18 janvier 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts en faveur de l'agriculture et des zones rurales, à Truchtersheim (Bas-Rhin) le 18 janvier 2011.

Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous présenter mes excuses pour mon retard mais il y a tellement de gens à rencontrer, à écouter, avec qui dialoguer dans cette merveilleuse Alsace. J'ai voulu prendre mon temps avec chacun et à l'arrivée je vous ai fait attendre. Je vous demande de ne pas m'en tenir rigueur. Je m'en excuse auprès de vous.
Messieurs les Ministres, cher Bruno LE MAIRE, cher Philippe RICHERT,
Monsieur le Président SCHAEFFER,
Monsieur le Président de la FNSEA,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président de l'Assemblée Permanente des Chambre d'agriculture,
Mesdames et Messieurs,
En m'adressant à vous j'ai bien conscience de ne pas m'adresser à une catégorie professionnelle comme les autres.
En m'adressant à vous je m'adresse à un monde, le monde de la ruralité qui se confond depuis toujours avec l'Identité de la France,
En m'adressant à vous, j'ai la claire conscience de m'adresser également, avec respect, à ceux qui inlassablement, génération après génération, siècle après siècle, ont façonné et ont nourri notre pays.
En m'adressant à vous je ne m'adresse pas uniquement à une profession, à des chefs d'entreprises, à des retraités, à des associations, je m'adresse aux dépositaires d'un savoir faire et d'une culture.
En m'adressant à vous je m'adresse à des femmes et des hommes viscéralement attachés à ce bien commun et qui ne veulent pas uniquement en tirer profit, ce qui par ailleurs est légitime, mais qui veulent pouvoir transmettre ce bien commun aux générations suivantes, comme vos parents, vos grands parents vous l'ont transmis.
Transmettre la terre, leurs terres, notre terre, transmettre des savoirs, des savoir faire, transmettre des valeurs, transmettre une culture et dans le même temps, fidèles à cette identité, la faire évoluer dans un univers qui n'a jamais cessé de s'adapter. On est vraiment là au coeur de la problématique agricole et rurale : des savoir-faire ancestraux et sans doute le milieu qui doit le plus s'adapter.
Votre force c'est d'être au contact d'une réalité permanente tout en étant désormais connectés à un univers qui évolue sans cesse et avec une rapidité stupéfiante.
Je veux affirmer que nos campagnes ne sont pas les survivantes d'une époque révolue. Nos campagnes sont un élément essentiel du développement et donc de la richesse économique de la France. Avec la montée de la demande alimentaire mondiale, le développement des énergies renouvelables, l'année 2011 s'annonce pleine d'espérance pour un monde rural qui tient une partie de l'avenir de la France en ses mains. Je ne viens pas ici faire une visite nostalgique à une France qui serait en voie de disparition ! Je viens ici m'adresser à des gens qui portent une partie de la richesse économique de la France et avec lesquels se joue une partie de l'avenir de notre pays. L'augmentation de 50 % en 2010 de notre excédent commercial agro-alimentaire en témoigne largement. Cette embellie internationale doit être accompagnée par une politique renforcée de développement de la ruralité.
Une agriculture prospère ne le resterait pas longtemps dans des campagnes qui seraient marginalisées. Le monde rural est un tout et l'État doit veiller à ce que le tissu rural qui le constitue ne se déchire pas.
Comment allons-nous faire ? En 2011 nous allons continuer une action structurelle pour revaloriser le revenu de nos agriculteurs. Ma conviction est la même, je crois qu'aujourd'hui elle passe. Je l'ai défendu avec acharnement à un moment où nous n'étions pas tous à la défendre. Notamment dans ma campagne présidentielle. Je crois, je suis convaincu que les agriculteurs doivent vivre de prix rémunérateurs. La première revendication qui doit être la vôtre, c'est celle des prix. Vous êtes des entrepreneurs, vous êtes des gens qui ont un savoir-faire et vous devez avoir des prix qui couvrent vos prix de revient, qui permettent d'investir. La clé de votre revenu c'est la question des prix. C'est vraiment une conviction absolue chez moi et si on part de là, la ligne pour le gouvernement, cher Bruno LE MAIRE, est simple : renforcer la compétitivité des filières agro-alimentaires. Compétitivité et prix égalent revenus. C'est la clé. Chaque fois qu'on vous a promis des subventions, vous avez reçu une liasse de paperasse supplémentaire. Jusqu'au moment -ça va ensemble, ça va parfaitement ensemble -- où on vous explique qu'il n'y a plus de budget. Et donc qu'il faut diminuer les subventions. C'est ça la réalité des choses.
Parallèlement, il y a tout un volet international pour protéger notre agriculture.
La présidence française du G20 sera l'occasion de travailler à la réduction de l'instabilité des marchés agricoles. Je veux en dire un mot : le marché n'est pas un gros mot pour nous. Nous acceptons le marché, naturellement, mais nous voulons un marché régulé. Les deux et je n'accepterai pas qu'on caricature la position de la France comme refusant le marché. Non, mais nous voulons un vrai marché, pas la spéculation. Car ceux qui contestent le marché, ce sont les spéculateurs. Ceux qui contestent le marché, ce sont ceux qui le font tellement instable, tellement erratique. Nous, nous sommes pour un marché où s'équilibre l'action de la demande et de l'offre. Naturellement au niveau européen, il faut un budget ambitieux pour la Politique Agricole Commune de l'après-2013. J'y reviendrai.
Cette politique de développement de la ruralité s'adresse à vous tous parce qu'on ferait une grave erreur en définissant la ruralité comme une seule catégorie. La ruralité est diverse.
