25 mars 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'accord européen prévoyant un mécanisme de soutien aux Etats de la Zone euro en cas de crise économique et budgétaire, à Bruxelles le 25 mars 2010.

Mesdames et Messieurs,
L'accord que nous avons trouvé en Europe sur un mécanisme de soutien en cas de crise est un succès des Etats de la zone euro. Il a été rendu possible par la mobilisation de la France et de l'Allemagne qui ont conclu dans le courant de cet après-midi un accord, que nous avons présenté au président Van Rompuy et autres Etats de la zone euro qui l'ont accepté lors d'une réunion exceptionnelle de l'Eurogroupe au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.
Cet accord comprend quatre points essentiels :
D'abord un mécanisme de prêts bilatéraux des Etats de la zone euro, coordonné par la Commission européenne, qui pourront être mis en oeuvre en dernier recours. Si les financements de marché sont insuffisants, les Etats membres de la zone euro décideront de l'activation de ce mécanisme dans le cadre de l'Eurogroupe.
Deuxièmement, ces prêts seront complétés par un financement du Fonds monétaire international. Mais nous sommes d'accord pour que les financements européens soient majoritaires.
Troisièmement, les Etats de la zone euro sont d'accord pour renforcer la coordination de leurs politiques économiques. Le Conseil européen doit devenir un véritable gouvernement économique de l'Europe. Cette idée, maintes fois défendue par la France, devient aujourd'hui une réalité.
Enfin, nous avons décidé de demander au président Van Rompuy de constituer un groupe de travail avec les Etats membres, la Commission, la BCE, pour présenter avant la fin de l'année les mesures nécessaires pour renforcer les instruments de prévention et de surveillance des risques économiques et budgétaires.
Alors, si vous me le permettez, je voudrais faire trois brèves remarques après vous avoir présenté les grandes lignes de cet accord.
La première remarque, c'est que l'accord que nous avons trouvé est clairement de nature préventive. L'objectif c'est bien évidemment de ne pas s'en servir. Nous attendons qu'il se traduise par une normalisation de la situation des marchés à l'égard de la Grèce.
Deuxièmement, cet accord, pour être préventif, n'en est pas moins parfaitement opérationnel. Il est précis, il peut être activé en cas de besoin en dernier recours. Il constitue une assurance pour la Grèce qu'elle pourra mettre en place les réformes courageuses qu'elle a engagées sans être pénalisée par la spéculation et le comportement irrationnel des marchés.
Troisièmement, la zone euro prend son destin en main. Nous nous sommes mis d'accord pour mettre en place un mécanisme pour gérer les crises dans la zone euro. C'est un pas majeur qui nous oblige aussi à repenser nos mécanismes de surveillance économique et budgétaire, pour que de telles crises ne se reproduisent plus.
Je reste bien sûr attentif à vos questions.
Q - L'Allemagne souhaitait qu'en contrepartie d'une éventuelle assistance, on puisse aussi déployer un arsenal de sanctions potentielles à l'égard des pays qui se sont mal comportés. Qu'en est-il ?
Une deuxième question si vous le permettez. Le gouvernement économique européen plus fort, concrètement, cela veut dire quoi ?
R - La question des sanctions est clairement posée dans le cadre du groupe de travail sur lequel nous réfléchissons et pour lequel nous travaillons. Là, c'est un avis personnel que je donne. Je ne préjuge pas des conclusions du groupe de travail, mais pour donner une illustration : aujourd'hui, la sanction qui est prévue, c'est une sanction de dimension financière. C'est-à-dire que si un Etat ne respecte pas les règles, qu'il a trop d'endettement, trop de déficit, la sanction qui s'applique, c'est une sanction financière. Curieuse réaction ! On trouve qu'ils sont en déficit, donc on va leur imposer un déficit encore plus grand. On voit bien que ce type d'arsenal n'est pas adapté à des situations de crise. Donc, nous devons réfléchir à d'autres éléments et la formulation que nous avons retenue laisse ouverte toutes les possibilités.
Je peux peut-être en livrer une. Je ne dis pas que c'est ce que nous allons décider. On pourrait imaginer une suspension des droits de vote, des choses de cette nature. Ce sont des éléments potentiels qui feront l'objet d'une discussion entre nous. Voilà, vous voyez, c'est pour donner un exemple. Je ne dis pas qu'il y a une majorité qui est pour cela, mais c'est un exemple. Aujourd'hui, clairement, l'arsenal n'est pas adapté.
