11 mars 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'adoption du Pacte pour l'euro, à Bruxelles le 11 mars 2011.

LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, bonsoir. Nous commençons une très longue conférence de presse avec beaucoup de questions je l'espère. Il n'est jamais que 1h25.
Vous l'avez compris, ce sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro était très important. Nous avons mis en place le gouvernement économique de l'Europe, comme la France l'a toujours demandé. Ce gouvernement économique, c'est la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, c'est-à-dire les 17. Nous avons adopté le Pacte pour l'euro, c'est une étape décisive. Ce pacte renforcera la convergence de nos politiques économiques et la compétitivité de nos économies.
Nous avons obtenu que les partenaires sociaux soient associés à la mise en uvre du pacte, ils seront d'ailleurs consultés annuellement. Par ailleurs, la France est très satisfaite du fait que dans le pacte, il est prévu explicitement un impératif de coordination en matière fiscale. Dès le 16 mars, la Commission fera une proposition sur l'assiette commune de l'impôt sur les sociétés. C'est une première étape extrêmement importante à laquelle nous attachons une grande importance.
Par ailleurs, nous nous sommes mis d'accord sur la capacité financière et sur la flexibilité de nos instruments.
Première décision politique, nous nous sommes mis d'accord pour porter la capacité effective de prêts du mécanisme que l'on appelle EFSF à 440 milliards d'euros. Quant au mécanisme permanent qui lui succédera en 2013, nous avons décidé de le doter d'une capacité financière de 500 milliards d'euros. Nous avons donc renforcé de façon très significative nos capacités d'intervention.
Deuxième décision, nous avons étendu la gamme d'instruments utilisables. Nos deux facilités - celles d'avant 2013 et celle d'après 2013 - interviendront principalement sous forme de prêts, mais nous avons décidé de leur permettre de souscrire à des émissions obligataires sur le marché primaire. Je sais, cela peut paraître technique pour ceux qui sont moins familiarisés avec tout ceci, mais enfin ça n'a l'air de rien cette petite phrase, mais cela a nécessité énormément de travail. C'est cela la flexibilité, c'est que cet argent puisse être utilisé. Oui, je sais à cette heure-là, c'est un peu pénible, mais enfin quand même, c'est très important.
Troisième décision majeure, nous avons décidé d'aligner le taux d'intérêts des prêts des deux mécanismes - avant 2013 et après 2013 - sur ceux du FMI. En conséquence de quoi et compte tenu des engagements pris par la Grèce et de la mise en uvre excellente de son programme, nous avons pris la décision de réduire de 100 points de base les prêts à la Grèce et d'allonger la maturité de ces prêts à 7 ans et demi. C'est-à-dire que la Grèce va donc rembourser sur plus longtemps - c'était 4 ans et demi, ce sera sur 7 ans et demi - et elle va rembourser moins cher puisque nous avons décidé de diminuer de 100 points de base les taux d'intérêts affectés à la Grèce.
S'agissant de l'Irlande, nous avons décidé de reparler des conditions de son prêts les 24 et 25 mars, parce qu'il y a un nouveau gouvernement qui est arrivé au pouvoir et que naturellement, il faut continuer à discuter avec eux.
Je vous invite à mesurer l'ampleur des décisions que nous avons prises depuis le mois de mai de l'année dernière. Nous avons soutenu la Grèce et l'Irlande, nous avons créé une facilité de 140 milliards d'euros, nous avons décidé d'un changement de traité, nous avons décidé de la création d'une facilité permanente, nous avons adopté un pacte pour l'euro et nous nous sommes dotés d'un gouvernement économique de la zone euro.
Il y a un an et demi, il n'était pas dit que l'on arriverait à tout ceci, mais je reste à votre disposition si vous avez des questions.
QUESTION - Qu'est-ce qui garantit ou ne garantit pas mais permet de croire que le taux d'imposition sur les sociétés de l'Irlande sera réellement augmenté dans les mois ou années qui viennent ? Et quelle a été la nature des discussions avec l'Irlande dans cette soirée ?
