17 février 2010 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et René Préval, Président de la République d'Haïti, sur l'aide de la France à la reconstruction d'Haïti après le tremblement de terre, à Port-au-Prince le 17 février 2010.
M. RENE PREVAL - Monsieur le Président, je suis très reconnaissant à la France de mandater aujourd'hui le premier de ses citoyens pour venir porter aux Haïtiens ce message de sympathie, de solidarité, d'amitié à la suite de ce terrible séisme qui a emporté tant de vies et brisé tant de rêves dans une population qui n'avait pas encore fini de se mettre debout face aux effets dévastateurs des 4 ouragans, Fay, Gustav, Hanna et Ike.
Je me rappelle quand à Québec, Haïti avait la vedette par rapport aux victimes de ces 4 séismes, au Sommet de la francophonie. Si les séismes devaient être baptisés comme les cyclones, celui du 12 janvier dans le vécu des Haïtiens, aurait simplement été innommable. « Entendre et voir, c'est deux choses » dit un vieil adage haïtien. Monsieur. le Président, vous êtes venu, vous avez entendu et vous avez vu. Vos secouristes ont fait sur le terrain un travail courageux et professionnel, sortant des décombres des Haïtiennes et des Haïtiens que tout semblait donner pour mort. Vos médecins et vos nutritionnistes continuent d'assister nos malades et nos enfants avec un dévouement et un savoir-faire que nous ne pouvons qu'admirer. Au nom du peuple haïtien, je vous prie de transmettre ma gratitude au peuple français.
Monsieur. le Président, à tout autre moment de notre histoire, votre visite eut été célébrée autrement par les Haïtiens, avec beaucoup plus de faste, parce que vous êtes le premier chef d'Etat français à mettre les pieds sur cette île qui avait jadis appartenu à la France. Vous voilà donc en Haïti après deux siècles d'une relation très particulière. La colonisation, l'esclavage, les conditions de la reconnaissance de notre indépendance ont fait mal, font encore mal quand on y pense. Nous avons conquis notre indépendance aux dépens de la France, en la prenant au mot dans son ardente générosité et en mettant en acte cette belle invention de l'Humanité : La Déclaration universelle des Droits de l'Homme. C'est cette dualité qui explique la fidélité depuis la fondation de notre nation des élites intellectuelles haïtiennes vis-à-vis de la culture française. Des valeurs de générosité et des principes de rigueur qu'elle véhicule dans la pensée et dans l'action.
Aujourd'hui, nous assumons cette dualité. Nous assumons notre appartenance à la francophonie et nous rendons hommage à sa force de proposition dans le monde, notamment chaque fois que le droit international est menacé de silence face au déferlement de la force des armes. Nous assumons cette appartenance à la francophonie sans oublier que nous sommes un peuple d'Africains, implanté dans une Amérique qui aujourd'hui est aussi nôtre, sans rien omettre de notre spécificité caribéenne, laquelle elle-même s'enrichit de jour à jour d'une amitié et d'une solidarité latino-américaine pleinement partagée. Cette diversité assumée fait de nous aujourd'hui un peuple qui compte beaucoup d'amis sur cette planète.
Monsieur le Président, le séisme qui a frappé 3 départements mais en particulier la capitale, en somme qui a frappé une petite partie de notre territoire, pourtant les répercussions portent sur l'ensemble du pays et les dégâts qu'il a laissés sur les humains affectent l'ensemble des Haïtiens. C'est parce que nous avons fait de la capitale le début et la fin de toute chose. En laissant le reste du pays en dehors. Nous avons fait de la plus grande partie d'Haïti un « pays en dehors », comme l'écrivait feu Gérard BARTHELEMY, sociologue français mais dont le coeur battait haïtien. Ce constat nous oblige à repenser l'organisation générale du pays et son articulation avec ses citoyens sur une base totalement nouvelle. Le pays n'est pas à reconstruire, il est à construire, il est à refonder.
Le cahier des charges qui nous interpelle n'est pas simplement un plan de développement économique. Il faut construire l'Etat et organiser ses institutions avec pour principale finalité, le bonheur de tous les Haïtiens et de toutes les Haïtiennes. Il faut construire des pouvoirs locaux crédibles, efficaces et redevables vis-à-vis des citoyens et des citoyennes. Il faut bâtir un nouveau pays, sans « pays en dehors » £ en nous rappelant que la ressource la plus importante à notre disposition, c'est l'humain. D'où la place à donner à l'école et à l'université. Il faut de toute urgence construire une nouvelle citoyenneté. Les Haïtiens et les Haïtiennes aujourd'hui sont sommés de s'atteler à cette tâche nouvelle sans tarder. Nous avons pour cela besoin de l'appui de la communauté internationale. Et nous mettons par devant elle non pas un problème à résoudre à notre place, mais un problème à résoudre ensemble. Dans une vraie dynamique de solidarité, d'engagement et pourquoi pas de fraternité.
Monsieur le Président, aujourd'hui nous clôturons le mois de deuil qui a été décrété en mémoire de toutes les victimes, Haïtiens et étrangers et parmi eux de nombreux Françaises et Français. Je vous invite, vous tous, à les saluer par une minute de recueillement.
