15 octobre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la politique familiale notamment sur les mesures prises en faveur des femmes, à Paris le 15 octobre 2010.

Madame la Secrétaire d'Etat, chère Nadine,
Monsieur le Président délégué du Haut Conseil de la Famille, Bertrand FRAGONARD,
Monsieur le Président de l'UNAF, François FONDARD,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'associations familiales,
Et si vous me le permettez, chers amis,
Je suis très heureux de vous recevoir à l'Elysée. La France est un pays jeune, la France est un pays dynamique, et c'est bien grâce à vous qui êtes réunis ici.
Dans un instant j'aurai le plaisir de remettre les médailles de la famille aux mères de familles nombreuses.
Il y a 90 ans, notre pays créait cette distinction pour rendre hommage aux mères et aux parents méritants. C'était en 1920, notre pays sortait de la Première guerre mondiale usé par l'effort de guerre, sa jeunesse décimée par le conflit, les familles meurtries par le deuil et la population démoralisée.
Mettre à l'honneur les familles dans la renaissance de la France, ce n'était pas seulement à l'époque encourager le peuplement d'un pays qui souffrait depuis très longtemps d'un taux de natalité faible. C'était aussi mettre en valeur l'immense espoir que représente l'attente d'un enfant, l'avenir que porte un nouveau-né, l'élan que la jeunesse insuffle à la société.
25 années plus tard, au sortir d'un nouveau conflit meurtrier, ce sont les familles qui, encore une fois, ont été placées au coeur de la reconstruction et de l'aspiration à un nouveau monde. C'est en effet après la Seconde guerre mondiale que le gouvernement a mis en place la première politique familiale.
C'est également en 1945, avec la création de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, et de ses unions départementales, que s'est organisé la représentation des mouvements familiaux, et cher François FONDARD, je tiens à saluer ici l'engagement des présidents de ces associations à poursuivre cet élan aujourd'hui, élan qui vous doit beaucoup.
Je veux vous dire l'importance que j'attache à la politique familiale et à la famille. La famille constitue le pilier de notre société tout simplement parce qu'elle représente une solidarité entre les générations. Un grand historien, FUSTEL de COULANGE, affirmait que la famille était la matrice de la civilisation.
Mais je vois en vous bien plus que des symboles. Eduquer des enfants c'est une joie, c'est également un engagement de tous les instants, qui demande des sacrifices, qui demande de l'abnégation, qui demande de la patience, qui demande de la volonté.
Et vous qui avez des familles nombreuses, vous le savez mieux que quiconque. Avoir des enfants, les élever, est une preuve d'amour et un don de soi. Je mesure les trésors d'organisation qu'il vous faut déployer. Je mesure également les joies quotidiennes, la tendresse et l'amour que tout ceci représente.
Elever des enfants, c'est leur transmettre des valeurs : le sens du bien commun, la fraternité, l'action au service des autres. Sans la transmission de ces valeurs, le travail, l'effort, le mérite, sans la transmission de ces valeurs, c'est toute la société qui s'effondre.
Au fil des ans, notre politique familiale a prouvé son efficacité : la France peut s'enorgueillir d'avoir le taux de fécondité le plus élevé d'Europe. Evidemment, un peu moins de 2 enfants par femme en moyenne, pour vous, cela doit sembler bien peu...
821 000 enfants sont nés en France en 2009 : c'est un atout.
Pour conforter cet atout, nous consacrons à la politique familiale plus de 100 milliards d'euros cette année. Cela représente 5,1% de notre PIB, c'est très exactement deux fois plus que nos voisins européens, qui y consacrent en moyenne 2,5%.
Je veux réaffirmer ma volonté de maintenir cet effort. Car à mes yeux, financer notre politique familiale ce n'est pas seulement une dépense, c'est un investissement.
Le cercle vertueux auquel j'appelle, c'est vous qui en êtes à l'origine, vous les mères qui avez donné vie à ces enfants porteurs d'avenir.
Certaines d'entre vous ont choisi de se consacrer à l'éducation de leurs enfants, d'autres ont occupé ou occupent encore un emploi. Chacun et chacune à votre façon, vous avez contribué à l'intérêt général.
J'ai entendu les inquiétudes qu'a pu susciter le projet de réforme des retraites auprès des mères de famille. Je souhaite aujourd'hui vous rassurer.
L'objectif de cette réforme est de garantir à tous les Français que leurs retraites et celles de leurs enfants pourront être financées. C'est un objectif de justice sociale, notamment pour les petites retraites et les petits retraités. Que deviendraient-ils si demain il n'y avait pas l'argent pour payer les retraites ? Que deviendrions-nous dans ce cas là ? Je demande à chacun d'y réfléchir et de se poser la question. Nous avons donc décidé de viser l'équilibre en 2018, de relever progressivement l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. C'était mon devoir pour préparer l'avenir de nos enfants. En tant que chef de l'Etat, mon devoir c'est de regarder l'avenir et pas simplement de profiter du passé ou du présent.
