19 novembre 2009 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le premier président stable du Conseil européen, le Haut représentant pour les affaires étrangères, les membres de la Commission européenne et sur le Sommet de Copenhague concernant le climat, à Bruxelles le 19 novembre 2009.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver. L'Europe met fin ce soir à un long processus institutionnel, je ne crois pas me tromper en disant que cela fait huit ans maintenant que l'Europe essaie de se doter d'institutions. Je ne reviendrai pas sur les longues péripéties du Traité dit « de Lisbonne ».
Ce soir, très rapidement, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement se sont donc mis d'accord pour désigner comme premier président stable du Conseil européen, pour deux ans et demis, Herman VAN ROMPUY, Premier ministre belge. C'est un choix qui, à mes yeux, est excellent. Excellent parce que c'est un homme de très grande qualité dont j'ai toujours apprécié les prises de position volontaristes à la table du Conseil. C'est un homme qui a su faire preuve de beaucoup d'habileté s'agissant de la Belgique et c'est un problème d'ailleurs, puisqu'il devra quitter ses fonctions de Premier ministre belge. C'est un homme profondément européen et je crois que c'est une très sage décision d'avoir choisi comme premier président stable du Conseil un homme qui vient d'un pays fondateur de l'Union européenne, d'un pays important, mais qui ne fait pas partie des plus importants, de façon à ce que personne ne se sente exclu du processus £ un homme qui est habitué au compromis, au bon sens du terme, qui est la base du fonctionnement des institutions européennes.
Il va falloir installer ces institutions. Vous savez que la France a soutenu la candidature d'Herman VAN ROMPUY et même un peu poussé à ce qu'Herman soit candidat dès le début. C'est un choix excellent. De même que nous avons pu désigner à l'unanimité Catherine ASHTON comme Haut Représentant et Vice-président de la Commission. Là aussi, je pense que c'est un choix important. D'abord parce qu'il est important qu'il y ait une femme dans les postes qui comptent à la tête de l'Union européenne £ j'avais lu beaucoup d'articles, beaucoup de prises de position qui s'inquiétaient qu'il n'y ait que des hommes. C'est important aussi parce que cela donne, même si ce ne sont pas les formations politiques qui doivent désigner à ces postes, il y a un équilibre : Herman VAN ROMPUY est PPE, Catherine ASHTON qui est commissaire européen, vient de la famille travailliste, et je crois que c'est très important pour nos amis britanniques qu'il s'agisse d'une Anglaise.
Enfin, nous avons désigné une troisième personne, puisqu'il y avait trois postes pour lesquels nous devions voter. Et le troisième est un Français, puisque le Secrétaire général continuera donc, M. de BOISSIEU, pour les deux ans qui viennent. Pourquoi seulement deux ans ? Tout simplement parce que c'est la date de la limite d'âge pour le départ à la retraite. Voilà.
Donc, aux trois postes qui ont été désignés, un Belge, une Anglaise, un Français, viennent s'ajouter un Portugais, président de la Commission, et un Polonais, président du Parlement. Je crois que c'est une date qui comptera dans l'histoire de l'Europe. Et contrairement à ce que pouvaient craindre les uns et les autres, cela c'est passé relativement facilement, en tout cas rapidement.
Bien sûr je réponds aux questions que vous voudrez bien me poser.
QUESTION - Monsieur le Président est-ce que pensez qu'Herman VAN ROMPUY avec Lady ASHTON....
LE PRESIDENT - ... Je ne vous ai jamais vu si respectueuse d'une personne et je vous félicite...donc elle est de la Chambre des Lords
QUESTION - ... sont à même de négocier avec Barack OBAMA, HU Jintao ou Dmitri MEDVEDEV ? Quelle va être leur fonction exactement, est-ce que vous avez parlé de leur fonction lors de ce Sommet, définir leur fonction exacte ?
LE PRESIDENT - D'abord la définition des fonctions se fera de manière pragmatique, puisqu'il va falloir harmoniser la présidence stable, la présidence tournante, le rôle du Haut Représentant. Je n'ai aucun doute. Vous dites : « est-ce qu'ils sont capables ? ». Moi dans ce que j'ai lu, pardon de le dire, mais je vois beaucoup de gens qui écrivent sur Herman VAN ROMPUY et qui ne le connaissent pas. Je puis vous le dire - pardon, ne prenez pas cela d'une façon désagréable pour vous -, c'est un homme extrêmement décidé qui sait exactement où il va, c'est un parfait connaisseur de la politique européenne
Je ne dis pas que c'est vous qui le faites, mais pourquoi juger avant de connaître ? Moi je me retrouve vraiment dans les convictions d'Herman, c'est un homme qui sait très exactement où il va. Et si le reproche qu'on peut lui faire, c'est de ne pas être déterminé et d'être trop souple, vous risquez d'avoir de sacrées surprises, mais de sacrées surprises. Ne confondez par un homme tolérant qui a une certaine réserve personnelle, peut-être même une certaine pudeur, et les convictions qui sont les siennes. Parlez-en donc à ceux qui le connaissent bien et vous verrez. Je vais vous dire une chose, je pense que c'est une des plus fortes personnalités autour de la table du Conseil. Ne voyez aucun désagrément à l'endroit des autres.
J'ajoute qu'en ce qui me concerne, j'ai toujours pensé qu'il fallait un président fort. Il y avait d'autres solutions, notamment celle de Tony BLAIR, comme vous le savez. Mais pour être élu, il faut que les 27 soient d'accord. Je suis persuadé qu'Herman VAN ROMPUY pourra négocier, portera fièrement le drapeau de l'Europe. Et puis de toute manière, il sera aidé par nous aussi. C'est exactement comme si vous m'aviez dit que le Premier ministre RASMUSSEN, qui va animer la conférence Copenhague, n'est pas capable de l'animer ? Vous avez vu le travail qu'il fait ? Est-ce que vous vous rendez compte ? Mais il le fait avec nous. Et je peux vous dire que le Premier ministre danois fait un travail tout à fait remarquable et je pense qu'en Europe, il faut que l'on apprenne ça aussi : il y a des tempéraments différents, ce n'est pas pour cela que c'est des gens qui sont sans conviction. Franchement je crois que c'est très très important.
Catherine ASHTON, enfin, vous savez que la France a toujours été pour une solution anglaise en la matière, et travailliste, parce que je pense que tout cela, c'est un équilibre et que nous avons tout intérêt, à envoyer le signal à nos amis britanniques qu'ils sont bien en Europe, qu'ils comptent en Europe et que l'on a besoin d'eux. L'Europe c'est une mosaïque, il faut que chacun s'y retrouve. Et je trouve que c'est assez intéressant de prendre comme président stable un candidat d'un pays fondateur de l'Europe et comme Haut représentant une femme qui vient d'un pays qui a parfois plus de difficultés avec l'Europe. C'est un signal aussi qui est envoyé, un signal de rassemblement. Comme cela on a l'Est, on a l'Ouest, on a le Sud et puis je ne dirai pas de nos amis belges qu'ils sont le Nord, mais disons le Centre Nord. Mais vous verrez.
Et nos avons convenu d'ailleurs avec Herman qu'il viendrait très rapidement à Paris. J'ai hâte de travailler avec lui. C'est en tout cas quelqu'un à qui je fais une grande confiance, une grande confiance politique, une grande confiance personnelle. Voilà ce que je pense.
QUESTION - (inaudible).
LE PRESIDENT - Si, si c'est bien à cela que je fais allusion. Ce n'est pas du tout un choix par défaut, ce n'est pas du tout cela. Ce n'est pas parce que l'on fait consensus que l'on est par défaut. En tout cas moi, comme vous le savez, c'était le candidat de la France et le candidat de l'Allemagne, puisque dans tout cette période, la Chancelière et moi nous sommes restés sur une ligne absolument, je ne dirais pas commune, je dirais identique. Sans naturellement donner le sentiment d'imposer quoi que ce soit, ce qui est en Europe une nécessité.
QUESTION - Maintenant que M. BARROSO connaît la nationalité de son Vice-président, il va pouvoir former sa commission, en affaires courantes depuis trois semaines. Est-ce que vous avez discuté avec M. BARROSO du portefeuille que la France souhaite et si vous avez des exigences, des souhaits, quels sont-ils ?
