26 mars 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur l'éventualité d'une taxe carbonne à l'échellon européen, la PAC et sur la crise au sein de la Zone euro, à Bruxelles le 26 mars 2010.

Mesdames et Messieurs, j'ai eu beaucoup l'occasion de m'entretenir avec vous, je ne voudrais pas lasser votre patience avec des propos introductifs dont je ne vois pas ce qu'ils pourraient amener. S'il y a des questions, j'y répondrai bien volontiers.
Q - Ce matin, la poursuite des négociations de Copenhague était au menu. En avez-vous profité pour pousser les feux de la taxe carbone aux frontières européennes et pensez-vous réussir à obtenir l'accord de vos partenaires européens avant la fin de votre mandat ?
R - Ah bon ? Vous manquez d'ambition alors. Bien-sûr on en a parlé ce matin, la position de la France a été celle-ci : l'Europe doit garder ses ambitions en matière de protection de la planète et de défense de l'environnement mais elle doit le faire sans naïveté, cela fait l'objet d'un débat très franc. Je pense que chacun considère aujourd'hui que la question d'un mécanisme d'adaptation aux frontières de l'Europe est un sujet incontournable et essentiel. Le président de la Commission a indiqué d'ailleurs qu'il mettrait sur la table une proposition au mois de juin prochain. Il a d'ailleurs dit, sans prendre position sur le fond de la proposition, que c'était un sujet incontournable là aussi. Aucun pays ne s'est opposé à cette éventualité. J'essaie d'être précis, cela veut dire qu'au mois de juin, il y aura une proposition de la Commission sur le sujet - je ne dis pas qu'on a gagné - mais c'est déjà cela. Je vous rappelle que quand on en parlait il y a quelques mois, le mot même était sulfureux. Donc, il y aura une proposition sur la table.
Je précise que la France ne demande pas une taxe sur tous les pays et sur tous les produits, mais j'ai pris devant mes collègues l'exemple de l'acier. Peut-on imposer aux aciéries européennes des contraintes environnementales et en même temps importer, par exemple de Chine, de l'acier qui serait produit sans respecter les contraintes environnementales ? Que fait-on ?
A ce moment là, cela voudrait dire que l'on accepte la délocalisation de toute la production d'acier, par exemple en Chine - je pourrais prendre la Chine, l'Inde, d'autres exemples -, donc en termes de pollution, que l'on pollue en Europe ou en Asie, le résultat pour l'équilibre de la planète est le même, mais en termes de chômage, ce serait l'Europe qui serait pénalisée.
Je crois que tout ceci est en train de bien rentrer dans les têtes, et mon ambition c'est que dès le mois de juin, une discussion sérieuse s'engage sur la proposition de la Commission. En tout cas, je suis certain qu'il y aura une immense majorité pour demander la fin de la naïveté de l'Europe. Je crois vraiment que la question d'un mécanisme d'ajustement aux frontières de l'Europe progresse énormément. Voilà ce qui a été décidé.
Donc c'est le mois de juin. Vous ne pouvez pas en demander plus. Je reconnais d'ailleurs bien volontiers que c'est un sujet techniquement complexe et que la Commission ait besoin du mois de juin pour déposer un texte, c'est parfaitement normal. Mais la victoire politique que représente l'examen par la Commission d'un mécanisme, de la possibilité d'un mécanisme d'ajustement aux frontières, c'est quelque chose de capital.
Alors, on reviendra au mois de juin pour la discussion pour savoir lequel et dans quelles conditions mais voilà. Donc cela progresse bien.
Q - Vous avez dit mercredi, que vous étiez prêt à aller à la crise pour défendre la Politique agricole commune. L'avez-vous dit aujourd'hui, ou hier à vos partenaires de l'Union européenne et quelle a été leur réaction ?
