30 octobre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur la fin du processus de ratification du Traité de Lisbonne, le Sommet de Copenhague sur le climat et sur la lutte contre l'immigration clandestine, à Bruxelles le 30 octobre 2009.


Mesdames et Messieurs,
Bonjour,
Il m'appartient - en compagnie de Bernard Kouchner et de Pierre Lellouche que je remercie de leur présence et de leur aide bien sûr - de vous rendre compte des travaux de ce Conseil européen.
La nouvelle la plus importante, c'est que l'ultime obstacle à l'adoption du Traité de Lisbonne est maintenant levé. Je crois que, raisonnablement, on peut dire que le Traité de Lisbonne entrera bien en vigueur d'ici à la fin de l'année, sans doute dès le 1er décembre. C'est une excellente nouvelle, je ne vous refais pas le long processus qui nous a conduit ici : la responsabilité, d'abord, de la Présidence allemande excellemment menée par Mme Merkel, puis les initiatives multiples françaises pour que l'Europe soit enfin dotée d'institutions qui lui permettent de fonctionner. Franchement, l'objectif fixé en décembre 2008 sous Présidence française sera donc tenu, l'obstacle irlandais a été brillamment passé par Brian Cowen, il ne reste plus que la signature du président Klaus. Tous les éléments dont nous disposons montrent que celle-ci devrait intervenir à bref délai, compte tenu de l'accord que nous avons trouvé cette nuit ici.
Deuxième élément, les Européens sont déterminés et unis pour aborder la Conférence de Copenhague. Nous voulons un accord à Copenhague, nous voulons un succès à Copenhague, nous voulons que le monde entier s'engage dans la préservation des équilibres environnementaux de la planète. L'Europe ira unie et déterminée. Il a fallu discuter jusqu'au dernier moment sur le processus des mécanismes financiers internes, je ne rentrerai pas dans la technique mais je suis à votre disposition s'il y avait des questions. Par ailleurs, dans le texte du Conseil européen, pour la première fois il y a la reconnaissance de l'importance d'un mécanisme aux frontières au cas où les autres régions du monde ne se doteraient pas des mêmes obligations que l'Europe. Vous savez très bien ce qu'il en est, il n'est pas question d'imposer aux entreprises des obligations que les autres entreprises d'autres parties du monde ne s'imposeraient pas, et dans ce cas il y a un mécanisme d'adaptation aux frontières, conforme aux règles de l'OMC, qui est cité "expressis verbis" dans le cadre des conclusions du Sommet européen.
Troisième élément, la lutte contre l'immigration clandestine. L'enjeu est très important, c'est la stabilité politique et sociale de nos Etats. L'Union européenne discute de ce sujet depuis des années, il était temps d'agir. Des décisions concrètes ont été prises aujourd'hui pour renforcer FRONTEX, y compris - et je vous demande de le noter, c'est précisé dans les conclusions du Conseil - en permettant l'organisation de vols communs de retour de ceux qui sont en situation irrégulière. Cette disposition, l'organisation de vols de retour pour les étrangers en situation irrégulière, est prévue dans le document. Par ailleurs, au mois de décembre, nous y reviendrons, à la demande de la France, je crois que nous ferons des avancées assez considérables sur la question du statut du réfugié politique européen. Nous ne pouvons plus continuer comme cela. Nous sommes, je crois, 22 Etats de l'Union européenne dans l'espace Schengen, c'est-à-dire que nous avons aboli les frontières, il n'est pas normal qu'une demande de statut de réfugié politique puisse être présentée successivement dans 27 Etats. Et pourtant il faut qu'elle soit présentée dans un Etat. Si l'Etat dit "oui", ce "oui" s'imposera à l'ensemble des autres Etats, si l'Etat dit "non", ce "non" s'imposera. Sur la demande de la France, la Présidence suédoise a bien voulu indiquer qu'il y aurait des progrès décisifs sur ce sujet dès le mois de décembre. C'est capital, il ne s'agit pas de ne plus accepter en Europe des réfugiés politiques, au contraire, mais nous sommes 27 démocraties, 22 pays sont membres de Schengen, donc chaque fois que l'on a des papiers pour être dans un pays, nous sommes dans les 22. Il est tout à fait normal qu'une seule demande soit présentée, cela fera l'objet d'une décision au mois de décembre.
La crise du lait, ensuite. Les producteurs laitiers européens ont connu une crise sans précédent depuis des décennies. Le Conseil européen s'est saisi de cette question. Les chefs d'Etat et de gouvernement ne laisseront pas les producteurs laitiers sans avenir. La commission va hâter son travail de réflexion pour faire des propositions en matière de régulation agricole plus tôt qu'il n'était prévu.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je pouvais dire en quelques mots de ce qui nous a occupés depuis hier après-midi, mais naturellement je répondrai bien volontiers à vos questions.
