6 janvier 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes engagées et les orientations futures dans le domaine de l'emploi et de la protection sociale, à Paris le 6 janvier 2011.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous recevoir à l'Elysée pour vous présenter mes voeux pour cette nouvelle année et je vous remercie d'avoir répondu à cette invitation, qui s'inscrit dans la tradition républicaine à laquelle nous sommes tous très attachés.
Nous venons de vivre une année 2010 difficile, il ne faut pas se le cacher, avec les conséquences de la crise mondiale dont nous commençons à sortir progressivement, et une année difficile bien sûr avec la réforme des retraites.
Dans ce contexte, il me semble très important que nous puissions échanger sur ce que seront nos grandes orientations dans le champ social en 2011.
Depuis le début de mon mandat, ma vision du dialogue social est demeurée constante. J'ai toujours considéré que c'est la voie à privilégier dans la conduite des réformes. Depuis 2007, la loi a d'ailleurs repris de nombreux accords conclus par les partenaires sociaux. Je pense à la loi sur la formation professionnelle, je pense à la loi sur la modernisation du marché du travail, je pense à la loi sur la modernisation de la représentativité syndicale.
Au niveau des branches et des entreprises, comme l'a relevé récemment la commission nationale de la négociation collective, les négociations entre partenaires sociaux sont intenses et le nombre d'accords signés, y compris sur la période récente, est particulièrement élevé.
Mais Mesdames et Messieurs le dialogue social ne peut être une fin en soi. Le dialogue social c'est une méthode, c'est un moyen au service d'une action.
Nous devons être lucides, il y a des sujets sur lesquels la conclusion d'un accord en bonne et due forme n'est pas possible, tout simplement parce que cela ne relève pas du champ de la négociation sociale. Ce fut le cas sur la réforme des retraites : nous savions dès le départ que ce sujet de la réforme des retraites ne pouvait pas constituer un champ de négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. D'ailleurs personne ne pouvait au fond penser que les choses pourraient se passer autrement, au regard du désaccord réel, du désaccord de fond, que nous avions avec les organisations syndicales sur le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite. Ce désaccord chacun d'entre nous doit l'assumer. Mais dans ces conditions, c'était mon devoir de prendre mes responsabilités de chef de l'Etat.
Je l'ai fait, croyez-moi, en prenant toute la mesure des inquiétudes qui ont pu s'exprimer à cette occasion. Et d'ailleurs ces inquiétudes je vous le dis très simplement, je les comprends car la réforme des retraites demande un effort supplémentaire aux Français, et qui peut croire que demander un effort supplémentaire soit chose facile ? D'ailleurs, si c'était facile, j'imagine qu'on aurait fait cette réforme il y a longtemps déjà, quand on sait qu'on débat des retraites en France depuis le livre blanc de Michel ROCARD il y a 20 ans !
Le devoir d'un Président de la République, ça n'est pas d'ignorer les problèmes. Le devoir d'un Président de la République, ce n'est pas de laisser à ses successeurs le soin de les régler. Ça n'est pas la conception que je me fais du courage en politique. Et ça ne sera jamais ma conception de la vie politique. Le devoir d'un Président de la République, c'est de regarder la situation en face. Sur les retraites, j'ai considéré que personne ne pouvait contester la réalité du choc démographique : nous avons gagné 15 ans d'espérance de vie depuis 1950, le nombre de cotisants par retraité a été divisé par 2 depuis 1960. Le nombre de gens qui payent pour les retraités a été divisé par 2 depuis 1960. Et une retraite sur 10 n'était pas financée.
J'ai estimé qu'il était donc de ma responsabilité de tout faire pour assurer aux Français qu'ils pourront, et leurs enfants aussi, compter sur leur retraite et que le niveau de pension serait maintenu. Parce que le problème des retraites est un problème d'abord démographique, la réponse devait être en premier lieu démographique. Demander aux salariés de travailler plus longtemps parce qu'ils vivent plus longtemps, c'est d'ailleurs, Mesdames et Messieurs, la voie qui a été choisie dans tous les pays développés, qu'il s'agisse d'un gouvernement de gauche ou d'un gouvernement de droite. Toute autre solution, consistant à baisser le niveau des pensions, ou à augmenter massivement les prélèvements obligatoires, aurait été à mes yeux socialement inacceptable et économiquement désastreuse.
