lesquelles ?
LE PRESIDENT - Des incertitudes à lever, je ne pense pas. Si je me remémore la situation il y a un an, le progrès est gigantesque. Gigantesque. Et d'ailleurs nous avons pu surmonter finalement toutes les crises. Le gouvernement est en place, - les dix-sept chefs d'Etat et de gouvernement -, un pacte pour intégrer davantage nos politiques économiques est en place, un fonds pour soutenir les pays attaqués par la spéculation est en place, une solidarité a été fixée, tout le monde s'est mis d'accord. Franchement aujourd'hui, je ne vois pas ce qu'il conviendrait de faire de plus. Bon, mais cela ne veut pas dire que dans quelques mois, on n'aura pas d'autres alternatives ou d'autres possibilités pour renforcer notre dispositif économique. Mais franchement, par rapport à ce que la France demandait il y a un an, et ce à quoi nous sommes arrivés aujourd'hui, je crois pouvoir dire que c'est carton plein.
QUESTION - Monsieur le Président, après la terrible catastrophe, évidemment nucléaire, au Japon, vous avez discuté de ce dossier lors de ce Conseil européen avec des stress tests qui se profilent. Alors, quels types de stress tests et avec quelles conséquences pour les centrales qui échoueraient au stress tests ?
LE PRESIDENT - Oui, on en a parlé de façon très approfondie. D'ailleurs, c'est une question de responsabilité. Ce qui s'est passé au Japon interpelle le monde entier. Je rappelle que ce qui s'est passé au Japon n'a rien à voir avec ce qui s'est passé à Tchernobyl. Le tremblement de terre : 9 sur l'échelle de Richter, le Japon n'en avait jamais connu de si important. La centrale, construite en 1970, a parfaitement résisté £ le processus nucléaire, parfaitement fonctionné. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? C'est que les défenses anti-tsunami qui étaient à six mètres de hauteur ont été submergées par une vague qui était à douze mètres de hauteur, qui a bouleversé le système électrique, qui a arrêté les pompes de refroidissement. Et donc, le principal du retour d'information de ce qui s'est passé au Japon, c'est la lutte contre les tsunamis. Evidemment, ça se pose de manière différente pour des régions où il y a des centrales nucléaires et où il n'y a pas de mer, ou des régions qui, de toute éternité, n'ont jamais connu de tsunami.
Pour autant, nous avons décidé de livrer toutes nos centrales à un stress test, un test de sécurité à la lumière de ce qui s'est passé au Japon. Ce sur ce quoi nous nous sommes mis d'accord, c'est d'abord que le mix énergétique, le paquet énergétique est de la compétence des Etats membres. Certains ont fait le choix du nucléaire, d'autres ne l'ont pas fait. Et que pour ceux qui ont fait le choix du nucléaire, ça sera ainsi : la Commission établira le cadre des contrôles, les normes des contrôles. Les autorités nucléaires indépendantes procèderont à ces contrôles, rendront publics ces contrôles et la Commission et les régulateurs européens du nucléaire diront le sérieux ou les insuffisances de ces contrôles. Si une centrale - je parle pour la France - ne passait pas ces tests, elle serait fermée. C'est clair. Tous les tests seront conduits en France, tous les résultats des tests seront publiés et, si les tests n'étaient pas concluants, nous en tirerions immédiatement les conséquences. Il y a une seule conséquence, c'est la fermeture.
QUESTION - Une question sur la Libye, Monsieur le Président. Vous avez expliqué hier, on a parlé de l'OTAN, des structures de commandement, mais au-delà de cette intervention militaire et des questions de structure et de commandement dont vous nous avez parlé hier, avez-vous le sentiment aujourd'hui que l'Europe est totalement unie sur la suite à donner - la suite diplomatique et politique en Libye - et quelles en sont les prochaines étapes concrètes ?
LE PRESIDENT - La prochaine étape, c'est le sommet de Londres, mardi. Vraisemblablement, avant le sommet de Londres, M. CAMERON et moi-même aurons l'occasion de proposer une voie commune pour rythmer les étapes qui vont se poursuivre. Mais la prochaine étape, c'est mardi, sommet de Londres, avec l'ensemble des pays membres de la coalition, qui discuteront du pilotage politique et des prochaines étapes.
QUESTION - ...pour une proposition pour une paix en Libye ? C'est ça ?
LE PRESIDENT - Non, je n'ai pas un plan mais disons qu'il y aura certainement une initiative franco-britannique pour bien montrer que la solution ne peut pas être que militaire. Elle sera forcément politique et diplomatique. Même si le militaire, du fait de l'incapacité à entendre des choses raisonnables de M. KADHAFI, était devenu incontournable.
QUESTION - Une question plus générale : lorsque la France a réintégré la structure militaire intégrée de l'OTAN, c'était avec l'espoir que cela permette un développement de l'Europe de la défense et des capacités militaires de l'Union européenne. Or, dans l'affaire libyenne, qu'est-ce que l'on voit ? C'est que la quasi-totalité de nos partenaires n'ont qu'un désir : se mettre le plus vite possible sous le parapluie de l'OTAN, même lorsque l'on doit intervenir dans notre « jardin arrière », comme disent nos amis Britanniques. Est-ce que, pour le coup, vous n'avez pas le sentiment que vous avez lâché la proie pour l'ombre, puisqu'en l'occurrence, l'Europe de la défense parait, plus que jamais, lointaine ?
