13 janvier 2011 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les priorités et défis de la politique économique et sociale pour l'année 2011, à Toulouse le 13 janvier 2011.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui à Toulouse et vous comprendrez certainement que mes premiers mots soient pour Vincent DELORY qui travaillait au sein de CAP GEMINI à Basso-Cambo. Certains d'entre vous ici le connaissaient. Il a été lâchement assassiné samedi dernier par des terroristes fanatisés au Niger, avec son ami d'enfance, il n'avait que 25 ans. Je tiens à exprimer ma sympathie envers ses collègues de travail et tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer ici, en Haute-Garonne, et qui, je le sais, ont été bouleversés par cette fin si brutale et si tragique.
J'ai souhaité venir au sein de l'usine d'assemblage de l'A380 pour adresser mes voeux aux forces économiques car Airbus représente pour la France et pour l'Europe un triple symbole.
Airbus, c'est d'abord le succès d'un grand projet. Qui aurait pu croire il y a quarante ans lors de sa création, qu'Airbus se hisserait au premier rang de l'industrie aéronautique mondiale, fabriquerait plus de 500 avions par an. Je le dis alors que vous venez de gagner la commande historique auprès de la compagnie indienne Indigo pour 15,6 milliards de dollars. C'est la plus grosse commande de l'histoire aéronautique. Elle permettra à Airbus de franchir la barre des 10 000 avions vendus. Cette réussite nous vous la devons, ouvriers, techniciens, ingénieurs. C'est grâce à vous que l'on peut vendre en tel nombre les avions que vous avez la compétence de fabriquer. Mais c'est aussi grâce à des entrepreneurs d'exception et sans doute, comprendrez-vous que je veux saluer la mémoire de Jean-Luc LAGARDERE sans qui l'A380 n'aurait jamais vu le jour. Et je crois que c'est juste de le dire, je n'étais pas Président de la République, je n'étais même pas ministre, Jean-Luc LAGARDERE me parlait de cette A380 mythique et je ne savais pas que plusieurs années après je visiterais un A380 et je ferais un discours en tant que Chef de l'Etat dans l'usine où on assemble l'A380.
Mais le succès d'Airbus montre aussi que dans une économie de marché, l'Etat a un rôle à jouer pour appuyer de grands projets et pour favoriser l'innovation. Il y a eu une grande polémique lorsque j'ai annoncé devant le Congrès que nous allions organiser un grand emprunt au moment où la France était elle-même endettée. Et j'entends encore les commentaires de tous ceux qui m'ont dit, comment peut-on emprunter alors que dans le même temps vous nous dites qu'il faut réduire les déficits. Ici je veux m'en expliquer, le problème de la France c'est que nous n'avons pas assez investi dans le passé. Le problème de l'emprunt c'est quand on emprunte pour financer des dépenses de fonctionnement, quand on emprunte pour financer de l'investissement on créé de la richesse et de la croissance.
Ce grand emprunt va nous permettre de dégager pour vous une enveloppe d'1,5 milliard d'euros qui va permettre d'avancer pour le nouvel hélicoptère de 4 tonnes, d'être en avance sur le moteur d'avion de nouvelles générations qui ne pourront pas être financé uniquement avec les fonds de l'entreprise et pour travailler sur les nouvelles technologies de matériaux composites. Parce que la question n'est pas de se féliciter des 40 années de succès d'Airbus, la question s'est de se préoccuper des 40 années qui viennent. Comment faire pour que l'on soit toujours en avance et que l'on garde cette avance et que l'on continue à gagner. C'est cela le rôle qui est le nôtre. 1,5 milliard d'euros du grand emprunt seront uniquement mobilisés pour la filière aéronautique française.
