2 novembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, notamment sur la coopération militaire franco-britannique, à Londres le 2 novembre 2010.

M. David CAMERON -- Merci Mesdames et Messieurs, je suis ravi de pouvoir accueillir à nouveau ici à Londres à mon cher ami, le Président SARKOZY. C'est un grand chef d'État, c'est un très grand ami de notre pays et c'est pour moi un ami personnel. Nous avons eu de très bons entretiens sur l'Europe. Nous nous sommes mis d'accord sur la nécessité pour l'Union européenne d'exercer une responsabilité réelle en matière de budget dans les années à venir. Sur le G20, nous attendons avec intérêt le sommet de Séoul et la nécessité de parler des priorités pour l'année prochaine. Je suis sûr que la Présidence de Nicolas sera un grand succès. En ce qui concerne la question centrale de l'immigration, nous sommes d'accord sur des mesures pour renforcer la coopération déjà excellente que nous avons en ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine. Et nous avons également parlé de la candidature 2018 -- pour la Coupe du monde -- de l'Angleterre, à laquelle je tiens beaucoup. Mais ce dont nous avons essentiellement parlé, c'est notre coopération future en matière de défense et de sécurité et c'est sur quoi j'aimerais concentrer mes propos aujourd'hui.
Les événements des dernières 72 heures nous ont rappelés que nos sociétés et notre sécurité n'ont jamais été aussi imbriquées les unes dans les autres et que dès lors que les menaces terroristes, du cyberespace, de la prolifération nucléaire franchissent les frontières, notre réaction doit également être transfrontalière. Nous devons donc coopérer plus étroitement entre partenaires, entre alliés. Nos experts doivent travailler main dans la main sur le Yémen, nos spécialistes en matière de transport doivent rapprocher leurs informations. Les terroristes pensent que le fait que nos sociétés soient ouvertes, que nous soyons ouverts sur le monde et connectés, c'est une faiblesse. Ils se trompent. Nicolas et moi-même, nous sommes déterminés et résolus à montrer que c'est au contraire la source de notre force, de notre solidarité et que c'est cette force qui nous fera gagner contre le terrorisme. Nous ouvrons ainsi un nouveau chapitre dans les relations en matière de sécurité et de défense entre la Grande-Bretagne et la France.
Nous avons signé deux traités : l'un engage nos forces de premier rang à travailler plus étroitement que jamais et l'autre porte sur la coopération en matière de sûreté nucléaire. Le résultat, c'est que nos citoyens seront en plus grande sécurité, en plus grande sûreté et seront mieux protégés dans cette ère d'incertitude que nous connaissons. Cela nous aidera également à maintenir et renforcer nos défenses à un moment où l'austérité budgétaire est de mise.
Je voudrais tout d'abord rejeter un certain nombre d'idées reçues ou de mythes. Il ne s'agit pas, comme certains le suggère, de diminuer la souveraineté française ou britannique, il ne s'agit pas de mettre en place une armée européenne, il ne s'agit pas de partager notre dissuasion nucléaire. Je veux être très clair là-dessus, la Grande-Bretagne et la France sont et resteront toujours des nations souveraines, capables de déployer leurs propres forces armées de façon indépendante, selon notre intérêt national, au moment où nous l'estimons bon. Mais n'oublions pas non plus que les seuls moments où les forces britanniques se sont déployées seules au cours des 30 dernières années a été en Sierra Leone et dans les Malouines. L'essentiel de nos opérations - la Bosnie, le Kosovo et l'Afghanistan notamment - ont été conduites ensemble, conjointement avec nos alliés.