(Minute de silence)
Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Monsieur le Président, merci de votre accueil. Je serai bref. Je veux d'abord vous dire l'émotion que la tragédie haïtienne a soulevée en France. Les images que nous avons vues de votre réalité qui ne traduisent qu'imparfaitement les douleurs et les épreuves que vous avez subies £ ont suscité un grand mouvement de solidarité en France. Et je suis venu dire au peuple d'Haïti qu'il n'est pas seul.
J'avais formulé le projet de venir en Haïti durant mon quinquennat, je vous l'avais dit Monsieur. Le Président. Mais vraiment, j'aurais préféré venir dans d'autres circonstances. Mais enfin, c'est le destin. Et le destin d'Haïti. Nous avons une histoire partagée, vous et nous. Cette histoire partagée est douloureuse, et la France ici n'a pas laissé que des bons souvenirs. Je dois en prendre compte. Une Histoire, on la regarde en face. On ne la conteste pas, on ne la nie pas, on l'assume. Et en même temps c'est grâce au peuple haïtien que le français est la seconde langue des Nations unies. Un grand français avait déclaré au milieu du XXème siècle : « Nous n'oublierons jamais ce qu'Haïti a fait ». Car c'est vous, peuple d'Haïti qui avez exigé au moment où il y avait toutes ces discussions dans l'émergence des Nations unies, que le Français soit la seconde langue. C'est dire que entre nos deux pays, les liens sont intenses, sont familiaux mais comme dans toutes les familles il y a eu des moments très douloureux. Et ces moments douloureux nous obligent, je ne sais pas au fond pourquoi je suis le premier Président à venir. Il y avait tant de raisons de venir ici, en Haïti. Il y a tant de raisons de croire dans votre avenir.
De cette catastrophe, il faut que vous fassiez un renouveau. Cela ne veut pas dire oublier les morts, cela ne veut pas dire oublier les souffrances mais au fond, cela veut dire tourner le dos aux erreurs du passé. La France sera à vos côtés sur le long terme. D'abord la France ne veut pas d'une tutelle internationale sur Haïti. Voilà que vous êtes un des pays les plus pauvres au monde et que vous venez de subir l'une des catastrophes les plus violentes au monde. Mais le peuple d'Haïti est debout, vous devez, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, définir les conditions d'un consensus national pour poser les bases d'un projet national qui vous appartient. Haïti, c'est pour les Haïtiens. La communauté internationale et au premier rang la France, nous vous aiderons sur le long terme. Mais le projet c'est le vôtre. Tout juste m'est-il permis Monsieur le Président de dire : « Ne reconstruisez pas comme avant ». On en a parlé, avec vous, avec votre gouvernement. Tout ne peut pas se faire à Port-au-Prince. Le « pays du dehors » compte aussi. Les richesses doivent profiter à tout le monde. Dans mon pays comme dans le votre. La question de l'extrême concentration des richesses sur un petit nombre est un problème. Il faut créer les conditions d'un développement économique durable et endogène. Ici.
La France vous aidera, je suis venu vous annoncer 326 millions d'euros d'aide, ça fait presque 500 millions de dollars, qui seront utilisés pour 180 millions pour de l'aide à la reconstruction avec notamment une aide budgétaire, pour 56 millions par l'annulation de la dette. Je connais bien l'histoire entre nos deux pays. Et la question de la dette. C'est ma réponse avant même qu'on pose la question. Même si je n'avais pas commencé mon mandat au moment de Charles X, ici je ne peux pas en être tenu pour responsable, j'en suis quand même responsable dans la pérennité et dans la continuité de la France.
Mais nous allons annuler votre dette et nous allons prendre des dispositions très concrètes, je ne veux pas vous les imposer toutes. Nous allons prendre en charge l'abri et l'hébergement temporaires de 200 000 personnes en fournissant des tentes et des bâches.
Nous allons mettre à votre disposition 260 véhicules de police, de gendarmerie, d'ambulances, de voitures de pompiers.
Nous allons reconstruire l'hôpital de l'Université d'Etat de Port-au-Prince.
Nous allons vous envoyer des jeunes du service civique pour re-scolariser vos enfants, tous ces enfants que j'ai vus, qui non contents de vivre sous des tentes, ne vont même plus à l'école.
Nous allons mettre à votre disposition un terrain d'un hectare dans le centre de Port-au-Prince pour reloger une partie des services de l'administration.
Nous allons vous envoyer plusieurs dizaines de tonnes d'engrais, de semences, parce que je sais que la campagne agricole commence au mois de mars.
Et puis nous allons jouer un rôle avec Bernard KOUCHNER et Alain JOYANDET dans la conférence de reconstruction du 31 mars à New York.
Je veux d'ailleurs dire une chose. On travaille main dans la main avec nos partenaires américains, qui ont fait un travail remarquable £ Canadiens, Brésiliens qui ont payé un tribut épouvantable. Avec les Nations Unies, la France veut tenir toute sa place, aux côtés de ses alliés, aux côtés de ses amis. Et puis bien sûr nous sommes à votre disposition pour accueillir davantage d'étudiants pour permettre aux familles endeuillées de se retrouver, ici ou en France. Pour accueillir des jeunes orphelins, pour peu naturellement, Monsieur le Premier ministre, que les conditions juridiques en Haïti soient respectées. Pour peu qu'il s'agisse vraiment d'orphelins et non pas d'enfants qu'on retire de leur famille. Et pour peu que les conditions pour les amener et notamment la phase de transition. Mon épouse, Carla, aux côtés du ministre, a accueilli quelques dizaines d'entre eux. Et elle m'a raconté l'état de sidération dans lequel certains d'entre eux se trouvaient. Parfois séparés de leurs frères. Et donc je ne veux pas qu'on fasse les bonnes affaires des mafias mais sachez que la France est ouverte pour les jeunes orphelins d'Haïti. Mais en accord avec vous. Vous comprenez que c'est très important ? Le seul enjeu avec les enfants, c'est qu'ils retrouvent un avenir. Qu'ils soient heureux.