Il y a les habitants des zones agricoles périurbaines dynamiques, comme ici en périphérie de Strasbourg £ dont les terres sont soumises à la pression croissante de l'urbanisme et du prix du foncier.
Il y a les rurbains venus chercher à la campagne une qualité de vie qui n'est plus qu'un lointain souvenir dans certains quartiers de nos villes.
Il y a aussi, je le sais, certaines communes qui continuent de connaître un déclin démographique et qui voient disparaître les uns après les autres, services et commerces. Je vais revenir sur ce sujet car je vais m'attacher à ce que nous renforcions en 2011 l'accès des services publics en milieu rural. Et je vais vous expliquer comment on va y arriver.
Mais avant toute mesure il nous faut assurer la défense et la revalorisation du revenu de nos agriculteurs et la compétitivité de notre agriculture, du secteur forestier et de l'industrie agro-alimentaire.
Donc un métier digne, c'est un métier qui permet de faire vivre celui qui l'exerce, du fruit de son travail. C'est donc les prix.
Pour que les agriculteurs puissent vivre de leur travail nous devons établir une relation commerciale responsable entre les producteurs et ceux qui achètent leurs produits.
Le 17 mai dernier, j'ai réuni les représentants des filières agricoles et agro-alimentaires pour leur demander de changer la qualité des relations commerciales au sein des filières agricoles. Bruno LE MAIRE a fait adopter la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche en juillet. La relation contractuelle rénovée qu'elle porte doit permettre une plus juste répartition de la valeur ajoutée entre producteurs et industriels. Mais parlons clair, sans contrat, c'est la loi du plus fort qui règne. Je veux me battre pour vous convaincre de cette idée. Sans contrat, c'est la loi du plus fort qui règne. Sans contrat c'est l'opportunisme qui a raison. Sans contrat, les producteurs investissent dans des bâtiments, des serres, des moissonneuses, sans aucune garantie pour les débouchés. L'absence de contrat, c'est vous, qui empruntez sur 15 ans pour moderniser vos exploitations et c'est le client, le distributeur, qui achète année après année, récolte après récolte. Je crois au contrat.
Et je vais dire quelque chose qui est assez fort à mes yeux : l'agriculture française ne s'est pas débarrassée de ses anciens maîtres, il y a deux siècles, pour que la mondialisation lui en donne de nouveaux. Je veux que vous réfléchissiez à ça.
La paysannerie française n'a pas brûlé mille ans de droits féodaux pour tomber sous le joug de diktats commerciaux ! Au prétexte que parce qu'on est individuel, on ne s'organise pas. Je vous parle franchement. Je suis sûr que cela ne fait pas plaisir à tout le monde mais c'est profondément ce que je crois. C'est le contrat qui vous donnera de la force. Et c'est l'absence de contrat qui vous maintiendra dans la faiblesse.
Les décrets relatifs à la mise en oeuvre de cette relation contractuelle rénovée ont été publiés à la fin de l'année 2010. Elle s'appliquera donc dans la filière des fruits et légumes dès le 1er mars prochain et dans la filière laitière dès le 1er avril 2011. C'est une véritable révolution que nous mettons en oeuvre.
Je veux également m'adresser aux éleveurs de viande. On ne peut pas accepter que leur revenu annuel moyen plafonne, à 12 400 euros. Il faut mettre un terme à la volatilité des coûts de l'alimentation animale qui est aujourd'hui dangereuse pour les éleveurs. Bien sûr, si les prix ne suivent pas et que les coûts de production explosent, comment fait-on ?
Comment l'éleveur de porcs, de volailles ou de bovins peut-il raisonnablement nourrir ses animaux pendant des mois alors que dans le même temps ses charges peuvent varier du simple au double? Ce n'est pas une question de savoir-faire !
Est-il normal que 40 % des céréales produites sur notre territoire soient commercialisées aux éleveurs sans aucune garantie de prix, là où des pays importateurs de céréales, comme le Mexique, achètent, avec une garantie de prix de plusieurs mois, leurs importations de maïs? Est-ce que cette question de la garantie de prix ne doit pas clairement être posée pour défendre le revenu de nos éleveurs ?
En prenant appui sur ce que nous avons fait pour les filières laitières et fruits et légumes, je demande à Bruno LE MAIRE, en qui j'ai une grande confiance, de définir, avant la fin de ce premier semestre, avec les représentants agricoles, les modalités d'une nouvelle relation contractuelle entre les producteurs de grandes cultures, les collecteurs, les entreprises d'alimentation animale et les éleveurs français. Ce nouveau contrat, je souhaite que nous l'adoptions avant la fin du 1er semestre et ce nouveau contrat permettra d'assurer une meilleure régulation des prix de l'alimentation animale pour les éleveurs. Je le dis devant le Président, Monsieur BEULIN, de la FNSEA. Soit on veut résoudre les problèmes, soit on veut les commenter. Pour les résoudre, il faut des solutions structurelles. Pas un plan, bricolé à la rentrée pour éteindre un incendie. Plan dont on sait qu'il ne tiendra pas plus de trois mois et qu'il faudra recommencer dans les pires conditions l'année suivante. Vraiment, nous voulons aller au coeur des problèmes, de façon structurelle.