LE PRESIDENT - C'est un sujet qui est très sensible pour nos amis Irlandais, ce que je comprends. Il faut parfaitement le comprendre mais en même temps, l'ensemble des Etats membres de la zone euro ont fait valoir que lorsque l'on a la même monnaie, il est normal de converger £ que la convergence ne pouvait pas toucher tous les domaines à l'exception de la convergence fiscale £ que la convergence passait d'abord par une réflexion sur les assiettes d'impôts, ne serait-ce que pour pouvoir les comparer £ que personne ne demande à l'Irlande d'avoir un taux moyen comparable à celui de l'Europe, mais qu'il était difficile aussi de demander aux autres pays d'aider l'Irlande et celle-ci de répondre qu'elle entendait garder l'impôt sur le bénéfice des sociétés les plus bas d'Europe. Et donc il y a une discussion qui progresse.
Je comprends les problèmes de nos amis Irlandais, mais ils doivent comprendre aussi les questions que cela pose chez la totalité des autres Etats membres de la zone euro. Si vous regardez la Grèce, ils ont baissé les salaires, baissé le niveau des pensions, augmenté les impôts. Si vous regardez le Portugal et l'Espagne, ils en ont fait de même. Tous, nous avons été amenés à faire des efforts et ces efforts, l'Irlande, d'une manière ou d'une autre, est certainement convaincue qu'elle devra les faire. Je comprends les difficultés auxquelles est confronté son gouvernement. Il n'y a pas de certitude mais il y a un pacte qui prévoit la convergence explicitement et il y a une demande très claire de l'ensemble des Etats membres de la zone euro pour qu'il y ait au moins un geste.
QUESTION - Monsieur le Président y a-t-il eu une conversation spécifique sur la situation du Portugal et si tel est le cas, quelles ont été les conclusions, quel message les partenaires du Portugal lui ont fait passer ?
LE PRESIDENT - Ecoutez, en ce qui concerne le Portugal, comme la Grèce, l'ensemble des Etats membres de la zone euro ont voulu manifester leur soutien sur les conditions très déterminées, très courageuses et très efficaces d'application des plans au Portugal comme en Grèce. C'était donc un fort satisfecit qui a été envoyé à ces deux gouvernements.
QUESTION - Une petite précision en ce qui concerne les éléments de flexibilité. Cela concerne les deux mécanismes, y compris pour le marché primaire, les achats sur le marché primaire, c'est aussi pour les deux mécanismes ?
LE PRESIDENT - Oui. Attendez « y compris », vous me demandez si sur les marchés primaires, c'est pour les deux mécanismes, c'est-à-dire pour parler clair : est-ce que c'est d'application avant 2013 et d'application après 2013 ? C'est exactement pour les deux mécanismes, donc d'application immédiate. Au cas où on en aurait besoin, c'est d'application immédiate.
QUESTION - Sur un certain nombre d'informations que l'on a entendues, il semblerait que les échanges avec les Irlandais entre vous et Angela Merkel d'une part, les Irlandais d'autre part, ont été très francs, disons même plus que ça ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas ce que vous appelez plus que francs. J'ai le même costume, pas de stigmate, non, non. J'ai beaucoup apprécié de découvrir le nouveau Premier ministre irlandais. D'ailleurs, cela n'a pas concerné que Madame Merkel et moi, qui étions exactement d'ailleurs sur la même position, mais le Président du Conseil Herman Van Rompuy est exactement sur notre position, les Espagnols, les Grecs, les Portugais, les Autrichiens étaient exactement sur la position que nous. Non, non, je crois qu'il y a un très grand consensus.
Il est vrai qu'il y a quelques pays qui sont soucieux de garantir leur spécificité fiscale - je pense à Malte, je pense à Chypre, je pense à la Slovaquie -, c'est parfaitement exact. Mais nous sommes d'ailleurs d'accord pour qu'ils la conservent, mais vous observerez que c'est pays ne demandent pas aux autres de participer au financement de leurs plans et que le problème pour l'Irlande n'est pas du tout un problème de principe. C'est que c'est difficile de demander aux autres de contribuer au financement d'un plan et de ne pas se préoccuper du volet recettes de ce plan. C'est ce que Madame Merkel et moi, nous avons fait valoir de façon très courtoise au Premier ministre irlandais, qui nous a répondu également de façon très courtoise.
On a encore les 24 et 25 et comme vous l'avez vu, la réduction des taux d'intérêts et l'allongement de la durée du prêt s'applique pour la Grèce. A ma connaissance cela ne s'applique pas pour un autre pays, c'est dans le cadre d'un accord gagnant-gagnant.
