24 janvier 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les défis et priorités du G20 et du G8, à Paris le 24 janvier 2011.

Monsieur le Premier ministre, cher François,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Pour la première fois, le corps diplomatique est convié à une conférence de presse, et comme cette rencontre coïncide avec la période des voeux, je voudrais d'emblée, Monsieur le Nonce, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, vous demander de transmettre à vos chefs d'État les voeux chaleureux que la France forme à leur intention et, bien sûr, à travers eux, aux peuples qu'ils représentent.
Je voudrais également vous présenter à vous, Mesdames et Messieurs de la presse et des médias, mes meilleurs voeux pour 2011. Une année riche d'actualités, mais également, je le souhaite pour vous, riche de bonheur et de succès.
Chacun comprendra que j'ai une pensée émue pour votre confrère photographe, notre compatriote Lucas Mebrouk Dolega, mortellement blessé alors qu'il couvrait les événements en Tunisie. Aujourd'hui, je pense à sa famille, à ses proches, à tous ceux qui l'aimaient.
Lucas Mebrouk Dolega accomplissait son devoir de journaliste. Il ne faisait rien d'autre que son métier. Un métier difficile, exigeant, qui demandait de la passion et du courage. Et Lucas ne manquait ni de l'un, ni de l'autre.
Il était bien connu ici, à l'Élysée, où il venait souvent travailler, avec la gentillesse, la discrétion et le grand professionnalisme qui le caractérisaient. Il était apprécié de tous £ et je sais qu'aujourd'hui, beaucoup d'entre vous ont le coeur serré d'avoir vu partir un photographe de talent, et j'imagine que pour vous, c'était un ami.
J'ai également une pensée toute particulière pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, vos deux confrères otages en Afghanistan, 391 jours dans une angoisse insupportable. Tous les services de l'État sont pleinement mobilisés pour obtenir leur libération. Nous n'épargnerons aucun effort pour essayer de mettre fin le plus vite possible à leur calvaire, comme nous le faisons pour tous les otages dans le monde.
Mesdames et Messieurs,
L'actualité internationale est riche, du Liban à la Tunisie et à la Côte d'Ivoire. Si vous le voulez bien, j'évoquerai dans un deuxième temps de cette conférence de presse toutes ces questions et je voudrais dans un premier temps me consacrer au G20 et au G8.
Si vous le voulez bien, je ferai un petit propos liminaire, puis je répondrai à vos questions et enfin, on ouvrira un deuxième temps de la conférence de presse sur ces questions, il me semble que c'est plus cohérent.
Au cours des deux derniers mois, j'ai consacré beaucoup de mon temps à consulter. Consulter des chefs d'État et de Gouvernement, bien sûr, mais également des organisations internationales, des syndicats internationaux, des représentants des entreprises, des économistes, des chercheurs, d'anciens chefs d'État et de Gouvernement étrangers.
Je tire de ces consultations le message suivant : si le G20 veut rester légitime, il doit demeurer efficace. Notre objectif est d'ouvrir les chantiers de fond qui ne peuvent plus attendre, de façon à être en mesure de présenter des résultats concrets à une opinion publique de plus en plus impatiente.
Plusieurs réunions ministérielles seront organisées :
- pour le G8, les ministres des Affaires étrangères se réuniront pour préparer le Sommet de Deauville£ les ministres de l'Intérieur se verront pour travailler sur la lutte contre les trafics de drogue et en particulier de la cocaïne,
- Pour le G20, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales seront mobilisés. Mais deux autres réunions ministérielles seront programmées auxquelles j'attache une grande importance : celle des ministres du Travail et de l'Emploi et celle des ministres de l'Agriculture.
Des colloques ou des séminaires alimenteront également la réflexion collective et j'aurai l'occasion de me rendre auprès du Président Hu Jintao, pour un premier séminaire sur la réforme de l'ordre monétaire international en Chine à la fin du mois de mars.
L'ambition de notre présidence est simple : nous vivons dans un nouveau monde, nous avons donc besoin de nouvelles idées.
