10 décembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la coopération franco-allemande notamment dans le cadre de la Zone euro, à Fribourg (Allemagne) le 10 décembre 2010.

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Merci Chère Angela. François Fillon et moi-même tenons à te remercier d'avoir eu l'idée d'organiser, dans cette magnifique ville de Fribourg, ce sommet. Je voudrais dire combien est importante, aux yeux de la France, la collaboration avec l'Allemagne. Et pour nous c'est un honneur que de recevoir des soldats allemands dans un cadre de paix sur le territoire de la République française.
J'ai toujours été étonné que la brigade franco-allemande ne soit vécue comme une installation de soldats français en Allemagne. Nous sommes deux pays souverains, deux pays en paix, deux pays qui sont fondateurs de l'Europe et donc sachez bien que, pour tous les Français, c'est un nouveau signal de la profondeur de notre amitié et de la volonté d'enraciner l'amitié entre les peuples allemands et français de façon définitive.
Nous avons bien sûr avec Mme Merkel - et je ne reviendrai pas sur ce qu'elle a dit puisque je partage pleinement son opinion -, parlé de l'Europe et de l'euro. Que les choses soient très claires, nous sommes profondément attachés à l'euro. Nous défendrons l'euro parce que l'euro, c'est l'Europe et l'Europe, c'est une part de l'avenir de nos pays. L'Europe c'est la partie non négociable de l'avenir de nos pays. Notre détermination est totale, Allemands et Français.
Et je dois dire que la confiance et l'amitié entre nous se renforce à chaque fois £ et je suis heureux de voir la convergence de nos analyses, qui nous amènera à faire des propositions structurelles s'agissant de la meilleure façon d'enraciner l'Europe et l'euro dans le courant de l'année 2011.
Par ailleurs, avec François Fillon, nous avons décidé la convergence de nos fiscalités avec l'Allemagne et je remercie la chancelière de son ouverture, c'est très important. On ne peut pas dire à nos partenaires : «nous sommes dans la zone euro, il faut converger pour défendre l'euro» et nous, Allemands et Français, donner le mauvais exemple. Donc cette convergence allemande et française n'est dans notre esprit que le prélude de la nécessaire convergence économique dans la zone euro, bien sûr, et plus largement dans l'ensemble de l'Union européenne.
Enfin, s'agissant du G20, ce n'est pas que la France veut associer l'Allemagne à sa présidence, c'est que la France veut travailler main dans la main avec l'Allemagne sur les objectifs ambitieux qui sont les nôtres, notamment sur la définition du nouvel ordre monétaire international, où la chancelière Merkel jouera un rôle essentiel en Chine et puis tout au long de l'année pour présenter, en France en novembre au Sommet du G20, les premières propositions de réforme de l'ordre monétaire international.
Au fond, cette Présidence française nous aimerions la vivre avec nos amis allemands et plus largement avec nos amis européens. L'Europe a des idées, un modèle et c'est maintenant que ces idées et ce modèle doivent être défendus sur la scène internationale. Au début de ce XXIème siècle, à un nouveau monde doivent correspondre de nouvelles idées. Et ces nouvelles idées, c'est l'Allemagne et la France qui doivent, au premier rang, les porter.
Je vous remercie.
Q - Est-ce que votre refus d'envisager la création d'obligations européennes et une augmentation du fonds de stabilité financière est définitif ou est-ce que la porte est encore ouverte pour l'avenir ? Et puis récemment, mardi je crois, le ministre allemand de l'Economie et des Finances, s'est dit prêt à envisager davantage de mutualisation pour répondre à la crise de la dette en contrepartie de davantage d'intégration politique européenne. Qu'est ce que vous en pensez l'un et l'autre ?
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R - Sur le dispositif, je vous l'ai dit, nous ferons ce qu'il faut pour défendre l'euro et je n'ai rien à dire de précis, si ce n'est à affirmer une volonté politique très déterminée.
S'agissant des «euro-bonds», je crains de ne pas avoir tout saisi. S'il s'agit de faire monter la dette au niveau de l'Europe, cela aurait un effet déresponsabilisant pour chaque Etat. Or on veut exactement le contraire, c'est-à-dire responsabiliser les Etats et non pas les déresponsabiliser.
Si un jour il y davantage d'intégration, une politique économique beaucoup plus harmonisée, est-ce que l'on peut en reparler ? Peut-être. Mais en l'état actuel des choses, la position de la France est exactement la même que la position de l'Allemagne.