LE PRESIDENT - D'abord un mot de précision : les trois personnes que nous avons élues - puisque le Secrétaire général, ça compte, ce n'est pas une petite chose -, ne rentreront formellement en fonction qu'à compter du 1er décembre, qui est la date d'entrée en vigueur du Traité. Il y aura une procédure écrite.
Ecoutez, si je vous disais que je n'avais pas discuté avec M. BARROSO, vous ne me croiriez pas et vous auriez parfaitement raison. Des exigences, on ne parle pas comme cela entre amis, en Europe, j'essaie d'être plus habile que cela. Disons que la France aura un Commissaire européen avec des responsabilités importantes et que ce Commissaire européen sera Michel BARNIER. C'est difficile pour moi d'en dire plus, c'est la responsabilité du Président de la Commission. On en a parlé, bien sûr, puisqu'avant le Conseil, nous avons eu beaucoup de réunions, réunion avec Mme MERKEL, réunion avec M. REINFELDT, une réunion avec Gordon BROWN et Silvio BERLUSCONI, j'ai vu aussi M. BARROSO, ce qui nous a fait commencer un peut plus tard.
QUESTION - Vous avez dit beaucoup de mots de VAN ROMPUY, très peu d'ASHTON à part qu'elle était britannique. Qu'est-ce que vous auriez pour épaissir le portrait d'ASHTON et les qualités qu'elle a pour être Haut représentant car son expérience en diplomatie.....
LE PRESIDENT - Ecoutez, elle a quand même joué un rôle essentiel à la Chambre des Lords pour faire passer le Traité de Lisbonne, ce qui n'est pas rien, convenez-en. Dans le personnel politique britannique, il ne m'appartient en aucun cas de juger, elle est une de celles qui a porté la question du Traité de Lisbonne avec le plus de force. J'ai déjà eu l'occasion de dire ma reconnaissance à Gordon BROWN pour les responsabilités qu'il avait prises mais à chaque instant du processus de Lisbonne - et vous savez combien il était âprement discuté au Royaume-Uni, ce n'est un secret pour personne -, elle a été en permanence pour, elle l'a soutenu courageusement. Et on a quand même été bien content de trouver des femmes et des hommes politiques anglais pour le faire passer alors qu'une partie de la classe politique britannique demandait un referendum comme vous le savez aussi bien que moi.
Par ailleurs, tous ses collègues de la Commission ont montré une femme tournée vers l'international, s'étant beaucoup occupé des questions de l'Asie et notamment des négociations avec la Corée du Sud. C'est quelqu'un qui a une grande expérience et qui présentait l'avantage d'être travailliste, d'être Anglaise, d'être femme. Vous savez le choix que nous avons fait était un choix extrêmement complexe. Est-ce que vous vous rendez compte qu'il a fallu mettre d'accord 27 pays, des chefs d'Etat et de gouvernement issus de familles politiques différentes, trouver un équilibre géographique, politique ce qui n'est pas rien ?
Pour la Représentante, à la différence du Président stable, elle est Vice-présidente de la Commission donc elle doit passer l'épreuve du Parlement européen. On peut considérer qu'à partir du 1er décembre, Herman VAN ROMPUY, c'est définitif. Pour la Haute Représentante, comme pour l'ensemble de la Commission, il y a tout le débat au Parlement européen. Je ne veux pas vous dire de bêtises, en l'occurrence, ce que je sais, c'est que Lisbonne rentre en vigueur le 1er décembre, donc le 1er décembre, ce que nous avons décidé en quelque sorte oralement, nous allons le décider par écrit et à partir de ce moment là, je pense que cela s'impose. Je veux rendre hommage d'ailleurs à Javier SOLANA. Le choix qui a été fait n'a rien à voir avec la qualité de Javier, qui d'ailleurs n'était pas candidat, mais là aussi nous avons essayé de réfléchir à un équilibre voyez-vous. A partir du moment où un Portugais était Président de la Commission, sur un des cinq postes avec le Président du Parlement européen et le Secrétaire général, mettre un de nos amis espagnol, cela ne répondait pas au souci d'équilibre qui était le nôtre et de rassemblement.
QUESTION - Monsieur le Président c'est la première fois que l'Europe se livrait à cet exercice de nomination...
LE PRESIDENT - Même d'élection...
QUESTION - Certains ont dénoncé cette campagne, l'opacité, les coulisses, si c'était à refaire est-ce que vous procéderiez de la même manière que les Suédois ?
LE PRESIDENT - Qui l'a dénoncé ? Lorsque nous avons choisi le Président du Parlement européen, est-ce que les mêmes ont dénoncé les conditions qui nous ont amené à choisir le Président polonais ? Le Président polonais, quand nous l'avons choisi, est-ce que cela a donné lieu à une série d'auditions ? Je ne m'en souviens pas. C'est sans doute un détail qui m'a échappé. Peut-être que j'ai loupé un épisode, ça m'étonnerait quand même, j'ai une certaine mémoire. J'étais très heureux d'ailleurs, j'étais associé, il a fallu à ce moment là demander au candidat italien de se retirer, j'étais un de ceux qui a fait cette démarche et nous avons choisi un excellent candidat qui a été élu par le Parlement européen, mais enfin chacun sait qu'au sein du PPE, il y a eu une discussion, cela n'a pas donné lieu à une audition. On a tous considéré que, compte tenue de la qualité de la personne et qu'il était important d'envoyer un signal aux Européens de l'Est. C'est comme cela qu'il a été choisi, en tout cas pour la première partie du mandat, et personne n'en était mécontent. Et mon ami Donald TUSK ne m'a pas dit que ce n'était pas assez démocratique pour choisir le Président polonais du le Parlement européen. Pourquoi aurait-il fallu faire différemment ?
J'ajoute que ce n'est pas si simple et je vous demande de bien comprendre cela : si nous nous étions mis dans une situation avec plusieurs candidat et un vote, on aurait divisé l'Europe. Il y a beaucoup d'entre vous qui ont un idéal européen, ce n'est pas interdit. Si nous avions voté entre plusieurs candidats, il y aurait une campagne électorale, une division et naturellement des gagnants et des perdants et à l'arrivée on récupérait une Europe moins unie. L'Europe est un idéal et nous devons avancer par consensus. C'est cela, la démocratie européenne. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit de premiers ministres en fonction, qui reviennent dans leur pays après avoir été battus. C'est extrêmement sensible tout cela. J'ajoute que nous avons beaucoup parlé, à cinq reprises, au téléphone, avec le Président REINFELDT pendant toute cette période. J'ai eu à trois reprises Herman VAN ROMPUY, Mme MERKEL. Nous avons beaucoup parlé. Ce miracle européen, on ne peut pas le traiter de façon brutale.
Par ailleurs, au Parlement européen, quand ils décident de partager le mandat des Présidents entre le PPE et le Parti socialiste, qu'est-ce qu'ils font si ce n'est un accord équilibré pour que tout le monte se sente reconnu ? Oui ou non, c'est bien comme cela que ça se passe Si c'est simplement la logique arithmétique, Monsieur, comment on fait fonctionner ? L'Europe ne peut pas être réduite simplement à la Gauche et à la Droite, il y a d'autres éléments en cause. C'est une forme très élaborée de démocratie. A mon avis, on ne peut pas contester ce besoin. Quand les socialistes et le PPE partagent la Présidence pour cinq ans, qu'est-ce qu'ils font ? Ils font un geste qui est intelligent, qui est un geste de tolérance, qui considère que pour que le système fonctionne, même ceux qui ont perdu doivent pouvoir espérer représenter le Parlement européen pour associer tout le monde. C'est l'Europe. C'est l'Europe et c'est pour ça que cela fonctionne et c'est pour ça que c'est difficile aussi. Est-ce que dans deux ans et demi, Monsieur, ce sera pareil ? Il est beaucoup trop tôt pour le dire.
Peut-être que nous changerons de méthode, peut-être que ceux qui sont en place changeront de méthode. Pourquoi pas ? Mais nous ne pouvons pas voir cela comme une campagne électorale comme les autres, ce n'est pas exactement cela.