Q- Quel va être le calendrier pour l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et plus précisément, est- il envisageable de convoquer un sommet pour décider des nominations ?
R - Vous connaissez très bien le calendrier. 3 novembre, décision de la Cour Suprême tchèque, tous les éléments qui sont en notre disposition laissent à penser que la décision sera positive, enfin, je veux dire qu'il n'y aurait pas opposition entre la constitution tchèque et le Traité de Lisbonne. Si tel est le cas, le président Klaus devrait signer, puisque le texte a déjà été ratifié par le Parlement. Je voudrais bien expliquer les choses, le gouvernement démocratique tchèque a signé à Lisbonne, c'était M. Topolanek, le Traité de Lisbonne. Le Parlement tchèque a ratifié le Traité de Lisbonne. Il reste la signature du président Klaus. D'après les contacts du président Reinfeldt et du Premier ministre tchèque Fischer, cette signature devrait intervenir assez rapidement, dans le courant du mois de novembre, ce qui nous amènerait à avoir un Conseil européen spécifique au mois de novembre, peut-être à la mi-novembre, qui aurait naturellement à débattre des nominations, puisque se poserait à ce moment-là la question du Haut Représentant et de la présidence stable du Conseil européen, ce qui ferait l'objet d'une discussion, peut être d'un dîner, au mois de novembre. C'était difficile, vous comprendrez, de parler du problème des nominations alors que l'on n'était pas certain d'avoir un accord sur le Traité de Lisbonne et ce qui nous permettrait d'arriver avec l'Europe avec des institutions en place pour faire court, ou clair, disons avant le 1er décembre.
Q - Sur le climat, vous avez impulsé il y a quelques mois le paquet climat-énergie, n'êtes-vous pas déçu par les décisions aujourd'hui ou les non-décisions de l'Union européenne en termes de financement, finalement, et pensez-vous que c'est un bon signal envoyé à la fois à nos autres partenaires ? Bref l'Union européenne conserve-t-elle son leadership sur ce dossier difficile ?
R - Vous savez très bien qu'en matière européenne, on avance par consensus, puisque dès qu'une décision est au Conseil européen, elle se prend à l'unanimité. Sur les objectifs, il y a quand même des chiffres très précis : 2% de température pas plus. Et sur les financements, notamment pour les financements tout de suite, il y a des chiffres qui sont précis. Cela a été un débat entre nous, l'Europe a décidé de passer de 20 à 30% d'objectif de réduction si les autres régions du monde y vont. Ce n'est déjà pas si mal, en tout cas c'est beaucoup mieux que toutes les autres régions du monde. Il n'y a pas une région du monde qui est aussi précise sur les objectifs à Copenhague.
Deuxième élément, et nous y avons veillé avec M. Kouchner notamment, la référence à un financement innovant a été précisée dans le texte. Vous savez que nous avons demandé une étude au FMI là-dessus et nous avons été un certain nombre - je pense à l'Autriche, à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne - à demander que la Commission se saisisse de la question des financements innovants - c'est-à-dire la taxe sur la spéculation financière ou les mouvements financiers, c'est à débattre - pour que nous arrivions à la Conférence de Copenhague avec des éléments assez précis.
Troisième chose, la taxe carbone aux frontières, le mot n'y est pas mais le principe y est et le principe n'y avait jamais été jusqu'à présent. Donc ces idées progressent. Franchement, je crois que, de ce côté-là, c'est bien.
Alors après, pour avoir négocié la directive paquet énergie climat, je sais très bien qu'il y a 9 pays au sein de l'Union européenne qui sont plus inquiets de Copenhague puisqu'ils sont très dépendants de l'énergie charbon et, peut-être vous en souvenez-vous, cela avait nécessité mon déplacement à Gdansk pour les rencontrer et obtenir leur accord. Cela a donné lieu à une suspension de séance assez longue où l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la France autour de la Présidence suédoise, nous avons essayé de trouver un compromis qui n'affaiblisse pas la position de l'Europe, parce que la position de l'Europe à Copenhague, c'est que chacun doit payer en fonction du PIB et des émissions, les deux. Mais naturellement, il faudra répartir entre les pays membres l'argent que nous allons donner pour aider les pays les plus pauvres à accéder à l'énergie primaire. Et donc avons donc décidé d'un groupe de travail pour tenir compte des possibilités financières de chacun.
Vous savez, il faut amener 27 pays sur la même position, ce n'est pas si simple. Mais je trouve que le résultat est quand même assez satisfaisant. Certains voulaient aller plus loin, d'autres voulaient aller beaucoup moins loin. Moi, je trouve qu'il y a un mandat clair, et que de ce point de vue il y a un leadership.