Tout cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de concertation ou d'échanges. Et je veux rendre hommage au sens de la responsabilité des partenaires sociaux. Ce n'était pas facile avec un désaccord pareil. Malgré tout on a parlé et il y a eu des résultats. 50 réunions se sont tenues. Et la concertation a été fructueuse, puisque le projet initial du Gouvernement a évolué sur des points aussi essentiels que la retraite des femmes ou la prise en compte de la pénibilité. Je voudrais d'ailleurs signaler sur ce point que la France est le seul pays en Europe, le seul, à faire le lien entre retraite et pénibilité. J'entends que pour vous nous n'avons pas été assez loin. C'est normal que vous pensiez cela. Mais il n'y a pas un autre pays en Europe qui ait fait le lien entre retraite et pénibilité.
Mesdames et Messieurs, je suis persuadé qu'assurer la pérennité de notre modèle social, auquel nous sommes tous collectivement attachés, c'est savoir le faire évoluer pour permettre la préservation de ce qu'il a de meilleur. Ma conviction, et je le dis du plus profond de mon coeur, c'est que personne ne reviendra sur la réforme des retraites que nous avons conduit. Parce qu'elle était nécessaire. Et vous respecter, vous les partenaires sociaux, c'est vous dire la vérité, même lorsqu'elle est difficile à entendre. Et je ne crois pas que mentir soit une façon de respecter ses partenaires. En tout cas c'est la conception que j'ai du travail avec les partenaires sociaux.
Au-delà de la réforme des retraites, notre pays a également continué à faire face en 2010 aux conséquences de la crise. Il faut bien que nous mesurions ce que nous avons vécu : c'est la crise économique mondiale la plus grave que le monde ait connue depuis 1929. La crise que nous avons connue est beaucoup plus grave que les deux crises qu'à connues la France au début des années 70 au moment des chocs pétroliers.
Aujourd'hui, je pense qu'on peut dire qu'on a passé la phase la plus dure de la crise. La croissance a redémarré, même si c'est sur un rythme qu'on préférerait plus important, les secteurs économiques se remettent à embaucher et les plans sociaux ont été divisés par deux. Je ne m'en satisfais pas, mais je ne vais pas non plus m'en plaindre. Toutefois, je considère qu'il faut rester prudent car nous sommes encore en phase de stabilisation. Et surtout je n'oublie pas une chose essentielle : tant que nous n'aurons pas réussi à faire baisser durablement le chômage, la crise ne sera pas derrière nous.
Mais s'il ne peut s'agir de faire de l'autosatisfaction, je crois que nous pouvons quand même constater, de façon objective, que les outils que nous avons mis en place, avec vous, dans le domaine de l'emploi nous ont permis d'amortir le choc de la crise. Avec l'Allemagne, la France est le pays qui s'en est le mieux sorti. Avec une différence notable que je ne vois écrite nulle part, c'est que notre population active augmente de 100.000 personnes par an, ce qui est bien, alors qu'en Allemagne, elle diminue de 100.000 personnes par an. Sur le résultat du chômage, cela change beaucoup les choses. Je ne m'en plains pas. Au regard de l'avenir il vaut mieux avoir un pays qui a une démographie, une politique familiale, c'est une affaire entendue. Mais avant même d'avoir sorti un chômeur du chômage, il nous faut trouver 100 000 emplois de plus. Les Allemands qui ont un problème démographique très sérieux ont 100 000 salariés actifs en moins par an. Ça ne peut pas être sans impact sur la question du chômage. En 2 ans, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 23% en France, de 50% au Royaume-Uni. En plein coeur de la crise on m'appelait à imiter les mesures retenues par le gouvernement de M. Gordon BROWN : 50% d'augmentation du chômage. Aux Etats-Unis 130%. Et d'ailleurs nous avons fait mieux que ce qu'on nous prédisait en début de crise, puisqu'en 2009, les prévisionnistes nous avaient annoncé 700.000 destructions d'emplois. Il y en a eu moitié moins.
Il y a des enseignements à tirer de ces résultats.
Le premier de ces enseignements, c'est que les mesures d'urgence que nous avons prises dans la crise pour soutenir l'activité économique ont globalement été efficaces. Je pense notamment aux mesures sur l'alternance.