Donc je vais vous dire ce que contient ce traité franco-britannique de défense. Il s'agit de défendre nos intérêts nationaux, il s'agit de mettre en oeuvre une coopération pratique et bien comprise entre nos pays, il s'agit de répartir et de partager les coûts de développement, de soutien, d'éviter le double emploi, de coordonner le logistique, d'ajuster les programmes. Si nous faisons tout cela, alors nous pourrons étendre notre souveraineté en matière de capacité, mais à un moment d'austérité budgétaire. La France et la Grande-Bretagne sont des partenaires naturels, nous sommes 4ème et 5ème dans le monde en matière de dépenses de défense et nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous avons tous deux la volonté et la capacité de jouer notre rôle sur la scène mondiale. Le Président SARKOZY a montré son sens du leadership en ramenant la France dans le commandement de l'OTAN et je l'en félicite, et c'est une autre raison pour laquelle la France est de façon logique, pratique et évidente un partenaire naturel pour la Grande-Bretagne en matière de défense.
Vous pourrez prendre connaissance des détails en vous reportant au traité. C'est le début de quelque chose de nouveau, ce n'est pas la fin d'un processus. Je voudrais juste mettre l'accent sur un certain nombre de choses précises.
Premièrement, nous allons créer une force expéditionnaire interarmées commune, il s'agit de se déployer rapidement sur des opérations conjointes si nous le souhaitons, mais nous garderons la capacité de nous déployer séparément.
Deuxièmement, nous allons coopérer en matière de porte-avions. Le dernier gouvernement a commandé des porte-avions qui ne pouvaient pas fonctionner facilement avec nos partenaires -- la France et les États-Unis -- c'était de la folie. Grâce à la décision que nous avons prise, nous allons adapter notre capacité de porte-avions pour pouvoir opérer avec la France et les États-Unis. Et au moment où arrivera le nouveau porte-avion, à la fin de la décennie, nous aurons la capacité de déployer des forces aéronavales intégrées franco-britanniques, de sorte qu'il y aura toujours un porte-avion qui sera disponible pour des opérations.
Troisièmement, nous allons coopérer en matière d'équipement. Nous allons travailler ensemble sur l'achat de l'avion de transport A400M et nous allons partager notre soutien en matière de logistique. Il y aura également les drones et les technologies en matière de cybersécurité.
Quatrièmement, même si nous conserverons toujours une dissuasion nucléaire indépendante, il nous faut rechercher plus d'efficacité dans l'infrastructure nécessaire pour développer et soutenir nos deux dissuasions. Donc plutôt que de faire la même chose de façon séparée, effort qui serait coûteux pour la sécurité de nos moyens, nous allons partager notre connaissance, nos expertises et ainsi économiser des millions de livres.
Notre histoire est commune avec deux guerres mondiales, nos troupes courageuses se battent tous les jours côte à côte en Afghanistan. Je conclurai en disant qu'il s'agit d'un traité qui est fondé sur le pragmatisme, pas seulement les sentiments, et je remercie Nicolas d'avoir, avec moi, pris ces décisions courageuses et importantes qui à mon avis feront que nos nations souveraines seront plus en sécurité.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT -- Merci David. A mon tour de dire combien la délégation française et moi-même sommes heureux d'être les invités de nos amis Anglais, combien nous voulons travailler main dans la main avec vous et combien nous admirons le courage et la vision de David CAMERON et de son gouvernement.
Toutes les conditions sont réunies pour une relation absolument exceptionnelle entre la Grande-Bretagne et la France. Deux membres permanents du Conseil de Sécurité, deux puissances nucléaires, deux industries de défense performantes et à nous deux, Anglais et Français, nous représentons la moitié du budget de défense de toute l'Europe. L'évidence de la collaboration, de l'amitié et de la confiance entre nous s'impose.
Nous avons décidé de lancer une coopération nucléaire militaire. C'est une décision sans précédent. C'est un niveau de confiance entre nos deux nations jamais égalé dans l'Histoire. Nous allons donc partager une installation de simulation en France liée à nos dissuasions nucléaires et un centre de recherche associé.
