19 octobre 2010 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Dmitri Medvedev, Président de la Fédération de Russie, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur les relations euro-russes, à Deauville (Calvados) le 19 octobre 2010.
LE PRESIDENT -- Nous avons depuis hier avec la Chancelière et avec le Président MEDVEDEV, que je remercie, travaillé sur l'ensemble des questions, à la fois bilatérales et internationales. Je ne reviendrai pas sur l'accord d'hier avec Mme MERKEL, avec l'Allemagne, sur la gouvernance économique de l'Europe. Je crois que c'est très important que l'Allemagne et la France affichent un accord aussi complet pour faire avancer l'Europe, de façon à ce que nous ne connaissions plus la situation que nous avons connue avec les dérèglements financiers.
Par ailleurs, hier soir au dîner et aujourd'hui, nous avons travaillé avec la Chancelière et le Président de la Fédération de Russie sur l'ensemble des questions qui nous occupent, Europe et Russie, et l'ensemble des dossiers internationaux.
Notre conviction est que sur quantité de sujets la Russie, l'Allemagne et la France ont les mêmes positions. Nous devons aider le Président MEDVEDEV dans sa tâche de modernisation, qu'il conduit avec détermination, et nous voulons travailler avec la Russie main dans la main, dans un climat de confiance et d'amitié, sur tous les sujets.
Les sujets qui importent à la Russie, je pense à la question des visas où nous avons décidé d'avancer étape par étape, mais d'avancer. Sur les questions économiques où nous sommes très interdépendants, qu'il s'agisse du problème des matières premières, des échanges de technologie ou du commerce. Sur la question de la sécurité où les menaces que nous affrontons sont les mêmes. Et sur les grands dossiers du Proche Orient, de l'Iran, où la position du Président MEDVEDEV avait été une position courageuse et très utile. Et puis bien sûr dans le cadre de la préparation de la Présidence française du G20 où nous avons évoqué, Mme MERKEL, M. MEDVEDEV et moi, tous les sujets qui seront sur la table durant l'année 2011 £ et je crois pouvoir dire -- même si nous ne rentrerons pas dans le détail, puisque 2011 ce n'est pas maintenant, nous sommes en 2010 -- que nous avons une très grande communauté de vue et la volonté de faire avancer les choses d'un même pas, la Russie, l'Allemagne et la France.
Bien sûr, je me réserve, si vous aviez des questions, d'y répondre, mais je crois pouvoir dire que cette réunion tripartite a montré une très, très grande convergence de vue. Et quand il y a des problèmes, une volonté de régler les problèmes en faisant des compromis et en comprenant bien que nous sommes dans un monde nouveau, celui de l'amitié entre la Russie et l'Europe.
M. DMITRI MEDVEDEV - Messieurs les représentants des médias nous avons terminé notre rencontre tripartite mais je voudrais dire deux mots pour remercier mon collègue, M. le Président SARKOZY, pour l'excellent choix du lieu et pour les conditions excellentes pour une telle réunion. C'est très important parce que cela aide le dialogue.
Cela fait cinq ans que nous n'avons pas eu de rencontre similaire et je suis tout à fait d'accord avec ce que M. SARKOZY a dit, ces évènements sont très utiles et permettent un dialogue sincère, ouvert et calme pour discuter de différentes questions.
Pendant le dîner, nous avons discuté des problèmes internationaux et des problèmes régionaux. Nous avons parlé du Proche Orient, de l'Iran, de l'Europe, et c'est vrai que cette discussion montre que nous avons des positions convergentes sur plusieurs questions, ce qui nous donne la possibilité de coordonner nos positions et de trouver un résultat que Monsieur le Président vient de mentionner : c'est le travail sur l'Iran. Nous sommes convenus que nous allons maintenir cette double approche, les sanctions qui ont été approuvées d'une part et d'autre part, nous devons pousser l'Iran à la coopération sur tous les sujets. Nous avons discuté de la sécurité européenne, ce qui est très important aujourd'hui, et aussi des questions de travail dans le cadre du G8 et du G20. Nous préparons maintenant le sommet du G8 qui se tiendra bientôt et nous devons regarder vers l'avenir, vers la Présidence française. Il faut que les décisions prises lors du G20 soient mises en pratique et donc la préparation d'un tel évènement est très importante. Nous nous sommes mis d'accord pour coordonner nos positions, nos approches.
Je voudrais dire deux mots à propos de ces formats. Le G20 est apparu grâce à l'action de Monsieur SARKOZY. Il m'a dit, « Écoute, Dimitri, j'ai parlé avec le Président BUSH et je demande qu'il réunisse un forum élargi ». Donc, nous nous sommes réunis et ce format est aujourd'hui actif, donc il faut que les réunions à venir débouchent sur des résultats concrets. Mais avant cela déjà, nous avons commencé à coordonner nos approches et avant la visite à Washington et à Londres, j'ai rendu visite à mes partenaires en France et en Allemagne. Et nous allons continuer ainsi.
La question de l'architecture de sécurité européenne était également au coeur de nos discussions. Nous croyons qu'il faut avancer, il y a un certain nombre d'idées pour cela, y compris l'idée russe du traité de sécurité européenne. Mes collègues sont prêts à continuer d'examiner cette idée. Nous avons parlé de la coopération entre la Russie et l'OTAN, c'est une discussion importante et très utile et je voudrais déclarer que je vais participer au Sommet de l'OTAN à Lisbonne. Je crois que ça va contribuer à trouver les compromis nécessaires et à développer le dialogue entre la Fédération de Russie et l'Alliance atlantique.
Nous avons également parlé du partenariat pour la modernisation du régime sans visa, et donc nous avons discuté de toutes les questions de coopération entre l'Union européenne et la Russie parce que la France et l'Allemagne sont des partenaires très importants pour nous. J'ajoute que ce format est très utile et qu'il permet de discuter d'une manière amicale et ouverte de questions très diverses et de trouver des solutions, et j'espère que l'on va poursuivre cette coopération. Merci.
MME ANGELA MERKEL -- Moi aussi, je voudrais remercier le Président de la République, Nicolas SARKOZY, tout d'abord du choix exceptionnel de ce lieu de réunion. C'est un très très beau site où nous avons pu conduire des entretiens en toute confiance et dans une très bonne atmosphère. Nous avons parlé des prochaines échéances internationales, je suis très heureux que le Président russe Dimitri MEDVEDEV accepte de participer au Sommet de l'OTAN à Lisbonne. C'est une bonne décision parce que je crois que les relations entre l'OTAN et la Russie doivent être fondées sur une bonne base, car les menaces que nous voyons dans le monde sont le plus souvent des menaces qui nous sont communes.
D'autre part, il faut également apprécier le fait qu'à propos des sanctions contre l'Iran, nous avons trouvé une voix commune. Nous avons également convenu qu'il fallait maintenir la pression sur l'Iran tout en redisant régulièrement à l'Iran que s'il adopte une attitude rationnelle, raisonnable, et s'il est clair que son programme nucléaire n'est pas militaire, à ce moment là, notre volonté de coopération sera ouverte à l'Iran.
Nous avons parlé de la prochaine réunion du G20 en Corée et ce que nous en attendons notamment, ce sont des progrès en matière de régulation. Nous ne sommes pas encore au bout de la construction d'une nouvelle architecture financière pour le monde et même si la crise est moins aiguë, il ne faut pas pour autant relâcher nos efforts pour arriver à une bonne régulation. Nous avons également parlé de la future Présidence française l'année prochaine et l'Allemagne soutiendra très activement la France dans ses projets pour faire du G20 un format permanent. Le G8 et le G20 sont deux formats différents. Nous pensons qu'on a besoin de l'un comme de l'autre, que les deux sont utiles et qu'il y a suffisamment de dossiers dans le monde que l'on peut traiter dans l'un ou l'autre format.
