4 octobre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, en faveur d'un partenariat euro-asiatique en matière de monnaie, de matières premières et de gouvernance économique, à Bruxelles le 4 octobre 2010.

LE PRESIDENT -- Le monde était absolument au bord du gouffre, sans que personne n'ait pu percevoir ce qui s'est passé. Dans l'urgence, nous avons pris, en Asie et en Europe, les décisions pour s'en sortir. Mais regardons la situation telle qu'elle est : nous n'avons rien changé structurellement. Nous sommes toujours confrontés au risque d'une crise systémique qui serait entrainée par la défaillance d'un pays d'abord, d'une région ensuite et du monde. Que se passe-t-il ? Nous sommes dans un nouveau monde, il faut de nouvelles idées. Et l'Europe et l'Asie, qui pèsent 60% du PIB mondial, peuvent apporter des réponses. J'ai été très intéressé par l'intervention du Premier ministre chinois et par celle de nos amis Coréens. Je voudrais que nous prenions des initiatives sur trois sujets absolument déterminants pour l'Asie comme pour l'Europe.
Premier sujet : nous vivons dans un monde où les déséquilibres monétaires font peser un risque sur toutes nos économies. Je prends deux exemples : savez-vous que depuis 1990, le monde a connu quarante-deux crises monétaires. A quarante-deux reprises, des pays entiers, en Asie comme en Europe, se sont littéralement vidés de leurs capitaux. Deuxième remarque : en 1974 a été créé le G7 - devenu le G8 - pour parler notamment des problèmes monétaires. Aujourd'hui, le G7 n'est plus légitime pour en parler. Pourquoi ? Parce que, par exemple, la Chine n'est pas membre du G7. Donc aujourd'hui, en 2010, nous n'avons pas un seul endroit où, dans le monde, nous pouvons parler des questions monétaires. Chacun fait comme il veut, chacun à juste titre essaye de préserver sa souveraineté, mais nous vivons au XXIème siècle sans un ordre monétaire. Nous vivons sur la fiction de Bretton Woods, où il y avait une économie et une monnaie. La question de la définition d'un nouvel ordre monétaire est clairement posée. Où parle-t-on de monnaie ? Est-ce que les monnaies ne sont pas un sujet qui concerne les chefs d'État et de Gouvernement ? Est-ce que chaque région du monde doit accumuler des réserves pour éviter une crise ? Ce sont des sujets qu'il faut traiter et résoudre.
Deuxième sujet absolument capital : l'effrayante volatilité du prix des matières premières. En un an, le pétrole est passé de 40 dollars à 140, mais le monde est resté le même. Il suffit qu'il y ait des incendies catastrophiques chez nos amis les Russes et le prix des céréales en deux mois a augmenté de 65 %. Qui peut l'accepter ? Nous avons fait des efforts pour réguler les produits dérivés en matière financière, est-il acceptable qu'il existe des produits dérivés sur les matières premières sans que nous ne décidions rien ? Je suis pour le marché, mais qu'on ne mente pas, ce n'est pas le marché qui fixe le prix des matières premières aujourd'hui, c'est la spéculation. Nous devons réguler.
Troisième sujet absolument considérable : quelle est la gouvernance mondiale en matière économique ? Nous avons réussi la réforme de la Banque mondiale £ enfin est clairement posée la question de la réforme du FMI. Quel rôle pour le FMI ? Quelle représentation au FMI ? Quelle place pour des régions comme l'Afrique dans le FMI ?
Voilà je crois les trois sujets majeurs, Monsieur le Président VAN ROMPUY : un nouvel ordre monétaire £ une régulation des prix des matières premières - régulation ne veut pas dire contrôle - £ et une nouvelle gouvernance économique. Où se prennent les décisions ? Qui les prend ? Selon quel processus démocratique ? Il me semble que ce sont les trois sujets majeurs et, en accord avec nos amis Coréens, je voudrais en faire les sujets essentiels du prochain G20.
J'ajoute un dernier point pour en terminer, parce que j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Je crois qu'il faut profondément changer nos méthodes de préparation des sommets internationaux. Le sommet ne doit être que la conclusion d'un processus beaucoup plus long, où nos ministres et nos experts auront parlé, fait des propositions, de manière à ce qu'il y ait moins de sommets où les discours se succèdent aux discours sans qu'ils ne se rencontrent jamais et où les décisions sont prises avant même qu'on ne se soit rencontré. Dans ce cas on peut se contenter d'une conférence téléphonique ou d'échanges de communiqués, ce qui évitera de dégrader notre bilan carbone...
Je crois qu'il va falloir que l'on réfléchisse aussi là-dessus.