Nous avons signé un traité de défense qui va nous permettre de mettre en place une force expéditionnaire commune, qui pourra faire des opérations de haute intensité en cas de crise. Je remercie David CAMERON d'avoir choisi de mettre des catapultes sur les porte-avions anglais. Cela va nous permettre, et c'est très important, de déployer un groupe aéronaval vraiment intégré autour de nos porte-avions. C'est une décision extrêmement importante de la part de nos amis Anglais.
Les drones : en dehors des petits drones tactiques, il n'y a aucun drone européen, cela ne peut pas durer. Nous lançons aujourd'hui les travaux pour un futur drone de surveillance dans les dix ans.
L'industrie : nous allons unifier le secteur des missiles franco-britanniques avec de nouveaux programmes de missiles.
La cyber-défense : nous allons développer la coopération de cyber-défense qui est un enjeu majeur.
La liste est longue, qui va créer des interdépendances nouvelles -- je l'assume -- dans le respect de notre souveraineté. Et vous savez, mes chers amis Anglais, en France, la souveraineté est une question aussi cruciale qu'en Angleterre. Mais, ensemble, nous serons plus forts. Ensemble, nous ferons mieux. Ensemble, nous défendrons mieux les valeurs qui sont les nôtres. D'ailleurs, nous avons un point commun entre le gouvernement français et le gouvernement britannique, c'est que nous considérons que l'effort de sécurité ne doit pas être relâché, quelles que soient, par ailleurs, les contraintes dans le monde dangereux qui est le nôtre.
J'ajoute qu'au moment où il est à la mode de dire que l'Europe connait un certain rétrécissement stratégique, eh bien nous montrons, Anglais et Français, que ce n'est pas le cas. Alors, chacun d'entre nous a sa manière de parler de l'Europe, je la respecte et c'est bien naturel. Mais quand même, l'Angleterre et la France qui s'allient à ce point et qui mettent leurs capacités au service de la défense d'une même politique, c'est un fait historique qui, de surcroit, va nous permettre de réaliser un certain nombre d'économies.
Naturellement que si nous faisons cela, c'est parce que nous sommes d'accord sur les grandes questions de sécurité internationale. Nous irons au sommet de l'OTAN avec une vision partagée de l'avenir de l'alliance. J'ai toujours défendu, en France, l'idée que la place de la France était d'être au coeur de l'OTAN, justement pour peser davantage. Et si cette décision a permis de rapprocher les Anglais et les Français, tant mieux. Qu'est-ce qu'on attend ? D'être divisés ? Qui gagnera quelque chose ? L'Angleterre ? La France ? Certainement pas. Nous avons des engagements communs, nous les assumerons ensemble.
Je voudrais également, devant les ministres, Christine LAGARDE, Hervé MORIN, Bernard KOUCHNER, Eric BESSON, me féliciter des autres domaines de collaborations. L'immigration, ayant eu à gérer Sangatte comme ministre de l'Intérieur, je me réjouis que nous ayons décidé d'avoir des équipes communes pour lutter contre cet odieux trafic qui se fonde sur la misère humaine et qui amène à l'Ouest de l'Europe tant d'immigrés aveuglés par des promesses faits par des véritables esclavagistes des temps modernes.
Je veux dire également combien j'ai été heureux de notre collaboration, cher David, le week-end dernier avec Angela MERKEL sur le budget européen. Qui pouvait comprendre que nous soyons amenés à stabiliser nos budgets ou à les réduire, qu'on parte à Bruxelles et qu'on décide de voter une augmentation de 6% du budget ? Et quand David nous a saisi de cette question, c'est immédiatement que nous avons dit : « mais bien-sûr, c'est l'évidence ».
Et puis j'attache beaucoup de prix à la collaboration que nous aurons avec David CAMERON dans le cadre de la Présidence française du G20 et de la Présidence française du G8. Nous comptons associer la Grande-Bretagne à nos travaux, à nos initiatives, travailler main dans la main, convaincus que nous sommes, tous les deux, qu'à l'aube de ce XXIème siècle, il faut de nouvelles idées et qu'on ne résoudra pas les problèmes du XXIème siècle avec les idées du XXème, qu'on les résoudra avec les idées du XXIème, qu'il faut provoquer ces changements, qu'il faut conduire ces changements, qu'il faut une vision et qu'il faut une grande ambition.