Nous avons également parlé du Sommet de l'OSCE à Astana qui doit montrer qu'en matière de sécurité, nous devons progresser et, en particulier, concernant les relations entre l'Union européenne et la Russie, sur les structures de sécurité. Nous en avons eu une première approche lors de notre rencontre avec le Président russe en Allemagne.
La France, l'Allemagne et la Russie ont la même position. Nous devons, étape par étape, construire une architecture qui nous permette de réagir à des conflits et nous avons parlé des relations Union européenne-Russie, c'est bien notre intérêt que l'accord UE-Russie soit rapidement finalisé et que les négociations s'accélèrent. Bien-sûr, le dossier des visas fait partie du contexte d'ensemble mais ce n'est pas le seul et nous avons besoin d'un accord moderne à la hauteur des exigences du temps, et l'Allemagne et la France soutiendront la Russie pour arriver rapidement à une conclusion.
Donc ce sont des sujets de grande importance dont nous avons pu discuter. Nous avons également parlé du processus de paix au Proche-Orient qui nous préoccupe énormément et qui n'avance pas comme on pourrait le souhaiter. Nous lançons un appel aux parties, Israël et les pays arabes, pour maintenir les conditions rendant possible la négociation. Malheureusement, les progrès ne sont pas aussi bons qu'on pourrait le souhaiter. L'Europe et la Russie sont prêtes à assumer leurs responsabilités et à faire tout ce qu'il est possible de faire avec nos partenaires américains pour que ces pourparlers reprennent dans de bonnes conditions.
QUESTION -- Madame la Chancelière, avez-vous réussi à lever les objections russes à l'égard d'un possible bouclier anti-missiles de l'OTAN en Europe centrale ou du Sud ? Comment peut-on amener la diplomatie française à renoncer à moyen terme à sa dissuasion nucléaire ?
MME ANGELA MERKEL - Tout d'abord, je suis heureuse que le Président russe participe au sommet de l'OTAN, cela montre que le nouveau concept stratégique de l'OTAN comporte des points rendant possible une coopération.
Concernant la position de la Russie à l'égard du bouclier anti-missiles, cela il appartient à la Russie de répondre à cette question, ce n'est pas à moi de le faire. Moi, je me félicite qu'il y ait une volonté de principe de parler de ces questions et de placer les relations avec l'OTAN sur des bases rationnelles. Moi, je considère, et la Russie le confirme, je considère que les grandes menaces du moment -- des Etats qui s'effondrent, le terrorisme, la prolifération nucléaire... -- ces grands thèmes sont des menaces que nous avons en commun et nous devons donc y apporter des réponses communes dans la mesure du possible.
La question du nouveau concept stratégique de l'OTAN, c'est en bonne voie. Ces questions devraient être tirées au clair d'ici le sommet de l'OTAN. Je crois qu'il y a accord de principe pour dire qu'il faudrait aboutir à un désarmement nucléaire mondial, mais cela ne peut se faire que dans un esprit de réciprocité et je n'ai aucun doute que d'ici Lisbonne, nous arriverons à un très bon résultat où chaque pays trouvera ses intérêts préservés.
QUESTION -- Monsieur SARKOZY, vous venez de dire que vous avez discuté de la question du régime sans visa, mais il y a des pays qui ont une position assez retenue. Donc, de quoi avez vous parlé concrètement ? Est-ce que vous êtes tombés d'accord sur quelque chose de concret ? Est-ce que cette question sera à l'agenda du sommet entre la Russie et l'Union européenne le 7 décembre à Bruxelles?
LE PRESIDENT -- J'ai bien compris la question. Écoutez, quand on se voit, c'est aussi -- et peut-être surtout -- pour parler des sujets qui sont importants pour les uns et les autres. Angela MERKEL comme moi, nous savions que la question des visas, c'est important pour nos amis Russes, donc on en parle. Personne ne pourrait penser qu'on en n'ait pas parlé, c'est évident. L'Allemagne et la France considèrent la Russie comme un ami, comme un pays ami. Donc il nous faut rapprocher nos positions. Nous avons donc convenu, sur cette question des visas, que nous allons progresser étape par étape, en bas. Nous avons pris en compte la demande du Président MEDVEDEV. Lui-même, sur d'autres sujets, s'est engagé, je pense notamment à la charte sur l'énergie, etc., à progresser pour arriver, dans des délais les plus raisonnables possibles, à un résultat qui soit la suppression des visas. Voilà ce que nous avons fait. Et par ailleurs, cette discussion collective n'empêche pas tel ou tel pays d'aller plus vite s'il le souhaite, dans le cadre de discussions bilatérales notamment entre la Russie et la France. Il n'y a pas de drame, on essaye de se comprendre, chacun essaye de comprendre les problèmes de l'autre et ce qui est important pour les Russes, les Allemands, les Français, c'est que cela progresse, que cela progresse raisonnablement, mais que cela progresse à une réelle vitesse.
Par ailleurs, mon point de vue, c'est qu'à horizon de dix, quinze ans, la vision que nous devons avoir c'est un espace économique commun Union européenne-Russie avec des libertés d'installation, la suppression de visas et avec des concepts de sécurité en commun.
Enfin, permettez-moi de dire, puisque j'ai cru comprendre que cela s'adressait à moi, que la France n'a pas l'intention de renoncer à la dissuasion nucléaire. Je ne sais pas si cela vous déçoit, mais il faut bien comprendre quand on parle à des amis qu'il y a des points qui sont forts. La France a ratifié tous les traités en la matière, la France est pour le désarmement nucléaire, pour la transparence des informations. J'ai eu une longue réunion avec le Secrétaire général de l'OTAN il y a quelques jours, je suis persuadé, comme l'a très bien dit la Chancelière, que l'on va arriver à un accord, un accord très satisfaisant. Je voudrais juste faire cette remarque : il ne semblerait pas tout à fait opportun pour l'OTAN, qui est une alliance militaire, d'être la seule alliance à renoncer absolument au nucléaire alors même que je n'ai pas cru comprendre que c'était la position d'un certain nombre de grands pays dans le monde. C'est de la complémentarité, ce n'est pas de l'exclusivité. Ce sont des sujets sur lesquels j'en suis persuadé, on aura un accord à Lisbonne et je soutiens d'ailleurs, comme Angela, l'excellent travail du Secrétaire général RASMUSSEN.
MME ANGELA MERKEL -- En ce qui concerne notre position sur les visas en Allemagne, nous savons que c'est un sujet important pour la Russie, nous pensons qu'il faut progresser étape par étape. Pour les visas de courte durée, l'Allemagne a déjà introduit des allègements, dans une prochaine étape on pourra discuter de visas pluriannuels. Et nous avons dit que ces étapes doivent être clairement identifiées. Nous voulons pouvoir progresser mais cela ne se fera pas en une seule fois, d'un seul coup. Et j'ai également compris que la Russie ne souhaite pas qu'on repousse cela aux calendes grecques mais que l'on travaille de façon systématique sur les questions qui doivent être traitées.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je veux dire encore deux mots sur ce sujet, comme cela concerne la Russie. Pour ce qui est des visas, les positions sont claires, elles sont telles qu'elles sont, elles sont pragmatiques et basées sur des réalités politiques propres à chaque pays. Tout le monde comprend qu'il faut annuler le régime des visas mais tout le monde comprend qu'on ne peut pas le faire tout de suite. Donc on s'est mis d'accord sur deux choses en ce qui concerne nos pays : ce doit être un processus, il faut juste en définir le cadre, et ce processus doit avoir sa feuille de route. Donc, sur ces positions, on va poursuivre notre travail £ notre réunion suivante doit se tenir avec la participation de toutes les parties et ce serait raisonnable de le faire avec la participation de la Commission européenne à Bruxelles.