Q - Deux questions si vous permettez Monsieur le Président. Première question : le problème de la Grèce aujourd'hui n'est pas celui d'une éventuelle cessation de paiement, il n'en est pas question, c'est son problème de financement. C'est-à-dire qu'elle va devoir refinancer entre 20 et 25 milliards d'euros entre avril et le mois de mai, et donc à des taux qui sont aujourd'hui prohibitifs. Votre mécanisme jouera-t-il dans ce cas là, pour éviter que la Grèce soit étranglée par les marchés ?
Seconde question...
R - ...Attendez, je vais prendre la première qui est déjà bien. Naturellement, personne n'imagine une situation de faillite de la Grèce, qui n'a pas de sens. Mais, je ne dirais pas simplement, j'irais un peu plus loin que le financement...Enfin, il y a la Grèce et il y a les institutions financières de la Grèce, par exemple ses banques qui sont un autre sujet, le tout reposant sur la confiance. L'expression que nous avons retenue c'est l'"ultima ratio". Précision, si les marchés financiers sont "insuffisants" - je crois que c'est cela... entre les traductions en Anglais et Français ...-, clairement, cela vaut, en quantité comme en qualité. C'est-à-dire que la notion d'insuffisance, c'est à la fois si des emprunts n'étaient pas souscrits totalement, et c'est en même temps si on se trouvait face à des taux de rémunération tellement extravagants que cela reviendrait au même. Je ne précise pas plus, mais c'est pour dire l'impact de l'accord qui a été trouvé et la réponse.
Excusez-moi, je n'ai répondu qu'à une question tout à l'heure aussi je crois.
Q - C'est sur l'intervention du FMI. Le Fonds monétaire international justement intervient quand il y a un problème monétaire. En l'occurrence le problème de la Grèce, aux dernières nouvelles, est plutôt un problème budgétaire. Donc, au nom de quoi, de quel mécanisme, le FMI pourrait intervenir pour aider un pays qui n'a pas de problème monétaire, mais uniquement un problème budgétaire ?
R - Au nom du fait qu'il nous a fallu faire un compromis pour trouver un bon accord opérationnel. L'Europe c'est le compromis. Il y avait trois grandes positions, trois familles d'opposition. Il y avait ceux qui considéraient qu'un problème de déséquilibre dans la zone euro ne devait être la question, le problème que des Etats de la zone euro. Il y avait ceux qui considéraient que puisque le FMI était là, autant se servir du FMI. On s'en était servi, moi le premier, lorsque j'étais président - Présidence tournante du Conseil - pour la Hongrie, du FMI, qui n'avait pas besoin d'aller solliciter les Etats européens. Puis il y en avait d'autres qui n'en faisaient pas un problème idéologique et qui considéraient que, après tout, on pouvait rassembler tout le monde à partir du moment où symboliquement la zone euro prenait en charge la majeure partie du problème et qu'on demandait au FMI un complément. Voilà.
Vraiment, vous répondre sur cela, je vous fais la réponse la plus sincère qui nous a permis de trouver un accord. Je voudrais quand même vous rappeler, M. Quatremer, que encore cet après-midi il a fallu travailler dur pour avoir un bon accord.
Vous savez très bien que c'est l'histoire de la construction européenne depuis 50 ans. Qui peut dire qu'il vient sans faire aucun compromis ? C'est d'ailleurs le compromis au service de la paix, de la prospérité, de la construction européenne. Il a fallu trouver un juste milieu. Le président de la BCE avait une position qui était assez arrêtée, le Président de la Commission aussi, d'autres Etats... La France a essayé de rassembler afin de rapprocher les points de vue, oui, clairement. Je pense qu'ainsi, on a vraiment une position qui est opérationnelle. Qu'est-ce qui compte ? C'est la décision, vous avez bien compris, la décision de principe des Etats membres de la zone euro, de principe, de prêts bilatéraux en faveur de la Grèce en cas de besoin, "ultima ratio", marchés financiers insuffisants, avec en complément l'expertise du FMI et les moyens du FMI, dans une proportion minoritaire. Voilà, c'est la réponse.