LE PRESIDENT - Franchement, Monsieur, je ne sais pas ce que j'ai lâché. Je vous rappelle que la France était membre de 18 comités de l'OTAN, 18 ! Qu'elle en a réintégré 1, le 19ème, et qu'elle n'est toujours pas dans le 20ème. Si c'est la proie...elle était faible !
Deuxièmement, les décisions à l'OTAN, comme vous le savez, se prennent à l'unanimité et quand même, dans cette affaire, si douloureuse, libyenne, c'est une initiative de la Grande-Bretagne et de la France, deux grands pays européens, et les avions qui volent sont anglais et français, indépendamment des autres, mais ils sont aussi danois. Mais vous-même, qui êtes un très bon connaisseur de l'Europe, vous savez bien que l'Europe de la défense, ça repose d'abord sur un couple, qui est le couple franco-britannique, puisque ce sont les deux armées les plus puissantes d'Europe. Avec qui voudriez-vous que nous construisions l'Europe de la défense de manière majoritaire ? L'Allemagne a fait un choix, et ce choix aujourd'hui est celui de l'unité de l'Europe. Mais vous savez bien que l'Allemagne a une Histoire et que la sensibilité allemande ne les pousse pas à intervenir spontanément sur des territoires étrangers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il faut respecter l'Histoire des pays. L'Europe, ce sont des Histoires différentes. Et je suis très heureux qu'avec l'Allemagne nous ayons trouvé les voix d'un compromis et qu'aujourd'hui, l'Europe soit totalement unie sur la question libyenne, totalement. Il y a un leadership franco-anglais sur l'Europe de la défense, tout le monde le sait bien, tout le monde le connait. Et le fait que nous ayons réintégré le 19ème comité de l'OTAN ne change rien à cette réalité, qui existait avant et qui existera après. Cela aurait changé quoi que l'on réintègre ou pas ?
Par ailleurs, c'est tout à fait normal, à partir du moment où il faut bien qu'il y ait une nation-cadre qui organise la gestion de tous ces avions. A partir du moment où nos amis Américains - et je crois qu'ils ont raison d'ailleurs - ne veulent pas être cette nation-cadre, - et ça ne serait peut-être d'ailleurs pas très habile qu'ils le soient, compte tenu de la sensibilité moyen-orientale -, il faut bien que quelqu'un le fasse. Pensez-vous que c'est la France qui devrait le faire ? Il y a une structure à l'OTAN, il y a une machinerie, on s'en sert par l'intermédiaire du commandement à Naples, cela ne pose aucun problème. Et vous le savez bien d'ailleurs. Cela fonctionne, et la meilleure preuve, c'est que deux pays, non membres de l'OTAN, comme le Qatar et les Émirats, participeront aux vols, aux actions en Libye sans que cela ne pose la moindre difficulté. Et le pilotage politique, il est suivi par la coordination. Quel est le problème ? Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire différemment ? Je ne demande pas mieux de débattre de cette question, cela ne me gêne pas, mais quelle était l'autre solution ? C'était très simple : il y avait deux solutions, il n'y en avait pas trois : soit les États-Unis sont la nation-cadre et coordonnent, et on m'aurait dit : « ah, vous vous mettez à la traine des Etats-Unis », si ce n'est pas les États-Unis qui le font - et je pense que c'est habile qu'ils ne le fassent pas pour les raisons de sensibilité des opinions publiques arabes -, pourquoi devrais-je m'opposer à la machinerie de l'OTAN ? Si le contrôle politique est celui de la coalition, la France doit être la nation-cadre ? Nous ne sommes pas assez engagés ? Cela voudrait dire que j'aurais dû inventer un système qui fasse concurrence à la machinerie de l'OTAN ? Qui aurait pu penser que c'est du bon sens ?
QUESTION - Il y a quand même un Etat-major européen ?
LE PRESIDENT - Mais il y a un Etat-major où nous sommes tous, à Naples. Naples, Italie, pays européen. Naples, proche de la Méditerranée, pourquoi ne pas s'en servir ? Franchement, je ne vois pas ce que cela pose comme problème politique à partir du moment où il y a la coordination politique de la coalition. Je ne vois pas. Ce ne sont pas les forces de l'OTAN qui vont protéger la population en Libye, c'est la coalition. Et la coalition pour coordonner ... il y avait hier, 60 avions dans la journée dans les airs libyens, il faut bien qu'il y ait une machinerie qui coordonne les créneaux, les missions. Qui le fera ? On ne va pas y aller chacun dans son coin. C'est le commandement de l'OTAN à Naples. Mais la coordination politique, telle qu'elle s'exprimera mardi à Londres, ce sont les 11 pays de coalition. Vraiment, cela ne pose pas de problème politique pour nous. Et je ne vois pas, est-ce qu'un commandement européen... alors que faisons-nous de nos amis Américains et de nos amis Canadiens ? Qu'est-ce que l'on fait du Qatar et des Émiratis alors ? On les intègre dans le commandement européen ? C'est intéressant. Moi, je ne demande pas mieux que de regarder ça, mais enfin, pour mettre en place un système concurrent à celui qui existe déjà, cela n'avait pas de sens. Franchement, je ne suis pas du tout gêné de répondre à vos questions là-dessus, mais vous voyez bien qu'il y a un problème pratique qui n'est pas du tout un problème politique. Le problème politique aurait été beaucoup plus important si nous avions perdu le soutien de la Ligue arabe, du Qatar et des Émiratis. Là, il y avait un problème politique. Là aussi, il y aurait eu un problème politique, si l'Europe ne s'était pas mise d'accord comme elle s'est mise d'accord cette nuit sur l'opportunité d'appliquer la résolution des Nations Unies, ça, c'est un vrai problème politique. Utiliser la machinerie de l'OTAN, ce n'est pas un problème politique, franchement.