Enfin deux mots sur la défense anti-missiles. Ce sujet est important pour nous. Nous en avons discuté et nous avons entendu ce qui a été dit concernant la participation de la Russie dans la défense anti-missiles globale. Ce sujet a été proposé pour l'agenda de nos relations avec l'OTAN mais il faut que l'OTAN explique comment elle voit l'adhésion de la Russie à ce système, ce que cela va donner, comment on va arriver à un accord et comment on va poursuivre notre travail. Donc à partir de l'examen de cette proposition, nous pourrons répondre et voir comment cette idée peut être mise en pratique.
QUESTION -- Une question à Madame MERKEL et à Monsieur MEDVEDEV. Êtes-vous d'accord avec Monsieur SARKOZY sur la nécessité de réformer le système monétaire international pour éviter une guerre des changes et soutiendrez-vous la Présidence française du G20 sur ce point ? Et vous plus particulièrement Monsieur MEDVEDEV, êtes-vous aussi d'accord pour dire que le problème, c'est le yuan ? Et une question à Monsieur SARKOZY : la Commission européenne a renoncé à ouvrir une procédure contre la France sur la directive de 2004 mais maintient la France sous surveillance pour d'éventuelles pratiques discriminatoires. Qu'en pensez-vous ?
MME ANGELA MERKEL -- Je pense que de considérer les questions monétaires, l'architecture monétaire future, que le choix de ce thème pour la prochaine Présidence du G20 est un très très bon choix et l'Allemagne soutiendra la France très activement sur ce chantier. Il suffit d'observer nos discussions actuelles pour voir que la question des monnaies et des parités est l'une des questions centrales et recèle également l'un des principaux risques de dérive vers le protectionnisme. Comme de nombreux pays, et bientôt la Russie, nous sommes membres de l'OMC. Pour la protection douanière, on a peu de possibilités protectionnistes mais il y a d'autres possibilités et l'Allemagne, et l'ensemble de l'Union européenne nous avons tout intérêt à un système monétaire juste. Voilà pourquoi j'attache une grande importance à cette question et nous serons très attentifs à arriver à davantage de transparence sur le plan international.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je suis d'accord avec le Président SARKOZY et je lui ai dit directement pendant notre dialogue. Dès que nous avons commencé avec le format du G20, j'ai compris que l'on ne pourrait pas éviter la question de la vision de notre système monétaire. Il y a des Etats qui croient qu'il faut juste s'arranger avec ce qui existe, qui croient que les institutions de Bretton Woods ont encore des opportunités. Personne ne remet cela en question mais c'est celle de l'avenir du système monétaire et financier dans les vingt années à venir. Notre position de base était de discuter de cette question et le G20 doit faire un pas décisif. Quel sera ce pas décisif ? Sans doute des accords fondamentaux et pour le G20, c'est la question de la structure du système financier et monétaire. Nous avons lancé la réforme du FMI, et donc le G20 est un format utile qui a beaucoup apporté au pic de la crise mais maintenant nous devons arriver à un résultat final et nous allons soutenir les idées qui ont été discutées. Et donc, dans les mois à venir, pendant la Présidence française ce seront les sujets les plus importants de la discussion. Nous sommes prêts à travailler sur d'autres sujets mais ce sujet est le plus important pour tous et on va parler aussi de plusieurs monnaies de réserve, peut-être de la création d'une monnaie de réserve globale.
LE PRESIDENT -- Evidemment, vous pensez bien que le soutien d'Angela MERKEL et Dmitri MEDVEDEV est extrêmement important pour apporter un peu d'ordre et de stabilité dans un univers monétaire qui en a bien besoin et la dernière chose que nous voudrions faire, parce qu'elle serait totalement contreproductive, c'est de montrer du doigt un certain nombre de partenaires, d'amis avec qui nous allons travailler. La question n'est pas d'accuser qui que ce soit, la question c'est de construire les bases d'une nouvelle organisation monétaire internationale. Si l'on rentre dans le conflit, dans la dénonciation des uns et des autres, il n'en sortira rien qu'un peu plus d'instabilité. C'est exactement le contraire de ce que nous voulons faire tous les trois. Je crois pouvoir dire que nous sommes totalement à l'unisson, nous avons été assez loin dans le travail sur le sujet, mais par courtoisie encore une fois pour nos amis coréens, nous n'irons pas plus loin dans les propositions. Mais sur les méthodes de travail et sur le fond, nous sommes déjà prêts à avancer.
Sur la décision de la Commission, je suis très heureux que la raison triomphe, elle finit d'ailleurs toujours par triompher. La Commission a décidé de ne pas faire de procédure à l'endroit de la France pour discrimination pour la raison simple, comme je l'ai toujours dit, qu'il n'y avait pas de discrimination et pas de matière à discrimination. Je trouve que c'est très bien ainsi et cela referme une période polémique dont tout le monde aurait bien pu se passer.
QUESTION -- Une question pour le Président MEDVEDEV. Le rapprochement de l'OTAN et de l'UE partait toujours de l'idée que les Russes afficheraient de la bonne volonté pour la résolution des conflits gelés. Quelle est votre contribution ? Premièrement, la Transnistrie : quand est-ce que la Russie sera prête à retirer ses troupes de Moldavie ? Deuxièmement, la Géorgie ? Deuxième question pour la Chancelière, à propos de la rencontre d'hier avec le Président français, dans la perspective du Conseil européen de la semaine prochaine. Pourquoi êtes-vous aussi certaine que la semaine prochaine, au Conseil européen, vous obtiendrez une décision qui rendra possible une révision des traités d'ici 2013 sur le pacte de stabilité ?
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je crois que nous avons un potentiel pour résoudre tous les types de conflits y compris les conflits gelés. Vous avez mentionné la Transnistrie, nous en avons discuté hier et je crois que l'on peut arriver à de bons résultats. Mais il faut que toutes les parties au conflit aient une position constructive et cela, c'est l'affaire des médiateurs, de ceux qui ont la possibilité d'influer sur cette situation.
J'ai parlé avec la direction moldave et celle de Transnistrie à Moscou et on peut les engager dans une direction positive. Mais aujourd'hui, en Moldavie, on ne voit pas clair pour ce qui est du pouvoir, les élections sont à venir. Donc je crois qu'après les élections, nous avons de bonnes chances de reprendre le processus des négociations, d'obtenir des résultats. La Russie va y contribuer. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que le succès de ce travail ne dépend pas seulement de la Russie. Il dépend d'abord de la Moldavie, de la position de la Transnistrie, de la position de la Roumanie et de l'Union européenne. Tout le monde doit y participer.
MME ANGELA MERKEL -- Nous avons hier, entre la France et l'Allemagne, commencé à préparer le Conseil européen de la semaine prochaine. C'est important. Je n'ai eu de cesse de répéter que les fonds qui ont été mobilisés pour le sauvetage de l'euro, pour la Grèce en particulier et pour l'ensemble de la zone euro, ces fonds vont arriver à expiration en 2013 et on ne peut pas les proroger tel quel, on ne peut pas les reconduire en l'état. Donc il faut d'ores et déjà réfléchir à ce que nous allons faire à ce moment là. Et nous sommes d'accord pour dire que nous avons besoin d'un mécanisme de soutien, de sauvetage durable et d'une autre nature.
Et je crois que c'est un signal très positif que la France et l'Allemagne aient déclaré à l'unisson que cela supposait une révision du traité, et cette révision du traité prévoit un mécanisme dans lequel les créanciers privés, le secteur privé participe financièrement à la résolution d'une situation difficile pour l'euro. C'est un progrès de taille. L'accord entre la France et l'Allemagne n'est pas un accord du Conseil européen, mais si la France et l'Allemagne abordaient une réunion de Conseil européen avec des positions divergentes, les autres pays diraient : « comment voulez-vous que l'on se mette d'accord si la France et l'Allemagne ne le sont pas ». C'est donc une condition nécessaire, mais non suffisante, qui est remplie pour obtenir le succès de ce Conseil. Je suis convaincue que nous aurons encore un important travail de conviction à mener, mais si nous le menons ensemble, c'est déjà une bonne nouvelle.