Ce nouveau monde est d'abord marqué par un extraordinaire changement dans l'équilibre des puissances économiques mondiales.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, c'est-à-dire quand le monde a créé l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, le GATT, les États-Unis représentaient 45% du PIB mondial. En 1975, lorsque le G7 a été créé, les États-Unis et l'Europe de l'Ouest représentaient à eux seuls les deux tiers du PIB mondial. Depuis la fin des années 90, nous assistons à un bouleversement extraordinaire de cet équilibre.
Le poids de la Chine en dix ans, enfin 2000-2010, a plus que doublé, dépassant le Japon comme deuxième économie du monde.
En 2050, la Chine pourrait devenir la première économie devant les États-Unis, l'Inde la troisième et le Brésil la quatrième. On voit bien que tout ce qui a été créé en 1945 reposait sur des équilibres qui, aujourd'hui, ne sont plus les mêmes.
Ces transformations, nous les avons prises en compte partiellement et c'est notamment ce qui explique la création du G20, qui représente 85% du PIB mondial.
Le deuxième constat que l'on peut faire après ce changement d'équilibre, c'est que nous vivons dans un monde totalement interdépendant, de plus en plus volatil, où des déséquilibres non seulement ont augmenté en rapidité, ils se succèdent, mais ont augmenté en dimension.
Cette volatilité nous la retrouvons partout.
En préparant cette conférence de presse, j'ai voulu compter le nombre de crises bancaires et de crises financières. C'est assez extraordinaire, depuis 40 ans, on a recensé 125 crises bancaires et si on prend les 40 dernières années, on s'aperçoit que ces 125 crises bancaires ont eu le temps de s'accélérer extraordinairement sur les 20 dernières années. C'est-à-dire, non seulement, les déséquilibres ne ralentissent pas, mais deviennent de plus en plus importants et se succèdent de plus en plus rapidement.
Si nous regardons les mouvements de capitaux internationaux : depuis 1990, le monde a connu 42 crises d'arrêt brutal des flux de capitaux. Ainsi entre 2008 et 2009, les flux de capitaux vers les pays d'Asie ont été divisés par deux en quelques semaines, voire quelques jours. Comment les pays peuvent-ils résister et gérer une telle instabilité ? C'est absolument impossible.
Sur les marchés des changes, là aussi les chiffres donnent le tournis, ils sont extraordinaires. Le volume quotidien de transactions a dépassé 4.000 milliards de dollars par jour. Je sais bien que ces chiffres n'ont aucune signification pour nos concitoyens, mais ce sont des réalités, il faut les affronter. 4 000 milliards de dollars par jour, volume quotidien de transactions, sur le seul marché des changes, en augmentation de 20% depuis 2007, après une augmentation de 72% entre 2004 et 2007.
Là aussi ce qui me préoccupe bien sûr, c'est une idée très banale que de dire qu'il y a de l'instabilité dans le monde, mais ce qui l'est moins, c'est de montrer par des chiffres que cela s'accélère à une rapidité stupéfiante. Donc, les conséquences seront de plus en plus graves.
Mais cette volatilité sur les marchés des changes, sur les crises financières, sur les crises bancaires, vous la trouvez, exactement la même, sur le marché des matières premières énergétiques : en 2008 les cours du pétrole sont passés en 6 mois de 140$ le baril de Brent à 40$. Divisés par trois, en 6 mois. Je ne pense pas que la consommation d'énergie, les besoins, aient été divisés par trois en 6 mois.
Si vous regardez les matières premières agricoles, la volatilité des prix des matières premières agricoles, sur les 20 dernières années, a été multipliée par trois, et cela est parallèle à la financiarisation croissante de ces marchés. C'est d'autant plus extraordinaire qu'il faudra une hausse de 70% de la production agricole d'ici 2050 pour nourrir les 9 milliards d'hommes et de femmes que comptera notre planète. C'est là où vous voyez combien la France sera forte en défendant la politique agricole commune, deuxième agriculture du monde, l'agriculture européenne, alors que les besoins de production agricole devront augmenter de 70% d'ici à 2050. Ce n'est vraiment pas le moment de démonter la politique agricole commune. Ces chiffres parlent eux-mêmes.