C'est le seul, il n'y en a pas d'autre qui compte.
Voilà donc la disponibilité de la France pour vous aider sur le long terme. Bien sûr Monsieur le Président, Monsieur. le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, on sera très heureux de vous accueillir quand vous le pourrez en France et j'ai demandé à la ministre des Départements et Territoires d'Outre-mer de veiller à ce que toutes les ressources de l'ingénierie dans cette Caraïbe qui nous est chère et que nous partageons, puissent être mises à la disposition d'Haïti. Il faudra régler le problème de la parité monétaire. Parce qu'évidemment quand j'annonce une aide, c'est en euros. Vous, vous avez l'habitude de compter en dollars. Oui mais c'est une bonne nouvelle en euros parce que ça vaut plus cher. Et donc c'est important. Merci.
S'il y avait quelques questions ?
QUESTION - Vous avez évoqué la mobilisation des Français, hors aujourd'hui il semble que les Français se sont montrés un peu moins généreux qu'au moment du tsunami. Est-ce que vous appelez aujourd'hui les Français à reprendre les dons auprès des ONG ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas, je pense qu'il y a près de 70 millions d'euros qui ont été mobilisés. Les Français connaissent aussi une crie économique mais je respecte votre avis, mais je n'ai pas tout à fait la même analyse. Je voudrais dire aux Haïtiens que j'ai au contraire ressenti une émotion extraordinaire et je peux dire au Président PREVAL que, quelques jours après la catastrophe que vous avez connue, j'étais harcelé en France de demandes de gens : « comment peut-on aider Haïti ? Comment peut-on soulager les Haïtiens ? Comment peut-on les aider ? Qu'est-ce que vous faites ? ». Je ne veux pas voir les choses de manière trop optimiste mais j'avais le sentiment inverse que cette catastrophe que vous avez vécue a bouleversé les Français, qui se sont mobilisés. Je voudrais d'ailleurs dire aux Français que quand on a vu ce que l'on a vu ce matin, vous et nous, vous les journalistes et nous, la réalité est pire encore que ce que j'imaginais. Pire.
Donc vous pouvez compter sur la France et bien sûr les Français.
QUESTION - Monsieur le Président, tout d'abord vous avez annoncé pas mal de projets ici en Haïti et plus de 300 millions d'euros comme vous dites, beaucoup de dollars américains. Quand aura-t-on la concrétisation de ces projets que vous venez d'annoncer ici au Palais national ?
Et puis autre chose, vous avez beaucoup insisté dans votre discours pour qu'Haïti ait le leadership de la reconstruction en Haïti. Alors, comment selon vous peut-on faire pour éviter des rivalités entre les pays donateurs, pour éviter quand même des turbulences, pour que l'atterrissage puisse se faire en douceur, Monsieur SARKOZY ?
LE PRESIDENT - D'abord, quand va-t-on commencer l'aide ? Elle a déjà commencé. Je prends un seul exemple, je n'en ai pas parlé mais il y a un problème de sécurité, vous le savez bien. Nous venons de décider d'envoyer un escadron supplémentaire de gendarmes mobiles, c'est une affaire qui va se régler dans les jours qui viennent. Vous aurez 200 gendarmes qui vous aideront. Les tentes et les bâches arriveront, c'est une affaire de quelques jours voire de quelques semaines. Et même l'aide budgétaire Monsieur, puisque nous avons prévu 40 millions d'euros d'aide budgétaire. Le Premier ministre et le ministre des Finances nous indiquaient, Monsieur le Président, qu'au mois de janvier vous avez eu 20% des recettes que vous attendiez. Nous allons la débloquer tout de suite.
Comment faire pour qu'Haïti ne se voie pas prendre son leadership naturel et qu'il n'y ait pas de rivalité ? Déjà qu'il n'y ait pas de rivalité en Haïti. Oui, oui, j'ai compris votre question mais c'était
ma réponse.