La deuxième leçon c'est que si les outils ont bien fonctionné pour protéger nos compatriotes, c'est parce que nous avons travaillé ensemble pour les élaborer. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, l'Etat ne peut pas faire seul. Nous avons besoin des partenaires sociaux, parce que vous avez une connaissance de l'intérieur des problématiques et notamment sur l'activité partielle, le contrat de transition professionnelle, le Fonds d'investissement social qui sont des idées syndicales, que nous avons reprises. Et elles ont montré leur efficacité.
La troisième leçon, c'est que nous avons réussi à traverser cette crise --je veux le dire, parce que les chiffres sont là- en préservant le pouvoir d'achat des Français. Là aussi il faut dire la vérité. Il y a des souffrances, il y a des injustices, il y a des inégalités, mais le pouvoir d'achat des Français a été préservé comme les travaux du groupe présidé par M. CHAMPSAUR viennent de nous le montrer. C'est notamment la prime à l'emploi et le RSA, qui ont permis des gains de pouvoir d'achat importants pour les travailleurs disposant des plus faibles revenus. Je veux aussi souligner, parce que c'est le résultat des négociations entre partenaires sociaux, que le nombre de branches dont le minimum conventionnel est inférieur au SMIC est en forte diminution (de près de 50%). Alors on peut dire : verre à moitié plein. Que faire des 50% qui restent ? Mais on a divisé par deux ce nombre, et ça c'est un progrès de la négociation aussi.
La dernière leçon, c'est que les pays qui s'en sont le mieux sortis sont ceux disposant de mécanismes de protection sociale qui ont joué un rôle d'amortisseurs de la crise et de stabilisateurs de l'économie : notamment au travers de la convention d'assurance chômage que vous avez négociée, vous y avez donc contribué.
C'est pour cette raison que je compte faire de la régulation sociale de la mondialisation un des axes prioritaires de la présidence française du G20. Nous avons besoin de règles qui deviennent des normes, qui s'imposent à tous. Comment comprendre qu'une cinquantaine d'Etats dans le monde, et pas des moindres, n'ait pas encore ratifié les huit conventions de l'OIT, qui définissent les droits fondamentaux du travail ? Que l'on me comprenne bien : ce n'est pas du tout une question d'un modèle social unique à vocation mondiale. Il y a huit normes définies par l'OIT, les pays signataires et membres de l'OIT devraient ratifier ces huit normes. Ce n'est pas le cas. Ça va être mon travail de pousser à cela. Comment accepter que seulement 20% de la population mondiale jouissent réellement d'un accès à un système de protection sociale digne de ce nom ?
Avec Christine LAGARDE et Xavier BERTRAND, j'ai reçu il y a quelques semaines les représentants des organisations syndicales internationales et des syndicats français du G20. Il me semble essentiel que vous soyez associés à ces travaux. Xavier BERTRAND, que je veux remercier tout particulièrement, organisera une réunion des Ministres de l'emploi au cours du 1er trimestre. Et je comprends parfaitement la revendication des organisations syndicales et patronales qui considèrent qu'en dehors des déficits, de la dette, il faut aussi parler de l'emploi, de la formation professionnelle, de la croissance, et ils ont raison. On ne peut pas parler que d'une seule chose. Parce que je reste convaincu que la meilleure façon de réduire les déficits c'est d'avoir la croissance.
Certains disent que le dialogue social n'est plus possible et que les réformes dans le champ social vont s'interrompre. Je m'attacherai à leur montrer qu'ils ont tort. Nous avons seize mois pour apporter des réponses essentielles dans l'intérêt des Français. L'année 2010 a été chargée, 2011 sera probablement aussi dense, tant sont importantes les attentes de nos concitoyens et les défis à relever.
Dans le champ de l'emploi :
Les créations d'emplois ont repris : la France a créé 110.000 emplois sur les trois premiers trimestres de 2010. Mais nous le savons, tout le monde ne bénéficie pas de la même façon de la reprise. Rien ne saurait être pire que d'avoir des personnes durablement exclues du marché du travail. C'est une perte de compétences, c'est une perte de savoir-faire, c'est un drame personnel. Et c'est pour cela que la question d'un noyau dur de chômeurs, d'un noyau incompressible, est une question essentielle.
Vous avez souhaité sur ce sujet ouvrir un nouveau cycle de négociations, je m'en réjouis, car il nous faut des solutions innovantes. Je pense à 2 sujets en particulier où j'attends beaucoup de vos réflexions et contributions.