Je voudrais également dire qu'Airbus c'est un succès franco-allemand, Aérospatiale, Deutsche Airbus en 1970, rejoints en 1971 par l'Espagnol CASA puis par British Aerospace en 1979, cela constitue l'un des premiers constructeurs aéronautiques au monde. Et à un moment où on parle tellement de l'Europe et tellement mal, on oublie que sans l'unité de l'Europe et l'addition des forces entre pays européens jamais Airbus n'aurait pu réussir, jamais. Réussir face à nos amis et concurrents américains. Mais demain on peut imaginer que l'on aura aussi des concurrents chinois et qui peut penser que la France seule pourrait affronter, quelle que soit l'avance que vous avez, la compétition avec des géants comme la Chine, comme les Etats-Unis. C'est l'Europe qui nous a permis de gagner. Alors c'est vrai dès qu'il y a un problème c'est facile de parler de l'Europe, mais il ne faut pas oublier cela. Des pays qui se sont battus sauvagement pendant des décennies et des siècles quand ces mêmes pays additionnent leurs forces et leurs compétentes au service d'un grand projet industriel, l'Europe gagne. Et c'est cela qui est en jeu ici, dans ces usines.
Une troisième chose que je voudrais dire, c'est que l'industrie n'est pas un gros mot. J'en ai parfois un peu assez d'entendre que l'on reproche à l'industrie, qu'elle pollue, ce n'est pas beau, bien sûr et Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET est une gardienne vigilante de ces équilibres environnementaux, mais sans industrie il n'y a plus de croissance. Et je veux m'inscrire en faux avec ceux qui disent qu'on doit choisir les services car l'industrie c'est du passé. Ceux qui ont sacrifié leur industrie ont vu leurs services s'en aller. C'est cela la réalité.
L'industrie est une priorité de l'action du Gouvernement depuis 3 ans et demi. Aucun pays ne pourra s'en sortir sans une industrie forte. Et on peut parfaitement avoir une industrie forte et des préoccupations environnementales lourdes, mais le jour où dans vos régions il n'y a plus d'industrie, où iront travailler vos enfants ? Et le jour où dans vos régions il n'y a plus d'industrie à qui les entrepreneurs de services iront-ils vendre leurs services, car l'industrie est la première consommatrice des services. Bien sûr il faut des jardins, des espaces verts, naturellement il faut que l'on sache construire proprement, mais la France doit rester une terre de production. Et cela se joue ici à Toulouse avec l'aéronautique, mais cela se joue aussi à Saint-Nazaire avec les constructions de bateaux. Combien je suis heureux que le chantier de Saint-Nazaire ait un carnet de commandes qui se remplit. Mais je vois que tous ceux qui me disent que l'on n'aurait pas dû vendre des Mistrals aux Russes, qui sont nos amis, je pense que eux-mêmes auraient bien aimé les vendre et les fabriquer. On doit rester aussi un pays qui construit des TGV et c'est pour cela que je me suis tellement battu pour qu'Alstom vive et on doit continuer à construire des voitures et c'est pour cela qu'en plein milieu de la crise nous avons mis en place le plan de soutien à l'industrie automobile et je le dis à nos amis allemands la façon dont ils ont défendu leur industrie est un exemple. Et moi je souhaite pour la France de suivre les exemples qui gagnent, pas les exemples qui perdent. Et c'est une conviction extrêmement profonde.
Alors en 2011 nous devons me semble-t-il renforcer notre intégration économique européenne et améliorer la compétitivité de notre économie. Bien sûr qu'il y a des souffrances, des injustices et des choses qui ne vont pas. Mais j'aimerais mes chers compatriotes que l'on regarde les chiffres tels qu'ils sont, parce qu'il ne faut pas être d'un optimisme beat mais la sinistrose ne permet à aucun pays de s'en sortir non plus. Il y a un an, au moment où je présentais mes voeux, tous les prévisionnistes envisageaient une croissance atone. Les plus optimistes disaient il y a un an pour la France tout juste 1%. La Commission européenne était à 0,2% de prévision.