Haïti est devenue une démocratie, depuis maintenant une trentaine d'années à peu près ? C'est cela ? 25 ans, 24 ans. Je n'ignore pas quelle est votre réalité politique. Une trentaine de constitutions et un grand nombre de chefs d'Etat assassinés. C'est une réalité ça. Peut-être les deux tiers ? Une dictature parmi les plus abominables qu'on ait connue. Je crois que c'est très important, même si je n'ai rien à vous conseiller, que dans la période de reconstruction, vous dégagiez les voies d'un consensus national autour d'un projet national. Avec des problèmes considérables. Vous auriez dû avoir des élections législatives. Qui peut penser qu'on peut aujourd'hui organiser des élections législatives ? Il y a une échéance présidentielle, il vous appartient de la définir. Mais je pense vraiment que s'il y a l'unité du peuple haïtien, pour cette phase d'urgence, personne ne vous contestera le leadership de la reconstruction. Et s'agissant d'une rivalité entre les pays amis d'Haïti, je peux vous dire que du point de vue de la France, il n'y en aura pas. Et si vous voulez mon jugement plus précis, je trouve que les Américains font un très bon travail. Ils ont un million d'Haïtiens, ils sont à 900 kms d'ici. Je ne reprocherai pas à des pays amis de plus aider. Dans l'urgence on peut réussir plus ou moins bien les choses et provoquer des petites tensions. Ce n'est pas grave par rapport à l'essentiel, qui est qu'Américains, Anglais, Canadiens, Brésiliens et tous les autres, on soit main dans la main pour vous aider. Il n'y a pas de rivalité à avoir, elle n'aurait aucun sens.
Quant à la France, je parle en français ici. C'est quand même une communauté culturelle que m' a mené à dire au Président que nous allons prendre en charge également la rénovation d'un certain nombre de vos oeuvres d'art, je pense à un fameux tableau qui symbolise l'identité nationale haïtienne. Nous allons nous-mêmes le restaurer.
QUESTION - Monsieur SARKOZY, je voulais vous demander : est-ce que vous envisagez de restituer à Haïti la dette de l'indépendance en renforçant la coopération haïtiano française, suite au
désastre du 12 janvier ?
LE PRESIDENT - Je crois Madame que j'ai répondu à cette question. J'ai décidé d'annuler la dette d'Haïti à l'endroit de la France. Totalement. Cela représente 56 millions d'euros. Et j'ai décidé d'une aide au nom de mon pays, en accord avec les ministres et le Gouvernement, extrêmement importante. J'imagine que cela crée les conditions d'une plus grande coopération entre nous ? Et puis j'espère bien revenir en Haïti pour juger de l'importance des travaux de reconstruction. Rien ne me ferait plus plaisir que de revenir, l'année prochaine, pour constater que des chantiers sont en cours et qu'une vie normale puisse recommencer dans votre pays.
QUESTION - (inaudible) évalue à 14 milliards de dollars la reconstruction d'Haïti. Est-ce que l'aide de la France va se limiter aux 356 millions d'euros que vous annoncé ou la France compte aussi prendre part à cette reconstruction sur les 14 milliards de dollars estimés par la BID (banque interaméricaine de développement), qui sont pour le Président PREVAL. Le Conseil électoral n'a pas pu organiser les élections législatives dernièrement. Est-ce que le pays sera prêt à organiser des élections présidentielles en décembre prochain ? Merci.
LE PRESIDENT - Bien sûr que l'on participera à la conférence de reconstruction. Je dirai juste une chose : il ne faut pas condamner Haïti à l'assistanat et tuer toute émergence du secteur privé parce que l'aide humanitaire remplirait en lieu et place du secteur privé, ce dont votre économie a besoin. Et c'est la raison pour laquelle dans le cadre de la conférence, la France plaidera pour la réalisation d'investissements structurants pour permettre l'émergence d'un secteur privé dynamique en Haïti. Il y a 40% du PIB de la nation haïtienne qui est tombée en ruines. Qui est tombée par terre. Bien sûr il y a l'aide internationale mais la meilleure aide c'est celle qui permettra de réaliser des investissements qui permettront une véritable économie haïtienne. Vous aviez commencé, si j'en juge par le taux de croissance l'année dernière, qui était de près de 4%. Ce n'était pas si mal. C'est cela qu'il convient de faire. Traiter Haïti comme un pays qui a besoin d'infrastructures mais qu'on ne met pas sous transfusion. Parce qu'un beau jour, ça doit s'arrêter. Et il vous faut des universités, des ponts, des routes, une économie, des entreprises.
Si l'aide humanitaire et l'aide internationale font tout à la place du secteur privé, comment demain créerez-vous les conditions du développement économique endogène ? Ce sont des questions qu'il faut poser dans le cadre de la réalisation de votre projet national.
M. RENE PREVAL - Parmi toutes les institutions qui ont eu des problèmes dans la catastrophe, ce tremblement de terre, il y a évidemment le Conseil électoral provisoire et également la Minustah qui venait en support au conseil électoral dans la réalisation des élections. Aujourd'hui, sur une liste électorale qui déjà avant la catastrophe devait être épurée pour avoir le pourcentage le plus exact possible d'électeurs, pour empêcher des trucages par rapport aux morts, aujourd'hui il y a encore beaucoup plus de morts. Aujourd'hui il y a des déplacés, il y a un certain nombre de votants potentiels qui ont perdu leur carte électorale. Il y a des endroits où les gens devaient voter qui n'existent plus. Et puis il y a la disposition de la population, qui, dans cette situation difficile, est-ce que décemment on peut lui dire qu'on va aux élections tout de suite ?
Donc les conditions matérielles, les conditions humaines, n'existent pas pour des élections qui auraient dû avoir lieu en février.
