22 novembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations entre la France et les pays arabes, à Paris le 22 novembre 2010.


Monsieur le Président Hervé de Charette,
Monsieur le Secrétaire Général de la Ligue des États arabes,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue, à l'issue d'une journée tout entière consacrée à évoquer la diversité et les perspectives des relations entre la France et le monde arabe à l'occasion du 40ème anniversaire de la Chambre de Commerce franco-arabe.
Relations économiques et commerciales, bien sûr, puisque telle est la vocation première de la Chambre. Mais les thèmes des différentes tables rondes qui se sont réunies couvraient un champ bien plus large, à l'image des liens multiples qui existent entre les pays arabes et la France, entre les peuples arabes et français, sans oublier les Français originaires de ces pays, qui jouent naturellement un rôle spécifique dans cette relation.
Vous avez souhaité donner, Monsieur le Président de Charrette, un relief particulier à ce 40ème anniversaire parce que, sous votre impulsion, la Chambre de Commerce connaît un véritable renouveau. Elle est à sa place de carrefour dans les rapports économiques entre notre pays et le monde arabe.
De nouvelles initiatives sont prises, l'organisation l'an prochain d'un forum « France -- pays du Golfe ». La Chambre a créé un Institut français de finance islamique, très important, la Chambre porte un intérêt soutenu aux PME et c'est une orientation très opportune tant il est vrai que notre commerce extérieur, M. Lellouche demeure encore trop dépendant des grands contrats, conclus par des grands groupes et pas assez par des PME.
J'encourage ce renouveau. Il est important qu'à travers la Chambre de commerce, les entreprises, en France et dans le monde arabe, disposent d'un point de rencontre fiable, réactif et opérationnel.
Le nombre de participants qui ont souhaité être présents à cette journée de séminaire et qui sont ici ce soir montre combien cette rencontre était attendue.
Sur le plan commercial, nous avons 50 milliards d'euros d'échanges avec les pays d'Afrique du Nord, du Moyen Orient et du Golfe c'est 15% de notre commerce extérieur et parmi les dix premiers excédents de la France à l'étranger figurent quatre pays de ces régions. Et lorsque je parle d'échanges, c'est bien de cela qu'il s'agit car une dimension essentielle du commerce aujourd'hui, c'est la question du transfert de savoir-faire et de technologies.
Ces échanges sont en constante augmentation depuis trois décennies, et cela ne tient pas seulement compte de l'augmentation du prix des hydrocarbures : ventes d'automobiles, d'avions, de produits agro-alimentaires, de produits de luxe, de produits pharmaceutiques... C'est une réelle diversification des secteurs concernés.
Pourtant, nos parts de marché dans les pays arabes varient beaucoup, nous avons de fortes positions au Maghreb, et disons-le, des situations moins bonnes au Proche Orient et dans le Golfe. Dans ces pays, où nous sommes souvent 5ème ou 6ème fournisseur, nous avons deux ou trois pays européens devant nous, nous pouvons à l'évidence gagner du terrain.
Même constat pour les investissements : nous sommes au premier rang au Maghreb, nous sommes bien placés en Égypte, mais nous avons des marges de progression au Moyen Orient et dans le Golfe. Parallèlement, nous souhaitons et nous devons être plus attractifs pour les investisseurs arabes en France, et je fais d'ailleurs un lieu avec la finance islamique parce que tout ceci s'inscrit dans la même logique.
Les pouvoirs publics sont pleinement engagés pour encourager cette volonté : des institutions comme UBIFRANCE ont vocation à vous apporter le concours nécessaire pour développer vos projets £ nos ambassades ont instruction d'être à l'écoute des acteurs économiques le temps est révolu où les diplomates n'entendaient pas se mêler de commerce £ les choses ont heureusement bien changé.
Au-delà de l'action de l'État, au-delà des mesures de nature juridique ou économique, il y a une spécificité dans la relation franco-arabe qui tient aux liens humains tissés par l'histoire et, disons-le, par une passion réciproque. Ces liens humains sont au coeur de cette relation, dans tous les domaines.