Notre croissance de l'année dernière sera supérieure à 1,5%. Ce n'est pas suffisant mais cela n'a rien à voir avec ce qui a été prévu. Les mêmes anticipaient une flambée du chômage pour 2010, nous avons les chiffres sur les trois premiers trimestres, l'économie française a recommencé à créer 75 000 emplois. C'est insuffisant ! Notre population active augmente de 100 000 chaque année, ce qui est une chance. Et nous avons réussi à traverser cette crise, je le dis parce que c'est la vérité, les chiffres parlent, en préservant le pouvoir d'achat de nos concitoyens, les chiffres sont sortis. Sur les trois premiers trimestres de l'année 2010, le pouvoir d'achat a progressé de 1,3%. Je ne le dis pas pour m'en satisfaire, mais imaginez que le pouvoir d'achat ait diminué, ce chiffre me serait rappelé minute après minute. Il ne s'agit pas de s'enorgueillir, nous n'avons fait que notre devoir. Il s'agit de voir la situation telle qu'elle est, ni trop belle, ni trop désastreuse. Je dois dire d'ailleurs que j'ai été impressionné par le succès des heures supplémentaires défiscalisées. Au fond, ce que je crois au plus profond de moi, c'est que pour que la France s'en sorte, il faut que l'on réhabilite le travail et que l'on comprenne que pour que nous nous en sortions, il faut absolument que nous travaillions mieux. Le travail n'est pas une aliénation, c'est le chômage qui est une aliénation.
5 millions de nos concitoyens ont pu bénéficier des heures supplémentaires. Pas d'impôts sur les heures supplémentaires pour les salariés, pas de cotisations pour les entreprises. Il faut absolument que la France comprenne que l'on ne peut pas travailler moins dans un monde qui avance à une vitesse stupéfiante. Il faut absolument que l'on comprenne qu'on améliorera le pouvoir d'achat des salariés en ne faisant qu'une seule chose : en leur donnant des emplois et en leur permettant de travailler davantage.
Alors la vérité, c'est qu'il y a des souffrances, il y a des difficultés et il y a une profonde aspiration à davantage de justice. Je le sais et comment voudriez-vous que je ne le sache pas ? Tous les jours on me le rappelle. Mais qu'est-ce que l'aspiration à la justice, parlons-en. C'est que celui qui travaillerait est la juste rémunération de son travail. Pas de distribuer des allocations, multiplier des assistanats alors que nous n'avons pas les moyens avec les déficits qui sont les nôtres de le faire. Qu'on laisse travailler ceux qui veulent travailler. Qu'on libère les forces de croissance. Que vos enfants aient une bonne formation et que demain ils puissent trouver un emploi dans la région qui est la vôtre. C'est cela l'aspiration à la justice. A partir de ce moment, il faut que nous développions notre compétitivité. Les épreuves ne nous ont pas été épargnées en 2010, indépendamment de la crise mondiale de 2009. Nous avons eu la crise européenne avec successivement la Grèce, l'Irlande, le Portugal.
Je voudrais dire un mot de l'Europe. L'euro est une grande réussite européenne. C'est une force et c'est une protection. J'entends certains dire il faut renoncer à l'euro et sortir de l'euro. Ce serait une folie. La France seule ne pourrait pas résister aux pressions du monde. Imaginez que nous allons emprunter cette année pour financer des déficits qui ont 35 ans d'ancienneté, 180 milliards d'euros.
Grâce à l'euro, nous empruntons un peu plus de 3%. Au début des années 1990, nous empruntions à 10%. Qui peut penser que seuls on va résister ? Et qui peut imaginer la gravité des conséquences d'un démantèlement de l'euro qui entraînerait immédiatement un démantèlement de l'Europe ? Alors, bien sûr, l'Europe ne va pas assez vite, bien sûr c'est compliqué. Rendez-vous compte, nous sommes 27 pays, 17 dans la zone euro, 17 gouvernements, des intérêts nationaux parfois divergents. Et malgré tout, on a pu sauver la Grèce, on a pu sauver l'Irlande, on a pu mettre en place un dispositif pérenne pour protéger les pays européens de quoi ? De la spéculation. Ça a fonctionné, ce n'était pas si simple. Maintenant, il convient de passer à l'étape supérieure : celle de 2011.