Pour moi l'essentiel, pour le développement de ce pays, c'est la démocratie. Il faut trouver les mécanismes adéquats, exceptionnels permettant que les élections aient lieu. Et j'ai insisté auprès du Gouvernement pour que le Conseil électoral provisoire se remette au travail tout de suite et par consensus avec la classe politique, par consensus avec la société civile, avec l'international qui finance beaucoup ces élections, on devra trouver une formule pour qu'il y ait des élections parlementaires, locales et présidentielles. Voilà la réponse que je peux donner. Merci beaucoup. Merci.
Je me rappelle quand à Québec, Haïti avait la vedette par rapport aux victimes de ces 4 séismes, au Sommet de la francophonie. Si les séismes devaient être baptisés comme les cyclones, celui du 12 janvier dans le vécu des Haïtiens, aurait simplement été innommable. « Entendre et voir, c'est deux choses » dit un vieil adage haïtien. Monsieur. le Président, vous êtes venu, vous avez entendu et vous avez vu. Vos secouristes ont fait sur le terrain un travail courageux et professionnel, sortant des décombres des Haïtiennes et des Haïtiens que tout semblait donner pour mort. Vos médecins et vos nutritionnistes continuent d'assister nos malades et nos enfants avec un dévouement et un savoir-faire que nous ne pouvons qu'admirer. Au nom du peuple haïtien, je vous prie de transmettre ma gratitude au peuple français.
Monsieur. le Président, à tout autre moment de notre histoire, votre visite eut été célébrée autrement par les Haïtiens, avec beaucoup plus de faste, parce que vous êtes le premier chef d'Etat français à mettre les pieds sur cette île qui avait jadis appartenu à la France. Vous voilà donc en Haïti après deux siècles d'une relation très particulière. La colonisation, l'esclavage, les conditions de la reconnaissance de notre indépendance ont fait mal, font encore mal quand on y pense. Nous avons conquis notre indépendance aux dépens de la France, en la prenant au mot dans son ardente générosité et en mettant en acte cette belle invention de l'Humanité : La Déclaration universelle des Droits de l'Homme. C'est cette dualité qui explique la fidélité depuis la fondation de notre nation des élites intellectuelles haïtiennes vis-à-vis de la culture française. Des valeurs de générosité et des principes de rigueur qu'elle véhicule dans la pensée et dans l'action.
Aujourd'hui, nous assumons cette dualité. Nous assumons notre appartenance à la francophonie et nous rendons hommage à sa force de proposition dans le monde, notamment chaque fois que le droit international est menacé de silence face au déferlement de la force des armes. Nous assumons cette appartenance à la francophonie sans oublier que nous sommes un peuple d'Africains, implanté dans une Amérique qui aujourd'hui est aussi nôtre, sans rien omettre de notre spécificité caribéenne, laquelle elle-même s'enrichit de jour à jour d'une amitié et d'une solidarité latino-américaine pleinement partagée. Cette diversité assumée fait de nous aujourd'hui un peuple qui compte beaucoup d'amis sur cette planète.
Monsieur le Président, le séisme qui a frappé 3 départements mais en particulier la capitale, en somme qui a frappé une petite partie de notre territoire, pourtant les répercussions portent sur l'ensemble du pays et les dégâts qu'il a laissés sur les humains affectent l'ensemble des Haïtiens. C'est parce que nous avons fait de la capitale le début et la fin de toute chose. En laissant le reste du pays en dehors. Nous avons fait de la plus grande partie d'Haïti un « pays en dehors », comme l'écrivait feu Gérard BARTHELEMY, sociologue français mais dont le coeur battait haïtien. Ce constat nous oblige à repenser l'organisation générale du pays et son articulation avec ses citoyens sur une base totalement nouvelle. Le pays n'est pas à reconstruire, il est à construire, il est à refonder.
Le cahier des charges qui nous interpelle n'est pas simplement un plan de développement économique. Il faut construire l'Etat et organiser ses institutions avec pour principale finalité, le bonheur de tous les Haïtiens et de toutes les Haïtiennes. Il faut construire des pouvoirs locaux crédibles, efficaces et redevables vis-à-vis des citoyens et des citoyennes. Il faut bâtir un nouveau pays, sans « pays en dehors » £ en nous rappelant que la ressource la plus importante à notre disposition, c'est l'humain. D'où la place à donner à l'école et à l'université. Il faut de toute urgence construire une nouvelle citoyenneté. Les Haïtiens et les Haïtiennes aujourd'hui sont sommés de s'atteler à cette tâche nouvelle sans tarder. Nous avons pour cela besoin de l'appui de la communauté internationale. Et nous mettons par devant elle non pas un problème à résoudre à notre place, mais un problème à résoudre ensemble. Dans une vraie dynamique de solidarité, d'engagement et pourquoi pas de fraternité.
Monsieur le Président, aujourd'hui nous clôturons le mois de deuil qui a été décrété en mémoire de toutes les victimes, Haïtiens et étrangers et parmi eux de nombreux Françaises et Français. Je vous invite, vous tous, à les saluer par une minute de recueillement.
(Minute de silence)
Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Monsieur le Président, merci de votre accueil. Je serai bref. Je veux d'abord vous dire l'émotion que la tragédie haïtienne a soulevée en France. Les images que nous avons vues de votre réalité qui ne traduisent qu'imparfaitement les douleurs et les épreuves que vous avez subies £ ont suscité un grand mouvement de solidarité en France. Et je suis venu dire au peuple d'Haïti qu'il n'est pas seul.