L'emploi des séniors. Depuis 3 ans, beaucoup a été fait. Nous nous sommes battus pour changer les mentalités et les pratiques : nous avons mis fin aux préretraites publiques, nous avons supprimé la dispense de recherche d'emploi, nous avons autorisé le cumul emploi-retraite, nous avons mis en place un dispositif d'aide à l'embauche pour les demandeurs d'emploi de plus de 55 ans. Cela a marché : le taux d'emploi des 55-59 ans a augmenté de 4 points depuis 2007, le taux d'emploi des 55-59 ans atteint désormais 60%, soit la moyenne européenne. Ca fait bien longtemps que l'on attendait cela. Concrètement, cela signifie que 300.000 séniors supplémentaires ont un emploi. Mais ce n'est pas suffisant à mes yeux. Nous devons aller plus loin, et cela passe par une nouvelle organisation des conditions de travail dans l'entreprise, une nouvelle organisation de la gestion des ressources humaines. Ce sont des champs qui relèvent naturellement de la négociation entre représentants des salariés et des employeurs. J'espère que vous accepterez de vous investir fortement.
Autre sujet, la nouvelle convention d'assurance chômage. C'est une composante essentielle de notre sécurité sociale professionnelle, puisqu'il s'agit d'assurer au salarié qui a perdu son emploi un certain niveau d'indemnisation pendant sa recherche d'emploi. La négociation qui va s'ouvrir pourrait nous permettre d'aller plus loin, il me semble, dans deux directions. Tout d'abord, en faisant en sorte d'être plus efficaces en termes de retour à l'emploi. Ensuite, en cherchant la mise en place d'un dispositif si possible unique d'accompagnement des salariés licenciés économiques, qui se substituerait aux actuels CTP et CRP, et qui garantirait aux salariés un niveau de rémunération sécurisant et un accompagnement renforcé vers le retour à l'emploi.
Je pense qu'il est possible de dire aux salariés qu'il n'y aura plus personne au chômage après un licenciement économique si nous sommes capables ensemble de définir un dispositif unique sur la totalité du territoire français pour les indemniser et leur proposer, en échange de cette indemnisation, une formation ou l'acceptation d'un emploi. On a testé, on a multiplié les bassins d'emploi sur le CTP. Et ca marche. Rien n'est pire que quelqu'un se retrouve dehors, alors qu'il n'y est pour rien, abandonné chez lui alors qu'il n'a qu'une seule envie : celle de travailler et faire vivre sa famille.
Permettez-moi dans ce cadre de saluer la mobilisation des agents de Pôle emploi qui ont été professionnels, qui ont été dévoués dans un contexte extrêmement difficile. Je ne prétends pas que tout soit parfait. Mais, ici encore, qui réclame le retour à l'ancien système, ANPE d'un côté, ASSEDIC de l'autre ? Qui le fera ? Je suis très conscient de toutes les faiblesses. Mais je veux souligner que les 40 000 personnes qui ont travaillé à Pôle Emploi dans la crise, qui ont accepté d'apprendre un nouveau métier, sont dignes de la reconnaissance de la communauté nationale. Et je n'entends personne qui ose dire aujourd'hui qu'il faudrait revenir l'ancien système où il y avait d'un côté une administration pour indemniser et de l'autre, une administration pour placer. Le ministre sera évidemment attentif aux propositions que vous ferez, mais là aussi, c'est une réforme sur laquelle, je suis persuadé, personne ne reviendra.
Enfin, je souhaite qu'en 2011 nous mettions la priorité sur l'emploi des jeunes. La crise ne peut pas servir d'alibi et il faut reconnaître avec honnêteté que la France a un problème structurel d'accès à l'emploi des jeunes, qui suscite une grande inquiétude.
Je pense qu'il faut faire preuve de pragmatisme : je ne crois pas au énième plan miracle, je pense qu'il faut s'appuyer sur des outils qui ont fait la preuve de leur efficacité. Certes, il y a une spécificité française que je souhaite abandonner. Cette spécificité française, c'est qu'il y a un tiers des jeunes de 16-20 ans qui passent par l'alternance en France, contre deux tiers en Allemagne. Donc, il y a moins de jeunes au chômage en Allemagne. Il n'y a pas besoin d'inventer un nouveau plan, il faut s'inspirer de ce qui marche chez les autres. Il faut qu'il y ait les deux tiers des jeunes français qui passent par l'alternance. Et pour cela tous les efforts qui seront faits, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, pour renforcer l'alternance, seront bienvenus.