R - Ecoutez, les textes qui circulaient montraient que dans l'agenda 20-20, on ne parlait même pas du mot agriculture. Je rappelle quand même que depuis cinq décennies, la Commission met en oeuvre la première politique européenne commune qui est la PAC. Je rappelle que l'Europe est le deuxième exportateur mondial en matière d'agriculture. J'ai rappelé qu'en matière de produits agricoles, l'Europe exporte trente milliards d'euros de plus qu'en matière aéronautique et que je ne pouvais pas concevoir que l'on ait un agenda 20-20 de développement ignorant l'agriculture qui est un élément de la puissance économique européenne.
Je l'ai dit au président Barroso avec qui je me suis entretenu au téléphone mardi et j'ai vu avec plaisir que les conclusions du Conseil reprenaient l'agriculture comme un élément central de l'avenir économique de l'Europe. Je m'en félicite. Cela n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'une quelconque remarque. Un pays s'est étonné de cela et j'ai clairement indiqué que nous n'accepterions aucun amendement sur le sujet, donc nous avons pleinement satisfaction.
Alors, que les choses soient claires, on n'est pas dans l'agenda 2013 avec la modification de la Politique agricole commune. Par ailleurs, il y a aussi d'autres problèmes qui sont la spéculation qui s'est emparée des marchés agricoles, qui sont totalement erratiques avec des baisses de prix dont ne profitent pas les consommateurs et qui tuent le producteur. C'est quand même quelque chose d'extravagant. C'est donc un sujet dont nous aurons l'occasion de reparler, y compris au G20. Mais, enfin, je rappelle que nous exportons 80 milliards d'euros de produits agricoles et que nous importons 110 milliards d'euros. Nous sommes en déficit de 30 milliards d'euros sur la balance européenne agricole. J'ai été soutenu par beaucoup d'autres pays qui ont indiqué que l'agriculture était un élément de la puissance économique de l'Europe et que, naturellement, cela faisait partie de notre stratégie d'avenir.
Mais on aura l'occasion, là aussi, d'en reparler.
Q - Monsieur le Président quand on a tous entendu Angela Merkel demander l'exclusion de la zone euro des pays qui ne respectent pas à l'avenir les déficits et vu la dureté du débat suscité par la crise grecque en Allemagne, je voudrais vous demander : premièrement, quelle leçon vous en tirez sur le plan européen et deuxièmement, en France, l'exemple des difficultés de la Grèce, d'après vous, peut-il vous servir à expliquer aux Français l'importance de réussir la réforme des retraites et la réduction des déficits ? Merci.
R - Heureusement que tout cela se termine bien puisque ces déclarations ne sont pas reprises dans les décisions que nous avons prises. On s'est mis d'accord sur le groupe de travail, présidé par Herman Van Rompuy, on va étudier sans a priori les sanctions les mieux adaptées pour un pays qui ne respecterait pas les règles. Enfin, les choses se sont beaucoup apaisées et c'est important qu'il en soit ainsi. Chacun également a pu mesurer l'importance de l'axe Franco-allemand, la responsabilité de l'Allemagne pour la construction européenne, la responsabilité de la France.
Je crois que la chancelière comme moi-même sommes bien conscients que nous avons des responsabilités dans notre propre pays, mais que nous avons aussi des responsabilités européennes. Et c'est cela qui compte.
Les difficultés de la Grèce, est-ce que cela sert à expliquer la nécessité de la réforme des retraites ? Non franchement, je ne pense pas. Même si la Grèce n'avait pas connu de difficultés, il faut quand même expliquer aux Français que la question des financements de nos retraites est clairement posée. Il y a 10% des retraites françaises qui ne sont pas financées, cela n'a rien à voir avec les difficultés de la Grèce. Cela a tout à voir avec le fait que l'on vit plus longtemps et que par conséquent il faudra qu'il y ait des gens qui travaillent pour payer les retraites des retraités qui sont plus nombreux.
Je n'ai donc pas l'intention de m'appuyer sur cet exemple grec alors qu'il y a tellement d'éléments qui devraient nous conduire dans un contexte non partisan à affronter cette question. Tout le monde sait bien qu'elle se pose. Il faudra l'affronter. Il y a un calendrier, j'aurai l'occasion d'en reparler.