QUESTION - Monsieur le Président, n'avez-vous pas le sentiment que la crise libyenne est en train d'occulter un peu ce qui se passe en Côte d'Ivoire ? On parle en ce moment d'un million de réfugiés. Et que peut faire la France dans cette situation qui semble s'aggraver de jour en jour ?
LE PRESIDENT - La France a déposé une résolution au Conseil de sécurité et vous avez parfaitement raison, il serait choquant d'occulter le drame vécu par la population de Côte d'Ivoire et notamment à Abidjan. La France a déposé une résolution au Conseil de sécurité. Ainsi va l'actualité internationale, on ne peut pas gérer une seule crise à la fois, cela serait trop simple. C'est un scandale que l'on tire à l'arme lourde à Abidjan, je l'ai dit cette nuit, je le confirme. Il y a des forces des Nations Unies, il faut au minimum déclarer qu'Abidjan doit être interdite aux armes lourdes. On parle d'hélicoptères qui pourraient être préparés pour tirer sur la population, on parle de mortiers. Ca doit être très clairement déclaré comme illégal par la communauté internationale. Il y a des forces des Nations Unies, qu'elles fassent leur travail.
QUESTION - Monsieur le Président, un point à propos du nucléaire et un point à propos du Portugal. A propos du nucléaire, la centrale de Fessenheim est jugée la plus dangereuse en France parce qu'elle est notamment une des plus vieilles et elle est sur une faille sismique, et beaucoup de gens demandent sa fermeture même sans attendre les tests. Est-ce que c'est effectivement envisageable dès maintenant de fermer la centrale de Fessenheim ? Et deuxième point, est-ce que vous pensez que le Portugal peut vivre sans l'aide de l'Europe, sans demander l'aide de l'Europe jusqu'aux prochaines élections qui se tiendront, comme vous avez dit, dans deux mois ?
LE PRESIDENT - Je ne suis pas en charge du Portugal, c'est aux autorités portugaises de décider ce qu'elles feront, est-ce qu'elles feront ou non appel...
QUESTION - C'est votre analyse Monsieur ?
LE PRESIDENT - Mais je n'en ai pas. Je m'interdis d'en avoir, c'est déjà assez compliqué comme ça, c'est aux Portugais de décider ce qu'ils ont à faire en fonction de la connaissance qu'ils ont de la situation de leur pays, ce n'est pas à moi. C'est déjà assez complexe, on a déjà assez de travail. Si c'est pour porter un jugement de l'extérieur, pour leur dire : « vous devriez ou vous ne devriez pas ». Je vous ai dit ce que je pensais, M. SOCRATES a fait tout son travail. Et il l'a fait de façon courageuse et remarquable, c'est ce que je pense. Je le dis.
Et quant à Fessenheim, il y a beaucoup de gens, vous savez, qui perdent leur sang-froid dans les crises. Moi je pense qu'il faut garder son sang-froid dans les crises. Fessenheim sera soumise aux contrôles, aux tests £ ils seront publiés. Mais si vous me dites qu'il faut fermer avant d'avoir fait les études, alors pourquoi faire les études ? On dit : il faut faire des études, des contrôles et publier les résultats. Et vous me dites : « ne faites les études, n'attendez pas les contrôles, n'attendez pas les résultats et fermez ». Ce n'est pas très logique quand même. Il vaut mieux faire les études, publier les résultats et prendre les décisions, plutôt que de prendre les décisions avant même d'avoir fait les études. Franchement, si on avait des éléments qui nous permettent de dire que Fessenheim est dangereuse, il faudrait la fermer tout de suite. Mais alors vous me laissez à penser quoi ? Je n'ai aucun de ces éléments sur mon bureau aujourd'hui donc je n'ai pas de raison de prendre cette décision. En revanche, il serait choquant de ne pas faire un test sur Fessenheim. On fera un test sur Fessenheim et en fonction des résultats du test, on décidera si on ferme ou pas. C'est quand même étonnant de décider de faire des contrôles et de fermer avant les contrôles. Cela laisserait à penser que l'on a eu des tests avant. Moi je ne suis pas sûr que cela rassurerait.
QUESTION - Bonjour Monsieur le Président. A propos de la Libye, on a dit à l'OTAN ce matin que dimanche soir, les missions de la coalition internationale seront absorbées par la discipline de l'OTAN, que la coalition internationale va disparaître. Je voudrais bien avoir votre confirmation sur ce projet. Sur l'aspect politique, vous parlez de la coordination politique à faire à Londres. Votre intention, l'intention de ce groupe de contact, c'est de donner des directives à l'OTAN ou c'est plutôt de parler sur le futur de la Libye ? Merci.