Je voudrais aussi vous dire autre chose, la voix d'un pays de 700 000 habitants pour un choix comme celui-ci compte autant que la voix d'un président d'un pays de 65 millions d'habitants. On peut de l'extérieur dire que ce n'est pas démocratique. Moi je pense que c'est démocratique. Parce que sinon, les plus petits pays ne compteraient pas dans l'idéal européen. Il n'y aurait plus d'Europe. Donc nous sommes obligés de faire comme cela. Plaquer le raisonnement du choix de la campagne dans notre pays au niveau européen, ça ne se passe pas comme cela. La Lettonie, la Lituanie comptent autant dans le choix. S'il y a un blocage avec eux, nous n'avançons pas. Alors je sais bien que pour l'élection du Président, c'est à la majorité. Mais nous avons voulu qu'il n'y ait pas de perdant. Pourquoi ? Parce que nous tenons tous comme un trésor à cet idéal européen.
QUESTION - Je voudrais comprendre pourquoi vous avez privilégié d'obtenir le poste de commissaire au marché intérieur plutôt que le poste de Haut Représentant ? Parce qu'en France, il y a des personnalités diplomatiques plus qualifiées que Madame ASHTON, mais vous préférez obtenir un poste de commissaire, en quoi un poste de commissaire est plus important pour la France selon vous ?
LE PRESIDENT - D'abord plus qualifiée que Mme ASHTON, je ferai la même réponse ... Certainement, je vous félicite d'être à ce point nationaliste puisque le simple fait d'être Français fait que l'on est plus qualifié. Je voudrais vous dire que sur les trois postes, il y en a un pour la France. Pensez-vous que je pouvais militer pour deux sur trois ? Non, mais c'est intéressant, je vais jusqu'au bout, je ne veux pas vous mettre en difficulté. J'aurais du considérer que la candidature de M. de BOISSIEU, remarquable Secrétaire général, je devais la laisser tomber puisque naturellement, vous le comprenez bien, si la France faisait le choix des postes de Haut Représentant, ce qui était possible évidemment, cela voulait dire naturellement que l'on abandonnait tout de suite le poste de Secrétaire général, puisque qui peut penser qu'un même pays pourrait avoir, sur les trois postes que nous avons élus, pour lesquels nous avons voté ce soir, deux. Et pourquoi faire cela à M. de BOISSIEU qui est unanimement reconnu comme quelqu'un de qualité. J'ajoute qu'il m'aurait semblé particulièrement étrange de se priver de l'expérience d'un Secrétaire général comme M. de BOISSIEU, alors même qu'on met en place un système de nouvelles institutions. J'avais cette première question, vous comprenez que c'est quand même quelque chose.
J'ajoute, indépendamment de cela, qu'avec Mme MERKEL nous avons fait dès le début un choix qui peut être contesté, c'est qu'il nous a semblé que l'Allemagne et la France, les deux plus grands pays de l'Europe, - c'est n'insulter personne que de le dire -, rendaient un mauvais service à l'Europe s'ils présentaient un candidat pour être le premier président stable ou le premier Représentant, puisque c'était un signal très mauvais, compte tenu de notre importance économique et démographique, à envoyer aux 25 autres. « Alors finalement ces nouvelles institutions, c'est pour vous ? » Que cela évolue dans l'avenir, pourquoi pas ? Mais compte tenu du rôle que nous jouons avec Mme MERKEL, je pense que cela créait les conditions d'un déséquilibre et que cela n'aurait pas permis de faire jouer de la même façon l'idéal européen.
Pour le reste, sur le poste du commissaire français, c'est à M. BARROSO de décider. Je crois pouvoir dire que nous aurons un poste important. On verra si c'est le marché intérieur ou un autre, mais nous aurons un poste important. J'avais aussi cet avantage, pour la France c'est très bien, sur un des trois postes, c'est un poste de Secrétaire général, puisque M. de BOISSIEU est aujourd'hui Secrétaire général adjoint et devient Secrétaire général. Pour tous ceux qui connaissent parfaitement les rouages européens, ce n'est pas un poste accessoire, même si sa visibilité médiatique n'est pas de premier choix bien sûr. Disons que toute la mécanique derrière, cela compte beaucoup.
QUESTION - Vous avez donc choisi trois professionnels, trois personnalités expérimentées, mais pas forcément très médiatiques, en tout cas pas très connues du grand public. Est-ce que vous pensez que pour faire aimer l'Europe, vous avez choisi les bons profils ?
LE PRESIDENT - D'abord, je crois que pour faire aimer l'Europe, ce qui compte c'est qu'on apporte des réponses très précises aux problèmes qui se posent. Si par exemple on arrive à faire de Copenhague un succès et entraîner le monde entier sur la position européenne, on fera aimer l'Europe. Enfin, nous n'en sommes pas à l'élection au suffrage universel du président européen. Nous essayons un système qui est déjà un progrès immense, on changeait de présidence tous les six mois, on a un président stable pour 2 ans et demi. Laissons vivre le système. On prend quelqu'un qui vient d'un pays qui a dans ses gênes l'Europe, qui a une pratique de l'Europe et qui est un homme dont la personnalité, les convictions..., il a démontré dans tout son passé qu'il était capable de rassembler des gens autour de lui. Je trouve que c'est plutôt un choix excellent. La preuve c'est que 27 pays se sont mis d'accord. Qu'est-ce qu'il fallait d'autre, arriver à un blocage, passer une nuit de négociation, ne pas se mettre d'accord et se retrouver dans 15 jours ? L'Europe en aurait été renforcée ?
QUESTION - Sur Copenhague justement, la France vient de rendre public son plan climat-justice. Comment ce plan s'inscrit-il dans la stratégie européenne ou plutôt quelle est la plus-value de ce plan dans la stratégie européenne. Ensuite très concrètement, puisque vous cherchez à faire bouger les lignes avec le Brésil, avec le Mexique, avec dans quelques jours, les Etats de la zone autour de l'Amazonie, comment faire bouger les lignes et qu'est-ce que vous attendez concrètement de la part de la Chine et des Etats-Unis ?
LE PRESIDENT - D'abord, le plan français est en train de devenir le plan européen. Je veux dire qu'avec M. RASMUSSEN, nous avons un total accord à peu près sur tout et donc c'est très important. Notre stratégie est très simple, il faut que l'on entraîne toute l'Afrique, une partie de l'Asie et toute l'Europe et certains émergents, comme le Brésil bien sûr, qui a un rôle leader en la matière. Comment fait-on pour limiter le réchauffement à deux degrés ? On le sait. Il y a des objectifs qui doivent être précisés et c'est là-dessus que l'on se bat. Pour moi, être la semaine prochaine à Tobago, invité du Commonwealth pour défendre aux côtés de Gordon BROWN des positions européennes, qui eut dit que cela aurait été possible, même imaginable ? Non je vois que cela bouge.
Alors clairement, il y a deux familles, la famille de ceux qui veulent un accord ambitieux à Copenhague, la France est leader avec d'autres dans cette famille et puis une autre famille un peu moins ambitieuse, comme nous avons vu dans un sommet asiatique récent. Je lis comme vous. Je vois que quand nous nous réunissons, nous, nous donnons des objectifs et des chiffres précis. Quand d'autres se réunissent, les chiffres ont disparu. Il y a un moment de vérité, il va falloir s'expliquer. Et ce moment de vérité, nous rassemblons toutes nos forces pour amener le maximum de membres vers un objectif ambitieux. Voilà ce que nous faisons. Vous savez, ce n'est pas par plaisir que je vais à Manaus jeudi prochain, à Tobago vendredi prochain et que je reçois la semaine d'après le Président indonésien et que l'on pousse pour cela. Si on ne fait pas cela, Copenhague se réduirait malheureusement à une déclaration d'intention. Nous ne le voulons pas. Mme MERKEL et moi, nous ne le voulons pas. Franchement je pense que M. RASMUSSEN est parfaitement sur cette ligne. Et puis nous allons avoir un Sommet européen. On va mettre en place un certain nombre de scénarios parce que je pense qu'à un moment ou à un autre, l'Europe devra faire encore plus. La question, c'est de savoir à quel moment on met ces propositions supplémentaires sur la table pour faire pression sur ceux qui veulent faire moins. C'est clair. Il y a clairement un rapport de force, amical.