LE PRESIDENT -- Qu'il me soit permis de dire mon total accord avec ce que vient de dire, d'affirmer la Chancelière. Nous sommes engagés au même titre que l'Allemagne dans la demande de révision des traités dans le sens qui a été indiqué par Mme MERKEL. Nous ne voulons imposer nos vues à personne. Mais j'observe, comme l'a très bien dit Mme MERKEL, que quand l'Allemagne et la France ne sont pas d'accord, on nous le reproche de façon vigoureuse. J'imagine que personne ne nous reprochera d'afficher un accord avant une réunion, surtout lorsqu'on sait la part que nos deux pays ont prise dans la stabilisation des réponses européennes dans la crise.
Donc nous avons une vision qui est commune et nous avançons ensemble dans cette direction. Je fais miennes toutes les déclarations de Mme MERKEL. Cela doit rassurer tout le monde de savoir que nous travaillons d'ores et déjà à une solution pérenne, pour faire face à d'éventuelles crises.
Qu'il me soit également permis de dire -- et c'est ça d'ailleurs qui est très agréable dans le dialogue avec M. MEDVEDEV, -- que nous avons naturellement évoqué ce que vous appelez des conflits gelés. Il y a aussi la question de la Géorgie, et pour avoir eu à en traiter en 2008 avec M. MEDVEDEV, -- j'avais d'ailleurs été heureux de pouvoir discuter avec lui, ce n'était pas si facile de gérer tout ceci -- je lui ai dit combien je considérais que c'était un progrès, l'évacuation de la ville de Perevi. Il se souviendra certainement que je le lui avais demandé à plusieurs reprises et je l'en remercie. Et il faut continuer à discuter, faire prévaloir la diplomatie, les discussions, tranquillement £ penser au retour des prisonniers £ par ailleurs que les autorités géorgiennes s'engagent à ne pas avoir à recourir à la force £ que nos amis russes acceptent des observateurs européens.
Le travail n'est pas fini, nous savions d'ailleurs, M MEDVEDEV comme moi, que cela prendrait du temps, qu'on ne peut pas sortir d'une situation difficile et douloureuse comme cela en quelques semaines. Mais bien sûr, nous avons parlé en toute confiance de ces sujets. Je crois d'ailleurs que c'est assez positif pour tout le monde. Et on voit d'ailleurs que la solution de ces conflits n'est pas l'affrontement, n'est pas la guerre, n'est pas une solution militaire. C'est la diplomatie, c'est la confiance, c'est la discussion, c'est la compréhension des problèmes de l'autre. C'est comme cela que l'on apaise les tensions et certainement pas autrement. Voilà en tout cas ma conviction.
QUESTION -- Vous avez tous porté une appréciation positive de la rencontre d'aujourd'hui. Est-ce que l'on peut espérer que ce format de troïka, qui ne s'était pas réuni depuis quelques années alors qu'il était populaire auparavant, est-ce que l'on peut espérer qu'il se réunisse régulièrement, et comment sera construit son agenda ? Comment cela va être coordonné avec l'architecture de la politique européenne ? Peut-être avez-vous déjà un agenda concret ?
M. DMITRI MEDVEDEV -- Il me semble que nous sommes tous d'accord pour dire que c'était un événement utile en tous points. Nous avons discuté des problèmes européens, des problèmes régionaux ainsi que des problèmes tripartites mais aussi des questions à l'agenda du G20, de travail dans le cadre du G20. Donc cette coordination est très utile. Je crois qu'il faut garder ce format et que ces rencontres doivent être régulières. L'endroit est très bien choisi et il y a beaucoup de raisons pour cela.
MME ANGELA MERKEL -- Je crois que dans un monde qui se rapproche de plus en plus, les divers formats ont leur légitimité. C'est un format utile, intéressant et nous ne nous sommes pas ennuyés. Nous avions beaucoup de pain sur la planche. Il y d'autres formats, par exemple le triangle de Weimar entre la France, l'Allemagne et la Pologne. Il y a beaucoup de forums de discussion différents et je crois que ce qu'il faut, c'est essayer d'avoir de nombreuses rencontres où nous pouvons avoir des échanges informels dans la tranquillité, la sérénité, pour imaginer également de nouvelles approches. L'Allemagne veut bien se rendre en Russie la prochaine fois et l'Allemagne est également disposée à inviter ces deux messieurs à une prochaine occasion. On ne sait pas dans quel ordre ça se passera mais ça se prolongera.
LE PRESIDENT- Je pense que c'est toujours utile quand des chefs d'Etat et de Gouvernement se sentent en confiance et éprouvent le besoin de parler sans protocole excessif, librement, des grands sujets qui les concernent. Ce schéma n'est construit contre personne, il est au contraire à mettre au service de tout le monde. Bien sûr il a vocation à perdurer. Je ne sais pas, la prochaine fois, d'après ce que j'ai compris, c'est honneur aux dames, Angela ? Et peut-être si Dmitri était d'accord.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Pas de problème. Nous allons nous arranger avec Angela.
MME ANGELA MERKEL -- Honneur aux dames ? Pourquoi pas ! Bien volontiers mais je crois qu'on aura l'occasion d'en reparler.
QUESTION -- Une question pour le Président SARKOZY, cette fois sur la situation intérieure. 6ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites, avec de réelles tensions sur les approvisionnements en carburant. Mobilisation accrue dans les lycées, les universités. Est-ce que vous craignez une radicalisation du mouvement ? Est-ce que vous craignez des dérapages ?
LE PRESIDENT - Je m'en excuse auprès de mes deux collègues mais c'est une question sur la situation intérieure française. J'ai beaucoup réfléchi avant d'engager la réforme des retraites en France. Cette réforme avait été différée pendant trop longtemps. Et le rendez-vous ne pouvait plus être différé. Pourquoi ? Parce qu'il en allait de la certitude pour les retraités d'aujourd'hui, pour les retraités de demain, que leurs retraites soient payées. Il y a 15 millions de retraités en France. A la minute où je vous parle, pour 1 million et demi d'entre eux, les retraites sont payées par emprunt à la banque. Cette situation ne peut pas durer. Elle ne peut pas durer pour une question de justice : parce qu'il serait profondément injuste que des retraités qui ont travaillé toute leur vie, ou que des femmes et des hommes qui vont partir à la retraite, leur retraite ne soit pas payée. Ce n'est pas une situation spécifiquement française. Dans tous les pays du monde, cette question se pose. Elle s'est posée en Allemagne il y a quelques années et je crois me souvenir que ça a donné lieu aussi à de fameux débats. Dmitri s'en souvient et il a évoqué cette question avec moi il y a plusieurs mois aussi. Pourquoi ? Parce que rendez-vous compte que depuis 1950, dans un pays comme la France, les Français ont gagné 15 années d'espérance de vie ! Qui peut penser que si l'on vit en moyenne 15 années de plus, on ne devra pas cotiser plus longtemps ?
Face à cette réalité, c'est un choix difficile, complexe, mais c'était mon devoir. Un chef de l'Etat a des devoirs aussi, vis-à-vis de l'avenir, vis-à-vis des plus jeunes et vis-à-vis des équilibres fondamentaux de son pays. Je l'ai dit, je comprends l'inquiétude. Dans une démocratie, chacun peut s'exprimer mais on doit le faire sans violence et sans débordement. Je tiendrai dès mon retour à Paris une réunion pour débloquer un certain nombre de situations parce qu'il y a des gens qui veulent travailler, c'est même l'immense majorité, et qui ne doivent pas être privés d'essence. Cela ne peut pas exister dans une démocratie.
Par ailleurs, il faut faire très attention à l'arrivée d'un certain nombre de casseurs et je verrai également avec les forces de l'ordre pour que l'ordre public soit garanti. C'est mon devoir aussi. Vous me dites : « est-ce que vous craignez des débordements ? ». Bien sûr. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on les affronte. Mais le plus grand débordement serait de ne pas faire mon devoir et de ne pas prévoir le financement des retraites d'aujourd'hui et de demain. Pour le reste, je suis sûr que chacun saura faire preuve de sang froid. J'en appelle à la responsabilité de l'ensemble des acteurs pour que les choses ne franchissent pas certaines limites.