LE PRESIDENT - Merci de me poser la question, cela me permet de réparer une erreur parce que j'aurais dû parler des avions espagnols qui volent dans l'air. J'en suis désolé parce que c'est parfaitement exact, on peut même dire d'ailleurs qu'hier les avions français ont pris la suite des avions espagnols. Et nous avons bien besoin de l'Espagne. Non, non, ce n'est pas comme ça que cela va se passer. Encore une fois, les décisions sont prises par la coordination politique, les décisions de frapper sont prises par les autorités nationales, et l'OTAN répartit les créneaux et les missions, discute des objectifs que lui propose la coordination politique. Voilà, il n'y a pas, de ce côté-là, la moindre difficulté. Mais j'ai peur de me répéter en rappelant exactement les mêmes choses. Il y a une coordination politique qui est prise au plus haut niveau par les pays membres de la coalition et c'est comme cela que ça a fonctionné. L'autre question ? Mais l'OTAN ne peut pas absorber les Émirats et le Qatar. Ce n'est pas possible, cela serait totalement contre-productif, vous le voyez bien. D'ailleurs ce serait un grand service à rendre à M. KADHAFI que d'expliquer qu'il n'y a que l'OTAN et qu'il n'y a plus de coalition. Enfin, on voit ce qu'il en est, donc on gardera bien sûr le pilotage politique et notre possibilité de déclencher des actions opérationnelles coordonnées par l'OTAN. Il n'y aura pas de changement.
Peut être une dernière question ?
QUESTION - A propos de pilotage politique, est-ce que vous estimez que la Haute Représentante a assuré totalement son rôle dans la crise libyenne ? Est-ce qu'elle a en quelque sorte, si on peut prendre un autre mot, réussi le stress-test de cette crise ? Parce qu'on a plus eu l'impression que c'était les États membres qui cherchaient un accord, qui cherchaient à propulser une solution politique, que la Haute Représentante.
LE PRESIDENT - D'abord je pense qu'Herman VAN ROMPUY a joué un grand rôle et nous avons travaillé main dans la main. Mais la Haute Représentant a joué tout son rôle, mais ce n'est pas la Haute Représentante qui a la main opérationnelle sur les forces armées, ce sont les États membres. Puisqu'il n'y a pas d'armée européenne, ce n'est pas la Haute Représentante qui peut gérer l'intervention des armées, des forces européennes de la coalition. Elle a joué son rôle, elle a été présente à Paris, elle sera présente à Londres, elle s'occupe de tout le volet humanitaire. M. VAN ROMPUY s'occupe de tout le volet politique pour s'assurer de l'unité et un certain nombre d'États membres - notamment la Grande-Bretagne et la France - ont fait part de leur leadership pour mettre à la disposition de cet objectif international, leurs forces armées. C'est l'Europe, ce n'est pas toujours simple. Mais finalement, cela ne fonctionne pas si mal. On a décidé quelque chose samedi, il y a eu une délibération des Nations Unies jeudi, on décide quelque chose samedi, cela rentre en application samedi soir. Cela n'a pas si mal fonctionné franchement.
Dernière question
QUESTION - Monsieur le Président, quelle est votre opinion sur les mesures du gouvernement BERLUSCONI contre Lactalis à propos de l'affaire Parmalat ?
LE PRESIDENT - J'aimerais bien avoir une conviction mais écoutez, bravo. Un zéro pour l'Italie, c'est incontestable, vous m'avez posé une colle, je n'ai pas de position parce que je connais très mal et j'aurais peur de dire une bêtise. Si vous voulez bien revenir en deuxième semaine, j'aurais travaillé.
Non, je m'attendais à tout sauf à cela. Ce n'est pas du tout une preuve de désintérêt mais je n'ai pas travaillé. Vous voulez me téléphoner ? Téléphonez à ma femme en italien parce que moi....
Bon, je crois qu'il est temps que j'abrège cette conférence de presse, cela devient très dangereux.
Bon week-end à vous.
Merci
Enfin, si cela vous trouble, je veux bien faire un.
QUESTION - Monsieur le Président, en parlant de la Syrie vous avez dit que c'est inacceptable pour un pays démocratique comme la France d'accepter qu'on utilise des vraies balles contre des manifestants. Je veux savoir si ces déclarations sont valides aussi pour les pays membres de l'Otan comme l'Albanie. Vous savez, le 21 janvier on a tué quatre manifestants et j'aimerais savoir si ces vies là ont moins de valeur que des centaines comme en Syrie par exemple. Est-ce que la France garde la même position aussi pour l'Albanie ou pas ?
LE PRESIDENT - Si la question : « est-ce qu'une vie humaine, qu'elle soit en Albanie ou en Syrie, a moins de valeur ? », la réponse est assez facile : non, elle a la même valeur. Et les principes valent de la même façon. Mais, hier soir, hier dans la nuit, nous nous concentrions sur ce que vous avez vous-même appelé le Printemps arabe et les révolutions arabes et c'est dans ce cadre là que j'ai été amené à répondre à des questions et à préciser ma pensée, comme l'avait fait d'ailleurs le ministre d'Etat, Alain JUPPE, sur le sujet. Mais il va de soi que si ça se passait ou ça s'est passé de la même façon en Albanie, mon propos serait exactement de la même nature.
QUESTION - Monsieur le Président, quelle est votre analyse et quelle a été l'analyse du Conseil sur la situation économique et politique du Portugal ?