Ces liens font la richesse et la diversité de cette relation et ces liens permettent d'envisager une intégration sereine. Une intégration qui ne renie pas ce que l'on est et d'où l'on vient, sinon on dirait une assimilation. Et si nous avons retenu le mot intégration cela à un sens, car on est intégré avec son identité £ l'assimilation c'est autre chose. Une intégration qui permet à chacun d'apporter ses talents et son savoir à la société française et de trouver sa place dans notre République.
Rester soi-même et s'intégrer : il n'y a pas de contradiction. Ceux qui prétendent le contraire n'adhèrent pas aux valeurs de notre pacte républicain, a fortiori lorsqu'ils tentent de dissuader ou de culpabiliser celles et ceux qui ne demandent qu'à vivre selon les moeurs et les usages de notre pays. Cette petite minorité qui veut culpabiliser ne doit pas faire passer au second plan les efforts et la réussite de millions de Français d'origine étrangère, notamment du monde arabe.
Il n'y a pas non plus de contradiction entre le maintien de notre tradition d'ouverture et une politique stricte de contrôle de lutte contre l'immigration irrégulière. Il y a d'ailleurs d'autant moins de contradiction que nombre de pays arabes sont devenus maintenant non plus des pays d'émigration, mais des pays d'immigration, donc ils peuvent parfaitement comprendre la politique que nous mettons en oeuvre, parce qu'eux-mêmes sont confrontés à cette réalité, qui est d'ailleurs une réalité qui montre que les rapports, les difficultés ne sont pas simplement vécues Nord-Sud, mais qu'il y a nombre de pays dit du Sud qui deviennent des pays d'immigration.
Nous voulons garder notre capacité à intégrer et pour garder notre capacité à intégrer nous devons impérativement des deux côtés de la méditerranée maîtriser les flux migratoires. Les premiers à s'inquiéter des effets de l'immigration irrégulière sont bien souvent des personnes issues de l'immigration, qui voient au quotidien que les possibilités d'accueil et d'absorption de leur environnement social touchent leurs limites.
Cette rencontre organisée par la Chambre de commerce franco-arabe à mes yeux a une portée qui va bien au-delà de votre « coeur de métier », si vous me permettez cette expression. Je salue d'ailleurs la place de nombreuses femmes parmi vous. Elles sont pionnières dans les questions d'intégration et je suis très heureux de voir qu'elles représentent plus d'un quart des participants à votre séminaire.
L'égalité entre les sexes -- égalité des chances, égalité des droits, égalité des libertés -- est indissociable de la notion d'intégration car elle est à la base des valeurs de notre République et elle est non négociable. Sur le territoire de la République française, les hommes et les femmes sont à égalité. On ne négocie pas avec cela. Je sais bien le débat un peu fumeux sur le respect des cultures de chacun. Il faut respecter les cultures de chacun mais il y a des valeurs qui sont des valeurs universelles et le respect de la femme, l'égalité de la femme et de l'homme, c'est une valeur universelle. C'est un point où la République ne peut en aucun cas transiger, si peu que ce soit.
Vous savez également l'importance de nos relations dans notre politique extérieure. Il n'y a pas de semaine sans que je m'entretienne, à Paris ou à l'étranger, avec des dirigeants du monde arabe. Je ne crois pas me tromper en disant que la France jouit d'une réelle écoute dans ces pays. Nous avons avec tous les responsables de ces régions un dialogue amical, confiant, utile. En témoigne l'engagement de la France en faveur de l'Union pour la Méditerrané. Malgré les grandes difficultés liées à la situation politique régionale. La France ne renoncera pas au projet d'Union pour la Méditerranée qui est un élément majeur de sa politique étrangère.
La question du Proche-Orient est naturellement une préoccupation majeure pour nous tous. Le blocage du processus de paix empêche, je veux le dénoncer parce que ce blocage empêche non seulement deux peuples, le peuple israélien et le peuple palestinien de vivre normalement, côte à côte, en paix et en sécurité mais de surcroît, il freine les efforts de développement de toute une région. La paix, ce n'est pas uniquement l'absence de conflit mais une condition pour le progrès économique et social, qui est lui-même déterminant pour lutter contre l'extrémisme. C'est un ensemble.