Je vous remercie.
Par ailleurs, hier soir au dîner et aujourd'hui, nous avons travaillé avec la Chancelière et le Président de la Fédération de Russie sur l'ensemble des questions qui nous occupent, Europe et Russie, et l'ensemble des dossiers internationaux.
Notre conviction est que sur quantité de sujets la Russie, l'Allemagne et la France ont les mêmes positions. Nous devons aider le Président MEDVEDEV dans sa tâche de modernisation, qu'il conduit avec détermination, et nous voulons travailler avec la Russie main dans la main, dans un climat de confiance et d'amitié, sur tous les sujets.
Les sujets qui importent à la Russie, je pense à la question des visas où nous avons décidé d'avancer étape par étape, mais d'avancer. Sur les questions économiques où nous sommes très interdépendants, qu'il s'agisse du problème des matières premières, des échanges de technologie ou du commerce. Sur la question de la sécurité où les menaces que nous affrontons sont les mêmes. Et sur les grands dossiers du Proche Orient, de l'Iran, où la position du Président MEDVEDEV avait été une position courageuse et très utile. Et puis bien sûr dans le cadre de la préparation de la Présidence française du G20 où nous avons évoqué, Mme MERKEL, M. MEDVEDEV et moi, tous les sujets qui seront sur la table durant l'année 2011 £ et je crois pouvoir dire -- même si nous ne rentrerons pas dans le détail, puisque 2011 ce n'est pas maintenant, nous sommes en 2010 -- que nous avons une très grande communauté de vue et la volonté de faire avancer les choses d'un même pas, la Russie, l'Allemagne et la France.
Bien sûr, je me réserve, si vous aviez des questions, d'y répondre, mais je crois pouvoir dire que cette réunion tripartite a montré une très, très grande convergence de vue. Et quand il y a des problèmes, une volonté de régler les problèmes en faisant des compromis et en comprenant bien que nous sommes dans un monde nouveau, celui de l'amitié entre la Russie et l'Europe.
M. DMITRI MEDVEDEV - Messieurs les représentants des médias nous avons terminé notre rencontre tripartite mais je voudrais dire deux mots pour remercier mon collègue, M. le Président SARKOZY, pour l'excellent choix du lieu et pour les conditions excellentes pour une telle réunion. C'est très important parce que cela aide le dialogue.
Cela fait cinq ans que nous n'avons pas eu de rencontre similaire et je suis tout à fait d'accord avec ce que M. SARKOZY a dit, ces évènements sont très utiles et permettent un dialogue sincère, ouvert et calme pour discuter de différentes questions.
Pendant le dîner, nous avons discuté des problèmes internationaux et des problèmes régionaux. Nous avons parlé du Proche Orient, de l'Iran, de l'Europe, et c'est vrai que cette discussion montre que nous avons des positions convergentes sur plusieurs questions, ce qui nous donne la possibilité de coordonner nos positions et de trouver un résultat que Monsieur le Président vient de mentionner : c'est le travail sur l'Iran. Nous sommes convenus que nous allons maintenir cette double approche, les sanctions qui ont été approuvées d'une part et d'autre part, nous devons pousser l'Iran à la coopération sur tous les sujets. Nous avons discuté de la sécurité européenne, ce qui est très important aujourd'hui, et aussi des questions de travail dans le cadre du G8 et du G20. Nous préparons maintenant le sommet du G8 qui se tiendra bientôt et nous devons regarder vers l'avenir, vers la Présidence française. Il faut que les décisions prises lors du G20 soient mises en pratique et donc la préparation d'un tel évènement est très importante. Nous nous sommes mis d'accord pour coordonner nos positions, nos approches.
Je voudrais dire deux mots à propos de ces formats. Le G20 est apparu grâce à l'action de Monsieur SARKOZY. Il m'a dit, « Écoute, Dimitri, j'ai parlé avec le Président BUSH et je demande qu'il réunisse un forum élargi ». Donc, nous nous sommes réunis et ce format est aujourd'hui actif, donc il faut que les réunions à venir débouchent sur des résultats concrets. Mais avant cela déjà, nous avons commencé à coordonner nos approches et avant la visite à Washington et à Londres, j'ai rendu visite à mes partenaires en France et en Allemagne. Et nous allons continuer ainsi.
La question de l'architecture de sécurité européenne était également au coeur de nos discussions. Nous croyons qu'il faut avancer, il y a un certain nombre d'idées pour cela, y compris l'idée russe du traité de sécurité européenne. Mes collègues sont prêts à continuer d'examiner cette idée. Nous avons parlé de la coopération entre la Russie et l'OTAN, c'est une discussion importante et très utile et je voudrais déclarer que je vais participer au Sommet de l'OTAN à Lisbonne. Je crois que ça va contribuer à trouver les compromis nécessaires et à développer le dialogue entre la Fédération de Russie et l'Alliance atlantique.
Nous avons également parlé du partenariat pour la modernisation du régime sans visa, et donc nous avons discuté de toutes les questions de coopération entre l'Union européenne et la Russie parce que la France et l'Allemagne sont des partenaires très importants pour nous. J'ajoute que ce format est très utile et qu'il permet de discuter d'une manière amicale et ouverte de questions très diverses et de trouver des solutions, et j'espère que l'on va poursuivre cette coopération. Merci.
MME ANGELA MERKEL -- Moi aussi, je voudrais remercier le Président de la République, Nicolas SARKOZY, tout d'abord du choix exceptionnel de ce lieu de réunion. C'est un très très beau site où nous avons pu conduire des entretiens en toute confiance et dans une très bonne atmosphère. Nous avons parlé des prochaines échéances internationales, je suis très heureux que le Président russe Dimitri MEDVEDEV accepte de participer au Sommet de l'OTAN à Lisbonne. C'est une bonne décision parce que je crois que les relations entre l'OTAN et la Russie doivent être fondées sur une bonne base, car les menaces que nous voyons dans le monde sont le plus souvent des menaces qui nous sont communes.
D'autre part, il faut également apprécier le fait qu'à propos des sanctions contre l'Iran, nous avons trouvé une voix commune. Nous avons également convenu qu'il fallait maintenir la pression sur l'Iran tout en redisant régulièrement à l'Iran que s'il adopte une attitude rationnelle, raisonnable, et s'il est clair que son programme nucléaire n'est pas militaire, à ce moment là, notre volonté de coopération sera ouverte à l'Iran.
Nous avons parlé de la prochaine réunion du G20 en Corée et ce que nous en attendons notamment, ce sont des progrès en matière de régulation. Nous ne sommes pas encore au bout de la construction d'une nouvelle architecture financière pour le monde et même si la crise est moins aiguë, il ne faut pas pour autant relâcher nos efforts pour arriver à une bonne régulation. Nous avons également parlé de la future Présidence française l'année prochaine et l'Allemagne soutiendra très activement la France dans ses projets pour faire du G20 un format permanent. Le G8 et le G20 sont deux formats différents. Nous pensons qu'on a besoin de l'un comme de l'autre, que les deux sont utiles et qu'il y a suffisamment de dossiers dans le monde que l'on peut traiter dans l'un ou l'autre format.
Nous avons également parlé du Sommet de l'OSCE à Astana qui doit montrer qu'en matière de sécurité, nous devons progresser et, en particulier, concernant les relations entre l'Union européenne et la Russie, sur les structures de sécurité. Nous en avons eu une première approche lors de notre rencontre avec le Président russe en Allemagne.