La première leçon que j'en tire, c'est l'impératif de rétablissement des comptes publics français. Mesdames et messieurs, ce n'est pas une question d'idéologie, ce n'est pas une question de gauche ou de droite, de majorité ou d'opposition. La situation est simple : nous présentons depuis 35 ans un budget en déficit. Nous augmentons nos dépenses et dans le même temps, on a expliqué aux Français qu'on ne pouvait augmenter les dépenses et partir à la retraite à 60 ans et travailler moins en faisant les 35 heures. Comment voulez-vous que ça fonctionne ? Ce n'est pas une question d'idéologie, c'est juste une question de bon sens. Moi, je pense profondément que les Français n'ont pas envie que la France connaisse la situation d'un certain nombre de nos partenaires européens. En se demandant au début de chaque semaine est-ce que le pays va pouvoir payer ses échéances. Si la France veut être indépendante, la France doit réduire ses dépenses, réduire ses déficits et rembourser une partie de son endettement. Il n'y a pas d'autre choix. Et si la France a été préservée, c'est justement parce que nous mettons en place cette politique.
6% de déficit en 2011, 3% en 2013, mais je souhaite qu'on aille plus loin et que nous nous fixions une règle constitutionnelle qui permettra de fixer un objectif de retour à l'équilibre de nos finances publiques. Et je souhaite que cette règle soit adoptée par la droite comme par la gauche. Parce que les alternances démocratiques feront que chacun, un jour ou l'autre, aura la responsabilité du gouvernement. Qui osera dire aux Français qu'il n'est pas d'accord avec l'objectif de retour à l'équilibre de nos finances publiques? Qui ? C'est simplement quelque chose qui a trait à la responsabilité vis-à-vis des générations futures et à l'amour que l'on a pour son pays.
J'ajoute que notre dépense publique représente aujourd'hui la moitié de la richesse produite. Certains me disent « il n'y a qu'à augmenter les impôts ». J'aimerais qu'on m'explique comment on peut augmenter les impôts sur les entreprises et continuer à vendre des avions comme vous y arrivez. Ou comment on peut continuer à augmenter les impôts sur les entreprises. 8 points de plus que les Allemands et préserver le pouvoir d'achat. Il n'y a pas d'autre solution que celle de réduire les dépenses publiques. J'ajoute que la croissance naît du travail. En réduisant le travail, on réduit la croissance. En augmentant le travail, on augmente la croissance. C'est une illusion de croire qu'en augmentant toutes les dépenses, nous aurions plus de croissance. S'il suffit de dépenser plus que les autres pour avoir plus de croissance, nous serions les champions du monde de la croissance. Si le partage du temps de travail ça marchait, il faut m'indiquer un seul pays où cela a fonctionné.
Le deuxième enseignement c'est qu'il nous faut aller plus loin, faire un gouvernement économique de la zone euro et aller vers l'intégration de nos politiques économiques. On ne peut partager une même monnaie et avoir des stratégies économiques différentes. Cela ne fonctionne pas. On ne peut pas être dans une union monétaire avec des écarts de compétitivité qui se creusent entre les pays du Nord et les pays du Sud. On ne peut pas parler d'intégration économique sans convergence des systèmes fiscaux. Je respecte profondément l'indépendance de nos amis irlandais et nous avons tout fait pour les aider mais ils ne peuvent durablement nous dire : venez nous aider et continuer à garder un impôt sur le bénéfice des sociétés moitié moindre que celui que nous connaissons en France. C'est un problème de bon sens et c'est un problème de logique. Dans l'Union monétaire, il faut qu'il y ait harmonisation économique et harmonisation fiscale.
Avec Mme MERKEL, nous allons renforcer l'intégration économique européenne et nous allons progresser dans la convergence fiscale. C'est un chantier fondamental.
Dans quelques jours je recevrai le Premier Président de la Cour des Comptes qui a fait un rapport sur la convergence des fiscalités française et allemande.
Il faut mettre la fiscalité au service de la compétitivité de notre pays. Autant je peux comprendre les différences de compétitivité entre la Chine, l'Inde et la France autant je ne peux pas comprendre la différence de compétitivité entre l'Allemagne et la France. C'est trop grave pour nous.