LE PRESIDENT - Je voudrais dire d'abord que le Conseil a remercié Monsieur le Premier ministre SOCRATES pour le courage dont il a fait preuve et les différentes mesures qu'il a proposées aux Portugais, qui ont été jusqu'à présent acceptées par toutes les forces politiques. Bon, il y a une crise politique, mais d'après ce que nous ont dit et M. SOCRATES et M. BARROSO, l'ensemble des forces politiques portugaises adhèrent aux objectifs qui ont été fixés par l'Europe, même si le combat politique, qui a ses règles, a conduit à rejeter le plan présenté par M. SOCRATES. Donc, vraisemblablement, d'après ce que l'on dit, il y aura des élections dans un délai de deux mois, mais notre confiance dans le Portugal est complète et nous sommes rassurés de savoir que toutes les forces portugaises sont bien conscientes de la nécessité de l'effort pour améliorer la compétitivité de l'économie portugaise et pour réduire le déficit du Portugal.
Donc, cela n'a pas changé notre analyse de la situation. Par ailleurs, tous les dispositifs sont aujourd'hui complètement mis en place, ont fait l'objet d'un accord complet : il y a un gouvernement économique, un pacte pour l'Euro. Six pays de plus ont décidé, ont annoncé d'adhérer à ce pacte pour l'Euro, c'est le Danemark, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Bulgarie et la Roumanie. Donc vraiment, économiquement parlant, l'Europe a fait vraiment ce qu'il fallait faire et c'est une grande satisfaction. Elle est dotée d'un gouvernement économique, d'un fonds pérenne, de procédures et d'un pacte. C'est ce que la France demandait depuis bien longtemps.
QUESTION - Vous avez déjà en partie répondu à la question, Monsieur le Président, mais est-ce que vous êtes totalement satisfait ? Est-ce que vous pouvez dire aujourd'hui que l'Europe dispose véritablement d'un vrai gouvernement économique ou est-ce qu'il y a encore des progrès qui restent à faire, des incertitudes à lever et, si c'est le cas, lesquelles ?
LE PRESIDENT - Des incertitudes à lever, je ne pense pas. Si je me remémore la situation il y a un an, le progrès est gigantesque. Gigantesque. Et d'ailleurs nous avons pu surmonter finalement toutes les crises. Le gouvernement est en place, - les dix-sept chefs d'Etat et de gouvernement -, un pacte pour intégrer davantage nos politiques économiques est en place, un fonds pour soutenir les pays attaqués par la spéculation est en place, une solidarité a été fixée, tout le monde s'est mis d'accord. Franchement aujourd'hui, je ne vois pas ce qu'il conviendrait de faire de plus. Bon, mais cela ne veut pas dire que dans quelques mois, on n'aura pas d'autres alternatives ou d'autres possibilités pour renforcer notre dispositif économique. Mais franchement, par rapport à ce que la France demandait il y a un an, et ce à quoi nous sommes arrivés aujourd'hui, je crois pouvoir dire que c'est carton plein.
QUESTION - Monsieur le Président, après la terrible catastrophe, évidemment nucléaire, au Japon, vous avez discuté de ce dossier lors de ce Conseil européen avec des stress tests qui se profilent. Alors, quels types de stress tests et avec quelles conséquences pour les centrales qui échoueraient au stress tests ?
LE PRESIDENT - Oui, on en a parlé de façon très approfondie. D'ailleurs, c'est une question de responsabilité. Ce qui s'est passé au Japon interpelle le monde entier. Je rappelle que ce qui s'est passé au Japon n'a rien à voir avec ce qui s'est passé à Tchernobyl. Le tremblement de terre : 9 sur l'échelle de Richter, le Japon n'en avait jamais connu de si important. La centrale, construite en 1970, a parfaitement résisté £ le processus nucléaire, parfaitement fonctionné. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? C'est que les défenses anti-tsunami qui étaient à six mètres de hauteur ont été submergées par une vague qui était à douze mètres de hauteur, qui a bouleversé le système électrique, qui a arrêté les pompes de refroidissement. Et donc, le principal du retour d'information de ce qui s'est passé au Japon, c'est la lutte contre les tsunamis. Evidemment, ça se pose de manière différente pour des régions où il y a des centrales nucléaires et où il n'y a pas de mer, ou des régions qui, de toute éternité, n'ont jamais connu de tsunami.
Pour autant, nous avons décidé de livrer toutes nos centrales à un stress test, un test de sécurité à la lumière de ce qui s'est passé au Japon. Ce sur ce quoi nous nous sommes mis d'accord, c'est d'abord que le mix énergétique, le paquet énergétique est de la compétence des Etats membres. Certains ont fait le choix du nucléaire, d'autres ne l'ont pas fait. Et que pour ceux qui ont fait le choix du nucléaire, ça sera ainsi : la Commission établira le cadre des contrôles, les normes des contrôles. Les autorités nucléaires indépendantes procèderont à ces contrôles, rendront publics ces contrôles et la Commission et les régulateurs européens du nucléaire diront le sérieux ou les insuffisances de ces contrôles. Si une centrale - je parle pour la France - ne passait pas ces tests, elle serait fermée. C'est clair. Tous les tests seront conduits en France, tous les résultats des tests seront publiés et, si les tests n'étaient pas concluants, nous en tirerions immédiatement les conséquences. Il y a une seule conséquence, c'est la fermeture.
QUESTION - Une question sur la Libye, Monsieur le Président. Vous avez expliqué hier, on a parlé de l'OTAN, des structures de commandement, mais au-delà de cette intervention militaire et des questions de structure et de commandement dont vous nous avez parlé hier, avez-vous le sentiment aujourd'hui que l'Europe est totalement unie sur la suite à donner - la suite diplomatique et politique en Libye - et quelles en sont les prochaines étapes concrètes ?