Préserver le revenu de nos agriculteurs, c'est également poursuivre en 2011 la démarche engagée avec Bruno LE MAIRE pour rendre la Politique Agricole Commune plus juste et plus équitable. Qu'est-ce que j'ai entendu sur le sujet. J'ai même vu de près la paille qu'on est venu répandre autour de l'Elysée. Je n'en veux à personne. Simplement je demande à chacun de regarder la cohérence entre ce que nous avons dit et ce que nous avons fait, les uns comme les autres. D'ailleurs le syndicalisme agricole, sérieux et responsable a pris ses responsabilités.
En 2010, 560 millions d'euros ont été consacrés au renforcement du soutien à l'agriculture de montagne. Qui peut contester que c'était juste ? Le bilan de santé de la PAC a permis d'accroître de 707 millions d'euros les aides communautaires versées aux éleveurs. Qui peut contester que c'était juste ? A cela s'est ajouté un soutien complémentaire et spécifique aux éleveurs ovins de 125 millions d'euros en 2010. Qui aujourd'hui avec le recul peut contester ces choix ? Mers chers amis, comprenez-moi bien. On défendra d'autant mieux la Politique Agricole Commune qu'elle sera juste. On la défendra d'autant moins bien qu'elle sera perçue comme injuste. La justice de la Politique Agricole Commune qui permet d'élever les soutiens aux éleveurs et à l'agriculture de montagne par rapport à ce que l'on donne pour les grandes cultures, ça permet de défendre mieux la PAC, parce que la PAC est juste.
Alors, il y a des hauts et des bas, je le sais et je l'ai vu. Mais aujourd'hui, qui peut contester ces choix ? Et ça renforce la position de la France pour défendre la PAC.
Alors il ne s'agit pas de créer certes en 2010 de nouvelles références historiques de soutiens européens qui seraient applicables jusqu'en 2020, pour reconduire l'immobilisme que certains me recommandaient en 2007. L'immobilisme et l'agriculture ce sont deux mots qui sont parfaitement contradictoires.
Face aux difficultés persistantes de filières fragiles, je souhaite une Politique Agricole Commune plus équitable, pour préparer réforme de 2013. Je demande à Bruno LE MAIRE de me proposer, avant l'été prochain, une nouvelle étape dans la mise en oeuvre du bilan de santé de la PAC pour renforcer, dès 2012, le soutien aux productions agricoles fragiles et organisées. Mais qui pourrait nous en vouloir de favoriser et de mettre le maximum de moyens sur les filières agricoles qui souffrent, qui ne peuvent pas s'en sortir. C'est ça, la justice. Cela ne veut pas dire que nous en voulons aux filières agricoles qui profitent de l'explosion des prix mondiaux. Tant mieux pour elles. Mais on ne peut pas avoir à la fois des prix qui augmentent et qui explosent et en même temps des soutiens. Les soutiens doivent aller à ceux qui souffrent, à ceux qui en ont besoin.
Avant dix ans, 50% des entreprises changeront de mains ! Garantir le renforcement de notre agriculture, c'est aussi lui assurer un renouvellement des générations. Absolument capital, je le dis au jeune président des Jeunes Agriculteurs. Nous allons prolonger en 2011 les financements à l'installation, avec un objectif de 7 000 jeunes agriculteurs par an. Comprenez-moi bien. Une profession où les jeunes ne s'installent plus, c'est une profession qui est morte. La question de l'installation des jeunes agriculteurs est absolument centrale. On ne peut pas céder sur le sujet. Pas de jeunes agriculteurs, plus d'agriculture. Entendons nous bien, pour que les jeunes s'orientent vers le métier d'agriculteur, il faut que la situation de leurs aînés soit réglée de façon juste et équitable. Dès 2009, j'ai décidé d'augmenter le minimum vieillesse de 7 %. On me dit que ce n'est pas suffisant. Certes, mais c'est bien au-delà de l'inflation. J'ai décidé de mettre en place un véritable filet de sécurité pour les 230 000 retraités les plus modestes, dont la carrière en agriculture était incomplète. La loi du 9 novembre 2010 qui réforme les retraites facilite l'accès à ce dispositif de revalorisation des pensions agricoles pour les plus modestes et pour leurs femmes. En outre, les agriculteurs, et c'est capital, n'ont plus à craindre de demander le minimum vieillesse puisque la loi exclut désormais les terres agricoles et les bâtiments qui sont indissociables de l'assiette de recouvrement sur succession. C'était demandé depuis combien de temps ? Nous vous l'avons donné, parce que c'était juste d'agir ainsi. Vos terres ne seront donc pas confisquées par l'État au prétexte qu'il n'a pas su, pendant des décennies, adapter notre système de protection sociale à la vie d'une exploitation agricole !
Pour assurer un revenu durable aux producteurs, il nous faut renforcer notre compétitivité. En 2011 nous poursuivrons le chantier que nous avons ouvert pour alléger les distorsions de concurrence dans l'agriculture. Moi, je peux accepter les distorsions de concurrence avec la Chine et avec l'Inde, pas avec l'Allemagne. Il n'y a aucune raison, c'est totalement incompréhensible. Je ne le dis pas simplement, cher Philippe RICHERT, parce que je suis en Allemagne...Je suis en Alsace.
C'est là où vous voyez que j'ai raison de m'investir dans le chantier de la dépendance !