Les prix agricoles sont repartis à la hausse. A la fin décembre, le prix des matières premières agricoles a dépassé, à la fin décembre 2010, les pics atteints en 2008. 2008, n'est pas une année que j'ai choisie au hasard, puisque cela a été l'année des émeutes de la faim. On est déjà plus haut qu'au pic de 2008.
Enfin, les désordres monétaires internationaux dans lesquels nous vivons ont rendu possible un creusement sans précédent des déséquilibres de balance des paiements. C'est très simple, les déséquilibres des balances des paiements ont doublé depuis l'année 2000.
Troisième caractéristique - je viendrai aux solutions, mais je pense qu'il est impossible d'essayer d'amorcer des perspectives de solutions si on n'essaye pas de nourrir un diagnostic partagé avec nos partenaires : naturellement, si le diagnostic n'est pas partagé, il est inutile d'espérer trouver des solutions communes. La troisième caractéristique, ce sont les défis globaux : changement climatique, défis du développement, qui demandent des réponses globales. Je rappelle et je rappellerai d'une manière inlassable que nous avons prévu et promis 100 milliards de dollars par an aux pays en développement à partir de 2020. C'est une promesse. C'est Copenhague. Comment tenir cette promesse, alors que nos pays connaissent des déficits budgétaires sans précédent, sans poser la question des financements innovants ? Elle est, cette question des financements innovants, pour la France, une question cruciale.
Le G8 "nouveau" devra ouvrir le débat public au niveau politique. J'ai été très heureux notamment, dans ma rencontre avec le Président Obama, de l'accord qui était le sien pour que nous parlions en G8 de façon très informelle d'Internet. Je précise qu'il ne s'agit nullement de vouloir brider le développement de l'Internet et de ses contenus. Internet est un progrès, c'est incontestable. Internet est une possibilité pour chacun d'avoir accès à une connaissance universelle et il ne viendrait à l'idée de personne de brimer ce développement positif. Mais Internet ouvre, pour les responsables que nous sommes, de grands sujets de réflexion. Et le G8, c'est huit économies extrêmement modernes où Internet se trouve extrêmement développé. C'est le lieu pour en parler.
La France organisera à la veille du Sommet de Deauville un Forum avec les principaux opérateurs de l'économie numérique des pays du G8. Je crois qu'il est venu le temps, maintenant, de se faire confiance les uns les autres et de construire un modèle en additionnant nos compétences, en écoutant ce qu'ont à dire les grands opérateurs d'Internet, dont je suis certain qu'ils sont profondément responsables et qu'eux écoutent ce que nous avons à leur dire pour trouver un chemin pour un Internet civilisé.
J'ai souhaité vous donner un aperçu des défis.
Bien sûr, nous ne partons pas de rien et notre première priorité en tant que présidence c'est de nous assurer que les décisions que nous avons prises au cours des 5 précédents sommets du G20 sont bien mises en oeuvre.
C'est le cas en particulier de la régulation financière.
En moins de deux ans, il y a eu des progrès considérables qui ont été accomplis même si cette idée a du mal à passer dans l'opinion publique, ce que je sais bien. Il n'en reste pas moins qu'elle est juste. De nouvelles règles sur le capital des banques, des hedge funds qui sont aujourd'hui régulés et qui ne dépendaient d'aucune autorité auparavant, des taxes bancaires instaurées pour limiter le risque systémique, l'encadrement des bonus, qui aujourd'hui fait consensus. Je vois que Morgan Stanley a annoncé que dorénavant 60% des bonus versés seront versés avec un décalage. C'est un peu plus de ce que nous avions demandé.