Nous nous attaquerons donc aux niches fiscales inutiles. Pour la première fois, celles-ci ont été plafonnées de façon à ce qu'il n'y ait pas d'abus. Nous poserons toutes les questions notamment sur la réforme de la fiscalité du patrimoine pour la rendre plus juste et plus efficace. Là aussi que les choses soient claires entre nous. L'impôt sur le patrimoine, les Allemands l'ont supprimé, gauche, droite confondus. Que doit faire la France ? Doit-elle le garder, doit-elle l'aménager. Evidemment en supprimant l'impôt sur le patrimoine, les Allemands ont supprimé le bouclier fiscal. La France est prête à le faire mais nous devons réfléchir à l'avenir de nos fiscalités du patrimoine. Je suis de ceux qui pensent qu'il est plus logique de taxer les revenus du patrimoine que de taxer la détention du patrimoine. Je pense qu'il n'est pas normal que les revenus du patrimoine soient moins taxés que les revenus du travail. Quand vous achetez un appartement, quand vous achetez une maison la plus-value, elle est réalisée au moment où vous la vendez. C'est à ce moment-là qu'il faut taxer, pas au moment de la détention.
François BAROIN, Christine LAGARDE conduiront avec le Premier ministre une réflexion sur le sujet. Et là encore, ce que je souhaite c'est que chacun aborde cette réflexion avec un souci : comment rendre notre économie, notre pays plus compétitif. Pas d'idéologie, pas de posture, pas de position de principe, simplement les faits. Comment éviter les délocalisations, comment faire que ceux qui travaillent puissent profiter des revenus de leur travail, comment attirer de la richesse chez nous pour développer de la croissance ? C'est cela que nous essaierons de faire.
La crise de l'euro, ici dans cette magnifique entreprise, quand l'euro augmente de 0,1 point, votre entreprise çà lui coûte 1 milliard d'euros. Comment demander aux ouvriers, techniciens, ingénieurs d'être plus compétitifs et de voir que cette compétitivité tombe parce qu'il y a un système de dumping monétaire. Autant je défens avec force l'euro, autant je me battrai pour que la parité de l'euro permette aux entreprises européennes d'être performantes dans la compétition. En tant que Président du G20, la France poursuit l'ambition de rénover le système monétaire international. Je peux dire la même chose sur la régulation du prix des matières premières qui est une nécessité absolue sinon, nous connaitrons des émeutes de la faim.
Mesdames et Messieurs,
La crise que nous avons vécue a accéléré les mutations de l'économie mondiale. Aujourd'hui, nous assistons à l'affirmation de nouvelles puissances mondiales que sont la Chine, l'Inde, le Brésil et ces pays veulent leur part de la richesse économique et c'est normal. Aujourd'hui, l'économie de la Chine représente entre un quart et un tiers de celle des États-Unis. Dans dix ans, l'économie chinoise représentera les deux tiers de celle des États-Unis. Déjà la Chine a dépassé le Japon, comme deuxième puissance mondiale. La peur n'est pas une stratégie. Mais que fait-on face à cette réalité ? Il y a 50, 60 ans, un siècle, les dirigeants de notre pays étaient assurés que notre pays resterait dans la première division des grands pays. Aujourd'hui, personne n'est assuré de garder sa place et dans cet environnement, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de l'immobilisme. Ce n'est pas une question de tempérament chez moi. C'est simplement la conscience que la France ne peut pas se permettre de prendre du retard. Le monde évolue à une vitesse stupéfiante.
Si nous voulons garder nos emplois et si nous voulons demain que nos jeunes aient des emplois, si nous voulons préserver notre modèle social, nous devons garder notre rang de 5ème économie du monde. Pour y parvenir, il faut rompre absolument avec la dévalorisation du travail.