QUESTION - Je voudrais savoir selon vous quel est ce soir le vrai visage de l'Europe ? Est-ce que c'est le Président du Conseil Européen dont on sait qu'il a aussi le rôle d'animation des sommets ou est-ce que c'est la Haute Représentante ? Lequel des deux, selon vous, à le rôle le plus important sur la scène internationale ?
LE PRESIDENT - Franchement, les institutions vont être mises en place, mais pendant huit ans, vous avez, à juste titre d'ailleurs, dénoncé l'incapacité de l'Europe à se mettre d'accord sur un débat institutionnel. Huit ans après, en tout cas nous qui sommes en place, on apporte cet accord. Avec des péripéties, souvenez-vous de Nice et regardez où nous en sommes, il a fallu consulter deux fois les Irlandais, faire l'élection présidentielle en France pour surmonter le non, pareil en Hollande. Ensuite, en quelques semaines, il a fallu choisir une équipe, c'est fait, sans drame, sans scandale, sans histoire. C'est fait.
Le visage de l'Europe, c'est le visage de l'unité de l'Europe. 27 pays ensemble qui sont capables de se doter d'institutions et de choisir des gens pour les représenter. Alors tout n'est pas d'une pureté de cristal, moi je pense qu'il y a une logique qu'il y ait un président qui ait un rôle d'animateur et qui forcément jouera un rôle dans les négociations internationales et puis une Haute représentante qui aura plus à voyager £ encore que le Président... on n'imagine pas, par exemple, un G20 avec le Président stable, je vous donne mon opinion, qui n'y soit pas. On va me dire : « tout cela, c'est compliqué ». C'est 27 pays, c'est forcément compliqué, mais cela n'existe nulle part ailleurs, c'est la spécificité européenne, si on veut faire simpliste on cassera. Et puis je ne doute pas que tout cela évoluera, les institutions se mettront en place et je compte beaucoup sur la sagesse des gens que nous avons élus - et on les aidera - pour que les choses s'arrondissent et se mettent en place. Mais n'allons pas faire l'Europe compliquée avec des idées caricaturales pour plagier le général de Gaulle et l'Orient.
QUESTION - Pardon M. le Président de vous entrainer un instant sur un autre terrain, vous n'êtes pas sans savoir que dans l'actualité, il y a, outre l'Europe aujourd'hui, le football votre ami Brian COWEN, à la suite du match au cours duquel un joueur français à commis une faute manifeste, votre ami Brian COWEN s'est tourné vers les instances internationales du football, êtes-vous comme lui d'avis qu'il faut refaire ce match ?
LE PRESIDENT - Si je vous donne mon opinion là-dessus, vous allez encore dénoncer l'hyperprésident. A longueur d'articles, vous dites que je me mêle de tout. Vous affirmez : « il se mêle de tout ». Et chaque fois que je viens devant vous, vous me demandez mon avis sur des choses qui me sont tellement étrangères. Il y a des instances, j'ai dit à Brian COWEN, qui est mon ami comme vous le savez, combien j'étais désolé pour eux et combien j'avais apprécié le caractère très vigoureux et très talentueux de l'équipe irlandaise. Maintenant, ne me demandez pas de me substituer à l'arbitre du match, aux instances du football français, aux instances du football européen qui décident. Et ce qu'ils décideront sera bien décidé. Allez, laissez-moi à ma place, tranquillement. Et pour tout vous dire, ça m'arrange bien de vous répondre cela.
QUESTION - Une petite question : est-ce que sur le Secrétaire général du Conseil, vous avez évoqué le successeur de M. de BOISSIEU avec Mme MERKEL, il parait que M. CORSEPIUS est dans le tuyau, qu'il y aurait un accord là-dessus. Deuxième petite question : Mme MERKEL, selon les sources luxembourgeoises, aurait proposé M. JUNCKER à vous-même dans l'après midi et vous auriez refusé. Et troisième question : alors un peu footballistique mais pas tout à fait, cela vous concerne peut-être plus : est-ce que vous êtes et pourquoi êtes-vous en faveur du transfert d'Albert CAMUS au Panthéon, si cela est le cas.
LE PRESIDENT - Quand vous aurez une grosse question, vous me préviendrez M. LEPARMENTIER. Donc sur le Secrétaire général, c'est M. de BOISSIEU, il a clairement été précisé que c'était jusqu'à l'été 2011. Il va de soi que M. de BOISSIEU aura un successeur et si nos amis allemands ont un successeur à présenter pour le Secrétaire général, la France soutiendra le candidat allemand. Je pense que c'est clair et cela a toujours été parfaitement clair entre Angela MERKEL et moi. Pourquoi ? Parce qu'un Français ne succèdera pas à un Français, là aussi c'est une règle européenne.
Est-ce que Mme MERKEL a proposé cet après midi M. JUNCKER ? Je vous regarde bien en face M. LEPARMENTIER, c'est une fausse information. Quand on connaît la réalité, elle est même étrange. Et dites bien à votre source qu'on doit la fermer tout de suite, parce que des sources pareilles... J'en ai vu des mauvaises sources, mais alors là, il faudra que l'on en parle ensemble, c'est même drôle ! Je ne veux pas dire par là que Mme MERKEL a dit quelque chose de désagréable à l'endroit de qui que ce soit, mais alors là, c'est vraiment une source qui a de l'humour, peut-être une source luxembourgeoise dans le fond...
Et enfin Albert CAMUS, cela va être dans le mois de janvier, si mon souvenir est exact c'est même le 4 janvier, le 50ème anniversaire de son décès et c'est vrai que j'ai pensé que cela serait un choix particulièrement pertinent que de le faire rentrer au Panthéon. Dans cet esprit, j'ai déjà pris contact avec les membres de sa famille et j'ai besoin d'obtenir leur autorisation. Nous discutons, les choses progressent, mais cela serait un symbole extraordinaire à mes yeux. Mais comme la décision n'est pas prise pour les raisons que je vous ai indiquées, je me réserve d'expliquer le pourquoi de cette initiative au moment où elle pourra être prise.
QUESTION - Est-ce que vous avez parlé du rôle du chef du gouvernement de la présidence rotative, que va-t-il se passer avec M. REINFELDT le 1er décembre, est-ce qu'il va toujours présider le Conseil du 10 décembre. Et après cela, M. ZAPATERO ?
LE PRESIDENT - M. REINFELDT présidera toujours le Conseil, c'est la présidence tournante qui présidera le Conseil, mais c'est exactement comme si vous me demandiez : « quand il y a une présidence tournante, que fait M. BARROSO ? » Il est le président de la Commission. Le Président stable, lui, aura une action beaucoup plus opérationnelle, les présidences tournantes de M. REINFELDT puis de M. ZAPATERO continueront à présider les Conseils. Il y aura des arrangements, on va définir petit à petit les choses. Peut-être une dernière question et après vous m'autoriserez à rentrer.
QUESTION - Je reviens sur Copenhague, on parle de plus en plus d'une déclaration politique pour terminer les négociations, qu'entendez-vous par déclaration politique ?
LE PRESIDENT - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Pour Copenhague, nous parlons des « accords de Copenhague ». Je ne suis pas d'accord avec une déclaration politique vague. Des accords de Copenhague, c'est clair, et des accords contraignants. Alors la question qui est posée, c'est que naturellement on ne pourra pas, avec tous les pays qui sont là-bas, en quelques jours, rédiger un traité ou tout mettre en place. Donc il y aura des accords contraignants, du moins je l'espère, avec des chiffres contraignants, du moins je le souhaite, et je suis sûr que l'on y arrivera. Et puis il y aura quelques semaines, voire quelques mois, pour mettre en oeuvre tout cela. Par exemple l'Organisation mondiale de l'environnement ne va pas ne pas se définir les 17 et 18 décembre, la totalité du traité ne va pas s'écrire entre le 17 et le 18 décembre, c'est la raison pour laquelle ce n'est pas un accord politique, ce sont les accords de Copenhague.