Dans toutes les régions frontalières, comme la vôtre, il n'y a pas de raison que les producteurs de laits allemands produisent à un coût compétitif meilleur que celui des producteurs de lait ici, en Alsace. Il n'y a aucune raison, aucune ! Cela ne se justifie pas ! Cela ne s'explique pas, ça ne s'accepte pas. De la même façon que les distorsions de concurrence pour nos amis des Pyrénées-Atlantiques ou des Pyrénées-Orientales, avec nos voisins européens espagnols, ça ne s'explique pas. De la même façon, je l'avais dit à l'époque, que lorsque les magasins sont ouverts le dimanche en Belgique et qu'ils sont fermés dans le Nord de la France. Il y a une réalité frontalière. Cette réalité frontalière elle est incontournable. On ne peut pas nier ces réalités. Si l'on veut qu'il y ait des agriculteurs en France, des producteurs de lait, des éleveurs, en France, en Alsace, dans toutes nos régions qui produisent, il faut qu'on les mette dans une situation de compétitivité à armes égales avec nos voisins, et au premier rang, nos amis Allemands.
En 2010 nous avons donc décidé une réduction du coût du travail agricole. 500 millions d'euros sont consacrés à la baisse des charges patronales du travail occasionnel. Vous ne payez plus de charges patronales. Nous maintiendrons cet effort en 2011. Je sais que ce n'est pas suffisant parce qu'il y a encore d'autres éléments qui rentrent en ligne de compte. Chez nos amis allemands, l'emploi d'une main d'oeuvre étrangère se fait dans des conditions sociales - pardon de le dire - qui a peu à voir avec ce qui se passe en France et il faudra en tenir compte. Donc, c'est un objectif majeur pour nous.
Alléger les distorsions de concurrence, c'est permettre aux agriculteurs de se regrouper dans des conditions plus aisées, sans augmentions notable des effectifs, comme c'est le cas chez beaucoup de nos partenaires européens. Le décret relatif aux conditions de regroupement ou de modernisation d'exploitations d'élevage vient d'être publié ce matin même, Monsieur le Président, au Journal Officiel. Je vous annonce donc que ce texte sera accompagné, pour les exploitations laitières, d'un relèvement de 100 à 150 vaches du seuil d'autorisation au titre des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement et de la mise en oeuvre d'un régime d'enregistrement. C'est une promesse que j'avais faite, c'est une promesse qui est tenue. Cet ensemble de mesures facilitera dès 2011, les nécessaires regroupements des exploitations d'élevage de porcs, de volailles et de bovins pour vous permettre d'être compétitifs. S'il n'y a pas de restructuration et de regroupement vous ne serez pas compétitifs. Mais on ne peut pas à chaque fois que deux agriculteurs, deux exploitations veulent se regrouper, leur mettre de tels seuils que le regroupement est insupportable et est impossible.
Enfin, la généralisation du transport par des camions de 44 tonnes pour l'agriculture et pour l'agro-alimentaire est effective. Le décret qui est paru ce matin au Journal Officiel permet l'utilisation immédiate du transport des produits agricoles et agro-alimentaires par des camions de 44 tonnes. Cette mesure, tant attendue par le secteur, permettra de réduire le coût de transport des produits agricoles et alimentaires, tout en réduisant les émissions de CO2 à la tonne transportée. Alors vous me direz, mais pourquoi c'est paru ce matin ? C'est vrai cela aurait pu paraître hier. Mais ne croyez pas que c'est facile pour Bruno LEMAIRE, comme pour moi. Ne croyez pas que c'est facile parce qu'il y a des intérêts contradictoires qui ne sont pas illégitimes et à chaque fois c'est un véritable combat. Et je voudrais d'ailleurs vous le dire : n'opposons pas en France l'écologie et l'agriculture. N'opposons pas l'écologie et le transport routier. Les agriculteurs vivent de la nature et au milieu d'elle. Les présenter comme des ennemis de leur propre milieu de vie est inepte. Je veux réaffirmer clairement devant vous mon attachement à une agriculture durable, respectueuse de son environnement et qui ne met pas en danger la santé des paysans. C'est très important. Vous savez nous tiendrons avec Bruno LEMAIRE nos promesses et nos engagements. Mais nous les tiendrons d'autant mieux que vous aurez à coeur, vous les agriculteurs, vous les organisations socioprofessionnelles de ne pas caricaturer votre discours. Je vous le demande. La préoccupation environnementale fait partie de votre quotidien parce que c'est votre santé qui est en cause. On pourrait être d'autant plus ouverts à ce que vous nous demanderez en la matière, que vous-mêmes serez ouverts à cette réalité là. Je crois que c'est cela l'équilibre gagnant-gagnant.
C'est toute la question du Grenelle de l'Environnement. Nous essayons de réconcilier ces sujets fondamentaux que certains voudraient opposer sans cesse. D'ailleurs ceux qui veulent opposer économie écologie ce sont des idéologues qui contestent une réalité économique et une économie de marché. Ceux qui veulent opposer environnement et agriculture et agriculteurs sont ceux qui voudraient vous transformer en jardiniers, en cantonniers. Je n'ai rien contre. Mais les agriculteurs sont des producteurs, pas les cantonniers du canton. Ils produisent, ils ont un savoir-faire. Il y a tout un courant idéologique qui conteste cette réalité de l'agriculture et de l'économie. Nous n'appartenons pas à ce monde. Mais ne leur faisons pas le cadeau de contester la préoccupation environnementale, qui est tellement importante qu'elle ne doit pas simplement être l'apanage de ceux qui font profession d'écologisme. Cela serait trop facile. Et à ce rythme là, des deux côtés, on perdrait.
Le développement des énergies renouvelables doit nous permettre de réduire les écarts de compétitivité de notre agriculture. Le gouvernement fixera dans les prochaines semaines un nouveau tarif de rachat du gaz et d'électricité produit par méthanisation pour assurer une meilleure valorisation des déchets des exploitations agricoles et des communes rurales.