Détaxation des heures supplémentaires, fin des 35 heures. Là encore, ce n'est pas une question d'idéologie. Les 35 heures, ce n'est pas la peine que l'on s'oppose sur cette question. Si un seul autre pays au monde avait fait ce choix, nous aurions pu le faire. Mais quand les autres faisaient le choix de travailler plus, nous au début des années 2000, nous avons fait le choix des 35 heures. Qu'est-ce qui s'est passé ? Délocalisations, pertes d'emploi, augmentation du chômage et des salaires qui n'augmentent pas ! Ce qui est logique. Quand vous passez de 39 à 35 heures, comment pouvez-vous expliquer aux gens qu'ils vont gagner davantage ? On ne peut pas bâtir la croissance d'une économie en travaillant moins. Je ne suis pas un obsédé du travail, je dis simplement : « regardons, que veulent les familles françaises ? ». Un emploi pour elles, un emploi pour leurs enfants.
Que voulez-vous ? Que Toulouse, que la Haute-Garonne, que le Midi-Pyrénées garde des emplois. Et que s'arrête cette hémorragie qui voit des entreprises qui étaient chez nous partir ailleurs. Parce que les impôts y sont moins élevés et parce que les gens sont formés comme nous mais travaillent davantage.
Depuis que je suis Président de la République, j'ai fait un choix dont je comprends qu'il peut être difficile, je n'ai pas donné une seule fois un coup de pouce au SMIC. Pourquoi ? Parce que chaque fois qu'on donnait ce coup de pouce, on éloignait de l'entreprise et de l'emploi certains de nos compatriotes dont les formations n'étaient pas suffisantes. Et quand j'ai vu les chiffres, la population active est passée 12,9% à 9,8%.On avait l'impression que quand on donnait un coup de pouce au SMIC, on avait résolu le problème de tous les salariés français, non ? On avait pénalisé 90% des salariés français et aidé 10% des salariés français.
Il faut que nous réfléchissions à ces questions là. De la même façon, il faut augmenter le taux d'emploi de nos concitoyens. On me parle souvent des chiffres de nos amis allemands sur le chômage, et des nôtres. Mais il y a une différence entre nos 2 pays : savez-vous laquelle ? Les Allemands perdent 100 000 membres de la population active par an. Nous en gagnons 100 000. Pour l'avenir, c'est une chance car notre population continue à augmenter, alors que nos amis allemands ont un problème de diminution de population. Mais sur les statistiques du chômage, avant même d'avoir sorti un chômeur du chômage, il faut trouver 100 000 emplois pour les 100 000 nouveaux qui arrivent. Il faut augmenter le taux d'emploi de notre population. Je pense notamment aux séniors. Nous avons supprimé les préretraites publiques, supprimé les dispenses de recherche d'emploi, élargi le cumul emploi retraite, favorisé l'embauche des salariés de plus de 55 ans. Et c'est une excellence nouvelle, le taux d'emploi des 55-59 ans depuis 2007 a augmenté de 4 points. Nous sommes enfin dans la moyenne européenne. Comment dire aux gens : travaillez plus parce que vous allez vivre plus longtemps, mais en même temps à 55 ans vous ne valez plus rien. C'est un scandale ! C'est un scandale social et c'est un scandale économique. Quant à ceux qui disent que quand un quinquagénaire part à la retraite cela crée un emploi pour un jeune, ils nient la réalité des choses. Nous étions pendant des années le pays d'Europe qui avait le moins de personnes de 55 ans au travail et le plus de jeunes au chômage. A un moment donné, il faut que l'on regarde les chiffres, pas simplement les postures ou les idéologies. Sans compter qu'un quinquagénaire qui part c'est une mémoire ouvrière, c'est un savoir-faire qui est détruit, et qu'on ne pense pas que parce que j'ai plus de 55 ans je plaide pour ma propre paroisse.