Q - Madame la Chancelière, le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a critiqué vivement l'Allemagne, notamment le fait que vous rejetiez l'idée des «euros-bonds» et a dit que l'Allemagne faisait preuve de simplisme. Est-ce que cela vous a touché, Monsieur le Président ?
R - Ecoutez Monsieur, je suis très heureux de répondre à cette question. Quand il s'est agi de faire un dispositif de soutien pour aider les pays membres de la zone euro qui étaient attaqués, le premier contributeur à ce dispositif de soutien, c'est l'Allemagne, le deuxième contributeur, c'est la France. Je pense que l'on ne peut pas traiter d'égoïstes des pays qui sont le premier contributeur et le deuxième contributeur. Dans la vie politique, il y a ce que l'on fait et puis ce que l'on dit. L'Allemagne, en acceptant d'être le premier contributeur, et la France, en acceptant d'être le deuxième contributeur, ont démontré leur solidarité européenne et je ne pense pas qu'il y ait des leçons à recevoir en la matière.
Deuxièmement, s'agissant de l'«euro-bond», je ne pense pas que nous ayons été consultés avant que cette idée soit émise et donc ce n'est insulter personne de dire que l'on n'est pas d'accord £ c'est simplement exprimer un avis ou une opinion. Si on nous l'avait dit avant, peut-être que l'on aurait pu mieux comprendre, mais enfin on ne peut pas être les seuls à ne pas pouvoir donner notre opinion. Je ne suis pas persuadé que les citoyens français et les citoyens allemands seraient très heureux que Mme Merkel et moi-même, nous acceptions de mutualiser la dette de toute l'Europe alors même qu'il n'y a pas assez d'harmonisation économique, pas assez d'harmonisation fiscale, pas assez d'harmonisation budgétaire. Il faut réfléchir - ce n'est pas interdit - avec sang froid, spécialement lorsque l'on a à faire face à une crise de cette nature.
L'Allemagne et la France, nous avons été amenés à faire des propositions. Nous les avons faites avec un seul souci : la solidarité en Europe, l'intérêt de l'euro et l'intérêt de la construction européenne. Et si nous n'avions pas fait ces propositions, il n'y aurait pas eu d'alternative. Chacun a le droit d'avoir des idées, aucune n'est insupportable et sur les «euros-bonds», peut-être même qu'un jour, si l'on arrive à faire davantage d'intégration économique, davantage d'intégration fiscale, davantage d'intégration budgétaire, on peut en reparler. Mais en l'état actuel des choses, il y a une expression en France qui dit : «il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs».
Q - Madame la Chancelière, vous avez parlé tout à l'heure de faiblesse structurelle au sein de la zone euro et indiqué que vous souhaitiez mettre ces sujets tous les deux sur la table la semaine prochaine à Bruxelles. Concrètement, qu'est-ce que vous attendez comme engagement pour s'attaquer à ces faiblesses de la zone euro ?
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R - Oui exactement. La semaine prochaine on va se mettre d'accord sur la rédaction de la réforme du traité, ce qui est déjà quelque chose de très important, pour assurer la pérennisation du dispositif que nous avons créé au courant de l'année 2010. Nous formulons un constat commun qu'il s'agit d'une crise structurelle et qu'il faut donc des réponses structurelles. Nous allons apporter des réponses structurelles ensemble, Allemands et Français, au service de l'Europe. C'est le travail des premières semaines de l'année 2011.
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Q - Il y a eu cet accord de Deauville. Est-ce qu'il y a eu des accords pendant la promenade de Fribourg, comme lors de la promenade de Deauville ? Et est-ce que vous allez soutenir la candidature de M. Weber à la tête de la BCE ?
R - Je comprends l'aspect romantique de la promenade de Deauville. Mais enfin, j'aimerais que vous notiez le fond de la discussion à Deauville. Et je dois à la vérité de dire que la chancelière et moi-même, nous arrivons de mieux en mieux à travailler ensemble, à comprendre les lignes rouges de chacun et à faire converger nos efforts. C'est d'ailleurs à ce titre que le prochain Secrétaire général du Conseil européen sera un Allemand. La France a été heureuse de soutenir de touts ses forces la candidature d'un homme remarquable, pour qui j'ai beaucoup de respect et de l'amitié, s'il le permet, M. Corsepius.
Je dois dire que - est-ce que c'était la neige ou le nombre de personnes qui étaient là - l'on avait l'impression qu'il y avait toute la ville de Fribourg. Mais nous n'avons pas parlé du problème de la BCE, puisqu'il ne se pose pas aujourd'hui. Mais nul ne doute que nous en parlerons le moment venu.
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