J'ajoute que, vraisemblablement, avec Mme Merkel et nos amis brésiliens, nous allons prendre des initiatives sur Copenhague pour essayer de mettre un papier sur la table qui puisse essayer de faire consensus. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à l'action de Jean-Louis Borloo, qui est en ce moment même dans différents pays, parce que je crois très important que l'Europe mobilise l'ensemble des pays pauvres et notamment l'Afrique sur la même position que nous. Pour que nous arrivions avec un axe, certains pays émergents, je pense au Brésil et au Mexique, les pays pauvres et l'Europe. Face à trois univers, qui sont la Chine, les Etats-Unis et l'Inde, qui doivent avoir la même envie de réussir Copenhague que nous. C'est une discussion planétaire extraordinairement difficile, complexe, parce qu'elle est complexe techniquement et elle est complexe aussi politiquement. Voilà exactement ce que l'on essaye de faire.
Q - Deux questions si vous le permettez. Est-ce qu'en accordant un protocole à la République tchèque, comme l'exigeait le président Klaus, on n'a pas fait un pas de trop qui laissera ouverte à l'avenir la porte à toutes sortes de surenchères jusqu'à la fin des processus de ratification ?
Deuxième question : est-ce qu'on a un petit peu discuté dans les couloirs des futures nominations ou est-ce que la question n'a pas du tout été abordée ? Et est-ce que par hasard la France pourrait-elle nous annoncer le candidat qu'elle soutient pour le poste de Président du Conseil européen ?
R - Monsieur Quatremer, vous êtes un excellent connaisseur des mécanismes européens et je peux donc vous répondre très franchement. Cela a été une discussion assez vive hier soir, parce que la clause d'"opt out" négociée pour la Pologne et la Grande-Bretagne n'est pas de la même nature que celle négociée pour la République tchèque £ pas sur le fond, je veux dire formellement. Les Britanniques et les Polonais ont dit dès le moment de la négociation qu'ils souhaitaient que certains aspects du Traité ne s'appliquent pas à eux. C'est un processus de négociation sur lequel moi, je n'ai rien à dire. Là, vous avez raison, on a été un peu plus loin c'est incontestable. C'est-à-dire qu'un gouvernement démocratique avait apposé sa signature, on nous demande, pas une renégociation, n'exagérons pas, mais disons d'adhérer à une clause d'"opt out". Donc je ne vais pas jouter avec vous, c'est un pas de plus.
Mais quelle était l'autre solution? Le blocage ? Donc cela consiste à donner à nos amis tchèques les mêmes possibilités qu'à nos amis polonais et à nos amis britanniques, selon une formule qui était moins évidente, c'est vrai, mais il fallait bien trouver un accord, sinon c'était le blocage. Avec cela on peut tourner la page de 10 ans de débats institutionnels stériles. Nous avons pensé, même si c'est un effort de plus, incontestablement, qu'il fallait faire cet effort.
J'ajoute que l'effort était de deux natures : une nature européenne, pour nous qui sommes très engagés dans l'Europe, et puis pour des pays comme l'Autriche, l'Allemagne, la Hongrie, un autre effort, je ne citerai pas les noms, mais enfin vous savez très bien. Voilà. Mais on a éprouvé le besoin de le faire.
Votre deuxième question c'est : est-ce que l'on a parlé dans les couloirs des nominations ? Oui. D'ailleurs, parce que vous étiez dans les couloirs vous aussi, vous dire que l'on n'en a pas parlé dans les couloirs serait absurde. Bien sûr que l'on en a parlé dans les couloirs, mais franchement aujourd'hui, aucune décision et même aucune tendance définitive ne se fait jour et vous le savez parfaitement bien. Dans ce jeu européen, que vous connaissez d'ailleurs mieux que moi, vous savez très bien que les noms de la première vague ne sont pas forcément les vainqueurs de la dernière.
Q - Quelques petites questions sur le climat. Vous aviez envisagé un sommet intermédiaire notamment, je crois à Singapour, visiblement cela n'aura pas lieu. Est-ce que cela aura lieu ? Avez-vous une deuxième solution ?
Ensuite sur la taxe carbone, pourquoi le mot n'y est pas ? Pouvez-vous expliciter, cela fait plusieurs fois que le mot n'y est pas ? Donc, est-ce que cela veut dire que l'autre solution c'est de donner des quotas gratuits de carbone ?
Ensuite, n'est-il pas gênant qu'avant chaque sommet, les pays du groupe de Viegrad se réunissent en pré-sommet préliminaire. N'est-ce pas une production à diviser l'Europe ?
Et dernière petite chose, vu le Parlement, n'est-il pas finalement quasi-obligatoire que le ministre des Affaires étrangères soit membre du PSE ?