Enfin il faut que nous soyons plus fortement exportateurs. C'est une carte majeure : 300 millions d'euros seront consacrés en 2011 jusqu'en 2013 pour renforcer la compétitivité des filières d'élevage françaises.
Un mot sur la structuration des industries agro-alimentaires, parce que je regardais la situation de l'agroalimentaire vis-à-vis de l'Europe : nous perdons des parts de marché sur tous les secteurs. Ce n'est pas être critique que de dire cela, c'est de regarder la situation telle qu'elle est, il faut donc que l'on en tire des conséquences et nous avons décidé que le Fonds Stratégique d'Investissement confortera cette démarche en accompagnant les coopératives agricoles LIMAGRAIN et SICLAÉ, par un apport de 200 millions d'euros de fonds propres en 2010. Nous continuerons en 2011. Mais que le fonds souverain de l'État investisse dans des coopératives agricoles, cela témoigne bien de notre volonté absolue de croire dans votre secteur économique et de ne pas fuir.
Il nous faut ensuite protéger les intérêts de notre agriculture dans les négociations internationales. Que fait-on face à l'impressionnante volatilité des prix des céréales, du sucre, du cacao dont les effets sont dévastateurs pour notre agriculture et pour la sécurité alimentaire mondiale ? Après la sécheresse de l'été dernier en Russie, les inondations en Australie, la sécheresse en Amérique du Sud, les quantités de matières premières agricoles disponibles ont réduit dans des proportions considérables.
Les stocks de maïs sont aujourd'hui au plus bas ce qui amplifie la volatilité des prix des matières premières agricoles. En 1987, le stock mondial était de 168 jours de consommation. Pensez qu'aujourd'hui, nous sommes tombés 57 jours de consommation.
C'est un point bas historique. Le monde n'avait pas connu cela depuis 35 ans. Je me remémore, il y a encore quelques années, lorsque certains en Europe disaient qu'on produisait trop en terme agricole, que disent-ils aujourd'hui ? On ne les entend plus, c'est extrêmement étrange. Le spectre de la pénurie mondiale se profile et avec lui la spéculation mondiale et des émeutes de la faim peuvent se produire.
J'ai aussitôt demandé à Bruno LE MAIRE de réunir au cours du premier semestre 2011 les ministres de l'agriculture du G20 pour travailler sur des propositions visant à répondre à ces problèmes :
Lorsque Monsieur POUTINE a pris la décision d'interdire les exportations, de même que l'Ukraine sur les pays du Maghreb. Il n'y avait aucune transparence sur l'état des stocks. Est-ce que le monde ne doit pas se mettre en situation de connaitre l'état des stocks. Parce que vous comprenez bien que quand il n'y a pas de transparence sur l'état des stocks, qui en profite ? Les spéculateurs, créant l'effet de panique.
Je souhaite une régulation harmonisée des marchés de matières premières agricoles. Là encore est-il normal que l'on puisse intervenir sur un marché de matières premières agricoles, acheter virtuellement des quantités considérables et les revendre en empochant la plus value avant même de les avoir payées, est-ce que cela est normal ? Moi je dis ce n'est pas normal, cela contribue à déstabiliser complètement le système. Soit on est là pour acheter des quantités physiques de matières premières, dans ce cas là, on les paye et on en prend livraison. Soit on est là pour jouer et dans ce cas là, on doit payer d'une autre façon. La pénurie fait monter les prix, c'est l'offre et la demande. Mais la spéculation se met sur la pénurie et fait exploser les prix et il n'y a plus un éleveur qui peut après conduire l'équilibre de son exploitation.
Enfin, il faut sans doute qu'on améliore la coordination des politiques agricoles. Pourquoi ? Il y a tant d'organisations agricoles mondiales, parfois on se demande comment ça se passe et qui se parle. Deuxièmement, les décisions unilatérales de fermeture des frontières ne peuvent être prises. Il faut de la concertation avant de créer les conditions de la panique sur des marchés mondiaux.
L'année 2011 sera aussi l'occasion au plan européen de préparer une politique communautaire de stabilisation des marchés.
L'Europe ne peut pas renoncer à défendre son agriculture de production, elle doit protéger la qualité sanitaire et environnementale de son alimentation. Et je m'inscris en faux quand on me dit : « il y a des pays agricoles en Europe, qui ne produisant pas de matières premières agricoles, ne sont pas intéressés par la politique agricole ». C'est faux parce qu'ils ont tous des consommateurs. Quand il y a eu la crise de la vache folle et tout ce que l'on a connu, on était bien contents d'avoir une Politique Agricole Commune qui garantisse la sécurité du consommateur. Et je voudrais dire que la préférence communautaire, ce ne sont pas des gros mots, là non plus. Pourquoi imposer à nos agriculteurs des règles de traçabilité notamment pour les éleveurs et continuer à importer du monde entier des viandes qui ne répondent à aucunes de ces règles de traçabilité ? Où est la logique ? S'il y a des règles de traçabilité pour protéger le consommateur européen et qu'on ne peut -- ce que je comprends -- les imposer aux autres, eh bien, dans ce cas là, il faut au minimum prévenir le consommateur que les produits qu'on lui vend, viennent d'un pays où les règles de sécurité sanitaire sont moins bonnes qu'en Europe. Sinon, ça revient à martyriser notre système de production et à avantager le système de production des autres. Je veux dire que nous allons, avec Bruno LEMAIRE, nous opposer au dumping environnemental, social, fiscal et monétaire et il n'y aura pas de nouvelle concession de l'Union européenne qui sacrifierait notre agriculture dans les négociations à l'OMC ou avec le MERCOSUR. Ce problème est clair, c'est tranché et nous ne reviendrons pas dessus.