J'avais formulé le projet de venir en Haïti durant mon quinquennat, je vous l'avais dit Monsieur. Le Président. Mais vraiment, j'aurais préféré venir dans d'autres circonstances. Mais enfin, c'est le destin. Et le destin d'Haïti. Nous avons une histoire partagée, vous et nous. Cette histoire partagée est douloureuse, et la France ici n'a pas laissé que des bons souvenirs. Je dois en prendre compte. Une Histoire, on la regarde en face. On ne la conteste pas, on ne la nie pas, on l'assume. Et en même temps c'est grâce au peuple haïtien que le français est la seconde langue des Nations unies. Un grand français avait déclaré au milieu du XXème siècle : « Nous n'oublierons jamais ce qu'Haïti a fait ». Car c'est vous, peuple d'Haïti qui avez exigé au moment où il y avait toutes ces discussions dans l'émergence des Nations unies, que le Français soit la seconde langue. C'est dire que entre nos deux pays, les liens sont intenses, sont familiaux mais comme dans toutes les familles il y a eu des moments très douloureux. Et ces moments douloureux nous obligent, je ne sais pas au fond pourquoi je suis le premier Président à venir. Il y avait tant de raisons de venir ici, en Haïti. Il y a tant de raisons de croire dans votre avenir.
De cette catastrophe, il faut que vous fassiez un renouveau. Cela ne veut pas dire oublier les morts, cela ne veut pas dire oublier les souffrances mais au fond, cela veut dire tourner le dos aux erreurs du passé. La France sera à vos côtés sur le long terme. D'abord la France ne veut pas d'une tutelle internationale sur Haïti. Voilà que vous êtes un des pays les plus pauvres au monde et que vous venez de subir l'une des catastrophes les plus violentes au monde. Mais le peuple d'Haïti est debout, vous devez, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, définir les conditions d'un consensus national pour poser les bases d'un projet national qui vous appartient. Haïti, c'est pour les Haïtiens. La communauté internationale et au premier rang la France, nous vous aiderons sur le long terme. Mais le projet c'est le vôtre. Tout juste m'est-il permis Monsieur le Président de dire : « Ne reconstruisez pas comme avant ». On en a parlé, avec vous, avec votre gouvernement. Tout ne peut pas se faire à Port-au-Prince. Le « pays du dehors » compte aussi. Les richesses doivent profiter à tout le monde. Dans mon pays comme dans le votre. La question de l'extrême concentration des richesses sur un petit nombre est un problème. Il faut créer les conditions d'un développement économique durable et endogène. Ici.
La France vous aidera, je suis venu vous annoncer 326 millions d'euros d'aide, ça fait presque 500 millions de dollars, qui seront utilisés pour 180 millions pour de l'aide à la reconstruction avec notamment une aide budgétaire, pour 56 millions par l'annulation de la dette. Je connais bien l'histoire entre nos deux pays. Et la question de la dette. C'est ma réponse avant même qu'on pose la question. Même si je n'avais pas commencé mon mandat au moment de Charles X, ici je ne peux pas en être tenu pour responsable, j'en suis quand même responsable dans la pérennité et dans la continuité de la France.
Mais nous allons annuler votre dette et nous allons prendre des dispositions très concrètes, je ne veux pas vous les imposer toutes. Nous allons prendre en charge l'abri et l'hébergement temporaires de 200 000 personnes en fournissant des tentes et des bâches.
Nous allons mettre à votre disposition 260 véhicules de police, de gendarmerie, d'ambulances, de voitures de pompiers.
Nous allons reconstruire l'hôpital de l'Université d'Etat de Port-au-Prince.
Nous allons vous envoyer des jeunes du service civique pour re-scolariser vos enfants, tous ces enfants que j'ai vus, qui non contents de vivre sous des tentes, ne vont même plus à l'école.
Nous allons mettre à votre disposition un terrain d'un hectare dans le centre de Port-au-Prince pour reloger une partie des services de l'administration.
Nous allons vous envoyer plusieurs dizaines de tonnes d'engrais, de semences, parce que je sais que la campagne agricole commence au mois de mars.
Et puis nous allons jouer un rôle avec Bernard KOUCHNER et Alain JOYANDET dans la conférence de reconstruction du 31 mars à New York.
Je veux d'ailleurs dire une chose. On travaille main dans la main avec nos partenaires américains, qui ont fait un travail remarquable £ Canadiens, Brésiliens qui ont payé un tribut épouvantable. Avec les Nations Unies, la France veut tenir toute sa place, aux côtés de ses alliés, aux côtés de ses amis. Et puis bien sûr nous sommes à votre disposition pour accueillir davantage d'étudiants pour permettre aux familles endeuillées de se retrouver, ici ou en France. Pour accueillir des jeunes orphelins, pour peu naturellement, Monsieur le Premier ministre, que les conditions juridiques en Haïti soient respectées. Pour peu qu'il s'agisse vraiment d'orphelins et non pas d'enfants qu'on retire de leur famille. Et pour peu que les conditions pour les amener et notamment la phase de transition. Mon épouse, Carla, aux côtés du ministre, a accueilli quelques dizaines d'entre eux. Et elle m'a raconté l'état de sidération dans lequel certains d'entre eux se trouvaient. Parfois séparés de leurs frères. Et donc je ne veux pas qu'on fasse les bonnes affaires des mafias mais sachez que la France est ouverte pour les jeunes orphelins d'Haïti. Mais en accord avec vous. Vous comprenez que c'est très important ? Le seul enjeu avec les enfants, c'est qu'ils retrouvent un avenir. Qu'ils soient heureux.