Je suis heureux de vous retrouver. L'Europe met fin ce soir à un long processus institutionnel, je ne crois pas me tromper en disant que cela fait huit ans maintenant que l'Europe essaie de se doter d'institutions. Je ne reviendrai pas sur les longues péripéties du Traité dit « de Lisbonne ».
Ce soir, très rapidement, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement se sont donc mis d'accord pour désigner comme premier président stable du Conseil européen, pour deux ans et demis, Herman VAN ROMPUY, Premier ministre belge. C'est un choix qui, à mes yeux, est excellent. Excellent parce que c'est un homme de très grande qualité dont j'ai toujours apprécié les prises de position volontaristes à la table du Conseil. C'est un homme qui a su faire preuve de beaucoup d'habileté s'agissant de la Belgique et c'est un problème d'ailleurs, puisqu'il devra quitter ses fonctions de Premier ministre belge. C'est un homme profondément européen et je crois que c'est une très sage décision d'avoir choisi comme premier président stable du Conseil un homme qui vient d'un pays fondateur de l'Union européenne, d'un pays important, mais qui ne fait pas partie des plus importants, de façon à ce que personne ne se sente exclu du processus £ un homme qui est habitué au compromis, au bon sens du terme, qui est la base du fonctionnement des institutions européennes.
Il va falloir installer ces institutions. Vous savez que la France a soutenu la candidature d'Herman VAN ROMPUY et même un peu poussé à ce qu'Herman soit candidat dès le début. C'est un choix excellent. De même que nous avons pu désigner à l'unanimité Catherine ASHTON comme Haut Représentant et Vice-président de la Commission. Là aussi, je pense que c'est un choix important. D'abord parce qu'il est important qu'il y ait une femme dans les postes qui comptent à la tête de l'Union européenne £ j'avais lu beaucoup d'articles, beaucoup de prises de position qui s'inquiétaient qu'il n'y ait que des hommes. C'est important aussi parce que cela donne, même si ce ne sont pas les formations politiques qui doivent désigner à ces postes, il y a un équilibre : Herman VAN ROMPUY est PPE, Catherine ASHTON qui est commissaire européen, vient de la famille travailliste, et je crois que c'est très important pour nos amis britanniques qu'il s'agisse d'une Anglaise.
Enfin, nous avons désigné une troisième personne, puisqu'il y avait trois postes pour lesquels nous devions voter. Et le troisième est un Français, puisque le Secrétaire général continuera donc, M. de BOISSIEU, pour les deux ans qui viennent. Pourquoi seulement deux ans ? Tout simplement parce que c'est la date de la limite d'âge pour le départ à la retraite. Voilà.
Donc, aux trois postes qui ont été désignés, un Belge, une Anglaise, un Français, viennent s'ajouter un Portugais, président de la Commission, et un Polonais, président du Parlement. Je crois que c'est une date qui comptera dans l'histoire de l'Europe. Et contrairement à ce que pouvaient craindre les uns et les autres, cela c'est passé relativement facilement, en tout cas rapidement.
Bien sûr je réponds aux questions que vous voudrez bien me poser.
QUESTION - Monsieur le Président est-ce que pensez qu'Herman VAN ROMPUY avec Lady ASHTON....
LE PRESIDENT - ... Je ne vous ai jamais vu si respectueuse d'une personne et je vous félicite...donc elle est de la Chambre des Lords
QUESTION - ... sont à même de négocier avec Barack OBAMA, HU Jintao ou Dmitri MEDVEDEV ? Quelle va être leur fonction exactement, est-ce que vous avez parlé de leur fonction lors de ce Sommet, définir leur fonction exacte ?
LE PRESIDENT - D'abord la définition des fonctions se fera de manière pragmatique, puisqu'il va falloir harmoniser la présidence stable, la présidence tournante, le rôle du Haut Représentant. Je n'ai aucun doute. Vous dites : « est-ce qu'ils sont capables ? ». Moi dans ce que j'ai lu, pardon de le dire, mais je vois beaucoup de gens qui écrivent sur Herman VAN ROMPUY et qui ne le connaissent pas. Je puis vous le dire - pardon, ne prenez pas cela d'une façon désagréable pour vous -, c'est un homme extrêmement décidé qui sait exactement où il va, c'est un parfait connaisseur de la politique européenne
Je ne dis pas que c'est vous qui le faites, mais pourquoi juger avant de connaître ? Moi je me retrouve vraiment dans les convictions d'Herman, c'est un homme qui sait très exactement où il va. Et si le reproche qu'on peut lui faire, c'est de ne pas être déterminé et d'être trop souple, vous risquez d'avoir de sacrées surprises, mais de sacrées surprises. Ne confondez par un homme tolérant qui a une certaine réserve personnelle, peut-être même une certaine pudeur, et les convictions qui sont les siennes. Parlez-en donc à ceux qui le connaissent bien et vous verrez. Je vais vous dire une chose, je pense que c'est une des plus fortes personnalités autour de la table du Conseil. Ne voyez aucun désagrément à l'endroit des autres.
J'ajoute qu'en ce qui me concerne, j'ai toujours pensé qu'il fallait un président fort. Il y avait d'autres solutions, notamment celle de Tony BLAIR, comme vous le savez. Mais pour être élu, il faut que les 27 soient d'accord. Je suis persuadé qu'Herman VAN ROMPUY pourra négocier, portera fièrement le drapeau de l'Europe. Et puis de toute manière, il sera aidé par nous aussi. C'est exactement comme si vous m'aviez dit que le Premier ministre RASMUSSEN, qui va animer la conférence Copenhague, n'est pas capable de l'animer ? Vous avez vu le travail qu'il fait ? Est-ce que vous vous rendez compte ? Mais il le fait avec nous. Et je peux vous dire que le Premier ministre danois fait un travail tout à fait remarquable et je pense qu'en Europe, il faut que l'on apprenne ça aussi : il y a des tempéraments différents, ce n'est pas pour cela que c'est des gens qui sont sans conviction. Franchement je crois que c'est très très important.
Catherine ASHTON, enfin, vous savez que la France a toujours été pour une solution anglaise en la matière, et travailliste, parce que je pense que tout cela, c'est un équilibre et que nous avons tout intérêt, à envoyer le signal à nos amis britanniques qu'ils sont bien en Europe, qu'ils comptent en Europe et que l'on a besoin d'eux. L'Europe c'est une mosaïque, il faut que chacun s'y retrouve. Et je trouve que c'est assez intéressant de prendre comme président stable un candidat d'un pays fondateur de l'Europe et comme Haut représentant une femme qui vient d'un pays qui a parfois plus de difficultés avec l'Europe. C'est un signal aussi qui est envoyé, un signal de rassemblement. Comme cela on a l'Est, on a l'Ouest, on a le Sud et puis je ne dirai pas de nos amis belges qu'ils sont le Nord, mais disons le Centre Nord. Mais vous verrez.
Et nos avons convenu d'ailleurs avec Herman qu'il viendrait très rapidement à Paris. J'ai hâte de travailler avec lui. C'est en tout cas quelqu'un à qui je fais une grande confiance, une grande confiance politique, une grande confiance personnelle. Voilà ce que je pense.
QUESTION - (inaudible).
LE PRESIDENT - Si, si c'est bien à cela que je fais allusion. Ce n'est pas du tout un choix par défaut, ce n'est pas du tout cela. Ce n'est pas parce que l'on fait consensus que l'on est par défaut. En tout cas moi, comme vous le savez, c'était le candidat de la France et le candidat de l'Allemagne, puisque dans tout cette période, la Chancelière et moi nous sommes restés sur une ligne absolument, je ne dirais pas commune, je dirais identique. Sans naturellement donner le sentiment d'imposer quoi que ce soit, ce qui est en Europe une nécessité.
QUESTION - Maintenant que M. BARROSO connaît la nationalité de son Vice-président, il va pouvoir former sa commission, en affaires courantes depuis trois semaines. Est-ce que vous avez discuté avec M. BARROSO du portefeuille que la France souhaite et si vous avez des exigences, des souhaits, quels sont-ils ?