QUESTION - (inaudible)
LE PRESIDENT - Nous avons pris une décision de principe. Comme vous le savez, on a pris la décision à 17. Elle doit être validée par les 27, mais si vous attendez, est-ce que cela s'applique dès maintenant £ je veux dire, une fois que le processus juridique de prise de décision sur cette base-là aura été formalisé, ce sera décidé. L'intervention sur les marchés primaires s'applique avant 2013 comme après 2013, au mécanisme actuel comme au mécanisme permanent.
QUESTION - Donc la part de question des impôts irlandais, quelles sont les choses encore à décider ? Quel est le travail maintenant à faire ?
LE PRESIDENT - D'abord, il ne faut pas se focaliser, ce n'est pas forcément les impôts irlandais, il y a un travail immense de convergence fiscale. Et puis il y a quelque chose aussi qui est extrêmement important, c'est que l'ensemble des Etats de la zone euro ont décidé de travailler à l'élaboration d'une taxe sur les transactions financières, puisque c'est repris dans le communiqué de la zone euro. Nous avons décidé d'élaborer un projet de taxation des transactions financières et je dois dire que la France a eu le soutien déterminé de l'Allemagne et de l'Autriche notamment, sur la perspective de cette taxe sur les transactions financières. Les choses progressent là aussi.
QUESTION - (inaudible)
LE PRESIDENT - Ça a été voté. Les Britanniques ne font pas partie de la zone euro. Je vous rappelle que cet après-midi, nous étions en Sommet de la zone euro, les 17 de la zone euro. Donc à ma connaissance les Britanniques n'en font pas partie. Ce sont les 17 de la zone euro, gouvernement de la zone euro, qui ont donc décidé de travailler à la réflexion, à l'élaboration d'un projet de taxation sur les transactions financières.
QUESTION - Monsieur le Président, à quel point d'accord êtes-vous parvenu pour deux questions très sensibles : les salaires et les retraites ?
LE PRESIDENT - Dans le pacte, les choses sont précisées. Vous en verrez le détail. Il y a là aussi une volonté de converger, chacun, dans le cadre de ses négociations nationales. Mais sur les retraites c'est : à question démographique, réponse démographique £ et sur les salaires, on a trouvé un compromis avec nos amis Belges pour que l'on aille vers une évolution de la politique salariale qui aille plutôt dans le même sens. La France n'est plus concernée puisque dans mon souvenir, il n'y a que les allocations sociales qui sont sur l'indexation, les salaires ne le sont plus mais nous avons trouvé un équilibre. De la même façon que l'on a changé le nom, c'est « Pacte pour l'euro en faveur de la compétitivité et de la convergence » de nos économies. Cela a permis de trancher le débat entre ceux qui étaient pour la convergence et ceux qui étaient pour la compétitivité. C'est maintenant le Pacte pour l'euro.
QUESTION - Excusez-moi de vouloir faire un peu d'exégèse de vos propos de tout à l'heure. Vous avez mis exactement sur le même plan le Portugal et la Grèce tout à l'heure £ or la Grèce est déjà sous assistance, le Portugal ne l'était pas à moins qu'il soit en train de changer de statut ?
LE PRESIDENT - Pas du tout, non, non, vous faites bien de me poser la question, cela évite un malentendu. C'est parce que la question qui m'était posée était : quel jugement avez-vous porté sur les différents plans des pays en cause ? J'ai été amené à dire que le Conseil de la zone euro a considéré que les mesures portugaises comme les mesures grecques allaient vraiment dans le bon sens, mais comme vous le savez le Portugal, à ma connaissance, n'est pas candidat à des fonds de la facilité. Il n'y a que l'Irlande. Ils ont maintes fois dit, d'ailleurs, que ça ne changerait pas, mais c'était une appréciation sur les efforts qui ont été faits, pas sur les modalités de financement du plan. Merci de m'avoir permis de le préciser.
QUESTION - (inaudible)
LE PRESIDENT - Même à cette heure-là, j'ai compris les questions auxquelles il convenait de ne pas répondre. C'est au Portugal de décider. Je ne vois d'ailleurs pas - c'est toujours ce que j'ai pensé - comment on peut obliger un pays qui ne serait pas candidat à émerger à une facilité. C'est une décision qui appartient au pays. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait le forcer et sur quel critère ? D'autant plus que le plan mis en uvre par le Portugal et les mesures supplémentaires annoncées pour la Grèce et le programme de privatisation, pour le Portugal c'est en termes d'exécution budgétaire. Il n'y a pas de problème de ce côté-là.