C'est le seul, il n'y en a pas d'autre qui compte.
Voilà donc la disponibilité de la France pour vous aider sur le long terme. Bien sûr Monsieur le Président, Monsieur. le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, on sera très heureux de vous accueillir quand vous le pourrez en France et j'ai demandé à la ministre des Départements et Territoires d'Outre-mer de veiller à ce que toutes les ressources de l'ingénierie dans cette Caraïbe qui nous est chère et que nous partageons, puissent être mises à la disposition d'Haïti. Il faudra régler le problème de la parité monétaire. Parce qu'évidemment quand j'annonce une aide, c'est en euros. Vous, vous avez l'habitude de compter en dollars. Oui mais c'est une bonne nouvelle en euros parce que ça vaut plus cher. Et donc c'est important. Merci.
S'il y avait quelques questions ?
QUESTION - Vous avez évoqué la mobilisation des Français, hors aujourd'hui il semble que les Français se sont montrés un peu moins généreux qu'au moment du tsunami. Est-ce que vous appelez aujourd'hui les Français à reprendre les dons auprès des ONG ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas, je pense qu'il y a près de 70 millions d'euros qui ont été mobilisés. Les Français connaissent aussi une crie économique mais je respecte votre avis, mais je n'ai pas tout à fait la même analyse. Je voudrais dire aux Haïtiens que j'ai au contraire ressenti une émotion extraordinaire et je peux dire au Président PREVAL que, quelques jours après la catastrophe que vous avez connue, j'étais harcelé en France de demandes de gens : « comment peut-on aider Haïti ? Comment peut-on soulager les Haïtiens ? Comment peut-on les aider ? Qu'est-ce que vous faites ? ». Je ne veux pas voir les choses de manière trop optimiste mais j'avais le sentiment inverse que cette catastrophe que vous avez vécue a bouleversé les Français, qui se sont mobilisés. Je voudrais d'ailleurs dire aux Français que quand on a vu ce que l'on a vu ce matin, vous et nous, vous les journalistes et nous, la réalité est pire encore que ce que j'imaginais. Pire.
Donc vous pouvez compter sur la France et bien sûr les Français.
QUESTION - Monsieur le Président, tout d'abord vous avez annoncé pas mal de projets ici en Haïti et plus de 300 millions d'euros comme vous dites, beaucoup de dollars américains. Quand aura-t-on la concrétisation de ces projets que vous venez d'annoncer ici au Palais national ?
Et puis autre chose, vous avez beaucoup insisté dans votre discours pour qu'Haïti ait le leadership de la reconstruction en Haïti. Alors, comment selon vous peut-on faire pour éviter des rivalités entre les pays donateurs, pour éviter quand même des turbulences, pour que l'atterrissage puisse se faire en douceur, Monsieur SARKOZY ?
LE PRESIDENT - D'abord, quand va-t-on commencer l'aide ? Elle a déjà commencé. Je prends un seul exemple, je n'en ai pas parlé mais il y a un problème de sécurité, vous le savez bien. Nous venons de décider d'envoyer un escadron supplémentaire de gendarmes mobiles, c'est une affaire qui va se régler dans les jours qui viennent. Vous aurez 200 gendarmes qui vous aideront. Les tentes et les bâches arriveront, c'est une affaire de quelques jours voire de quelques semaines. Et même l'aide budgétaire Monsieur, puisque nous avons prévu 40 millions d'euros d'aide budgétaire. Le Premier ministre et le ministre des Finances nous indiquaient, Monsieur le Président, qu'au mois de janvier vous avez eu 20% des recettes que vous attendiez. Nous allons la débloquer tout de suite.
Comment faire pour qu'Haïti ne se voie pas prendre son leadership naturel et qu'il n'y ait pas de rivalité ? Déjà qu'il n'y ait pas de rivalité en Haïti. Oui, oui, j'ai compris votre question mais c'était
ma réponse.
Haïti est devenue une démocratie, depuis maintenant une trentaine d'années à peu près ? C'est cela ? 25 ans, 24 ans. Je n'ignore pas quelle est votre réalité politique. Une trentaine de constitutions et un grand nombre de chefs d'Etat assassinés. C'est une réalité ça. Peut-être les deux tiers ? Une dictature parmi les plus abominables qu'on ait connue. Je crois que c'est très important, même si je n'ai rien à vous conseiller, que dans la période de reconstruction, vous dégagiez les voies d'un consensus national autour d'un projet national. Avec des problèmes considérables. Vous auriez dû avoir des élections législatives. Qui peut penser qu'on peut aujourd'hui organiser des élections législatives ? Il y a une échéance présidentielle, il vous appartient de la définir. Mais je pense vraiment que s'il y a l'unité du peuple haïtien, pour cette phase d'urgence, personne ne vous contestera le leadership de la reconstruction. Et s'agissant d'une rivalité entre les pays amis d'Haïti, je peux vous dire que du point de vue de la France, il n'y en aura pas. Et si vous voulez mon jugement plus précis, je trouve que les Américains font un très bon travail. Ils ont un million d'Haïtiens, ils sont à 900 kms d'ici. Je ne reprocherai pas à des pays amis de plus aider. Dans l'urgence on peut réussir plus ou moins bien les choses et provoquer des petites tensions. Ce n'est pas grave par rapport à l'essentiel, qui est qu'Américains, Anglais, Canadiens, Brésiliens et tous les autres, on soit main dans la main pour vous aider. Il n'y a pas de rivalité à avoir, elle n'aurait aucun sens.