LE PRESIDENT - La prochaine étape, c'est le sommet de Londres, mardi. Vraisemblablement, avant le sommet de Londres, M. CAMERON et moi-même aurons l'occasion de proposer une voie commune pour rythmer les étapes qui vont se poursuivre. Mais la prochaine étape, c'est mardi, sommet de Londres, avec l'ensemble des pays membres de la coalition, qui discuteront du pilotage politique et des prochaines étapes.
QUESTION - ...pour une proposition pour une paix en Libye ? C'est ça ?
LE PRESIDENT - Non, je n'ai pas un plan mais disons qu'il y aura certainement une initiative franco-britannique pour bien montrer que la solution ne peut pas être que militaire. Elle sera forcément politique et diplomatique. Même si le militaire, du fait de l'incapacité à entendre des choses raisonnables de M. KADHAFI, était devenu incontournable.
QUESTION - Une question plus générale : lorsque la France a réintégré la structure militaire intégrée de l'OTAN, c'était avec l'espoir que cela permette un développement de l'Europe de la défense et des capacités militaires de l'Union européenne. Or, dans l'affaire libyenne, qu'est-ce que l'on voit ? C'est que la quasi-totalité de nos partenaires n'ont qu'un désir : se mettre le plus vite possible sous le parapluie de l'OTAN, même lorsque l'on doit intervenir dans notre « jardin arrière », comme disent nos amis Britanniques. Est-ce que, pour le coup, vous n'avez pas le sentiment que vous avez lâché la proie pour l'ombre, puisqu'en l'occurrence, l'Europe de la défense parait, plus que jamais, lointaine ?
LE PRESIDENT - Franchement, Monsieur, je ne sais pas ce que j'ai lâché. Je vous rappelle que la France était membre de 18 comités de l'OTAN, 18 ! Qu'elle en a réintégré 1, le 19ème, et qu'elle n'est toujours pas dans le 20ème. Si c'est la proie...elle était faible !
Deuxièmement, les décisions à l'OTAN, comme vous le savez, se prennent à l'unanimité et quand même, dans cette affaire, si douloureuse, libyenne, c'est une initiative de la Grande-Bretagne et de la France, deux grands pays européens, et les avions qui volent sont anglais et français, indépendamment des autres, mais ils sont aussi danois. Mais vous-même, qui êtes un très bon connaisseur de l'Europe, vous savez bien que l'Europe de la défense, ça repose d'abord sur un couple, qui est le couple franco-britannique, puisque ce sont les deux armées les plus puissantes d'Europe. Avec qui voudriez-vous que nous construisions l'Europe de la défense de manière majoritaire ? L'Allemagne a fait un choix, et ce choix aujourd'hui est celui de l'unité de l'Europe. Mais vous savez bien que l'Allemagne a une Histoire et que la sensibilité allemande ne les pousse pas à intervenir spontanément sur des territoires étrangers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il faut respecter l'Histoire des pays. L'Europe, ce sont des Histoires différentes. Et je suis très heureux qu'avec l'Allemagne nous ayons trouvé les voix d'un compromis et qu'aujourd'hui, l'Europe soit totalement unie sur la question libyenne, totalement. Il y a un leadership franco-anglais sur l'Europe de la défense, tout le monde le sait bien, tout le monde le connait. Et le fait que nous ayons réintégré le 19ème comité de l'OTAN ne change rien à cette réalité, qui existait avant et qui existera après. Cela aurait changé quoi que l'on réintègre ou pas ?
Par ailleurs, c'est tout à fait normal, à partir du moment où il faut bien qu'il y ait une nation-cadre qui organise la gestion de tous ces avions. A partir du moment où nos amis Américains - et je crois qu'ils ont raison d'ailleurs - ne veulent pas être cette nation-cadre, - et ça ne serait peut-être d'ailleurs pas très habile qu'ils le soient, compte tenu de la sensibilité moyen-orientale -, il faut bien que quelqu'un le fasse. Pensez-vous que c'est la France qui devrait le faire ? Il y a une structure à l'OTAN, il y a une machinerie, on s'en sert par l'intermédiaire du commandement à Naples, cela ne pose aucun problème. Et vous le savez bien d'ailleurs. Cela fonctionne, et la meilleure preuve, c'est que deux pays, non membres de l'OTAN, comme le Qatar et les Émirats, participeront aux vols, aux actions en Libye sans que cela ne pose la moindre difficulté. Et le pilotage politique, il est suivi par la coordination. Quel est le problème ? Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire différemment ? Je ne demande pas mieux de débattre de cette question, cela ne me gêne pas, mais quelle était l'autre solution ? C'était très simple : il y avait deux solutions, il n'y en avait pas trois : soit les États-Unis sont la nation-cadre et coordonnent, et on m'aurait dit : « ah, vous vous mettez à la traine des Etats-Unis », si ce n'est pas les États-Unis qui le font - et je pense que c'est habile qu'ils ne le fassent pas pour les raisons de sensibilité des opinions publiques arabes -, pourquoi devrais-je m'opposer à la machinerie de l'OTAN ? Si le contrôle politique est celui de la coalition, la France doit être la nation-cadre ? Nous ne sommes pas assez engagés ? Cela voudrait dire que j'aurais dû inventer un système qui fasse concurrence à la machinerie de l'OTAN ? Qui aurait pu penser que c'est du bon sens ?