La France, l'Allemagne et la Russie ont la même position. Nous devons, étape par étape, construire une architecture qui nous permette de réagir à des conflits et nous avons parlé des relations Union européenne-Russie, c'est bien notre intérêt que l'accord UE-Russie soit rapidement finalisé et que les négociations s'accélèrent. Bien-sûr, le dossier des visas fait partie du contexte d'ensemble mais ce n'est pas le seul et nous avons besoin d'un accord moderne à la hauteur des exigences du temps, et l'Allemagne et la France soutiendront la Russie pour arriver rapidement à une conclusion.
Donc ce sont des sujets de grande importance dont nous avons pu discuter. Nous avons également parlé du processus de paix au Proche-Orient qui nous préoccupe énormément et qui n'avance pas comme on pourrait le souhaiter. Nous lançons un appel aux parties, Israël et les pays arabes, pour maintenir les conditions rendant possible la négociation. Malheureusement, les progrès ne sont pas aussi bons qu'on pourrait le souhaiter. L'Europe et la Russie sont prêtes à assumer leurs responsabilités et à faire tout ce qu'il est possible de faire avec nos partenaires américains pour que ces pourparlers reprennent dans de bonnes conditions.
QUESTION -- Madame la Chancelière, avez-vous réussi à lever les objections russes à l'égard d'un possible bouclier anti-missiles de l'OTAN en Europe centrale ou du Sud ? Comment peut-on amener la diplomatie française à renoncer à moyen terme à sa dissuasion nucléaire ?
MME ANGELA MERKEL - Tout d'abord, je suis heureuse que le Président russe participe au sommet de l'OTAN, cela montre que le nouveau concept stratégique de l'OTAN comporte des points rendant possible une coopération.
Concernant la position de la Russie à l'égard du bouclier anti-missiles, cela il appartient à la Russie de répondre à cette question, ce n'est pas à moi de le faire. Moi, je me félicite qu'il y ait une volonté de principe de parler de ces questions et de placer les relations avec l'OTAN sur des bases rationnelles. Moi, je considère, et la Russie le confirme, je considère que les grandes menaces du moment -- des Etats qui s'effondrent, le terrorisme, la prolifération nucléaire... -- ces grands thèmes sont des menaces que nous avons en commun et nous devons donc y apporter des réponses communes dans la mesure du possible.
La question du nouveau concept stratégique de l'OTAN, c'est en bonne voie. Ces questions devraient être tirées au clair d'ici le sommet de l'OTAN. Je crois qu'il y a accord de principe pour dire qu'il faudrait aboutir à un désarmement nucléaire mondial, mais cela ne peut se faire que dans un esprit de réciprocité et je n'ai aucun doute que d'ici Lisbonne, nous arriverons à un très bon résultat où chaque pays trouvera ses intérêts préservés.
QUESTION -- Monsieur SARKOZY, vous venez de dire que vous avez discuté de la question du régime sans visa, mais il y a des pays qui ont une position assez retenue. Donc, de quoi avez vous parlé concrètement ? Est-ce que vous êtes tombés d'accord sur quelque chose de concret ? Est-ce que cette question sera à l'agenda du sommet entre la Russie et l'Union européenne le 7 décembre à Bruxelles?
LE PRESIDENT -- J'ai bien compris la question. Écoutez, quand on se voit, c'est aussi -- et peut-être surtout -- pour parler des sujets qui sont importants pour les uns et les autres. Angela MERKEL comme moi, nous savions que la question des visas, c'est important pour nos amis Russes, donc on en parle. Personne ne pourrait penser qu'on en n'ait pas parlé, c'est évident. L'Allemagne et la France considèrent la Russie comme un ami, comme un pays ami. Donc il nous faut rapprocher nos positions. Nous avons donc convenu, sur cette question des visas, que nous allons progresser étape par étape, en bas. Nous avons pris en compte la demande du Président MEDVEDEV. Lui-même, sur d'autres sujets, s'est engagé, je pense notamment à la charte sur l'énergie, etc., à progresser pour arriver, dans des délais les plus raisonnables possibles, à un résultat qui soit la suppression des visas. Voilà ce que nous avons fait. Et par ailleurs, cette discussion collective n'empêche pas tel ou tel pays d'aller plus vite s'il le souhaite, dans le cadre de discussions bilatérales notamment entre la Russie et la France. Il n'y a pas de drame, on essaye de se comprendre, chacun essaye de comprendre les problèmes de l'autre et ce qui est important pour les Russes, les Allemands, les Français, c'est que cela progresse, que cela progresse raisonnablement, mais que cela progresse à une réelle vitesse.
Par ailleurs, mon point de vue, c'est qu'à horizon de dix, quinze ans, la vision que nous devons avoir c'est un espace économique commun Union européenne-Russie avec des libertés d'installation, la suppression de visas et avec des concepts de sécurité en commun.
Enfin, permettez-moi de dire, puisque j'ai cru comprendre que cela s'adressait à moi, que la France n'a pas l'intention de renoncer à la dissuasion nucléaire. Je ne sais pas si cela vous déçoit, mais il faut bien comprendre quand on parle à des amis qu'il y a des points qui sont forts. La France a ratifié tous les traités en la matière, la France est pour le désarmement nucléaire, pour la transparence des informations. J'ai eu une longue réunion avec le Secrétaire général de l'OTAN il y a quelques jours, je suis persuadé, comme l'a très bien dit la Chancelière, que l'on va arriver à un accord, un accord très satisfaisant. Je voudrais juste faire cette remarque : il ne semblerait pas tout à fait opportun pour l'OTAN, qui est une alliance militaire, d'être la seule alliance à renoncer absolument au nucléaire alors même que je n'ai pas cru comprendre que c'était la position d'un certain nombre de grands pays dans le monde. C'est de la complémentarité, ce n'est pas de l'exclusivité. Ce sont des sujets sur lesquels j'en suis persuadé, on aura un accord à Lisbonne et je soutiens d'ailleurs, comme Angela, l'excellent travail du Secrétaire général RASMUSSEN.
MME ANGELA MERKEL -- En ce qui concerne notre position sur les visas en Allemagne, nous savons que c'est un sujet important pour la Russie, nous pensons qu'il faut progresser étape par étape. Pour les visas de courte durée, l'Allemagne a déjà introduit des allègements, dans une prochaine étape on pourra discuter de visas pluriannuels. Et nous avons dit que ces étapes doivent être clairement identifiées. Nous voulons pouvoir progresser mais cela ne se fera pas en une seule fois, d'un seul coup. Et j'ai également compris que la Russie ne souhaite pas qu'on repousse cela aux calendes grecques mais que l'on travaille de façon systématique sur les questions qui doivent être traitées.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je veux dire encore deux mots sur ce sujet, comme cela concerne la Russie. Pour ce qui est des visas, les positions sont claires, elles sont telles qu'elles sont, elles sont pragmatiques et basées sur des réalités politiques propres à chaque pays. Tout le monde comprend qu'il faut annuler le régime des visas mais tout le monde comprend qu'on ne peut pas le faire tout de suite. Donc on s'est mis d'accord sur deux choses en ce qui concerne nos pays : ce doit être un processus, il faut juste en définir le cadre, et ce processus doit avoir sa feuille de route. Donc, sur ces positions, on va poursuivre notre travail £ notre réunion suivante doit se tenir avec la participation de toutes les parties et ce serait raisonnable de le faire avec la participation de la Commission européenne à Bruxelles.
Enfin deux mots sur la défense anti-missiles. Ce sujet est important pour nous. Nous en avons discuté et nous avons entendu ce qui a été dit concernant la participation de la Russie dans la défense anti-missiles globale. Ce sujet a été proposé pour l'agenda de nos relations avec l'OTAN mais il faut que l'OTAN explique comment elle voit l'adhésion de la Russie à ce système, ce que cela va donner, comment on va arriver à un accord et comment on va poursuivre notre travail. Donc à partir de l'examen de cette proposition, nous pourrons répondre et voir comment cette idée peut être mise en pratique.