Aujourd'hui, je suis très heureux, avec le Premier Ministre britannique, de pouvoir dire que contrairement aux apparences, les montres de la France et de l'Angleterre marquent strictement la même heure.
Je vous remercie.
QUESTION -- Monsieur le Président, imaginez une situation où la Grande-Bretagne connait une crise, par exemple dans l'Atlantique Sud et le Premier Ministre vous appelle et vous dit : « est-ce que je peux utiliser votre porte-avions ? » Et, Premier Ministre, imaginez que ce soit la même chose avec une crise dans un pays africain pour la France et on vous ferait la même demande. Que répondriez-vous ? Monsieur le Président, vous avez évoqué la question du budget européen. Vous êtes côte à côte aujourd'hui, est-ce que vous ferez le même pas pour soutenir la demande de reconduction de la contribution britannique ?
M. David CAMERON -- Nous n'engagerons des forces ensemble que si nous sommes d'accord sur la mission, mais l'idée c'est d'avoir des forces qui sont formées et qui font des exercices ensemble. C'est une très bonne idée car il y a beaucoup d'endroits du monde où on travaille ensemble, par exemple l'Afghanistan, par exemple dans les Balkans, au Proche Orient. Donc je crois qu'il y a bien des occasions de coopération mais en tout état de cause, cela ne se pourra se faire que s'il y a un accord politique pour que ça se fasse. Mais ce qu'on annonce aujourd'hui, c'est que les deux plus gros budgets de défense en Europe comprennent que si on se regroupe, que si on travaille ensemble, on peut non seulement accroitre notre capacité conjointe mais on peut également accroitre notre propre capacité souveraine, pour faire en sorte de pouvoir faire aussi bien tout seul qu'ensemble.
LE PRESIDENT -- Si j'ai bien compris votre question, si le Premier ministre britannique, le gouvernement britannique décidait d'envoyer son porte-avion, imaginez la gravité de la crise ! Pour envoyer le porte-avion ! Est-ce que vous pensez franchement que nos amis Anglais pourraient être confrontés à une crise aussi importante que celle qui consiste à envoyer un porte-avion, sans que la France ne se sente concernée ? Quelle idée avez-vous de la France ?
Imaginez à l'inverse que le Gouvernement français décide d'envoyer un porte-avion français, parce qu'il y a une crise majeure, cela ne concernerait pas les Anglais ? On ne vit pas dans le même monde ? Nous ne sommes pas des alliés ? Est-ce que vous pensez que j'imagine qu'un grand pays démocratique comme la Grande Bretagne est capable d'avoir un gouvernement qui, pour s'amuser, envoie un porte-avion ?
Je pourrais fuir votre question en disant que l'on verrait, qu'on analyserait. Non. Il faut bien que vous compreniez une chose, il y a certainement des tas de dossiers qui nous différencient, nous ne sommes pas les mêmes et je sais bien qu'il y a le « Channel » entre nous, mais nos valeurs sont les mêmes, nos intérêts sont partagés.
J'ai toute ma vie politique plaidé pour un rapprochement entre Londres et Paris. Ca a été une constante de mon engagement depuis que je me suis engagé dans la politique. Ce qui ne veut en rien dire que j'oublie l'axe Paris Berlin et je me réjouis que le Premier ministre David CAMERON ait invité Mme MERKEL à Chequers.
Donc si vous étiez, vous, mes amis Anglais confrontés à une crise majeure, la France peut être dans son coin, se laver les mains et considérer que cela ne la concerne pas ? Mais ma première réaction serait d'essayer de comprendre pourquoi des alliés aussi proches se trouvent dans une crise aussi grave ? Et de voir comment je pourrais les aider ? Cela n'empêche rien que la décision du gouvernement anglais sera parfaitement souveraine et que la décision du gouvernement français sera complètement souveraine. Mais souveraineté ne veut pas dire isolement. Quand on est isolé, on n'est plus souverain, on est fragile.
