4 juin 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la recherche française en matière de santé, à Paris le 4 juin 2010.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Laboratoires Internationaux de Recherche,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs Généraux du LEEM,
Monsieur le Président de l'Alliance des Sciences du Vivant et de la Santé et de l'INSERM, cher André SYROTA,
Monsieur l'Administrateur Général du CEA, cher Bernard Bigot,
Monsieur le Président du CNRS, cher Alain Fuchs,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver, un an - jour pour jour - après notre dernière rencontre.
J'ai tenu à recevoir, ensemble, les patrons de la Recherche et du Développement des Laboratoires Internationaux de Recherche Pharmaceutique, et ceux du LEEM qui regroupe les entreprises du secteur pharmaceutique opérant en France.
Nous étions convenus, vous vous en souvenez, de faire le point au bout d'un an. Vous, pour me dire ce que vous aviez fait. Moi, pour vous dire où nous en sommes. Pour vous convaincre que la France change. Et pour vous inviter à porter sur cette France un regard nouveau.
La recherche en santé est la première priorité de notre recherche. Les industries de santé sont un axe majeur de la compétitivité de la France.
La France est le premier producteur de médicaments de l'Union Européenne. L'industrie pharmaceutique se situe au second rang des dépenses intérieures de R&D des entreprises de notre pays.
L'an passé, c'était pour parler des maladies du système nerveux, que nous étions réunis. Cette réunion a été, je le sais, un succès. Sept partenariats sont en cours d'élaboration.
Un accord de coopération scientifique ambitieux entre l'Alliance des sciences de la vie et de la santé et Sanofi-Aventis a été signé.
Douze essais ont été lancés dont un essai clinique de dimension internationale mené par ROCHE et dirigé par le Professeur Bruno Dubois. Deux autres contrats, également signés par ROCHE, concernent le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer.
Cette année, c'est pour vous faire connaître les meilleures équipes de recherche françaises dans le domaine des maladies cardio-vasculaires, de l'obésité et du diabète, que nous vous avons conviés.
Les chercheurs français ont, depuis quelques années, réalisé des avancées majeures dans la compréhension du mécanisme de l'hypertension artérielle, du diabète et de l'obésité.
Vous observerez aussi que vous n'êtes pas en face de la multitude d'organismes et d'agences qui composaient le paysage atomisé de la recherche biomédicale française, il y a de cela seulement trois ans.
Non, c'est l'Alliance des Sciences du Vivant et de la Santé et son président, André SYROTA, qui ont organisé, avec vous et pour vous, la réunion scientifique d'aujourd'hui. L'Alliance fédère désormais tous les acteurs publics de la recherche biomédicale française.
L'Alliance a vocation à jouer, à la manière de l'Institut National de la Santé aux Etats-Unis, un rôle central dans le pilotage national de la recherche.
Je tiens à rappeler une fois encore combien je compte sur l'Alliance pour faire confiance aux Universités, pour les aider dans leur évolution vers l'autonomie. En un mot, pour leur permettre de remplir leurs nouvelles missions.
Il nous a fallu clarifier les missions de chacun. Le rôle de stratège est confié à l'Alliance, le rôle de financement sur projets à l'ANR, le rôle d'évaluation à l'Agence d'Evaluation de la Recherche, l'AERES, et celui d'opérateurs aux Universités.
Et à nos chercheurs en qui je fonde tant d'espérance, je voudrais dire qu'il nous faut apprendre à mieux coopérer avec la recherche industrielle.
J'ai pris acte, lors du Conseil Stratégique des Industries de Santé, en octobre dernier, de l'engagement des principaux laboratoires implantés en France de doubler d'ici à 2012 leurs dépenses en matière de recherche partenariale.
Face aux difficultés croissantes de l'innovation thérapeutique, il faut plus que jamais une coopération étroite entre recherches publique et industrielle. Nous avons su le faire pour le nucléaire civil ou l'aérospatiale. Nous saurons le faire pour le médicament !