LE PRESIDENT - D'abord un mot de précision : les trois personnes que nous avons élues - puisque le Secrétaire général, ça compte, ce n'est pas une petite chose -, ne rentreront formellement en fonction qu'à compter du 1er décembre, qui est la date d'entrée en vigueur du Traité. Il y aura une procédure écrite.
Ecoutez, si je vous disais que je n'avais pas discuté avec M. BARROSO, vous ne me croiriez pas et vous auriez parfaitement raison. Des exigences, on ne parle pas comme cela entre amis, en Europe, j'essaie d'être plus habile que cela. Disons que la France aura un Commissaire européen avec des responsabilités importantes et que ce Commissaire européen sera Michel BARNIER. C'est difficile pour moi d'en dire plus, c'est la responsabilité du Président de la Commission. On en a parlé, bien sûr, puisqu'avant le Conseil, nous avons eu beaucoup de réunions, réunion avec Mme MERKEL, réunion avec M. REINFELDT, une réunion avec Gordon BROWN et Silvio BERLUSCONI, j'ai vu aussi M. BARROSO, ce qui nous a fait commencer un peut plus tard.
QUESTION - Vous avez dit beaucoup de mots de VAN ROMPUY, très peu d'ASHTON à part qu'elle était britannique. Qu'est-ce que vous auriez pour épaissir le portrait d'ASHTON et les qualités qu'elle a pour être Haut représentant car son expérience en diplomatie.....
LE PRESIDENT - Ecoutez, elle a quand même joué un rôle essentiel à la Chambre des Lords pour faire passer le Traité de Lisbonne, ce qui n'est pas rien, convenez-en. Dans le personnel politique britannique, il ne m'appartient en aucun cas de juger, elle est une de celles qui a porté la question du Traité de Lisbonne avec le plus de force. J'ai déjà eu l'occasion de dire ma reconnaissance à Gordon BROWN pour les responsabilités qu'il avait prises mais à chaque instant du processus de Lisbonne - et vous savez combien il était âprement discuté au Royaume-Uni, ce n'est un secret pour personne -, elle a été en permanence pour, elle l'a soutenu courageusement. Et on a quand même été bien content de trouver des femmes et des hommes politiques anglais pour le faire passer alors qu'une partie de la classe politique britannique demandait un referendum comme vous le savez aussi bien que moi.
Par ailleurs, tous ses collègues de la Commission ont montré une femme tournée vers l'international, s'étant beaucoup occupé des questions de l'Asie et notamment des négociations avec la Corée du Sud. C'est quelqu'un qui a une grande expérience et qui présentait l'avantage d'être travailliste, d'être Anglaise, d'être femme. Vous savez le choix que nous avons fait était un choix extrêmement complexe. Est-ce que vous vous rendez compte qu'il a fallu mettre d'accord 27 pays, des chefs d'Etat et de gouvernement issus de familles politiques différentes, trouver un équilibre géographique, politique ce qui n'est pas rien ?
Pour la Représentante, à la différence du Président stable, elle est Vice-présidente de la Commission donc elle doit passer l'épreuve du Parlement européen. On peut considérer qu'à partir du 1er décembre, Herman VAN ROMPUY, c'est définitif. Pour la Haute Représentante, comme pour l'ensemble de la Commission, il y a tout le débat au Parlement européen. Je ne veux pas vous dire de bêtises, en l'occurrence, ce que je sais, c'est que Lisbonne rentre en vigueur le 1er décembre, donc le 1er décembre, ce que nous avons décidé en quelque sorte oralement, nous allons le décider par écrit et à partir de ce moment là, je pense que cela s'impose. Je veux rendre hommage d'ailleurs à Javier SOLANA. Le choix qui a été fait n'a rien à voir avec la qualité de Javier, qui d'ailleurs n'était pas candidat, mais là aussi nous avons essayé de réfléchir à un équilibre voyez-vous. A partir du moment où un Portugais était Président de la Commission, sur un des cinq postes avec le Président du Parlement européen et le Secrétaire général, mettre un de nos amis espagnol, cela ne répondait pas au souci d'équilibre qui était le nôtre et de rassemblement.
QUESTION - Monsieur le Président c'est la première fois que l'Europe se livrait à cet exercice de nomination...
LE PRESIDENT - Même d'élection...
QUESTION - Certains ont dénoncé cette campagne, l'opacité, les coulisses, si c'était à refaire est-ce que vous procéderiez de la même manière que les Suédois ?
LE PRESIDENT - Qui l'a dénoncé ? Lorsque nous avons choisi le Président du Parlement européen, est-ce que les mêmes ont dénoncé les conditions qui nous ont amené à choisir le Président polonais ? Le Président polonais, quand nous l'avons choisi, est-ce que cela a donné lieu à une série d'auditions ? Je ne m'en souviens pas. C'est sans doute un détail qui m'a échappé. Peut-être que j'ai loupé un épisode, ça m'étonnerait quand même, j'ai une certaine mémoire. J'étais très heureux d'ailleurs, j'étais associé, il a fallu à ce moment là demander au candidat italien de se retirer, j'étais un de ceux qui a fait cette démarche et nous avons choisi un excellent candidat qui a été élu par le Parlement européen, mais enfin chacun sait qu'au sein du PPE, il y a eu une discussion, cela n'a pas donné lieu à une audition. On a tous considéré que, compte tenue de la qualité de la personne et qu'il était important d'envoyer un signal aux Européens de l'Est. C'est comme cela qu'il a été choisi, en tout cas pour la première partie du mandat, et personne n'en était mécontent. Et mon ami Donald TUSK ne m'a pas dit que ce n'était pas assez démocratique pour choisir le Président polonais du le Parlement européen. Pourquoi aurait-il fallu faire différemment ?
J'ajoute que ce n'est pas si simple et je vous demande de bien comprendre cela : si nous nous étions mis dans une situation avec plusieurs candidat et un vote, on aurait divisé l'Europe. Il y a beaucoup d'entre vous qui ont un idéal européen, ce n'est pas interdit. Si nous avions voté entre plusieurs candidats, il y aurait une campagne électorale, une division et naturellement des gagnants et des perdants et à l'arrivée on récupérait une Europe moins unie. L'Europe est un idéal et nous devons avancer par consensus. C'est cela, la démocratie européenne. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit de premiers ministres en fonction, qui reviennent dans leur pays après avoir été battus. C'est extrêmement sensible tout cela. J'ajoute que nous avons beaucoup parlé, à cinq reprises, au téléphone, avec le Président REINFELDT pendant toute cette période. J'ai eu à trois reprises Herman VAN ROMPUY, Mme MERKEL. Nous avons beaucoup parlé. Ce miracle européen, on ne peut pas le traiter de façon brutale.
Par ailleurs, au Parlement européen, quand ils décident de partager le mandat des Présidents entre le PPE et le Parti socialiste, qu'est-ce qu'ils font si ce n'est un accord équilibré pour que tout le monte se sente reconnu ? Oui ou non, c'est bien comme cela que ça se passe Si c'est simplement la logique arithmétique, Monsieur, comment on fait fonctionner ? L'Europe ne peut pas être réduite simplement à la Gauche et à la Droite, il y a d'autres éléments en cause. C'est une forme très élaborée de démocratie. A mon avis, on ne peut pas contester ce besoin. Quand les socialistes et le PPE partagent la Présidence pour cinq ans, qu'est-ce qu'ils font ? Ils font un geste qui est intelligent, qui est un geste de tolérance, qui considère que pour que le système fonctionne, même ceux qui ont perdu doivent pouvoir espérer représenter le Parlement européen pour associer tout le monde. C'est l'Europe. C'est l'Europe et c'est pour ça que cela fonctionne et c'est pour ça que c'est difficile aussi. Est-ce que dans deux ans et demi, Monsieur, ce sera pareil ? Il est beaucoup trop tôt pour le dire.
Peut-être que nous changerons de méthode, peut-être que ceux qui sont en place changeront de méthode. Pourquoi pas ? Mais nous ne pouvons pas voir cela comme une campagne électorale comme les autres, ce n'est pas exactement cela.