Q - Je reviens sur la taxe carbone et sur un terrain français cette fois-ci. Chantal Jouanno s'est déclarée désespérée mardi et a indiqué hier que c'est le Medef qui a "planté" la taxe carbone. Approuvez-vous ou désapprouvez-vous ses propos ?
R - Je n'ai pas apprécié ses propos. J'ajoute que les ministres n'ont pas à être désespérés, ils ont à faire leur travail. Il y a une stratégie, elle a été fixée par François Fillon et par moi-même. Que chacun s'y tienne.
Q - Monsieur le Président, vous vous rendez donc aux Etats-Unis lundi et mardi prochains. Mardi prochain vous rencontrerez le président Obama. Pensez-vous obtenir des conditions équitables et justes dans l'attribution du marché des avions ravitailleurs et est-ce qu'EADS et Airbus sont-ils toujours en piste ?
R - J'ai dit ce que je pensais de la décision qui avait été prise. C'est un sujet qui fera l'objet d'une discussion approfondie avec le président Obama mais vous me permettrez Madame de réserver ces commentaires au moment où j'aurai le plaisir de vous rencontrer aux Etats-Unis. -Parce que si vous voulez, les dossiers vont à une telle vitesse, les rendez-vous avec vous aussi...- J'essaie de me concentrer à chaque fois sur les problèmes que nous avons à résoudre. J'ai déjà bien en tête le voyage aux Etats-Unis. J'ai remercié d'ailleurs le président Obama de son invitation mais on aura l'occasion de parler du contenu lorsque je serai là-bas.
Q - La chancelière allemande veut renforcer le Pacte de stabilité et pour cette raison, elle souhaite changer ou modifier de nouveau le Traité de Lisbonne. Une telle réforme vous paraît-elle politiquement faisable et souhaitable ?
R - Nous en avons longuement parlé avec la chancelière. Nous sommes sur la même position. Nous considérons que le système de santé n'est pas adapté pour dire les choses comme elles sont. Je l'ai dit hier, pardon de me répéter mais un pays qui est en déficit excessif on lui donne une amende. Cela n'améliorera pas la situation. On est tout à fait prêts pour réfléchir à cela. C'est à dessein que nous n'avons pas retenu expressément les mots "modification du traité" puisque vous le savez pour modifier un traité, il faut l'unanimité. Tout le monde n'est pas d'accord. On a fait le groupe de travail, on n'exclut aucune possibilité et avec la chancelière, l'Allemagne et la France nous ferons des propositions sur le sujet. C'est un vrai problème. On va faire ces propositions. Nous avons jusqu'à la fin de l'année pour y réfléchir et pour y travailler. Voilà, c'est le compromis qui a été trouvé.
Q - Monsieur le Président, parmi les objectifs pour 2020, il y en a un sur la réduction de la pauvreté. On sait que la France y tient mais c'est loin de faire l'unanimité. Comment allez-vous faire pour défendre cet objectif ?
R - Là aussi, avec la chancelière Angela Merkel nous ferons une proposition d'amendement sur ces questions, proposition franco-allemande dans les semaines qui viennent. Nous prendrons des initiatives là-dessus.
Je crois qu'en résumé ce que nous pouvons dire, c'est que vraiment l'entente entre la France et l'Allemagne est très utile pour l'Europe. Elle est très solide cette entente. Cela veut dire que l'on discute, que l'on fait des compromis mais je pense qu'elle est très utile. Je pense que cela a été un soulagement pour toute l'Europe de voir que nous étions capables au service de l'idéal européen de nous mettre d'accord et je pense aussi que nous avons la même vision à partir de cette crise - je parle des difficultés de la Grèce - on peut essayer d'améliorer les procédures européennes et d'avoir une autre lecture de la stratégie européenne. C'est très important que l'Allemagne et la France aient cette même lecture. Nous le faisons en plein accord avec le président Van Rompuy, le président Zapatero et nous aurons l'occasion de nourrir ce débat par des propositions sur lesquelles nous travaillons d'ores et déjà.
Merci à tous.
Bon retour pour ceux qui reviennent.