Je fais confiance à Xavier BERTRAND et Nadine MORANO pour que ces sujets avancent très rapidement.
Pour terminer, je souhaiterais dire quelques mots sur un sujet qui fait depuis quelques jours l'objet de nombreuses interventions, celui des 35 heures.
D'abord, j'espère que vous ne me reprocherez pas, compte-tenu de tout ce que j'ai dit publiquement depuis de très nombreuses années, de dire que je suis heureux que les conséquences défavorables des 35 heures, sur la compétitivité des entreprises, sur le pouvoir d'achat des salariés, et sur les finances publiques, conséquences désastreuses soient aujourd'hui reconnues au sein de toutes les grandes familles politiques. Il a fallu dix ans. Je voudrais dire une deuxième chose. Depuis 2007, je rappelle que les 35 heures mises en place par Mme AUBRY, 35 heures obligatoires et rigides, ont disparu, puisque nous avons supprimé les obstacles aux heures supplémentaires pour les entreprises et pour les salariés, qui ont été 5,3 millions en 2010, malgré la crise, à bénéficier de l'exonération fiscale et sociale. Pour un ouvrier au salaire moyen qui fait deux heures supplémentaires par semaine, le gain net de pouvoir d'achat est de 150 euros par mois. Je ne sais pas comment on peut dire aux salariés qu'ils pourront gagner davantage sans travailler davantage. Et c'est toute l'affaire des heures supplémentaires.
Aujourd'hui les 35 heures, uniformes et obligatoires, n'existent plus. Pour autant, je considère qu'il n'est pas de sujets tabous. Et je le dis d'autant plus clairement que la crise a changé la donne. La question du coût du travail, la question de la compétitivité de nos entreprises sont de véritables questions que nous ne pouvons mettre de côté. Et si les partenaires sociaux ou les partis politiques ont des propositions à faire, bien évidemment le Gouvernement y sera attentif. Avec cependant une préoccupation : ne pas toucher au pouvoir d'achat des salariés, je ne l'accepterai pas. Et une deuxième préoccupation : ne pas peser sur la compétitivité de nos entreprises. Je n'ai pas été élu pour cela mais au contraire pour donner aux entreprises les moyens de se battre dans la compétition internationale.
Défi dans le champ de la fonction publique :
Enfin, je souhaiterais dire quelques mots sur la fonction publique devant les ministres concernés. La Fonction publique a engagé un mouvement de modernisation sans précédents depuis 1958. Tous les freins à la mobilité et au travail des fonctionnaires ont été levés. Leur rémunération reflète davantage leur mérite. Ils sont moins nombreux. J'assume ce choix et j'accepte les désaccords que nous pouvons avoir. Mais je ne sais pas comment on peut à la fois réduire les déficits et augmenter les dépenses publiques. Ils sont aussi mieux payés. La progression du pouvoir d'achat, y compris sur l'année 2009, a été de près de 3,5%.
Ce sont là des évolutions considérables. Je veux dire aux fonctionnaires qu'ils doivent êtres fiers de ce qu'ils ont accompli, du souci de l'intérêt général, du service des autres, de la cohésion nationale. Je pense que c'est une grave erreur de vouloir opposer le secteur privé au secteur public, qu'il y a de l'excellence dans le secteur public comme dans le secteur privé, qu'il y a du dévouement dans les deux cas.
Cette année nous tiendrons les engagements du "pacte de progrès" que j'ai proposé aux agents publics en 2007. Avec la rémunération au mérite, avec les fusions de corps, l'amélioration des conditions d'emploi des agents non titulaires, sujet que j'évoquais avec Georges TRON et François BAROUIN encore il y a quelques jours. L'État ne peut pas donner le mauvais exemple alors qu'il n'accepterait pas que des entreprises le fassent. Et nous continuerons à travailler pour le pouvoir d'achat des fonctionnaires.