QUESTION - Il y a quand même un Etat-major européen ?
LE PRESIDENT - Mais il y a un Etat-major où nous sommes tous, à Naples. Naples, Italie, pays européen. Naples, proche de la Méditerranée, pourquoi ne pas s'en servir ? Franchement, je ne vois pas ce que cela pose comme problème politique à partir du moment où il y a la coordination politique de la coalition. Je ne vois pas. Ce ne sont pas les forces de l'OTAN qui vont protéger la population en Libye, c'est la coalition. Et la coalition pour coordonner ... il y avait hier, 60 avions dans la journée dans les airs libyens, il faut bien qu'il y ait une machinerie qui coordonne les créneaux, les missions. Qui le fera ? On ne va pas y aller chacun dans son coin. C'est le commandement de l'OTAN à Naples. Mais la coordination politique, telle qu'elle s'exprimera mardi à Londres, ce sont les 11 pays de coalition. Vraiment, cela ne pose pas de problème politique pour nous. Et je ne vois pas, est-ce qu'un commandement européen... alors que faisons-nous de nos amis Américains et de nos amis Canadiens ? Qu'est-ce que l'on fait du Qatar et des Émiratis alors ? On les intègre dans le commandement européen ? C'est intéressant. Moi, je ne demande pas mieux que de regarder ça, mais enfin, pour mettre en place un système concurrent à celui qui existe déjà, cela n'avait pas de sens. Franchement, je ne suis pas du tout gêné de répondre à vos questions là-dessus, mais vous voyez bien qu'il y a un problème pratique qui n'est pas du tout un problème politique. Le problème politique aurait été beaucoup plus important si nous avions perdu le soutien de la Ligue arabe, du Qatar et des Émiratis. Là, il y avait un problème politique. Là aussi, il y aurait eu un problème politique, si l'Europe ne s'était pas mise d'accord comme elle s'est mise d'accord cette nuit sur l'opportunité d'appliquer la résolution des Nations Unies, ça, c'est un vrai problème politique. Utiliser la machinerie de l'OTAN, ce n'est pas un problème politique, franchement.
QUESTION - Monsieur le Président, n'avez-vous pas le sentiment que la crise libyenne est en train d'occulter un peu ce qui se passe en Côte d'Ivoire ? On parle en ce moment d'un million de réfugiés. Et que peut faire la France dans cette situation qui semble s'aggraver de jour en jour ?
LE PRESIDENT - La France a déposé une résolution au Conseil de sécurité et vous avez parfaitement raison, il serait choquant d'occulter le drame vécu par la population de Côte d'Ivoire et notamment à Abidjan. La France a déposé une résolution au Conseil de sécurité. Ainsi va l'actualité internationale, on ne peut pas gérer une seule crise à la fois, cela serait trop simple. C'est un scandale que l'on tire à l'arme lourde à Abidjan, je l'ai dit cette nuit, je le confirme. Il y a des forces des Nations Unies, il faut au minimum déclarer qu'Abidjan doit être interdite aux armes lourdes. On parle d'hélicoptères qui pourraient être préparés pour tirer sur la population, on parle de mortiers. Ca doit être très clairement déclaré comme illégal par la communauté internationale. Il y a des forces des Nations Unies, qu'elles fassent leur travail.
QUESTION - Monsieur le Président, un point à propos du nucléaire et un point à propos du Portugal. A propos du nucléaire, la centrale de Fessenheim est jugée la plus dangereuse en France parce qu'elle est notamment une des plus vieilles et elle est sur une faille sismique, et beaucoup de gens demandent sa fermeture même sans attendre les tests. Est-ce que c'est effectivement envisageable dès maintenant de fermer la centrale de Fessenheim ? Et deuxième point, est-ce que vous pensez que le Portugal peut vivre sans l'aide de l'Europe, sans demander l'aide de l'Europe jusqu'aux prochaines élections qui se tiendront, comme vous avez dit, dans deux mois ?
LE PRESIDENT - Je ne suis pas en charge du Portugal, c'est aux autorités portugaises de décider ce qu'elles feront, est-ce qu'elles feront ou non appel...
QUESTION - C'est votre analyse Monsieur ?
LE PRESIDENT - Mais je n'en ai pas. Je m'interdis d'en avoir, c'est déjà assez compliqué comme ça, c'est aux Portugais de décider ce qu'ils ont à faire en fonction de la connaissance qu'ils ont de la situation de leur pays, ce n'est pas à moi. C'est déjà assez complexe, on a déjà assez de travail. Si c'est pour porter un jugement de l'extérieur, pour leur dire : « vous devriez ou vous ne devriez pas ». Je vous ai dit ce que je pensais, M. SOCRATES a fait tout son travail. Et il l'a fait de façon courageuse et remarquable, c'est ce que je pense. Je le dis.