Sur les paradis fiscaux, longtemps intouchables, il y a eu, depuis avril 2009, 600 conventions de transparence fiscale et d'échanges d'informations signées. Treize pays ont renoncé au secret bancaire à des fins fiscales. Et nous disposerons des premières évaluations du Forum mondial sur les cadres juridiques nationaux qui nous permettront de prendre des décisions.
Le développement sera un deuxième enjeu majeur pour le G20.
Je souhaite que notre double présidence fasse de l'Afrique sa priorité.
Nous ferons porter nos efforts sur les infrastructures. Au Sommet de Cannes, nous adopterons une liste de projets concrets, avec leur financement, qui seront mis en chantier immédiatement. Le panel de haut niveau chargé de les identifier sera présidé par M. Tidiane Thiam, Président du groupe mondial d'assurances Prudential, ancien ministre ivoirien du plan et du développement. Je le remercie d'avoir accepté cette mission.
Troisième élément, les financements innovants. J'en disais un mot à l'instant, la France est favorable à une taxe sur les transactions financières. La France considère que cette taxe est morale compte tenu de la crise financière que nous venons de traverser, que cette taxe est utile pour dissuader la spéculation, je pourrais m'en expliquer si vous aviez des questions, et que cette taxe est efficace pour trouver de nouvelles ressources pour le développement. Je sais bien que cette taxe a de grands ennemis ou de grands adversaires sur son chemin. Nous essayerons de les convaincre. Nous travaillerons avec M. Melès, Premier ministre d'Éthiopie, qui a fait un excellent rapport et la France confiera une mission à une personnalité de la société civile pour trouver des solutions innovantes à la lisière entre le secteur privé et le secteur public. La France considère que la taxe sur les transactions financières est la meilleure, mais qu'elle ne peut pas épuiser à elle seule toute la question des financements innovants. Donc, nous sommes prêts à discuter d'autres solutions même si cette taxe - sur les transactions financières - et répondant à vos questions je pourrai m'expliquer dessus, nous semble être la meilleure des formules.
Dans le domaine de l'emploi et des questions sociales, les partenaires sociaux seront totalement associés aux travaux du G20. Nous organiserons pour la première fois, un Sommet social à la veille du Sommet du G20, parallèlement à un Sommet des chefs d'entreprise. Il n'y a pas de raison qu'il y ait un Sommet des chefs d'entreprise et pas un Sommet social. Et la question pour la France, c'est comment donner davantage de poids à l'Organisation Internationale du Travail dans la gouvernance mondiale. La France souhaite que nous réfléchissions à la mise en place d'un socle de protection sociale universelle. Ce n'est pas un modèle social unique, qui n'a pas de sens, mais un socle et la France ne se résigne pas à ce que les 8 conventions de l'OIT sur les droits fondamentaux du travail ne soient pas ratifiées par tous les membres du G20 , qui sont, par ailleurs, pour la plupart, membres de l'OIT. Si l'on est membre d'une organisation, on ratifie les normes produites et adoptées par cette organisation.
Instabilité de l'ordre monétaire international, volatilité des prix des matières premières. Toute l'année 2010 a été marquée par le débat sur les monnaies. Certains ont même parlé de guerre des monnaies. La vérité, c'est que l'instabilité du non-système international monétaire, nous vivons dedans depuis 1971. Dire qu'il y a un système monétaire, c'est déjà une grave erreur, il n'y en a pas depuis 1971.
J'ai lu beaucoup de choses et qu'il me soit permis de préciser un certain nombre de ces points. D'abord, la France ne souhaite pas revenir à un système de changes fixes. D'ailleurs, il y aurait contradiction à vouloir revenir à un système de changes fixes alors que par ailleurs, nous dénonçons le fait de la volatilité de l'euro qui ne correspond pas à des réalités économiques. Donc le système de changes fixes a comme caractéristique de ne pas s'adapter aux réalités de l'économie. La France ne souhaite pas remettre en cause le dollar, qui joue un rôle éminent et doit être une monnaie forte, comme le déclare si souvent le président Obama. La France n'est pas davantage favorable au contrôle des capitaux. Ça, c'est le socle. Pour autant, une fois que l'on a apporté ces trois négations, y a-t-il une seule personne dans le monde qui peut affirmer que le système monétaire international fonctionne bien et qu'il n'y a pas de problème ?