Bien sûr il y a le problème de l'emploi des jeunes, j'ai dit ce que je pensais du partage du temps de travail. Mais un chiffre est bouleversant, pourquoi y a-t-il plus de jeunes au chômage en France ? Parce qu'un un tiers des jeunes français de 16 à 20 ans est en alternance alors que deux tiers des jeunes Allemands sont en alternance. Vous entendez, deux tiers des jeunes Allemands sont en alternance, un tiers des jeunes Français sont en alternance. La voie à suivre est simple, il faut mettre l'essentiel de nos ressources sur le développement de l'alternance. Mon pari, c'est que les familles préfèrent que leurs jeunes aient une formation dans l'alternance où ils ont la certitude d'avoir un emploi et un salaire, plutôt que l'exception de la formation théorique où ils n'ont aucune certitude d'avoir un emploi. Il faut que l'on change nos schémas de pensée. Si l'on veut que nos jeunes aient un emploi, c'est l'alternance qui est la seule solution.
Enfin, nous allons poursuivre les réformes. On a supprimé la taxe professionnelle, on a mobilisé le FSI (Fonds souverain à la Française), on a mobilisé les moyens les plus importants pour OSEO, financé les pôles de compétitivité, augmenté le nombre des entrepreneurs. Le statut de l'auto-entrepreneur est un succès. Rendez-vous compte, sur les onze premiers mois de 2010, 577 000 nouvelles entreprises, un demi million, ont été crées en France. C'est une augmentation de 14% par rapport à 2009, 600 000 auto-entrepreneurs. Là encore ce n'est pas une question d'idéologie, mais donner la chance à des gens qui se sont trouvés au chômage, de créer leur petit statut, leur petite entreprise, est-ce que cela n'est pas mieux plutôt que de les condamner à l'inactivité, avec des préretraites ou des allocations en leur disant qu'ils ne valent plus rien et que l'on ne compte plus sur eux ? Ce n'est pas l'image que je me fais de la France et de l'avenir pour chaque famille française.
On va aller plus loin dans la simplification administrative de la vie de nos entreprises. Et là encore je souhaite que nous créions une zone commune avec les Allemands de fiscalité partagée et harmonisée pour être plus forts. Nous allons continuer le crédit impôt recherche, les pôles de compétitivité. Je voudrais que nous mobilisions davantage l'épargne abondante de notre pays en faveur de la création d'activités. Les ménages français ont un taux d'épargne qui oscille entre 16 et 17%, l'un des plus élevé d'Europe. Cet argent plutôt que d'investir dans des dispositifs contre lesquels je n'ai rien, mais un peu dormants, nous en avons besoin pour financer l'activité de nos entreprises et de nos industries.
Alors, je sais bien que l'on a un système bancaire développé, mais enfin, qui a tendance à prêter surtout à ceux qui n'en n'ont pas besoin, selon un raisonnement classique. Il me semble qu'il nous faut inventer de nouveaux produits, je le dis au ministre, pour orienter cette épargne vers l'industrie, vers les capacités de production. C'est que nous avions fait avec les revenus de l'ISF, où j'aime mieux que ceux qui ont de l'argent aident des entrepreneurs à se développer plutôt que de payer au seul budget de l'Etat.
Enfin, pour terminer, je voudrais dire un mot de notre modèle social. Si nous voulons préserver notre modèle social, et nous le voulons, il nous faut être responsables. C'est toute la question de la réforme des retraites. Nous avions un problème démographique, on vit plus longtemps, il fallait une réponse démographique. J'ai eu l'occasion de le dire aux ouvriers tout à l'heure, mais je le pense profondément. J'ai vu qu'à un moment on a essayé de pousser des lycéens à manifester pour défendre la retraite à soixante ans. En regardant la télévision, les images, je me disais : est-ce qu'ils savent, eux, qu'un sur deux de ces lycéens aura la chance de vivre jusqu'à 100 ans ? Est-ce qu'il est raisonnable, indépendamment de tout autre considération, d'exiger de partir à la retraite à soixante ans, alors que l'on va vivre centenaire ? Qui va payer ?
Si des millions de Français sont à la retraite en plus et que ceux qui travaillent ne travaillent pas plus longtemps, alors que ceux qui sont à la retraite restent à la retraite plus longtemps, qui va payer les retraites ? Je ne savais pas ce chiffre avant de devenir Président de la République, je l'ai découvert. Il y a 15 millions de retraités, il y a 700 000 retraités nouveau chaque année. Pour un million et demi de retraités, on payait les retraites en empruntant à la banque. Est-ce que c'est raisonnable ?