Notre régime de retraite repose sur la solidarité, et notamment sur la participation des femmes. Les Françaises conjuguent un taux de fécondité record en Europe avec un niveau d'activité élevé. Elles occupent donc un rôle central dans notre régime de retraite par répartition. Elles ont une place à part depuis longtemps.
Les familles bénéficient dans notre pays d'une juste reconnaissance : nous consacrons chaque année 15 milliards d'euros aux avantages familiaux de retraite. C'est le signe que la solidarité nationale s'exerce fortement en direction des femmes, qu'il s'agisse des majorations de durée d'assurance pour enfant ou de l'assurance vieillesse des parents aux foyers.
Nous avons également fait un effort sans précédent en faveur des plus fragiles : le taux de la pension de réversion a été porté de 54 à 60% pour les veuves les plus modestes. Je l'avais promis, nous l'avons tenu. Le minimum vieillesse, dont 60% des bénéficiaires sont des femmes, aura été revalorisé de 25% entre 2007 et 2012. Et quels que soient les contextes budgétaires difficiles, j'ai tenu à ce que cet engagement soit maintenu.
J'ai également voulu que le projet de réforme actuel soit plus protecteur pour les femmes. Il était en particulier inacceptable que le congé maternité conduise à une baisse du montant de la retraite. Avec la réforme, l'indemnité journalière perçue pendant le congé maternité sera désormais intégrée dans le salaire de référence pour le calcul de la pension. Ce n'était pas le cas, cela le devient.
Grâce à la forte progression du taux d'activité féminin ainsi qu'aux mécanismes protecteurs de notre système de retraite, les femmes auront en moyenne dans 5 ans une durée d'assurance équivalente à celle des hommes. Passée cette date, l'écart sera désormais à leur avantage. Mais il est vrai également que les mères de famille des générations les plus proches de l'âge de la retraite ont parfois connu des carrières heurtées en raison d'interruptions liées à l'éducation de leurs enfants. Le gouvernement a donc déposé un amendement pour maintenir pour toutes les femmes nées avant 1956, qui ont eu trois enfants et qui se sont arrêtées au moins un an pour les élever, l'âge d'annulation de la décote à son niveau actuel, c'est-à-dire 65 ans. Cet amendement a été voté par le Sénat. C'est une exception que j'ai voulue par reconnaissance pour tous ces parents et toutes ces mères, qui ont tant donné à la France en se consacrant à leurs enfants, à une époque où il était plus rare que les femmes puissent s'investir autant que les hommes dans leur activité professionnelle.
J'ai également fait un choix identique pour les parents d'enfants handicapés car on sait combien l'arrivée d'un enfant handicapé dans un foyer s'accompagne d'un impact durable sur la vie de ses parents, notamment leur vie professionnelle. Il était normal qu'ils soient protégés.
Il faut que les femmes puissent occuper toute leur place dans le monde du travail et y bénéficier d'une juste reconnaissance.
Pour y parvenir, nous devons faire reculer les inégalités salariales entre hommes et femmes. Nous prévoyons donc de sanctionner les entreprises qui ne signeront pas d'accord portant sur l'égalité salariale. C'est la meilleure manière de mettre fin à cette injustice, à ce scandale qui voit les femmes gagner en moyenne 27% de moins que les hommes !
Nous devons enfin permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Nadine MORANO a fait beaucoup pour le développement des modes de garde. Elle a porté des projets exemplaires, notamment pour développer des modes de garde alternatifs.
Comment, en effet, occuper un emploi si l'on n'a personne à qui confier son enfant ?
Nous avons donc fait de l'accueil des jeunes enfants une priorité.
1,3 milliards d'euros serviront à créer 200 000 places d'accueil supplémentaires d'ici à 2012, ce milliard 300 millions d'euros servira également à former 60 000 professionnels de la petite enfance. C'est un effort sans précédent.
Les premiers résultats sont là : 12 500 places ont été créées en accueil collectif, 21 000 nouvelles places chez des assistantes maternelles, et 35 000 places supplémentaires ont pu être débloquées en optimisant le potentiel d'accueil.
J'entends souvent dire, chers amis, que la France est un pays d'individualistes. Je suis profondément convaincu que c'est faux. Par votre vie, par votre dévouement aux autres, par votre engagement à défendre les valeurs de la famille, vous en témoignez à chaque instant.
Vous portez cet esprit de responsabilité, en France nous n'avons pas que des droits, nous avons aussi des devoirs. Il n'y a pas que des libertés, il y a aussi des responsabilités. Les devoirs sont la contrepartie des droits, la responsabilité la contrepartie de la liberté.
BERNANOS affirmait que « les pères et mères de famille sont les héros des temps modernes ». Pour cet héroïsme quotidien, pour ce qu'il apporte à la France et à l'avenir de notre pays, c'est la République qui va vous remercier. Je vous remercie à mon tour.