Enfin, la prochaine réforme de la PAC ne peut se résumer à une anticipation des concessions déjà considérables faites par la Commission européenne sur le volet agricole à l'OMC. Je dis d'ailleurs à nos amis de la Commission : « Bien-sûr qu'il faut des laboratoires de recherche, bien-sûr qu'il faut de la technologie, bien évidemment qu'il faut des salles blanches, bien-sûr qu'il faut que beaucoup de nos enfants soient Bac+18, bien-sûr et je suis persuadé que dans cette salle, tout le monde a des enfants qui font même entre Bac+18 et Bac+24, c'est certain. Mais, parlons pour ceux qui sont en dehors de cette salle. Il faudra bien qu'il y ait des emplois pour des gens qui ont un savoir faire et ce savoir faire n'est pas simplement dans la connaissance théorique, il est dans la connaissance pratique. Et en Europe, on est bien contents d'avoir une agriculture européenne qui donnera des emplois, une formation à des gens qui sans cela, n'auraient ni emploi, ni formation, ni statut. C'est une question de bon sens et l'engagement de la France au moment de la crise financière - nous avons mis sur la table près de 100 milliards d'euros pour soutenir les États européens en difficulté financière - donc nous avons largement contribué à la solidarité européenne. C'était notre devoir et je ne regrette nullement que nous l'ayons fait. Mais, à l'inverse et en contre partie, nous n'avons donc pas à nous excuser de défendre la préférence communautaire et la Politique Agricole Commune.
On ne peut pas dire à la France, quand sur les marchés financiers ça se dérègle : « on a besoin de la solidarité européenne de la France pour soutenir des Etats en difficultés » et de l'autre côté, quand la France dit : « préférence communautaire, politique agricole commune », ah, non, ce ne serait pas légitime. La logique, c'est les deux choses, pas une.
Et cette réforme de la PAC doit mettre fin à cette absurdité qui consiste à verser des soutiens européens à des rentiers qui laissent leurs terres en friche. La France n'est pas un square, c'est un très vieux et très grand pays agricole et elle doit le rester ! Et l'agriculture, c'est de la production.
J'ajoute que le droit de la concurrence européen, avec Bruno LEMAIRE, nous allons nous battre pour le faire évoluer parce que c'est une chose d'empêcher les accords sur un marché où il y a deux ou trois intervenants : l'électricité, la téléphonie mobile, les grands groupes d'informatique. Mais appliquer les mêmes règles pour empêcher des milliers de producteurs de lait de se mettre d'accord sur la définition d'un coût de production, ça n'a pas de sens. C'est tout simplement absurde qu'on s'occupe des géants de l'informatique américains et pas du petit producteur de lait qui doit pouvoir définir avec ses collègues qui versent à la même coopérative, un coût de production sans qu'on hurle à ce moment là à la rupture de concurrence, ça n'a pas de sens.
Enfin, je voudrais dire que l'Europe doit garder des outils d'intervention sur les marchés et je voudrais, de ce point de vue, dire combien je suis opposé à la suppression des droits de plantation. Supprimer ou libéraliser les droits de plantation, c'est choisir le produit standardisé, le produit sans terroir, le produit au plus bas coût possible, le produit qui va inonder le marché venant de nulle part pour aller partout. Ce n'est pas la récompense du savoir faire, ce n'est pas la récompense du travail et ce n'est pas l'organisation des filières que nous souhaitons donner à notre agriculture. C'est condamner à terme une culture du savoir faire et de la qualité. J'ajoute qu'il me semble particulièrement étrange de vouloir supprimer les droits de plantation au moment où la consommation mondiale diminue, où le nombre de producteurs dans le monde augmente et on va vraiment arranger les choses en augmentant la capacité de production chez nous ! Franchement, je ne sais pas qui a pensé à cette idée mais il faut qu'il change d'avis parce que ce n'est pas une idée pertinente, c'est une idée qui conduira à la catastrophe.
Enfin, et j'en terminerai par là, les services publics en milieu rural. C'est un sujet considérable pour vous, mais, mesdames et messieurs, mes chers amis, vous avez vu ce qui s'est passé en Irlande, vous avez vu ce qui s'est passé en Grèce. Vous voyez les difficultés de nos amis portugais. Voulez-vous que la France soit traitée de la même façon ? Je n'ai pas été élu pour ça. Je n'ai pas été élu pour ça. Regardez la situation de pays qui ont repoussé à plus tard des réformes indispensables et qui ont imaginé qu'on pouvait dépenser sans compter. Regardez la situation où ils se trouvent et voyez la France avec nos voisins allemands, protégés de ces turbulences. La question française est simple : nous présentons un budget en déficit depuis plus de 35 ans. Nous avons 8 points d'impôt de plus que nos voisins allemands. Notre question centrale, c'est le montant de nos dépenses publiques : nous devons dépenser moins. Nous avons créé un million d'emplois dans la fonction publique depuis 1990. Je prends même un exemple difficile : l'Education nationale. Nous avons 640 000 élèves de moins qu'en 1990, 45 000 enseignants de plus. Donc, c'est un point sur lequel je ne pourrai pas transiger qui est celui du non renouvellement d'un départ sur deux à la retraite de fonctionnaires. L'ensemble des fonctionnaires fait un travail remarquable, ce sont des gens compétents, honnêtes et dévoués. Mais si nous voulons rester un pays indépendant, nous devons réduire nos dépenses car nous n'avons pas les moyens d'augmenter les impôts car nos impôts sont déjà trop élevés. D'ailleurs à ceux qui me demandent d'augmenter les impôts, je me demande bien pourquoi en même temps qu'ils me demandent d'augmenter les impôts, ils me disent qu'il faut préserver le pouvoir d'achat. Ou ceux qui me disent qu'il faut augmenter les impôts sur les entreprises et en même temps lutter contre les délocalisations. Donc, la question du service public et de la restructuration de nos services publics est clairement posée.