Je voudrais aussi vous dire autre chose, la voix d'un pays de 700 000 habitants pour un choix comme celui-ci compte autant que la voix d'un président d'un pays de 65 millions d'habitants. On peut de l'extérieur dire que ce n'est pas démocratique. Moi je pense que c'est démocratique. Parce que sinon, les plus petits pays ne compteraient pas dans l'idéal européen. Il n'y aurait plus d'Europe. Donc nous sommes obligés de faire comme cela. Plaquer le raisonnement du choix de la campagne dans notre pays au niveau européen, ça ne se passe pas comme cela. La Lettonie, la Lituanie comptent autant dans le choix. S'il y a un blocage avec eux, nous n'avançons pas. Alors je sais bien que pour l'élection du Président, c'est à la majorité. Mais nous avons voulu qu'il n'y ait pas de perdant. Pourquoi ? Parce que nous tenons tous comme un trésor à cet idéal européen.
QUESTION - Je voudrais comprendre pourquoi vous avez privilégié d'obtenir le poste de commissaire au marché intérieur plutôt que le poste de Haut Représentant ? Parce qu'en France, il y a des personnalités diplomatiques plus qualifiées que Madame ASHTON, mais vous préférez obtenir un poste de commissaire, en quoi un poste de commissaire est plus important pour la France selon vous ?
LE PRESIDENT - D'abord plus qualifiée que Mme ASHTON, je ferai la même réponse ... Certainement, je vous félicite d'être à ce point nationaliste puisque le simple fait d'être Français fait que l'on est plus qualifié. Je voudrais vous dire que sur les trois postes, il y en a un pour la France. Pensez-vous que je pouvais militer pour deux sur trois ? Non, mais c'est intéressant, je vais jusqu'au bout, je ne veux pas vous mettre en difficulté. J'aurais du considérer que la candidature de M. de BOISSIEU, remarquable Secrétaire général, je devais la laisser tomber puisque naturellement, vous le comprenez bien, si la France faisait le choix des postes de Haut Représentant, ce qui était possible évidemment, cela voulait dire naturellement que l'on abandonnait tout de suite le poste de Secrétaire général, puisque qui peut penser qu'un même pays pourrait avoir, sur les trois postes que nous avons élus, pour lesquels nous avons voté ce soir, deux. Et pourquoi faire cela à M. de BOISSIEU qui est unanimement reconnu comme quelqu'un de qualité. J'ajoute qu'il m'aurait semblé particulièrement étrange de se priver de l'expérience d'un Secrétaire général comme M. de BOISSIEU, alors même qu'on met en place un système de nouvelles institutions. J'avais cette première question, vous comprenez que c'est quand même quelque chose.
J'ajoute, indépendamment de cela, qu'avec Mme MERKEL nous avons fait dès le début un choix qui peut être contesté, c'est qu'il nous a semblé que l'Allemagne et la France, les deux plus grands pays de l'Europe, - c'est n'insulter personne que de le dire -, rendaient un mauvais service à l'Europe s'ils présentaient un candidat pour être le premier président stable ou le premier Représentant, puisque c'était un signal très mauvais, compte tenu de notre importance économique et démographique, à envoyer aux 25 autres. « Alors finalement ces nouvelles institutions, c'est pour vous ? » Que cela évolue dans l'avenir, pourquoi pas ? Mais compte tenu du rôle que nous jouons avec Mme MERKEL, je pense que cela créait les conditions d'un déséquilibre et que cela n'aurait pas permis de faire jouer de la même façon l'idéal européen.
Pour le reste, sur le poste du commissaire français, c'est à M. BARROSO de décider. Je crois pouvoir dire que nous aurons un poste important. On verra si c'est le marché intérieur ou un autre, mais nous aurons un poste important. J'avais aussi cet avantage, pour la France c'est très bien, sur un des trois postes, c'est un poste de Secrétaire général, puisque M. de BOISSIEU est aujourd'hui Secrétaire général adjoint et devient Secrétaire général. Pour tous ceux qui connaissent parfaitement les rouages européens, ce n'est pas un poste accessoire, même si sa visibilité médiatique n'est pas de premier choix bien sûr. Disons que toute la mécanique derrière, cela compte beaucoup.
QUESTION - Vous avez donc choisi trois professionnels, trois personnalités expérimentées, mais pas forcément très médiatiques, en tout cas pas très connues du grand public. Est-ce que vous pensez que pour faire aimer l'Europe, vous avez choisi les bons profils ?
LE PRESIDENT - D'abord, je crois que pour faire aimer l'Europe, ce qui compte c'est qu'on apporte des réponses très précises aux problèmes qui se posent. Si par exemple on arrive à faire de Copenhague un succès et entraîner le monde entier sur la position européenne, on fera aimer l'Europe. Enfin, nous n'en sommes pas à l'élection au suffrage universel du président européen. Nous essayons un système qui est déjà un progrès immense, on changeait de présidence tous les six mois, on a un président stable pour 2 ans et demi. Laissons vivre le système. On prend quelqu'un qui vient d'un pays qui a dans ses gênes l'Europe, qui a une pratique de l'Europe et qui est un homme dont la personnalité, les convictions..., il a démontré dans tout son passé qu'il était capable de rassembler des gens autour de lui. Je trouve que c'est plutôt un choix excellent. La preuve c'est que 27 pays se sont mis d'accord. Qu'est-ce qu'il fallait d'autre, arriver à un blocage, passer une nuit de négociation, ne pas se mettre d'accord et se retrouver dans 15 jours ? L'Europe en aurait été renforcée ?
QUESTION - Sur Copenhague justement, la France vient de rendre public son plan climat-justice. Comment ce plan s'inscrit-il dans la stratégie européenne ou plutôt quelle est la plus-value de ce plan dans la stratégie européenne. Ensuite très concrètement, puisque vous cherchez à faire bouger les lignes avec le Brésil, avec le Mexique, avec dans quelques jours, les Etats de la zone autour de l'Amazonie, comment faire bouger les lignes et qu'est-ce que vous attendez concrètement de la part de la Chine et des Etats-Unis ?
LE PRESIDENT - D'abord, le plan français est en train de devenir le plan européen. Je veux dire qu'avec M. RASMUSSEN, nous avons un total accord à peu près sur tout et donc c'est très important. Notre stratégie est très simple, il faut que l'on entraîne toute l'Afrique, une partie de l'Asie et toute l'Europe et certains émergents, comme le Brésil bien sûr, qui a un rôle leader en la matière. Comment fait-on pour limiter le réchauffement à deux degrés ? On le sait. Il y a des objectifs qui doivent être précisés et c'est là-dessus que l'on se bat. Pour moi, être la semaine prochaine à Tobago, invité du Commonwealth pour défendre aux côtés de Gordon BROWN des positions européennes, qui eut dit que cela aurait été possible, même imaginable ? Non je vois que cela bouge.
Alors clairement, il y a deux familles, la famille de ceux qui veulent un accord ambitieux à Copenhague, la France est leader avec d'autres dans cette famille et puis une autre famille un peu moins ambitieuse, comme nous avons vu dans un sommet asiatique récent. Je lis comme vous. Je vois que quand nous nous réunissons, nous, nous donnons des objectifs et des chiffres précis. Quand d'autres se réunissent, les chiffres ont disparu. Il y a un moment de vérité, il va falloir s'expliquer. Et ce moment de vérité, nous rassemblons toutes nos forces pour amener le maximum de membres vers un objectif ambitieux. Voilà ce que nous faisons. Vous savez, ce n'est pas par plaisir que je vais à Manaus jeudi prochain, à Tobago vendredi prochain et que je reçois la semaine d'après le Président indonésien et que l'on pousse pour cela. Si on ne fait pas cela, Copenhague se réduirait malheureusement à une déclaration d'intention. Nous ne le voulons pas. Mme MERKEL et moi, nous ne le voulons pas. Franchement je pense que M. RASMUSSEN est parfaitement sur cette ligne. Et puis nous allons avoir un Sommet européen. On va mettre en place un certain nombre de scénarios parce que je pense qu'à un moment ou à un autre, l'Europe devra faire encore plus. La question, c'est de savoir à quel moment on met ces propositions supplémentaires sur la table pour faire pression sur ceux qui veulent faire moins. C'est clair. Il y a clairement un rapport de force, amical.