Alors, quand on s'était vu le 11 février, vous m'aviez dit : "ce n'est pas assez précis. Est-ce opérationnel ?". C'est parfaitement opérationnel, mais vous comprendrez que je ne dise pas, sur le niveau des taux d'intérêt, la répartition entre les différents pays des prêts, parce que naturellement dire cela, ce serait dire des choses qui seraient utilisées immédiatement par la spéculation et ce n'est pas le but. Le but, c'est de dire "la Grèce n'est pas seule, il y a une solidarité dans la zone euro". Il y a maintenant un processus d'intervention massif, il y a une procédure de mise en place. Si la BCE, ou la Commission, ou un Etat membre, estime qu'il a des problèmes, il nous saisit, nous nous réunissons et nous décidons.
Q - Pouvez-vous être un tout petit peu plus précis quand même sur, je dirais, la répartition des deux types de prêts, c'est-à-dire les prêts bilatéraux donc dans la zone euro et le financement du FMI ? Vous avez précisé que les premiers seraient majoritaires mais d'un autre côté, on a l'Allemagne qui dit que le financement FMI sera "substantiel". Est-ce contradictoire ? Pouvez-vous être un petit peu plus précis ?
R - On n'a pas arrêté à l'euro près naturellement, mais au-delà d'un tiers c'est substantiel pour le FMI et cela laisse une part majoritaire aux Etats de la zone euro. Alors est-ce que ce sera deux tiers-un tiers ? C'est plutôt ce qu'on a évoqué entre nous, en tout cas dans le cadre de l'accord franco-allemand. Mais cela peut s'ajuster, ce n'est pas un drame, mais c'est à peu près cela l'idée.
Q - Quelle a été la réaction des quatorze autres pays de l'Eurogroupe quand vous avez présenté l'accord franco-allemand ?
R - Ce n'est pas moi qui l'ai présenté, ni Mme Merkel. Nous avons eu une réunion avec Herman Van Rompuy, le Premier ministre grec, la Présidence tournante et je crois que tout le monde était extrêmement soulagé qu'il y ait un accord qui ait été négocié. Vous savez, imaginez ! Enfin, faisons le chemin inverse. Imaginons qu'il n'y ait pas eu d'accord entre la France et l'Allemagne. Imaginez les conséquences. Donc, je pense comme toujours en Europe, les pays sont soulagés quand l'Allemagne et la France affichent une volonté complète de collaboration et de travail en commun. Voilà.
Q - Monsieur le Président, le Gouvernement économique prévu, c'est une chose pour les 27 pays ou pour la zone euro seulement ? Comment cela va-t-il fonctionner ? Quel est le travail de ce gouvernement économique ?
R - C'est une décision de la zone euro, donc des 16, puisqu'il faut là aussi être précis. La décision que nous avons prise est une décision de la zone euro qui engage les 16. Ce que je pense qu'il va se passer, c'est que la proposition de groupe de travail sera reprise dans le texte du Conseil européen demain. Puisque le groupe de travail peut concerner les 27. Sur le gouvernement économique, clairement, c'est une volonté des 16 de la zone euro de renforcer leur coordination, leur politique économique. C'est un débat qui va prospérer à 27.
La position de la France est la suivante : la Commission met en oeuvre la politique économique déterminée par le Conseil européen. C'est clair. C'est le Conseil européen qui assure la coordination et qui règle les orientations de la politique économique en fonction de l'évolution de la conjoncture européenne ou mondiale. La Commission met en oeuvre. Clairement, le Gouvernement économique de l'Europe, c'est le Conseil européen, en tout cas c'est la position que j'ai défendue, et qui se trouve être reprise par la zone euro. Vous savez parfaitement que cette position est encore un sujet de débat dans les 27, puisque nos amis Britanniques ne sont pas tout à fait sur cette ligne. Bon, mais cela progresse. Il y a quelques mois, c'était même difficile de prononcer l'expression "gouvernement économique" à l'intérieur de la zone euro, maintenant c'est repris par la zone euro.
Q - Monsieur le Président, comment décririez vous l'intervention de Van Rompuy dans cet accord ? On a l'impression que tout s'est passé entre la France et l'Allemagne.
R - Non, je ne dirais pas cela. Le président Van Rompuy, j'ai eu un déjeuner avec lui hier, à Paris. Nous avons travaillé main dans la main. Il a eu longuement Mme Merkel au téléphone mardi, il l'a eue dimanche. J'ai eu moi-même une heure d'entretien, dimanche, avec Mme Merkel. Je dois dire que, j'ai une totale communauté de vue avec la Présidence stable, totale. Il se trouve qu'à un moment donné, Mme Merkel a préféré que la réunion ait lieu au format France-Allemagne. J'étais prêt à cette formule ou à une autre mais voilà, je suis aussi très sensible au fait que la chancelière ait clairement voulu privilégier l'axe franco-allemand. Je ne vais pas le lui reprocher.