Si vous voulez me faire dire qu'il y a des amitiés entre la France et l'Angleterre, oui je confirme. Si c'était le sens de votre question, je n'ai pas de doute là-dessus.
Alors ensuite, j'ai cru qu'il y avait une toute petite question un peu perfide, un tout petit peu ...David CAMERON et moi nous sommes d'accord pour que le budget global européen soit limité dans son augmentation, bien sûr. Est-ce que cela veut dire qu'on est absolument d'accord sur tous les chapitres à l'intérieur ? C'était ça la question ? Non, on a des discussions, on en a même parlé mais on s'est mis d'accord sur une chose : c'est de parler des problèmes pour trouver des solutions ensemble et vous les présenter ensemble.
Je sais parfaitement que la politique agricole commune n'est pas l'élément le plus populaire en Grande Bretagne. Et je vais vous faire une confidence, le chèque britannique n'est pas l'élément qui pousse spontanément le peuple français vers l'Angleterre. Raison de plus pour qu'on en parle en alliés, en amis, en personnes responsables. Je vois bien les lignes rouges de M. CAMERON, il voit bien les lignes rouges du gouvernement français. A l'intérieur de ça, on a décidé de parler de cela et au lieu d'en faire des éléments d'opposition, de se comprendre et de proposer des solutions communes. Est-ce que ce n'est pas l'intérêt de la Grande Bretagne comme l'intérêt de la France ? C'est cela que nous avons décidé. Merci de m'avoir permis de le préciser.
QUESTION -- Nous avons une question à l'adresse du Premier ministre. A quel sens à votre avis ce choix pragmatique va-t-il avoir un impact d'abord sur la relation que vous avez avec Washington et deuxièmement, dans quelle mesure cela va-t-il affecter ou changer la vision britannique de la Défense européenne ?
David CAMERON - En ce qui concerne la relation que nous avons avec Washington qui est une relation bien sûr très forte, une relation bien particulière, Washington souhaite que des pays européens comme la France, comme la Grande Bretagne se rapprochent et partagent leurs ressources en termes de défense, pour que nous ayons de plus grandes capacités en matière de défense. Souvent les Américains et d'autres partenaires de l'OTAN agissent ensemble pour essayer d'utiliser de façon rationnelle les ressources, la formation, etc. Donc je crois que cela sera très bien accueilli à Washington.
Maintenant, en ce qui concerne la défense européenne, notre position est connue. Pour nous l'OTAN est l'organisation la plus importante pour garantir la sécurité et la sûreté. Nous applaudissons la décision qu'a prise la France de revenir dans le commandement de l'OTAN mais je crois qu'aujourd'hui il s'agit de reconnaître ce que peuvent faire la Grande Bretagne et la France ensemble quand elles décident d'agir en France et en même temps comprendre que cela améliore nos capacités individuelles.
Donc il ne s'agit pas de se mettre d'accord sur un petit nombre de choses, un projet de formation ici, une petite coopération pour des drones là. C'est un menu beaucoup plus conséquent qui va des choses les plus difficiles : la coopération nucléaire, la chose la plus sensible sur laquelle on puisse décider de coopérer entre nations, jusqu'à la question de savoir comment on peut avoir des systèmes de commande conjoints en matière de logistique pour des avions.
Et donc nous avons décidé de faire quelque chose qui va loin, qui est radical. La question m'était destinée n'est-ce pas ? Alors je crois que nous passons peut-être à la question suivante.
QUESTION -- On nous dit que c'est un traité pour les 50 années à venir. Mais il est déjà difficile d'avoir un horizon à plus de 5 ans. Êtes-vous sûr de pouvoir faire faire confiance aux Français, au traité et aux événements pour les 50 ans à venir ?