Je souhaite que vous ayez des services de santé de proximité, mais qu'en même temps, les services qui sont dangereux parce qu'ils n'ont pas assez d'activité, soient transformés de manière à faire des maisons de retraite médicalisées. A l'époque de la télémédecine, on ne peut pas garantir un maillage tel que celui qu'il y avait il y a 50 ans. Nous allons dépenser de l'argent de plus pour la santé. Mais pour avoir de meilleures techniques, de meilleurs médecins, de meilleures machines, de meilleurs médicaments, pas pour entretenir des structures qui coûtent cher sans apporter de garanties pour la santé. Là aussi, est-ce qu'il ne vaut pas mieux un commerçant dans un village à qui on donne un peu plus de chiffre d'affaire, en lui permettant de faire également bureau de poste et sécurité sociale, plutôt que de donner la fiction de maintenir tous les bureaux de poste, tous les agents de la sécurité sociale, toutes les brigades de gendarmerie ? Lorsque j'étais Ministre de l'intérieur, je regardais ce que veulent les gens : que les gendarmes fassent des tournées, fassent des rondes, pas simplement que la brigade reste ouverte pour recevoir un citoyen tous les deux jours. Ce n'est pas une question de statut, c'est une question de pertinence des services publics.
Donc, nous allons restructurer l'ensemble de nos services publics avec le souci de préserver la ruralité, pour que vous puissiez avoir accès à ces services publics. Le premier des enjeux, c'est le sujet du très haut débit, absolument capital. Dans le cadre du Grand Emprunt, nous avons réservé 2 milliards d'euros pour le financement du déploiement du très haut débit, à travers tous les territoires. Et le très haut débit sera déployé à la fois dans les zones urbaines et dans les zones rurales. Je crois pouvoir dire que nous sommes l'un des rares pays de l'Europe à faire ainsi. C'est absolument capital, mais c'est plus important d'avoir le très haut débit dans notre ruralité, que de garder un bureau de poste consacré uniquement à la Poste. Alors que le dernier commerçant du village se trouverait bien d'avoir un peu plus de chiffre d'affaire, en faisant l'activité du bureau de Poste sans que cela ne pose de problème à personne. Est-ce que je me fais comprendre ? C'est absolument essentiel : service public du 21ème siècle, organisation du 21ème siècle. Un élu local me disait récemment « ce n'est pas en améliorant la bougie, qu'on a inventé l'électricité ». Je n'y avais pas pensé, mais je suis d'accord. Et démultiplier l'offre de service, c'est de créer des offres de services publics multifonctions : EDF, GDF, La Poste, SNCF, Pôle Emploi, Mutualité Sociale Agricole. Nous pouvons créer des maisons de service public dans votre ruralité. Mais que voulez-vous ? C'est de pouvoir avoir accès à ces service publics, peu vous importe que chacun soit spécialisé. Et après tout, même pour le fonctionnaire, c'est plus important d'avoir plusieurs métiers. Et après tout, celui qui est capable de servir à la Poste, peut être capable aussi, d'avoir une autre activité. On a un problème plus important sur la santé, parce qu'on ne peut pas continuer à avoir un système où chacun peut s'installer où il veut. Donc, nous avons décidé 400 contrats pour les jeunes étudiants en médecine dont l'Etat paiera les études de médecine et en échange de quoi, ces jeunes étudiant, pendant un certain nombre d'années, iront s'installer dans des régions et dans des territoires où il n'y a pas de médecins. Si vous prenez une autre région, ce n'est pas la peine que l'on ait trop de médecins à Montpellier avec trop de médecins dans les quartiers qui, parfois souffrent de ne pas avoir une clientèle assez nombreuse, et pas un seul médecin en Lozère. Il y a un problème d'égalité d'accès à la santé. Sur l'ensemble du territoire, nous allons prendre des décisions très fortes.
Et enfin, nous allons, cette année-ci, pour les collectivités territoriales, notamment les petites communes, parler de la question des normes. Je suis toujours stupéfait qu'en France, quand on veut créer une halte-garderie, une école ou une crèche, on impose les mêmes règles, que l'on soit un charmant petit village alsacien ou que l'on soit la capitale de la France. A force de traiter tout le monde prétendument de façon égale, on crée des inégalités. Je le pense profondément. Moyennant quoi, certains villages n'ont pas les moyens de se payer des infrastructures publiques, dont avait bien besoin. On peut dire par là que l'égalité n'est pas l'uniformité et que l'égalité n'est pas le nivellement. On doit absolument -- et c'est la mission que nous avons confiée à Éric DOLIGE -- permettre de simplifier ces normes. Le coût du foncier n'est pas le même à Strasbourg -- Monsieur le maire -- et dans tel village du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin. Ce n'est injurier personne que de dire ça. Dans un coin, l'espace est beaucoup plus grand, mais les conditions de personnel ne peuvent pas être obligatoirement les mêmes. On tue la diversité française en appliquant sans pragmatisme, des normes de façon aveugle. On se demande d'ailleurs si ces normes ne sont pas faites pour empêcher plutôt que pour favoriser. Or ce qu'il faut, c'est favoriser.