QUESTION -- Une question à Madame MERKEL et à Monsieur MEDVEDEV. Êtes-vous d'accord avec Monsieur SARKOZY sur la nécessité de réformer le système monétaire international pour éviter une guerre des changes et soutiendrez-vous la Présidence française du G20 sur ce point ? Et vous plus particulièrement Monsieur MEDVEDEV, êtes-vous aussi d'accord pour dire que le problème, c'est le yuan ? Et une question à Monsieur SARKOZY : la Commission européenne a renoncé à ouvrir une procédure contre la France sur la directive de 2004 mais maintient la France sous surveillance pour d'éventuelles pratiques discriminatoires. Qu'en pensez-vous ?
MME ANGELA MERKEL -- Je pense que de considérer les questions monétaires, l'architecture monétaire future, que le choix de ce thème pour la prochaine Présidence du G20 est un très très bon choix et l'Allemagne soutiendra la France très activement sur ce chantier. Il suffit d'observer nos discussions actuelles pour voir que la question des monnaies et des parités est l'une des questions centrales et recèle également l'un des principaux risques de dérive vers le protectionnisme. Comme de nombreux pays, et bientôt la Russie, nous sommes membres de l'OMC. Pour la protection douanière, on a peu de possibilités protectionnistes mais il y a d'autres possibilités et l'Allemagne, et l'ensemble de l'Union européenne nous avons tout intérêt à un système monétaire juste. Voilà pourquoi j'attache une grande importance à cette question et nous serons très attentifs à arriver à davantage de transparence sur le plan international.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je suis d'accord avec le Président SARKOZY et je lui ai dit directement pendant notre dialogue. Dès que nous avons commencé avec le format du G20, j'ai compris que l'on ne pourrait pas éviter la question de la vision de notre système monétaire. Il y a des Etats qui croient qu'il faut juste s'arranger avec ce qui existe, qui croient que les institutions de Bretton Woods ont encore des opportunités. Personne ne remet cela en question mais c'est celle de l'avenir du système monétaire et financier dans les vingt années à venir. Notre position de base était de discuter de cette question et le G20 doit faire un pas décisif. Quel sera ce pas décisif ? Sans doute des accords fondamentaux et pour le G20, c'est la question de la structure du système financier et monétaire. Nous avons lancé la réforme du FMI, et donc le G20 est un format utile qui a beaucoup apporté au pic de la crise mais maintenant nous devons arriver à un résultat final et nous allons soutenir les idées qui ont été discutées. Et donc, dans les mois à venir, pendant la Présidence française ce seront les sujets les plus importants de la discussion. Nous sommes prêts à travailler sur d'autres sujets mais ce sujet est le plus important pour tous et on va parler aussi de plusieurs monnaies de réserve, peut-être de la création d'une monnaie de réserve globale.
LE PRESIDENT -- Evidemment, vous pensez bien que le soutien d'Angela MERKEL et Dmitri MEDVEDEV est extrêmement important pour apporter un peu d'ordre et de stabilité dans un univers monétaire qui en a bien besoin et la dernière chose que nous voudrions faire, parce qu'elle serait totalement contreproductive, c'est de montrer du doigt un certain nombre de partenaires, d'amis avec qui nous allons travailler. La question n'est pas d'accuser qui que ce soit, la question c'est de construire les bases d'une nouvelle organisation monétaire internationale. Si l'on rentre dans le conflit, dans la dénonciation des uns et des autres, il n'en sortira rien qu'un peu plus d'instabilité. C'est exactement le contraire de ce que nous voulons faire tous les trois. Je crois pouvoir dire que nous sommes totalement à l'unisson, nous avons été assez loin dans le travail sur le sujet, mais par courtoisie encore une fois pour nos amis coréens, nous n'irons pas plus loin dans les propositions. Mais sur les méthodes de travail et sur le fond, nous sommes déjà prêts à avancer.
Sur la décision de la Commission, je suis très heureux que la raison triomphe, elle finit d'ailleurs toujours par triompher. La Commission a décidé de ne pas faire de procédure à l'endroit de la France pour discrimination pour la raison simple, comme je l'ai toujours dit, qu'il n'y avait pas de discrimination et pas de matière à discrimination. Je trouve que c'est très bien ainsi et cela referme une période polémique dont tout le monde aurait bien pu se passer.
QUESTION -- Une question pour le Président MEDVEDEV. Le rapprochement de l'OTAN et de l'UE partait toujours de l'idée que les Russes afficheraient de la bonne volonté pour la résolution des conflits gelés. Quelle est votre contribution ? Premièrement, la Transnistrie : quand est-ce que la Russie sera prête à retirer ses troupes de Moldavie ? Deuxièmement, la Géorgie ? Deuxième question pour la Chancelière, à propos de la rencontre d'hier avec le Président français, dans la perspective du Conseil européen de la semaine prochaine. Pourquoi êtes-vous aussi certaine que la semaine prochaine, au Conseil européen, vous obtiendrez une décision qui rendra possible une révision des traités d'ici 2013 sur le pacte de stabilité ?
M. DMITRI MEDVEDEV -- Je crois que nous avons un potentiel pour résoudre tous les types de conflits y compris les conflits gelés. Vous avez mentionné la Transnistrie, nous en avons discuté hier et je crois que l'on peut arriver à de bons résultats. Mais il faut que toutes les parties au conflit aient une position constructive et cela, c'est l'affaire des médiateurs, de ceux qui ont la possibilité d'influer sur cette situation.
J'ai parlé avec la direction moldave et celle de Transnistrie à Moscou et on peut les engager dans une direction positive. Mais aujourd'hui, en Moldavie, on ne voit pas clair pour ce qui est du pouvoir, les élections sont à venir. Donc je crois qu'après les élections, nous avons de bonnes chances de reprendre le processus des négociations, d'obtenir des résultats. La Russie va y contribuer. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que le succès de ce travail ne dépend pas seulement de la Russie. Il dépend d'abord de la Moldavie, de la position de la Transnistrie, de la position de la Roumanie et de l'Union européenne. Tout le monde doit y participer.
MME ANGELA MERKEL -- Nous avons hier, entre la France et l'Allemagne, commencé à préparer le Conseil européen de la semaine prochaine. C'est important. Je n'ai eu de cesse de répéter que les fonds qui ont été mobilisés pour le sauvetage de l'euro, pour la Grèce en particulier et pour l'ensemble de la zone euro, ces fonds vont arriver à expiration en 2013 et on ne peut pas les proroger tel quel, on ne peut pas les reconduire en l'état. Donc il faut d'ores et déjà réfléchir à ce que nous allons faire à ce moment là. Et nous sommes d'accord pour dire que nous avons besoin d'un mécanisme de soutien, de sauvetage durable et d'une autre nature.
Et je crois que c'est un signal très positif que la France et l'Allemagne aient déclaré à l'unisson que cela supposait une révision du traité, et cette révision du traité prévoit un mécanisme dans lequel les créanciers privés, le secteur privé participe financièrement à la résolution d'une situation difficile pour l'euro. C'est un progrès de taille. L'accord entre la France et l'Allemagne n'est pas un accord du Conseil européen, mais si la France et l'Allemagne abordaient une réunion de Conseil européen avec des positions divergentes, les autres pays diraient : « comment voulez-vous que l'on se mette d'accord si la France et l'Allemagne ne le sont pas ». C'est donc une condition nécessaire, mais non suffisante, qui est remplie pour obtenir le succès de ce Conseil. Je suis convaincue que nous aurons encore un important travail de conviction à mener, mais si nous le menons ensemble, c'est déjà une bonne nouvelle.
LE PRESIDENT -- Qu'il me soit permis de dire mon total accord avec ce que vient de dire, d'affirmer la Chancelière. Nous sommes engagés au même titre que l'Allemagne dans la demande de révision des traités dans le sens qui a été indiqué par Mme MERKEL. Nous ne voulons imposer nos vues à personne. Mais j'observe, comme l'a très bien dit Mme MERKEL, que quand l'Allemagne et la France ne sont pas d'accord, on nous le reproche de façon vigoureuse. J'imagine que personne ne nous reprochera d'afficher un accord avant une réunion, surtout lorsqu'on sait la part que nos deux pays ont prise dans la stabilisation des réponses européennes dans la crise.