QUESTION - Je voudrais savoir selon vous quel est ce soir le vrai visage de l'Europe ? Est-ce que c'est le Président du Conseil Européen dont on sait qu'il a aussi le rôle d'animation des sommets ou est-ce que c'est la Haute Représentante ? Lequel des deux, selon vous, à le rôle le plus important sur la scène internationale ?
LE PRESIDENT - Franchement, les institutions vont être mises en place, mais pendant huit ans, vous avez, à juste titre d'ailleurs, dénoncé l'incapacité de l'Europe à se mettre d'accord sur un débat institutionnel. Huit ans après, en tout cas nous qui sommes en place, on apporte cet accord. Avec des péripéties, souvenez-vous de Nice et regardez où nous en sommes, il a fallu consulter deux fois les Irlandais, faire l'élection présidentielle en France pour surmonter le non, pareil en Hollande. Ensuite, en quelques semaines, il a fallu choisir une équipe, c'est fait, sans drame, sans scandale, sans histoire. C'est fait.
Le visage de l'Europe, c'est le visage de l'unité de l'Europe. 27 pays ensemble qui sont capables de se doter d'institutions et de choisir des gens pour les représenter. Alors tout n'est pas d'une pureté de cristal, moi je pense qu'il y a une logique qu'il y ait un président qui ait un rôle d'animateur et qui forcément jouera un rôle dans les négociations internationales et puis une Haute représentante qui aura plus à voyager £ encore que le Président... on n'imagine pas, par exemple, un G20 avec le Président stable, je vous donne mon opinion, qui n'y soit pas. On va me dire : « tout cela, c'est compliqué ». C'est 27 pays, c'est forcément compliqué, mais cela n'existe nulle part ailleurs, c'est la spécificité européenne, si on veut faire simpliste on cassera. Et puis je ne doute pas que tout cela évoluera, les institutions se mettront en place et je compte beaucoup sur la sagesse des gens que nous avons élus - et on les aidera - pour que les choses s'arrondissent et se mettent en place. Mais n'allons pas faire l'Europe compliquée avec des idées caricaturales pour plagier le général de Gaulle et l'Orient.
QUESTION - Pardon M. le Président de vous entrainer un instant sur un autre terrain, vous n'êtes pas sans savoir que dans l'actualité, il y a, outre l'Europe aujourd'hui, le football votre ami Brian COWEN, à la suite du match au cours duquel un joueur français à commis une faute manifeste, votre ami Brian COWEN s'est tourné vers les instances internationales du football, êtes-vous comme lui d'avis qu'il faut refaire ce match ?
LE PRESIDENT - Si je vous donne mon opinion là-dessus, vous allez encore dénoncer l'hyperprésident. A longueur d'articles, vous dites que je me mêle de tout. Vous affirmez : « il se mêle de tout ». Et chaque fois que je viens devant vous, vous me demandez mon avis sur des choses qui me sont tellement étrangères. Il y a des instances, j'ai dit à Brian COWEN, qui est mon ami comme vous le savez, combien j'étais désolé pour eux et combien j'avais apprécié le caractère très vigoureux et très talentueux de l'équipe irlandaise. Maintenant, ne me demandez pas de me substituer à l'arbitre du match, aux instances du football français, aux instances du football européen qui décident. Et ce qu'ils décideront sera bien décidé. Allez, laissez-moi à ma place, tranquillement. Et pour tout vous dire, ça m'arrange bien de vous répondre cela.
QUESTION - Une petite question : est-ce que sur le Secrétaire général du Conseil, vous avez évoqué le successeur de M. de BOISSIEU avec Mme MERKEL, il parait que M. CORSEPIUS est dans le tuyau, qu'il y aurait un accord là-dessus. Deuxième petite question : Mme MERKEL, selon les sources luxembourgeoises, aurait proposé M. JUNCKER à vous-même dans l'après midi et vous auriez refusé. Et troisième question : alors un peu footballistique mais pas tout à fait, cela vous concerne peut-être plus : est-ce que vous êtes et pourquoi êtes-vous en faveur du transfert d'Albert CAMUS au Panthéon, si cela est le cas.
LE PRESIDENT - Quand vous aurez une grosse question, vous me préviendrez M. LEPARMENTIER. Donc sur le Secrétaire général, c'est M. de BOISSIEU, il a clairement été précisé que c'était jusqu'à l'été 2011. Il va de soi que M. de BOISSIEU aura un successeur et si nos amis allemands ont un successeur à présenter pour le Secrétaire général, la France soutiendra le candidat allemand. Je pense que c'est clair et cela a toujours été parfaitement clair entre Angela MERKEL et moi. Pourquoi ? Parce qu'un Français ne succèdera pas à un Français, là aussi c'est une règle européenne.
Est-ce que Mme MERKEL a proposé cet après midi M. JUNCKER ? Je vous regarde bien en face M. LEPARMENTIER, c'est une fausse information. Quand on connaît la réalité, elle est même étrange. Et dites bien à votre source qu'on doit la fermer tout de suite, parce que des sources pareilles... J'en ai vu des mauvaises sources, mais alors là, il faudra que l'on en parle ensemble, c'est même drôle ! Je ne veux pas dire par là que Mme MERKEL a dit quelque chose de désagréable à l'endroit de qui que ce soit, mais alors là, c'est vraiment une source qui a de l'humour, peut-être une source luxembourgeoise dans le fond...
Et enfin Albert CAMUS, cela va être dans le mois de janvier, si mon souvenir est exact c'est même le 4 janvier, le 50ème anniversaire de son décès et c'est vrai que j'ai pensé que cela serait un choix particulièrement pertinent que de le faire rentrer au Panthéon. Dans cet esprit, j'ai déjà pris contact avec les membres de sa famille et j'ai besoin d'obtenir leur autorisation. Nous discutons, les choses progressent, mais cela serait un symbole extraordinaire à mes yeux. Mais comme la décision n'est pas prise pour les raisons que je vous ai indiquées, je me réserve d'expliquer le pourquoi de cette initiative au moment où elle pourra être prise.
QUESTION - Est-ce que vous avez parlé du rôle du chef du gouvernement de la présidence rotative, que va-t-il se passer avec M. REINFELDT le 1er décembre, est-ce qu'il va toujours présider le Conseil du 10 décembre. Et après cela, M. ZAPATERO ?
LE PRESIDENT - M. REINFELDT présidera toujours le Conseil, c'est la présidence tournante qui présidera le Conseil, mais c'est exactement comme si vous me demandiez : « quand il y a une présidence tournante, que fait M. BARROSO ? » Il est le président de la Commission. Le Président stable, lui, aura une action beaucoup plus opérationnelle, les présidences tournantes de M. REINFELDT puis de M. ZAPATERO continueront à présider les Conseils. Il y aura des arrangements, on va définir petit à petit les choses. Peut-être une dernière question et après vous m'autoriserez à rentrer.
QUESTION - Je reviens sur Copenhague, on parle de plus en plus d'une déclaration politique pour terminer les négociations, qu'entendez-vous par déclaration politique ?
LE PRESIDENT - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Pour Copenhague, nous parlons des « accords de Copenhague ». Je ne suis pas d'accord avec une déclaration politique vague. Des accords de Copenhague, c'est clair, et des accords contraignants. Alors la question qui est posée, c'est que naturellement on ne pourra pas, avec tous les pays qui sont là-bas, en quelques jours, rédiger un traité ou tout mettre en place. Donc il y aura des accords contraignants, du moins je l'espère, avec des chiffres contraignants, du moins je le souhaite, et je suis sûr que l'on y arrivera. Et puis il y aura quelques semaines, voire quelques mois, pour mettre en oeuvre tout cela. Par exemple l'Organisation mondiale de l'environnement ne va pas ne pas se définir les 17 et 18 décembre, la totalité du traité ne va pas s'écrire entre le 17 et le 18 décembre, c'est la raison pour laquelle ce n'est pas un accord politique, ce sont les accords de Copenhague.