Défi dans le champ du vieillissement avec la réforme de la dépendance :
Enfin, comme je m'y suis engagé, cette année sera celle du grand chantier de la prise en charge de la perte d'autonomie. Roselyne BACHELOT s'en occupe. Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes dépendantes devrait augmenter entre 30 à 50% d'ici à 2040. Comme nous l'avons fait sur les retraites, je considère qu'il est de notre devoir d'anticiper cette évolution. La France n'est pas condamnée à devoir prendre les décisions toujours en catastrophe après les autres alors qu'il est quasiment trop tard. Je sais que c'est un défi absolument immense.
Comment faire en sorte que notre société puisse garantir à chacun qu'il sera accompagné, protégé et qu'il verra sa dignité respectée jusqu'à la fin de sa vie ?
Comment permettre aux personnes dépendantes de financer leurs besoins, que ce soit pour rester à domicile ou pour être accueillies en établissement ? Savez-vous qu'il y a aujourd'hui 20% des personnes dépendantes qui ont les moyens de payer une maison médicalisées, une maison de retraite ? Est-ce que l'on peut continuer comme cela ? C'est une question à poser.
Comment assurer une couverture équitable du territoire en termes de taux d'équipement et de conditions de traitement, comment former les personnels nécessaires alors qu'il existe des listes d'attente partout de gens qui attendent pour rentrer ?
Comment accompagner l'entourage si dévoué des personnes dépendantes, notamment les aidants familiaux qui consacrent souvent leurs jours et leurs nuits à s'occuper des malades dans une société où l'évolution du travail féminin est considérable. Qui peut dire aujourd'hui que si ses parents tombent dans la dépendance, il y aura quelqu'un dans la famille, dans la génération du dessous pour s'en occuper ? Et qui peut dire, compte tenu de la taille des appartements, que chacun aura la place pour accueillir son père ou sa mère dépendant ? Nous savons que cela arrive, personne ne peut en douter, les chiffres sont sur la table. Nous savons très exactement ce qui va se passer. Alors la question que je pose est la suivante : faisons-nous quelque chose ou ne faisons-nous rien ? Si on ne fait rien, ce sont nos successeurs qui devront le faire, sans aucune marge de manoeuvre parce qu'ils subiront le choc. La stratégie que je vous propose c'est que nous anticipions le choc et que nous fassions quelque chose même si naturellement il y aura des décisions difficiles à prendre. Mais vous savez, sur mon bureau, les décisions qui ne sont pas difficiles ont été prises largement au niveau en dessous.
C'est un chantier qui sera conduit par le Premier ministre, par Roselyne BACHELOT et par Marie-Anne MONTCHAMP. Et je leur fait toute confiance. Roselyne BACHELOT a d'ailleurs déjà commencé les consultations.
J'ai souhaité que le nouveau CESE soit saisi de la problématique de la dépendance, je me rendrai prochainement à l'invitation de son président, Jean-Paul DELEVOYE.
Voilà Mesdames et Messieurs, comme d'habitude je vous ai parlé franchement. Mais je voudrais que vous sachiez en terminant ces propos que je respecte profondément l'engagement qui est le vôtre. Qu'il s'agisse des syndicats de salariés ou des organisations patronales. Vous êtes des gens engagés, et toute ma vie je me suis engagé. Et chacun dans votre domaine, vous êtes soumis à la critique, notamment à la critique de ceux qui ne s'engagent pas et qui trouvent toujours que ceux qui s'engagent ne l'ont pas fait suffisamment ou pas dans les bonnes conditions. Si cela avait été eux, ils l'auraient fait mieux.
Mais je veux souligner, en tant que président de la République, et quel que soit la profondeur de nos désaccords, l'image qu'a donné la France en 2010 : celle d'un pays qui, sans violence, grâce à l'esprit de responsabilité de chacun, a pu affronter un rendez-vous aussi important que celui des retraites. Chacun d'entre vous a participé au rayonnement de la France. Cette France qui était décrite comme incapable de se réformer. Cette France qui était décrite comme un pays violent avec tant de blocage. Grâce à vous, avec vous, quel que soit nos désaccords, nous avons montré qu'en 2010 on pouvait se parler, on pouvait assumer ses responsabilités lorsque l'on était au gouvernement de la France, et continuer l'année 2011 avec le souci d'être utile au pays.
Je vous remercie en vous adressant bien sûr mes voeux les plus sincères pour vos familles, pour vos proches, pour tous ceux que vous aimez.
Bonne année à tous.