Il ne s'agit pas d'aborder ces questions sous un angle idéologique mais sous un angle pragmatique. Notre ambition, c'est de converger avec nos partenaires sur des propositions concrètes.
Notre position est simple, elle se résume d'une phrase : l'émergence de nouvelles puissances économiques conduira inéluctablement à l'émergence de nouvelles monnaies internationales. C'est incontournable. La transition en cours peut être un facteur d'instabilité.
Nous avons donc un premier objectif : améliorer notre coopération au service de la croissance. Et pour cela nous allons essayer de mettre d'accord tout le monde sur les indicateurs qui permettront d'analyser les déséquilibres persistants. Avant de s'affronter sur les déséquilibres, le France va essayer de faire converger tout le monde sur la définition des indicateurs qui vont permettre de mesurer lesdits déséquilibres. C'est fascinant ! Chacun se reproche ses déséquilibres mais il n'y a aucune règle, aucun critère pour définir ce qu'est un déséquilibre ou ce qu'est un excédent. Donc cela c'est notre premier travail, extrêmement important. J'espère que nous aurons, avec les ministres et les gouverneurs, des résultats dès le mois de février prochain. Il s'agira ensuite que chaque État présente les actions de politiques économiques et les réformes structurelles pour réduire ces déséquilibres.
Par ailleurs, nous devons répondre à un certain nombre de questions très difficiles.
Comment réduire le besoin d'accumulation de réserves ? Évidemment, quand les pays se sont vus vidés des capitaux en quelques jours, ils essayent de s'assurer contre ce risque en augmentant considérablement leurs réserves, en se disant : « s'il arrive un pépin, j'aurai des réserves ». Mais cette accumulation de réserves improductives pèse très lourd. C'est une stratégie coûteuse. Il nous faut encore progresser pour créer de nouvelles facilités du FMI, comme le FMI a d'ailleurs essayé de le faire. Mais comment prendre mieux en compte le caractère systémique de certaines crises qui touchent toute une région et nécessiteraient non pas une réponse nationale mais une réponse globale et multilatérale ?
Comment mieux réguler les flux de capitaux internationaux ? Le cadre dans lequel nous vivons est aujourd'hui dépassé. La multiplication des mesures unilatérales récentes pose la question de l'établissement de règles multilatérales Nous proposerons au G20 d'élaborer un code de conduite en matière de gestion des flux de capitaux. A terme, la conviction de la France, c'est qu'une réforme des statuts du FMI est souhaitable pour que prévalent des règles communes et que le FMI exerce sa surveillance dans ce domaine. Vous voyez, on fixe des critères qui définissent les déséquilibres, on demande au FMI d'analyser ces critères, de mettre sous surveillance l'application de ces critères et on essaye de faire converger tout le monde dans le respect de ces critères.
Enfin, comment assurer la transition vers l'internationalisation des nouvelles monnaies ? Le DTS, si mon souvenir est exact, a été créé il y a 42 ans. 42 ans après la création du DTS, peut-on s'accorder sur le calendrier et les modalités de l'élargissement du DTS à de nouvelles monnaies, comme le Yuan ? J'ai été très heureux de voir que dans le communiqué de discussions entre le président Obama et le président Hu Jintao, la question de l'intégration du Yuan dans le DTS a été posée. Mais c'est déjà immense de poser cette question ! Quand la France en avait parlé il y a quelques mois, la première, cela avait suscité nombre de polémiques.
Ces questions sont des questions complexes. Je suis certain que nous ne réglerons pas tous les problèmes en une présidence. Mais la France souhaite un débat, car le débat ne peut plus attendre.