Et quant à Fessenheim, il y a beaucoup de gens, vous savez, qui perdent leur sang-froid dans les crises. Moi je pense qu'il faut garder son sang-froid dans les crises. Fessenheim sera soumise aux contrôles, aux tests £ ils seront publiés. Mais si vous me dites qu'il faut fermer avant d'avoir fait les études, alors pourquoi faire les études ? On dit : il faut faire des études, des contrôles et publier les résultats. Et vous me dites : « ne faites les études, n'attendez pas les contrôles, n'attendez pas les résultats et fermez ». Ce n'est pas très logique quand même. Il vaut mieux faire les études, publier les résultats et prendre les décisions, plutôt que de prendre les décisions avant même d'avoir fait les études. Franchement, si on avait des éléments qui nous permettent de dire que Fessenheim est dangereuse, il faudrait la fermer tout de suite. Mais alors vous me laissez à penser quoi ? Je n'ai aucun de ces éléments sur mon bureau aujourd'hui donc je n'ai pas de raison de prendre cette décision. En revanche, il serait choquant de ne pas faire un test sur Fessenheim. On fera un test sur Fessenheim et en fonction des résultats du test, on décidera si on ferme ou pas. C'est quand même étonnant de décider de faire des contrôles et de fermer avant les contrôles. Cela laisserait à penser que l'on a eu des tests avant. Moi je ne suis pas sûr que cela rassurerait.
QUESTION - Bonjour Monsieur le Président. A propos de la Libye, on a dit à l'OTAN ce matin que dimanche soir, les missions de la coalition internationale seront absorbées par la discipline de l'OTAN, que la coalition internationale va disparaître. Je voudrais bien avoir votre confirmation sur ce projet. Sur l'aspect politique, vous parlez de la coordination politique à faire à Londres. Votre intention, l'intention de ce groupe de contact, c'est de donner des directives à l'OTAN ou c'est plutôt de parler sur le futur de la Libye ? Merci.
LE PRESIDENT - Merci de me poser la question, cela me permet de réparer une erreur parce que j'aurais dû parler des avions espagnols qui volent dans l'air. J'en suis désolé parce que c'est parfaitement exact, on peut même dire d'ailleurs qu'hier les avions français ont pris la suite des avions espagnols. Et nous avons bien besoin de l'Espagne. Non, non, ce n'est pas comme ça que cela va se passer. Encore une fois, les décisions sont prises par la coordination politique, les décisions de frapper sont prises par les autorités nationales, et l'OTAN répartit les créneaux et les missions, discute des objectifs que lui propose la coordination politique. Voilà, il n'y a pas, de ce côté-là, la moindre difficulté. Mais j'ai peur de me répéter en rappelant exactement les mêmes choses. Il y a une coordination politique qui est prise au plus haut niveau par les pays membres de la coalition et c'est comme cela que ça a fonctionné. L'autre question ? Mais l'OTAN ne peut pas absorber les Émirats et le Qatar. Ce n'est pas possible, cela serait totalement contre-productif, vous le voyez bien. D'ailleurs ce serait un grand service à rendre à M. KADHAFI que d'expliquer qu'il n'y a que l'OTAN et qu'il n'y a plus de coalition. Enfin, on voit ce qu'il en est, donc on gardera bien sûr le pilotage politique et notre possibilité de déclencher des actions opérationnelles coordonnées par l'OTAN. Il n'y aura pas de changement.
Peut être une dernière question ?
QUESTION - A propos de pilotage politique, est-ce que vous estimez que la Haute Représentante a assuré totalement son rôle dans la crise libyenne ? Est-ce qu'elle a en quelque sorte, si on peut prendre un autre mot, réussi le stress-test de cette crise ? Parce qu'on a plus eu l'impression que c'était les États membres qui cherchaient un accord, qui cherchaient à propulser une solution politique, que la Haute Représentante.
LE PRESIDENT - D'abord je pense qu'Herman VAN ROMPUY a joué un grand rôle et nous avons travaillé main dans la main. Mais la Haute Représentant a joué tout son rôle, mais ce n'est pas la Haute Représentante qui a la main opérationnelle sur les forces armées, ce sont les États membres. Puisqu'il n'y a pas d'armée européenne, ce n'est pas la Haute Représentante qui peut gérer l'intervention des armées, des forces européennes de la coalition. Elle a joué son rôle, elle a été présente à Paris, elle sera présente à Londres, elle s'occupe de tout le volet humanitaire. M. VAN ROMPUY s'occupe de tout le volet politique pour s'assurer de l'unité et un certain nombre d'États membres - notamment la Grande-Bretagne et la France - ont fait part de leur leadership pour mettre à la disposition de cet objectif international, leurs forces armées. C'est l'Europe, ce n'est pas toujours simple. Mais finalement, cela ne fonctionne pas si mal. On a décidé quelque chose samedi, il y a eu une délibération des Nations Unies jeudi, on décide quelque chose samedi, cela rentre en application samedi soir. Cela n'a pas si mal fonctionné franchement.
Dernière question
QUESTION - Monsieur le Président, quelle est votre opinion sur les mesures du gouvernement BERLUSCONI contre Lactalis à propos de l'affaire Parmalat ?
LE PRESIDENT - J'aimerais bien avoir une conviction mais écoutez, bravo. Un zéro pour l'Italie, c'est incontestable, vous m'avez posé une colle, je n'ai pas de position parce que je connais très mal et j'aurais peur de dire une bêtise. Si vous voulez bien revenir en deuxième semaine, j'aurais travaillé.
Non, je m'attendais à tout sauf à cela. Ce n'est pas du tout une preuve de désintérêt mais je n'ai pas travaillé. Vous voulez me téléphoner ? Téléphonez à ma femme en italien parce que moi....
Bon, je crois qu'il est temps que j'abrège cette conférence de presse, cela devient très dangereux.
Bon week-end à vous.
Merci