Quant à la France, je parle en français ici. C'est quand même une communauté culturelle que m' a mené à dire au Président que nous allons prendre en charge également la rénovation d'un certain nombre de vos oeuvres d'art, je pense à un fameux tableau qui symbolise l'identité nationale haïtienne. Nous allons nous-mêmes le restaurer.
QUESTION - Monsieur SARKOZY, je voulais vous demander : est-ce que vous envisagez de restituer à Haïti la dette de l'indépendance en renforçant la coopération haïtiano française, suite au
désastre du 12 janvier ?
LE PRESIDENT - Je crois Madame que j'ai répondu à cette question. J'ai décidé d'annuler la dette d'Haïti à l'endroit de la France. Totalement. Cela représente 56 millions d'euros. Et j'ai décidé d'une aide au nom de mon pays, en accord avec les ministres et le Gouvernement, extrêmement importante. J'imagine que cela crée les conditions d'une plus grande coopération entre nous ? Et puis j'espère bien revenir en Haïti pour juger de l'importance des travaux de reconstruction. Rien ne me ferait plus plaisir que de revenir, l'année prochaine, pour constater que des chantiers sont en cours et qu'une vie normale puisse recommencer dans votre pays.
QUESTION - (inaudible) évalue à 14 milliards de dollars la reconstruction d'Haïti. Est-ce que l'aide de la France va se limiter aux 356 millions d'euros que vous annoncé ou la France compte aussi prendre part à cette reconstruction sur les 14 milliards de dollars estimés par la BID (banque interaméricaine de développement), qui sont pour le Président PREVAL. Le Conseil électoral n'a pas pu organiser les élections législatives dernièrement. Est-ce que le pays sera prêt à organiser des élections présidentielles en décembre prochain ? Merci.
LE PRESIDENT - Bien sûr que l'on participera à la conférence de reconstruction. Je dirai juste une chose : il ne faut pas condamner Haïti à l'assistanat et tuer toute émergence du secteur privé parce que l'aide humanitaire remplirait en lieu et place du secteur privé, ce dont votre économie a besoin. Et c'est la raison pour laquelle dans le cadre de la conférence, la France plaidera pour la réalisation d'investissements structurants pour permettre l'émergence d'un secteur privé dynamique en Haïti. Il y a 40% du PIB de la nation haïtienne qui est tombée en ruines. Qui est tombée par terre. Bien sûr il y a l'aide internationale mais la meilleure aide c'est celle qui permettra de réaliser des investissements qui permettront une véritable économie haïtienne. Vous aviez commencé, si j'en juge par le taux de croissance l'année dernière, qui était de près de 4%. Ce n'était pas si mal. C'est cela qu'il convient de faire. Traiter Haïti comme un pays qui a besoin d'infrastructures mais qu'on ne met pas sous transfusion. Parce qu'un beau jour, ça doit s'arrêter. Et il vous faut des universités, des ponts, des routes, une économie, des entreprises.
Si l'aide humanitaire et l'aide internationale font tout à la place du secteur privé, comment demain créerez-vous les conditions du développement économique endogène ? Ce sont des questions qu'il faut poser dans le cadre de la réalisation de votre projet national.
M. RENE PREVAL - Parmi toutes les institutions qui ont eu des problèmes dans la catastrophe, ce tremblement de terre, il y a évidemment le Conseil électoral provisoire et également la Minustah qui venait en support au conseil électoral dans la réalisation des élections. Aujourd'hui, sur une liste électorale qui déjà avant la catastrophe devait être épurée pour avoir le pourcentage le plus exact possible d'électeurs, pour empêcher des trucages par rapport aux morts, aujourd'hui il y a encore beaucoup plus de morts. Aujourd'hui il y a des déplacés, il y a un certain nombre de votants potentiels qui ont perdu leur carte électorale. Il y a des endroits où les gens devaient voter qui n'existent plus. Et puis il y a la disposition de la population, qui, dans cette situation difficile, est-ce que décemment on peut lui dire qu'on va aux élections tout de suite ?
Donc les conditions matérielles, les conditions humaines, n'existent pas pour des élections qui auraient dû avoir lieu en février.
Pour moi l'essentiel, pour le développement de ce pays, c'est la démocratie. Il faut trouver les mécanismes adéquats, exceptionnels permettant que les élections aient lieu. Et j'ai insisté auprès du Gouvernement pour que le Conseil électoral provisoire se remette au travail tout de suite et par consensus avec la classe politique, par consensus avec la société civile, avec l'international qui finance beaucoup ces élections, on devra trouver une formule pour qu'il y ait des élections parlementaires, locales et présidentielles. Voilà la réponse que je peux donner. Merci beaucoup. Merci.