Nous ferons tous les efforts pour relancer les négociations. Pourtant, la France estime qu'une réflexion sur la méthode suivie pour parvenir à un règlement reste nécessaire. Je reste convaincu qu'il faut une approche plus collective, plus concertée, plus rapide et plus volontariste.
Tout le monde connaît les paramètres de la paix £ le blocage actuel, en vérité, il dure depuis dix ans et ce blocage, il n'a profité qu'à une catégorie de personne : les extrémistes. Voilà les seuls vainqueurs du blocage. Aussi attaché que je le suis à la sécurité d'Israël, je reste profondément convaincu que la véritable sécurité pour Israël, c'est l'existence d'un État palestinien souverain, démocratique, moderne, qui s'engage sur le droit à la sécurité imprescriptible d'Israël. Je le dis : plus on attend, plus on accumule les souffrances, les frustrations et les difficultés £ plus on fragilise ceux qui, de part et d'autre, croient et travaillent sincèrement à une solution pacifique et négociée. La France est l'amie de tout le monde dans la région, mais la France n'en tire pas la conclusion qu'elle ne doit pas être franche et dire des choses.
Cher Président de Charette, Chers amis, je terminerai en formant des voeux de plein succès pour la Chambre de commerce franco-arabe, qui a montré aujourd'hui la nécessité mais aussi la réalité de son renouveau au service des relations entre la France et le monde arabe.
J'associe M. Baudis, qui préside avec beaucoup de talent l'Institut du monde arabe. J'ai eu l'occasion à de multiples reprises de me rendre avec lui dans nombre de pays.
Je voudrais vous dire en terminant ma satisfaction de vous voir ici, nombreux. Et le fait que j'aie tenu avec mes ministres à vous recevoir à l'Élysée montre l'importance que j'attache aux relations entre la France et les mondes arabes. Parce que je voudrais dire que, je le dis au Président de la Ligue, il y a une unité du monde arabe mais il y a des mondes arabes. Et ce n'est pas insulter qui que ce soit que de reconnaître la diversité du monde arabe. Comme il y a une diversité du monde européen. Comme il y a une diversité du monde d'Amérique latine. Cela ne veut pas dire qu'il faut adapter son discours à chacun mais il y a une grande diversité entre le Maghreb et les États du Golfe. Ce n'est pas exactement la même chose. Il y a des pays arabes qui sont en même temps des pays africains, qui se revendiquent d'ailleurs comme africains et arabes. Il y a des pays qui se revendiquent comme exclusivement arabes. Mais nous, nous la France, nous voulons avoir l'écoute, la confiance et l'amitié de ces mondes arabes qui apportent tant au monde, qui ont tant apporté à son histoire. Je veux dire d'ailleurs que c'est très important de garder la diversité de ce monde arabe. Je crois beaucoup au mot diversité.
Vous êtes d'ailleurs originaires de régions où, depuis la nuit des temps, on cohabite, dans une diversité qui a toujours été acceptée, qui a toujours existé et qui fait votre richesse.
Le mot « démocratie » est un peu connoté occidental, mais le mot diversité, il est tout à fait connoté oriental. Cette diversité, vous l'avez vécue depuis des siècles. Il n'y a aucune raison que vous ne l'ayez pas, et c'est d'ailleurs pour cette raison que la France est tellement attachée au Liban, à la plénitude et à l'unité de l'Irak. La France a beaucoup milité pour le maintien d'un Irak uni, pour la présence d'un État palestinien et la présence d'un État israélien, parce que ça participe de la conception que nous avons de la diversité.
La diversité, c'est une richesse. C'est une richesse chez nous, c'est une richesse dans le monde arabe. Et je le dis en pensant à tout ce qui se passe de douloureux, notamment pour certains chrétiens. Je le dis parce que je crois que le monde arabe a toujours été ouvert sur l'extérieur et il doit continuer à l'être. Il n'y a pas de raison qu'il se referme. Ce serait un grand appauvrissement, c'est ce que je pense profondément, de même que je pense que Chiites et Sunnites doivent vivre ensemble. Ce ne serait pas un progrès du XXIème siècle qu'une exclusion des uns par les autres.
Je suis allé bien au-delà de mon discours, mais c'était pour dire que moi aussi je m'inscris dans cette passion franco-arabe qui existe depuis si longtemps.Merci à tous.