Et maintenant une question pour le Président : de quelle façon ce traité rend-il la France et la Grande Bretagne vraiment compétitives par rapport à l'Amérique ? On aura 2 porte-avions, ils en ont 13. Est-ce que l'on fait vraiment le poids ?
David CAMERON -- Écoutez, en ce qui concerne la coopération nucléaire, je crois qu'on peut voir vraiment les intérêts communs entre nos deux pays. Nous avons des forces de dissuasion nucléaire indépendantes que nous considérons comme très importantes. C'est la garantie ultime de notre sécurité, c'est vraiment la politique d'assurance ultime. Mais pour des pays de notre taille, c'est un engagement financier, un poids financier considérable pour les 10, 20, 50 années à venir et la dissuasion nucléaire exige que l'on programme, que l'on planifie 10 ans, 20 ans à l'avance. Nous le faisons en Angleterre et tout ce que nous pouvons faire pour partager, pour assumer ensemble les coûts de notre dissuasion nucléaire avec nos alliés français va dans notre intérêt. Nous allons construire cette installation en France qui sera gérée conjointement et il y aura également une installation à Aldermaston £ et pour moi c'est l'exemple parfait.
C'est vrai que c'est une étape qui va loin car il s'agit de renforcer la coopération mais cela a également un impact très important sur les coûts de quelque chose qui est très important, qui nous est cher à tous les deux : la dissuasion nucléaire, pas seulement pour aujourd'hui mais aussi pour l'avenir.
LE PRÉSIDENT -- Vous posez la question de savoir si on peut faire confiance aux Français pour les 50 ans qui viennent ? Commencez par les 5 premières années, ce sont les seules qui comptent, après vous verrez. S'agissant du nucléaire, on est bien obligé de voir, David CAMERON et moi-même, au-delà des limites démocratiques de nos gouvernements. On doit bien s'inscrire dans une durée. Vous imaginez ce que représentent les investissements dans le nucléaire ? Il y a des permanences, quelles que soient l'opposition, la majorité, la gauche, la droite, les libéraux, il y a des permanences. Si on ne peut raisonner, réfléchir qu'au terme de son propre mandat, alors où est la vision. Si le Général de GAULLE avait réagi comme cela, il n'y aurait pas eu le programme nucléaire en France non plus.
Forcément, on s'est mis au dessus des alternances et des contingences politiques, pariant sur le bon sens. La France et la Grande-Bretagne sont voisines et ne changeront pas d'adresse. Et quels que soient les avis politiques de ceux qui nous succéderont, ils seront confrontés à la réalité suivante : la Grande-Bretagne est le plus proche voisin de la France, c'est une réalité. Vous dîtes : « les Américains ont plus de porte-avions que vous ». On pourrait dire : « les Russes aussi ». Nous sommes les seuls en Europe à avoir des porte-avions, Anglais et Français. Est-ce qu'il n'est pas intelligent, pendant qu'il y a un porte-avion anglais sur l'Atlantique, qu'un porte-avion français soit sur la Méditerranée ? La Grande-Bretagne n'a donc pas d'intérêts en Méditerranée ? Et la France n'en a pas en Atlantique ? Est-ce que vous ne voyez pas l'évidence du travail en commun ? Faut-il absolument que pour toutes les crises, nous envoyions chacun notre groupe aéronaval en ignorant de ce que fait l'autre pour être sûr que le contribuable anglais paie deux fois et que le contribuable français paie deux fois ? Est-ce que vous pensez que, sur un certain nombre de crises où l'on partage exactement la même analyse, il n'est pas logique que l'on envoie le même groupe aéronaval ? Et quand des soldats français sont déployés quelque part, le fait de considérer qu'un porte-avion anglais c'est un porte-avion allié auquel il peut avoir accès, est-ce que ce n'est pas un avantage ? Et vice et versa.