Nous allons passer d'une médecine collective à une médecine personnalisée, capable de prédire l'efficacité individuelle des traitements. C'est déjà, je crois, le cas de traitements de plusieurs cancers. Et ensemble, avec les médicaments issus des biotechnologies et avec les cellules souches adultes, vous allez, j'en suis sûr, contribuer de manière décisive à l'essor de la médecine régénératrice et réparatrice.
En vous encourageant, cette année encore, à coopérer plus étroitement, je renouvelle le voeu que s'établisse entre vous un climat de confiance.
Il n'est pas question une seconde de subordonner la recherche à ses seules applications. Les grandes découvertes de la science sont fortuites, je le sais. Il est encore moins question d'assujettir les Universités aux lois du marché ou de faire piloter la science par l'économie.
Ce dont il est question, c'est de rebondir après la crise la plus grave que la France et le monde aient connue depuis les années 30.
C'est de l'investissement que naît le progrès technique, moteur de la croissance. Il nous faut investir pour rattraper le retard dû à la crise, certes, mais aussi à des années d'hésitation.
Depuis 1974, nous avons constamment sacrifié l'investissement.
Le secteur privé ne peut pas tout. Sans l'Etat, aurions-nous fait le programme électronucléaire ou le TGV ? Certainement pas !
Nous avons donc décidé de mobiliser 35 Mdseuros d'emprunt national qui seront exclusivement consacrés aux priorités d'avenir.
Ainsi, ce sont plus de 60 Mdseuros, public et privé, qui seront investis dans cinq domaines prioritaires : enseignement supérieur et formation, recherche, industrie et PME, numérique et enfin développement durable.
En 2006, nous investissions en proportion deux fois moins que les Etats-Unis dans l'enseignement supérieur. Deux fois moins !
En France, les dépenses d'enseignement supérieur en pourcentage du PIB ont même décru entre 1995 et 2006.
Depuis 2007, comme je m'y suis engagé, l'effort de l'Etat augmente chaque année d'un milliard d'euros. En cinq ans, si l'on y ajoute le plan campus, ce seront 20 Mdseuros de plus pour l'enseignement supérieur.
Et nous avons lancé l'opération Campus pour que les étudiants disposent enfin de locaux modernes, de logements universitaires décents, de bibliothèques accessibles.
Nous consacrerons, par ailleurs, 1 milliard d'euros tout de suite à Saclay pour y créer un gigantesque campus d'enseignement, de recherche et de valorisation.
Nos universités souffraient d'une absence d'autonomie et d'une gouvernance, il faut bien le dire, archaïque. Nous y avons mis fin avec la loi sur l'autonomie des universités.
Avec l'emprunt national, nous franchissons une nouvelle étape. Nous allons donner à nos universités les moyens de l'excellence.
Notre objectif est simple : faire émerger une dizaine de campus d'excellence avec les moyens, la taille critique, les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales.
Huit Mds euros y seront consacrés selon des critères stricts définis par un jury international.
Ainsi, avec le plan Campus et ses 5 Mds, c'est le volet immobilier qui est traité. Avec l'Emprunt National et ses 8Mds, c'est tout le volet immatériel qui est abordé.
Nous voulons être capables de rivaliser avec les meilleures universités du monde. Nous savons parfaitement, chère Valérie PECRESSE, que l'autonomie en est une condition nécessaire mais pas suffisante. L'autonomie n'est pas une fin.
Après un processus de sélection rigoureux et une période probatoire, un petit nombre d'universités pourront recevoir une dotation en capital de l'ordre d'1 Mdeuros chacune. Pour la première fois, les universités françaises bénéficieront de ressources échappant aux aléas des arbitrages budgétaires.
Ces sommes leur permettront d'acheter des équipements de pointe, mais surtout de se doter d'un capital générateur de revenus pérennes. Pour leur permettre de recruter les meilleurs chercheurs et de lancer les meilleurs projets.
Notre soutien est toutefois subordonné à trois conditions :
- l'excellence mondiale,
- la gouvernance renouvelée et
- le partenariat avec les entreprises.