Mais tout s'est fait en parfaite coordination avec la Présidence de M. Van Rompuy.
Bon, alors après, l'Europe, c'est compliqué, on est 27, 16 dans l'euro, il y a des institutions, il faut mettre tout le monde d'accord. Mais disons que c'est quand même plus facile quand l'Allemagne et la France trouvent un accord, vous le savez très bien, vous qui suivez l'actualité européenne depuis si longtemps.
Q - Monsieur le Président, y a-t-il une limite au-delà de laquelle le soutien pour la Grèce n'ira pas ?
R - Il n'y a aucune limite en quantité, la seule limite, c'est ce que fait M. Papendreou à qui je veux rendre hommage, c'est-à-dire les mesures qu'il a annoncées extrêmement courageuses. La conditionnalité, c'est le plan du gouvernement grec, c'est la seule limite. A partir du moment où les mesures de redressement engagées par le gouvernement grec sont jugées solides, crédibles par la BCE, par la Commission et par les Etats de la zone euro, nous décidons de nous engager dans le soutien à la Grèce.
Q - Mais la Grèce a besoin de refinancer environ 40 milliards d'euros...
R - Je ne rentrerai pas dans ce débat là, il y a un processus, il est opérationnel, nous l'avons fait parce que la Grèce a un plan crédible donc désormais les marchés savent que c'est l'ensemble de la zone euro et, pour partie le FMI, qui se trouvent rassemblés derrière la Grèce. C'est clair.
Q - Qui assure le suivi de la situation grecque à partir de maintenant ? Je veux dire, c'est toujours la Commission ? Autre chose, y a-t-il un rendez-vous avec la Grèce qui est prévu, à savoir si jamais le coût des emprunts de la Grèce ne baissait pas, on se reparle avec la Grèce quand ? Pour le moment, il n'y a toujours pas d'aide financière demandée par la Grèce.
R - Non, bien-sûr, mais le suivi est fait par la Commission, c'est-à-dire le suivi des engagements pris par la Grèce est fait par la Commission. C'est son travail. Le mot "surveillance" d'ailleurs, est dans les traités et expressément, s'agissant de ces procédures. Il n'y a pas d'ambiguïtés. Le suivi des évolutions monétaires, c'est la BCE et s'il devait y avoir un problème, ces deux institutions ou la Grèce peuvent à tout moment convoquer l'Eurogroupe qui a maintenant une procédure, un plan et une capacité à répondre. Voilà.
Q - La participation du FMI au plan d'aide européen que vous avez décidé ce soir, est-ce que c'est peut-être une porte d'entrée pour cette organisation et aussi pour son président Dominique Strauss-Kahn, dans la politique européenne et peut-être particulièrement dans la politique française, sur la scène politique française ?
R - Je vous voyais venir de loin mais là, cela devient trop compliqué pour que j'y réponde. Non, franchement, on s'occupe de choses sérieuses, on a essayé de faire quelque chose de sérieux face à une crise extrêmement importante. Je pense que ce sont des éléments qui ne sont pas entrés en ligne de compte, je vous le garantis. Franchement, vous voyez ce qu'il se passe, non, ça, non.
Q - En ce qui concerne la gouvernance, vous aviez, lors du précédent sommet, avec Mme Merkel, déjà élaboré un certain nombre d'hypothèses pour la gouvernance économique. Comment cela va-t-il s'articuler ces hypothèses là, si vous pouvez nous en dire un petit peu plus, d'ailleurs, ce que vous avez décidé avec Mme Merkel ce soir, avec ce que vous envisagez pour l'avenir et puis nous donner quelques exemples ? Qu'est-ce que ce sera en matière de politique fiscale, d'harmonisation par exemple, des choses comme ça ?
R - Je dirai simplement une chose, il est fort possible que l'Allemagne et la France, nous fassions une proposition commune au groupe de travail présidé par M. Herman Van Rompuy. Le groupe, nous l'avons proposé, il va se réunir, il va se mettre au travail et nous ferons des propositions communes.
Je vous remercie.