Je vous annonce, en termes d'organisation, que j'ai proposé à Mme Merkel qui l'a accepté, que l'Allemagne co-préside avec le Mexique, qui assurera la présidence du G20 en 2012, le groupe de travail qui sera chargé du système monétaire international
Deuxième question urgente, la volatilité des prix des matières premières. Si nous ne faisons rien, nous risquons des émeutes de la faim dans les pays plus pauvres et, par ailleurs, un impact très défavorable sur la croissance mondiale.
Quatre domaines d'action :
- Nous voulons la régulation des marchés financiers sur les matières premières : sur certains d'entre eux, il n'existe pas de règles de base contre les abus de marchés ou les manipulations de cours. Des travaux sont en cours aux États-Unis et en Europe. Il nous faut des règles communes. Comment expliquer qu'il est normal de réguler les marchés financiers, mais qu'en revanche, on doit s'abstenir de toute règle sur les produits dérivés financiers en matière agricole ? Aucun sens.
- Nous devons améliorer la transparence sur les marchés physiques : pour donner de la prévisibilité, il faut connaître les perspectives de production, de consommation et les stocks. Nous allons proposer de créer une base de données commune, comme celle dont nous disposons sur le pétrole, afin de prévenir les crises alimentaires.
- Il faut renforcer notre dispositif de sécurité alimentaire. Je pense à un code de bonne conduite pour exempter l'aide alimentaire des restrictions à l'exportation, à la mise en place des stocks d'urgence. C'est quand même extraordinaire que les fonds d'aide alimentaire soient obligés d'acheter les stocks de matières premières au prix le plus fort ! C'est-à-dire, non seulement la spéculation crée les émeutes de la faim, mais les organisations d'aide alimentaire, pour éviter que les gens ne meurent, sont obligées d'acheter au prix le plus fort ! Cela n'a aucun sens et c'est porteur d'une explosion fantastique, dans des pays et dans des continents où l'on n'a pas de quoi se nourrir. Et c'est inacceptable. Nous devons développer l'offre agricole, que tous mes amis européens entendent cela, développer l'offre agricole si nous voulons être en mesure de nourrir l'ensemble de la population mondiale. Les ministres de l'Agriculture ont une responsabilité immense dans le cadre du G20.
- Enfin je souhaite que nous regardions comment mettre au service des pays les plus pauvres les nouveaux instruments financiers d'assurance pour se protéger des hausses de prix ou des événements affectant les récoltes. Je viens de confier sur ce point une mission à Pierre Jacquet, l'économiste en chef de l'Agence Française de Développement.
Je vous annonce par ailleurs que M. Medvedev, Président de la Fédération de Russie, a accepté de s'investir plus particulièrement, dans le cadre de la présidence française, sur ces sujets.
Un mot pour terminer en m'excusant d'avoir été sans doute beaucoup trop long : la gouvernance mondiale, sujet extrêmement vaste.
Nous avons réformé le FMI, la Banque mondiale, nous avons créé le Conseil de Stabilité Financière.
J'ai dit notre volonté que le FMI prenne toute sa place dans la surveillance des déséquilibres mondiaux, mais il reste énormément à faire. La création d'une organisation mondiale de l'environnement, la cohérence de toutes les organisations agricoles, l'action des instituions financières par rapport aux normes fondamentales de l'OIT, la création d'un secrétariat permanent du G20 pour suivre la mise en oeuvre de nos décisions entre deux présidences.
J'ai demandé au Premier ministre britannique David Cameron, qui l'a accepté, de travailler plus spécifiquement sur ces sujets.
Vous voyez, cela vous décrit une présidence française collective. L'ordre du jour et l'agenda maintenant font consensus. Les solutions ne font pas consensus, ça c'est certain, mais on a donc beaucoup progressé sur la méthode de travail et sur l'agenda. Il nous reste maintenant à progresser sur les solutions.
Mesdames et Messieurs, si vous le voulez bien, je me livre à vos questions sur G20 ! G8 et puis, dans un deuxième temps, sur les autres questions de politique étrangère.