La France consacre des moyens importants à la recherche publique. Nous nous honorons d'avoir plusieurs prix Nobel dans les disciplines scientifiques. Mais nous souffrons de la dispersion des forces et du cloisonnement entre recherche publique et monde économique. Et nous sommes très en retard pour le dépôt de brevets et leur valorisation.
Je me suis laissé dire que nos organismes de recherches détiennent des centaines de brevets dormants, peut-être davantage. Alors, de deux choses l'une : ou bien ces brevets sont obsolètes, il faut cesser de payer pour leur entretien £ ou bien ils sont potentiellement valorisables et il faut les conduire à leur application industrielle. Nous allons faire expertiser ces brevets.
Nous allons doter en capital un petit nombre de sociétés de valorisation, implantées sur les grands campus. Je veux aider ceux qui valorisent ces brevets et qui tentent de leur donner une traduction industrielle.
Priorité des priorités, la recherche en santé qui vous est chère, Mesdames et Monsieur.
2.5 Mdeuros sur les 8 milliards seront affectés à la recherche en santé et en biotechnologies. Les maladies cardio-vasculaires qui vous occupent aujourd'hui, les cancers, le diabète, l'obésité, les maladies génétiques, l'Alzheimer et le Sida : ce sont des centaines de milliers de familles qui sont touchées, brisées.
L'action « Santé et Biotechnologies » du Grand Emprunt soutiendra la recherche en santé, pour qu'émerge une économie basée sur la connaissance du vivant et les ressources biologiques renouvelables.
Elle est dotée d'un financement total de 1,55 milliard d'euros pour la constitution de cohortes, de plates-formes à haut débit, d'infrastructures de biotechnologies et de bio-informatique.
Il y a un projet qui me tient particulièrement à coeur, c'est celui des Instituts hospitalo-universitaires, les IHU. Notre idée, c'est de rapprocher l'excellence des soins du meilleur de la recherche médicale autour de projets scientifiques cohérents, pour que, de cette alliance, émergent des innovations diagnostiques et thérapeutiques, source de prospérité, de croissance et d'emplois. Nous leur consacrerons près d'un milliard d'euros.
Un premier appel d'offres aura lieu dans les prochains mois et nous sélectionnerons les cinq premiers IHU. Notre objectif est d'identifier au sein de nos universités, dans nos CHU, cinq projets d'excellence mondiale et de les accompagner jusqu'à leur traduction industrielle. De concentrer des moyens très importants sur un petit nombre d'équipes pour leur permettre de se positionner dans la compétition mondiale.
Depuis 2007, nous avons fait un effort massif pour y parvenir. Avec la réforme du Crédit Impôt Recherche, nous sommes devenus l'un des pays les plus attractifs. Et la réforme de la taxe professionnelle va se traduire, dès l'année prochaine, par une baisse des impôts locaux acquittés par les entreprises industrielles.
Et je compte bien, Mesdames et Messieurs, que ce plan d'investissement public permette d'attirer d'importants investissements supplémentaires, venant du secteur industriel, de l'Europe, des collectivités locales.
C'est donc un effort absolument exceptionnel en faveur de l'investissement. Cet effort ne pourra être détourné au profit de dépenses courantes de l'administration. Les fonds mobilisés par l'Emprunt National seront distincts de ceux du budget de l'Etat. Ils seront affectés à des opérateurs bien identifiés.
Un Commissaire Général à l'investissement est chargé de mettre en place ce dispositif.
Les investissements que nous avons décidés sont des investissements pour les 20 ou 30 années à venir.
Nous devons nous tourner vers la santé, les biotechnologies, les traitements innovants, la croissance durable, les énergies renouvelables, le numérique, le haut débit.
Je suis déterminé à ne pas rater cette chance pour la France de coopérer avec les plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde.
Je suis déterminé à faire en sorte que les industries de santé deviennent un axe majeur de la compétitivité de la France.
Je sais que je peux compter sur vous. Vous savez que vous pouvez compter sur moi.