Dernier point : la péréquation. Vous avez vu la réforme des collectivités locales que nous avons mise en oeuvre ? Mais plus personne n'y comprenait rien, mes chers amis. Je sais que dans votre chère Alsace, c'est un débat qui prospère et qui prospère plutôt dans le bon sens. Mais qui savait, parmi les élus locaux qui sont ici, ce qui relève de la commune, de la communauté de commune, du département, de la région, de l'Etat ou de l'Europe? Qui en tire les conclusions ? Donc, nous avons profondément réformé notre carte territoriale, en supprimant la clause de compétence générale pour la région et pour le département, en la préservant pour la commune et pour l'Etat. Mais, mes chers compatriotes, si tout le monde s'occupe de tout, est-ce que vous êtes sûrs qu'on va s'en occuper bien ? Et, par ailleurs, on a fait quelques chose - je le sais -- qui n'est pas toujours très bien passé : on a diminué de 40% le nombre d'élus. Je crois aux élus, je crois à la démocratie. Mais est-ce que vous croyez que c'était vraiment le moment d'augmenter encore le nombre d'élus ? Est ce cela ce que les gens attendent de nous ou est-ce qu'ils veulent des responsables qui s'engagent dans leur responsabilité ? Alors la péréquation est tout à fait nécessaire, parce que le potentiel fiscal est de 1 à 1000 contre les communes. Nous avons proposé pour 2011, que 2% des recettes fiscales du bloc communal irait à la péréquation, c'est-à-dire 1 milliard d'euros qui seront redistribués aux petites communes, notamment en zone rurale.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire. En conclusion, je voudrais que vous compreniez que j'ai bien le sentiment des lourdes responsabilités qui pèsent sur mes épaules. Pendant des années, la politique d'aménagement du territoire, Monsieur le ministre, cher Bruno LEMAIRE, a consisté à accompagner vers la mort des territoires qui perdaient des habitants -- c'était bien ça -, il fallait les accompagner en faisant en sorte qu'ils ne protestent pas trop et qu'ils ne souffrent pas trop. Aujourd'hui, c'est tout à fait différent, vous gagnez des habitants. La ruralité reconquiert des parts de terrains. Il faut donc redéfinir une nouvelle politique de l'aménagement du territoire. Dans cette politique d'aménagement du territoire, il y a des choses fondamentales qui doivent rester. Il n'y aura, par exemple, pas de tourisme vert, s'il n'y a plus d'agriculture parce qu'il n'y a pas de tourisme quand il n'y a pas de production. Mais en même temps, il faut que chacun d'entre nous entende raison sur la situation de notre pays, accepte de se remettre en cause. La qualité des services publics, ce n'est pas d'avoir pour tous une sous-préfecture, un commissariat, un tribunal, un centre de sécurité sociale, un bureau de poste, un centre EDF, un centre GDF. Ce n'est pas un problème de statut, c'est l'égalité sur l'ensemble du territoire. Et au fond, ce que vous demandez, c'est de pouvoir travailler et vivre de votre travail. Et ce que vous demandez, c'est par-dessus tout, que, dans vingt ans, dans trente ans, dans quarante ans, quand vous serez à la retraite, vos enfants puissent prendre la succession du métier qui est le vôtre. Au fond, vous voulez que la France reste fidèle à elle-même et en même temps, qu'elle ait les armes pour se battre dans la compétition mondiale. Je pense qu'on reste fidèle à soi-même en se modernisant, en changeant. Qu'on reste fidèle à soi-même en tenant compte du monde tel qu'il est et que la France ne peut pas rester immobile dans son coin alors que le monde bouge à une vitesse stupéfiante. Est-ce que chez vous il y a quelqu'un qui dit à ses enfants « travaille moins, tu te feras une grande place et moins tu travailleras mieux ce sera pour toi » ? Est-ce qu'il y a une famille d'Alsace qui dit cela à ses enfants, une seule ? D'ailleurs, plutôt que de se focaliser sur la durée du temps de travail, on ferait mieux de se focaliser sur la qualité de vie au travail. Parce que je conteste l'idée qui suffit de dire le mot « 35 heures » pour être heureux dans son travail. 35 heures pour un travail qu'on n'aime pas, c'est 35 heures de trop. Et beaucoup plus de 35 heures pour un travail qu'on aime, ce n'est pas encore assez. Donc on se trompe en raisonnant en termes de quantité, alors qu'on doit résonner en termes de qualité. Et bien c'est exactement pareil pour la ruralité : vous n'êtes pas condamnés à mourir. C'est pareil pour les agriculteurs : vous représentez l'avenir économique de la France, avec beaucoup de secteurs comme le spatial, l'aéronautique. Je n'ai aucun problème avec cela, mais vous devez accepter de vous inscrire dans le monde tel qu'il est. Et si vous vous inscrivez dans le monde tel qu'il est, vous serez fidèles à ce qu'ont fait vos parents, qui eux-mêmes ont construit les premières révolutions agricoles et les premières révolutions de la ruralité. C'est pas dans l'immobilisme qu'il y a un espoir, ce n'est pas dans le découragement qu'il y a un espoir, et ce n'est pas dans le « travailler moins » qu'il y a un espoir : il y a un espoir dans la réforme dans le mouvement, dans la compréhension du monde. Et parce qu'on comprend le monde dans lequel on vit, on peut être fidèle aux valeurs que porte la Nation française.
Bonne année ! Vive la République et Vive la France !