QUESTION - Je voulais savoir si a été évoquée la participation de la Chine dans le rachat de dettes de pays européens ?
LE PRESIDENT - Non. Nous avions déjà assez de sujets. Le Pacte pour l'euro, la facilité actuelle, la facilité future, franchement on n'en a pas parlé.
QUESTION - Juste quelques petites précisions sur l'Irlande si vous voulez bien, pour être sûr, en tous cas pour moi : est-ce qu'il est acquis, il est clair que l'Irlande accepte de discuter d'une évolution de sa fiscalité, de l'assiette sur l'impôt sur les sociétés ? Est-ce que l'Irlande est mentionnée spécifiquement dans les conclusions ?
LE PRESIDENT - Dans le Pacte sur l'euro, c'est clair puisque c'est expressis verbis ce qui est inscrit. Le pacte ayant été adopté, l'Irlande faisant partie de ce pacte £ il a même été acté que c'est le 16 mars que la Commission fera une proposition. Donc ça, c'est parfaitement clair dans le cadre du Pacte pour l'euro. Il n'y a pas d'accord entre l'Irlande et les autres pays dans le cadre de l'application des conditions des taux d'intérêts qui sont les siens. S'il y avait un effort supplémentaire fait de notre côté, on demanderait un effort supplémentaire de l'autre.
QUESTION - A-t-il été spécifiquement demandé à l'Irlande de relever son taux sur l'IS et a-t-elle refusé ?
LE PRESIDENT - Il a été spécifiquement demandé à l'Irlande de faire un geste et, à la minute où je vous parle, satisfaction n'a pas été obtenue. La renégociation des prêts a été engagée et conclue pour la Grèce mais pas pour l'Irlande.
QUESTION - Est-ce que vous êtes toujours aussi fermement engagé et déterminé à ne pas laisser un Etat de la zone euro faire défaut ? C'est-à-dire est-ce que la restructuration d'une dette publique est toujours aussi fermement exclue, les marchés doutant fortement de la possibilité pour la Grèce, notamment, de faire face à ses obligations ?
LE PRESIDENT - Il n'est pas question que l'on laisse un Etat de la zone euro faire défaut. Il n'en est pas question, nous l'avons toujours dit, nous l'avons toujours martelé, cela signifierait de graves problèmes pour l'euro, nous n'en voulons à aucun prix. Il n'en est pas question. D'ailleurs, tout ce que met en uvre la Grèce avec courage et efficience montre bien que le problème ne se pose pas. C'est parfaitement clair.
QUESTION - Vous avez évoqué la participation des partenaires sociaux à l'élaboration du pacte, quelle forme cela peut prendre ?
LE PRESIDENT - Il est prévu dans le pacte qu'il y aura une consultation chaque année. Ils seront associés à l'application et à la définition de ce plan et c'était très important pour la France que la référence aux partenaires sociaux européens soit indiquée, elle est indiquée. Et là aussi, cela a fait l'objet de nombreuses discussions mais il y a un consensus, c'était très important.
QUESTION - (inaudible)
LE PRESIDENT - Non. Maintenant on s'est doté d'une règle, chaque pays devra respecter cette règle. La convergence, c'est un principe £ après, on n'a pas fixé un calendrier et des normes, mais c'est un principe. On s'est engagé pour un pacte sur l'euro au service de notre compétitivité et de l'intégration de notre politique économique. Par exemple, chaque pays s'engage avant de prendre une décision importance à en informer les autres. Vous imaginez ce que cela aurait pu éviter comme problème si par exemple, au niveau des politiques salariales dans la fonction publique, ce principe avait été mis en vigueur dès la création de l'euro. Cela aurait évité bien des mauvaises surprises à un certain nombre de pays dont on vient de parler. Parce que si vous regardez les courbes des évolutions dans les différentes fonctions publiques, vous voyez des évolutions extrêmement divergentes. C'est cela que l'on veut éviter. Il y a vraiment une mise en commun des informations, des rendez-vous d'évaluations, vraiment c'est important.
Avec votre autorisation je mettrais bien un terme à cette conférence de presse.
Merci.
Bonne soirée et bon week-end.