Je suis persuadé que ce choix là personne ne reviendra dessus. Enfin, dernier point : il ne s'agit pas de demander à M. VAN ROMPUY ou à M. BAROSSO de diriger l'armée anglaise ou de diriger l'armée française. Personne n'a cette idée. A qui d'ailleurs viendrait cette idée ? Il s'agit que les deux grandes puissances militaires européennes additionnent leurs efforts, complètent leurs efforts. C'est le bénéfice de la Grande-Bretagne, c'est le bénéfice de la France et c'est le bénéfice de l'Europe. Oui, c'est aussi le bénéfice de l'Europe parce que quand la Grande-Bretagne réussit, je vais vous dire une chose, c'est un succès pour l'Europe. Et quand la France réussit, c'est un succès pour l'Europe. Moi, je viens avec plaisir ici pour le dire, comme j'ai toujours été convaincu que l'Europe a profondément besoin de la Grande-Bretagne. Et qu'il me soit permis de dire que je pense que la Grande-Bretagne a besoin de l'Europe, comme la France a besoin de l'Europe. Ce crédo là, je l'ai toujours défendu et pourtant je ne suis pas un technocrate, je ne puis pas favorable à la bureaucratie et il peut m'arriver d'avoir des débats francs avec un certain nombre d'autorités européennes. Voilà ce que je pense et c'est notre devoir d'agir comme cela. Je crois que c'est l'intérêt de tout le monde.
QUESTION -- Quel est votre évaluation de la menace terroriste pesant contre l'Europe et contre la France et la Grande-Bretagne aujourd'hui, après les évènements et les différentes menaces que l'on a entendues ces derniers jours provenant notamment d'Al-Qaïda ? Et que faire pour enrayer cette menace si vous estimez qu'elle est en train de croître ? Et plus particulièrement, Monsieur le Président, que pouvez-vous nous dire sur la lettre piégée qui vous était adressée et avez-vous eu récemment d'autres menaces de ce genre, lettre piégée ou autre adressé, à votre personne ?
M. David CAMERON -- Nous pensons que la menace dont nous sommes l'objet en matière de menace terroriste est très grave. Nous faisons régulièrement le point sur notre niveau d'alerte. Nous n'avons pas l'intention de changer le niveau de la menace que nous avons évalué à l'heure actuelle. C'est un niveau d'alerte très élevé. En ce qui concerne la menace, nous savons que nous devons travailler avec nos alliés pour la combattre à tous les niveaux, de même que nous opérons en Afghanistan pour éviter que ce pays ne devienne un sanctuaire pour les terroristes. Nous travaillons également d'arrache-pied avec le gouvernement yéménite pour faire en sorte qu'Al-Qaïda n'ait pas de présence sur la péninsule arabe. Nous devons travailler à tous les niveaux : diplomatique, sécuritaire, en matière de sécurité des avions également. Nous devons faire en sorte que les mécanismes nécessaires soient en place. Il n'y a pas une seule réponse ou une seule riposte, il nous fait avoir une riposte à tous les niveaux. Nous avons eu une très bonne réunion du Conseil des ministres ce matin. J'ai présidé la réunion du Comité Cobra hier et, avec la croissance économique, c'est également un sujet auquel je suis confronté tous les jours. Nous devons véritablement avoir la riposte la plus robuste, la plus solide possible.
LE PRÉSIDENT -- Aucun commentaire sur l'affaire des colis piégés. La police grecque et la police française communiquent très bien. Je n'ai rien à dire et je n'ai pas l'intention de faire de la publicité aux gens qui agissent ainsi. Sur la menace, comme l'a dit David CAMERON, elle est extrêmement sérieuse. Notre vigilance et totale. Nous travaillons avec nos alliés, je ne dirais même pas au quotidien mais heure par heure, nous échangeons des informations, nous croisons nos renseignements et nous essayons d'harmoniser nos réponses. Je tiendrai moi-même une réunion des responsables de la sécurité demain, mercredi, à Paris.
Je vous remercie.