Donc nous avons une vision qui est commune et nous avançons ensemble dans cette direction. Je fais miennes toutes les déclarations de Mme MERKEL. Cela doit rassurer tout le monde de savoir que nous travaillons d'ores et déjà à une solution pérenne, pour faire face à d'éventuelles crises.
Qu'il me soit également permis de dire -- et c'est ça d'ailleurs qui est très agréable dans le dialogue avec M. MEDVEDEV, -- que nous avons naturellement évoqué ce que vous appelez des conflits gelés. Il y a aussi la question de la Géorgie, et pour avoir eu à en traiter en 2008 avec M. MEDVEDEV, -- j'avais d'ailleurs été heureux de pouvoir discuter avec lui, ce n'était pas si facile de gérer tout ceci -- je lui ai dit combien je considérais que c'était un progrès, l'évacuation de la ville de Perevi. Il se souviendra certainement que je le lui avais demandé à plusieurs reprises et je l'en remercie. Et il faut continuer à discuter, faire prévaloir la diplomatie, les discussions, tranquillement £ penser au retour des prisonniers £ par ailleurs que les autorités géorgiennes s'engagent à ne pas avoir à recourir à la force £ que nos amis russes acceptent des observateurs européens.
Le travail n'est pas fini, nous savions d'ailleurs, M MEDVEDEV comme moi, que cela prendrait du temps, qu'on ne peut pas sortir d'une situation difficile et douloureuse comme cela en quelques semaines. Mais bien sûr, nous avons parlé en toute confiance de ces sujets. Je crois d'ailleurs que c'est assez positif pour tout le monde. Et on voit d'ailleurs que la solution de ces conflits n'est pas l'affrontement, n'est pas la guerre, n'est pas une solution militaire. C'est la diplomatie, c'est la confiance, c'est la discussion, c'est la compréhension des problèmes de l'autre. C'est comme cela que l'on apaise les tensions et certainement pas autrement. Voilà en tout cas ma conviction.
QUESTION -- Vous avez tous porté une appréciation positive de la rencontre d'aujourd'hui. Est-ce que l'on peut espérer que ce format de troïka, qui ne s'était pas réuni depuis quelques années alors qu'il était populaire auparavant, est-ce que l'on peut espérer qu'il se réunisse régulièrement, et comment sera construit son agenda ? Comment cela va être coordonné avec l'architecture de la politique européenne ? Peut-être avez-vous déjà un agenda concret ?
M. DMITRI MEDVEDEV -- Il me semble que nous sommes tous d'accord pour dire que c'était un événement utile en tous points. Nous avons discuté des problèmes européens, des problèmes régionaux ainsi que des problèmes tripartites mais aussi des questions à l'agenda du G20, de travail dans le cadre du G20. Donc cette coordination est très utile. Je crois qu'il faut garder ce format et que ces rencontres doivent être régulières. L'endroit est très bien choisi et il y a beaucoup de raisons pour cela.
MME ANGELA MERKEL -- Je crois que dans un monde qui se rapproche de plus en plus, les divers formats ont leur légitimité. C'est un format utile, intéressant et nous ne nous sommes pas ennuyés. Nous avions beaucoup de pain sur la planche. Il y d'autres formats, par exemple le triangle de Weimar entre la France, l'Allemagne et la Pologne. Il y a beaucoup de forums de discussion différents et je crois que ce qu'il faut, c'est essayer d'avoir de nombreuses rencontres où nous pouvons avoir des échanges informels dans la tranquillité, la sérénité, pour imaginer également de nouvelles approches. L'Allemagne veut bien se rendre en Russie la prochaine fois et l'Allemagne est également disposée à inviter ces deux messieurs à une prochaine occasion. On ne sait pas dans quel ordre ça se passera mais ça se prolongera.
LE PRESIDENT- Je pense que c'est toujours utile quand des chefs d'Etat et de Gouvernement se sentent en confiance et éprouvent le besoin de parler sans protocole excessif, librement, des grands sujets qui les concernent. Ce schéma n'est construit contre personne, il est au contraire à mettre au service de tout le monde. Bien sûr il a vocation à perdurer. Je ne sais pas, la prochaine fois, d'après ce que j'ai compris, c'est honneur aux dames, Angela ? Et peut-être si Dmitri était d'accord.
M. DMITRI MEDVEDEV -- Pas de problème. Nous allons nous arranger avec Angela.
MME ANGELA MERKEL -- Honneur aux dames ? Pourquoi pas ! Bien volontiers mais je crois qu'on aura l'occasion d'en reparler.
QUESTION -- Une question pour le Président SARKOZY, cette fois sur la situation intérieure. 6ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites, avec de réelles tensions sur les approvisionnements en carburant. Mobilisation accrue dans les lycées, les universités. Est-ce que vous craignez une radicalisation du mouvement ? Est-ce que vous craignez des dérapages ?
LE PRESIDENT - Je m'en excuse auprès de mes deux collègues mais c'est une question sur la situation intérieure française. J'ai beaucoup réfléchi avant d'engager la réforme des retraites en France. Cette réforme avait été différée pendant trop longtemps. Et le rendez-vous ne pouvait plus être différé. Pourquoi ? Parce qu'il en allait de la certitude pour les retraités d'aujourd'hui, pour les retraités de demain, que leurs retraites soient payées. Il y a 15 millions de retraités en France. A la minute où je vous parle, pour 1 million et demi d'entre eux, les retraites sont payées par emprunt à la banque. Cette situation ne peut pas durer. Elle ne peut pas durer pour une question de justice : parce qu'il serait profondément injuste que des retraités qui ont travaillé toute leur vie, ou que des femmes et des hommes qui vont partir à la retraite, leur retraite ne soit pas payée. Ce n'est pas une situation spécifiquement française. Dans tous les pays du monde, cette question se pose. Elle s'est posée en Allemagne il y a quelques années et je crois me souvenir que ça a donné lieu aussi à de fameux débats. Dmitri s'en souvient et il a évoqué cette question avec moi il y a plusieurs mois aussi. Pourquoi ? Parce que rendez-vous compte que depuis 1950, dans un pays comme la France, les Français ont gagné 15 années d'espérance de vie ! Qui peut penser que si l'on vit en moyenne 15 années de plus, on ne devra pas cotiser plus longtemps ?
Face à cette réalité, c'est un choix difficile, complexe, mais c'était mon devoir. Un chef de l'Etat a des devoirs aussi, vis-à-vis de l'avenir, vis-à-vis des plus jeunes et vis-à-vis des équilibres fondamentaux de son pays. Je l'ai dit, je comprends l'inquiétude. Dans une démocratie, chacun peut s'exprimer mais on doit le faire sans violence et sans débordement. Je tiendrai dès mon retour à Paris une réunion pour débloquer un certain nombre de situations parce qu'il y a des gens qui veulent travailler, c'est même l'immense majorité, et qui ne doivent pas être privés d'essence. Cela ne peut pas exister dans une démocratie.
Par ailleurs, il faut faire très attention à l'arrivée d'un certain nombre de casseurs et je verrai également avec les forces de l'ordre pour que l'ordre public soit garanti. C'est mon devoir aussi. Vous me dites : « est-ce que vous craignez des débordements ? ». Bien sûr. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on les affronte. Mais le plus grand débordement serait de ne pas faire mon devoir et de ne pas prévoir le financement des retraites d'aujourd'hui et de demain. Pour le reste, je suis sûr que chacun saura faire preuve de sang froid. J'en appelle à la responsabilité de l'ensemble des acteurs pour que les choses ne franchissent pas certaines limites.
Je vous remercie.