Alors, je sais bien que cela n'a pas été populaire et je le comprends. La réforme consiste à travailler à terme, deux ans de plus sans être payé davantage. Cela ne peut faire plaisir à personne. Mais j'ai un devoir envers vous. Est-ce que vous pensez que cela aurait fait plus plaisir aux Français d'avoir un Président de la République qui sait que le régime va à la faillite et qui ne s'en préoccupe pas ? Vous tous qui êtes ici, un jour vous partirez à la retraite, je vous le souhaite, ce jour là vos retraites seront payées. C'est quand même autre chose de se le dire. Cela change quand même l'appréhension que l'on a des choses. Alors naturellement personne n'en parle et je le comprends parfaitement bien. Mais c'est la vérité. Si nous voulons protéger notre modèle social il nous faut prendre des décisions. Vous savez en 2011 je prendrai d'autres décisions importantes sur la dépendance. J'espère que vous êtes nombreux ici à avoir la chance d'avoir encore vos parents. Certains ont perdu cette chance. Mais ceux qui ont la chance d'avoir leurs parents ! Les femmes travaillent, les appartements ou les maisons sont plus petits, lequel d'entre vous peut se dire : si mon père ou ma mère deviennent dépendants physiquement du fait des souffrances du grand âge, vous allez le prendre chez vous ? Vous avez la place pour le prendre chez vous ? Et qui va s'en occuper ? Quand les souffrances du grand âge font que l'on ne peut même pas faire sa toilette tout seul, qui va s'en occuper ? Tout le monde le sait, il y a 20% des familles qui ont une personne dépendante dans leur famille qui peuvent payer la maison de retraite. 20%, que font les 80% restants ?
Si tout ce passe bien, nous tous, nous connaitrons le grand âge. Si tout se passe bien. On peut êre dépendant et en même temps vouloir garder sa dignité humaine. Quand on a travaillé toute sa vie à élever sa famille, on a le droit d'aller jusqu'à la fin dans la dignité. Tout le monde sait qu'il n'y a pas assez de places dans les maisons de retraite. Tout le monde sait que quand quelqu'un veut rester à domicile il n'y a pas assez de personnes pour s'en occuper. Et tout le monde sait qu'il faut trouver de nouveaux financements pour cela.
Vous savez, Mesdames et Messieurs, c'est une réalité quoiqu'il arrive. Alors, qu'est-ce que l'on fait ? Eh bien pour moi c'est clair, on prend les décisions. Bien sûr que ce n'est pas facile. Si ça l'était, cela aurait déjà été réglé depuis longtemps. Mais je vous rassure, les dossiers qui arrivent sur mon bureau, ce n'est jamais facile. Mais on prend les décisions, et donc on les prendra en 2011.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire : réhabiliter le travail, moderniser nos universités, financer nos pôles d'excellence, libérer nos initiatives, renforcer la compétitivité de nos entreprises, il n'y a pas d'autres solutions pour la France. J'aimerais qu'il y en ait des plus faciles. J'aimerais pouvoir vous dire : travaillez encore moins, vous gagnerez plus et la France s'en sortira. Mais il y a un moment où le pays doit faire des choix, et ces choix là, mon devoir c'est de les porter. Quand je vois la magnifique réussite de votre entreprise, je me dis qu'il faut croire en la France, croire en son industrie, croire en ses ouvriers, en ses ingénieurs, en ses cadres. Nous ne sommes pas condamnés au déclin, mais les recettes qui marchent, les stratégies qui réussissent, on les connaît : réhabiliter le travail, améliorer notre compétitivité, réduire nos dépenses publiques et faire en sorte que chacun puisse s'y retrouver.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous dire que l'année qui commence dans votre région, dans votre ville, dans vos usines c'est une année heureuse. Je vous présente du fond du coeur mes voeux les plus chaleureux pour vous-même et pour tous ceux que vous aimez.
Et par-dessus tout, que cette année 2011 voit le succès de la France et des Français.
Je vous remercie.