R - On passera ensuite à vos autres questions ! S'agissant du sommet intermédiaire, ce n'est pas moi qui avais proposé Singapour, il se trouve qu'à Singapour il y aura un sommet de l'organisation qui s'appelle l'APEC, c'est-à-dire toutes les nations du Pacifique, et j'aurais trouvé intéressant, puisqu'il ne manquera que l'Europe, que l'on s'y joigne. Tout le monde n'est pas enthousiaste à cette idée, je pense notamment aux Etats-Unis, j'en ai parlé avec le président Obama qui veut absolument un succès à Copenhague, mais qui se demande si l'on sera prêt à la mi-novembre pour ce succès. J'en prends acte. Est-ce qu'il n'y aura pas un sommet intermédiaire ? Ce n'est pas encore décidé, il y a d'autres possibilités, notamment dans les Caraïbes. On en discute. Enfin l'essentiel, c'est que l'on aboutisse à un accord, c'est surtout cela. De ce point de vue, avec l'Allemagne, avec le Brésil nous allons prendre des initiatives.
Le mot "taxe carbone". Nous, ce que l'on veut, c'est un mécanisme qui accrédite l'idée que l'Europe est pour la concurrence, mais la concurrence loyale, pas la concurrence déloyale. Vous savez très bien M. Leparmentier, vous qui connaissez parfaitement les mécanismes européens, que cette seule idée provoquait de l'urticaire chez la quasi-totalité de nos partenaires. Vrai ou pas ? Les choses progressent et chacun a bien compris que l'objectif de la France n'était pas la taxe carbone aux frontières. L'objectif de la France c'est que les autres pays du monde fassent pour la protection de l'environnement les mêmes efforts que l'Europe. Si c'est le cas, il n'y a pas besoin d'une taxe carbone aux frontières. Mais si ce n'est pas le cas ? Ce mécanisme est maintenant dans les documents européens. De la même façon qu'est maintenant dans les documents européens le principe du financement innovant et de la taxation de la spéculation. Ce n'était pas si simple, spécialement avec la Présidence suédoise, à laquelle je veux rendre hommage, mais enfin qui n'était pas d'un enthousiasme débordant sur la question du financement innovant.
Quant aux pays de Visegrad, s'ils devaient se réunir régulièrement avant chaque Conseil, cela pourrait poser question. Ce n'est pas encore le cas.
Sur le Haut Représentant, c'est difficile de répondre définitivement sur l'appartenance politique du Haut Représentant tant que l'on n'a pas l'idée de celui ou de celle qui pourrait être Président ou Présidente du Conseil. C'est n'est pas une façon d'évacuer la question, mais vous savez parfaitement bien que c'est lié et que ce n'est pas le premier poste qui sera attribué.
Q - Précisément, Monsieur le Président, M. Barroso et M. Buzek ont souhaité officiellement que ce soit une femme qui préside le Conseil européen. Partagez-vous cette opinion ?
R - Franchement, c'est déjà assez compliqué, mais si vous voulez me dépecer morceau par morceau, dites-le moi ! Si je réponds à toutes les questions, il faut que ce soit telle couleur politique pour le Représentant, il faut que ce soit tel sexe pour le président, il faut que ce soit telle région du monde pour le président. Il y a encore l'âge et enfin un morphotype assez précis. Je ne peux donc pas répondre à toutes ces questions. M. Barroso a surtout appelé l'ensemble des Etats membres qui n'avaient pas encore désigné leur commissaire, c'est-à-dire les 7, à désigner des femmes parce qu'au moment où il parlait, il n'y avait pas assez de femmes comme commissaire.
Q - Qui est le candidat de la France pour le poste de Commissaire ?
R - On me dit qu'on ne savait pas mais enfin, je suis désolé, j'avais l'impression d'avoir dit que c'était Michel Barnier notre candidat pour être commissaire, mais enfin je le redis une nouvelle fois bien volontiers.
Je pense qu'il faut que tout le monde soit très prudent jusqu'au moment où le Traité de Lisbonne entrera dans les faits et que l'on rentrera dans un processus de nomination.
Q - Une petite question personnelle : que pensez-vous de l'ex-Premier ministre autrichien M. Wolfgang Schüssel, comme candidat pour la Présidence du Conseil européen ?
R - C'est une question très sympathique mais à laquelle je pense beaucoup de bien par principe de M. Schüssel, mais je ne peux pas y répondre parce que c'est rentrer dans des appréciations. Tant que le Traité de Lisbonne n'est pas totalement rentré dans les faits, je crois que la France doit être très prudente.
Q - Sans rentrer dans le jeu des noms - parce que vous ne pouvez pas, quand même pour le grand public, puisque cela va être la première application concrète finalement du Traité de Lisbonne -, pourriez-vous nous définir le profil de ces deux postes ? Quelles vont être les personnalités ? Qu'attend-on d'elles très concrètement car c'est vrai que ce n'est pas très précis dans le Traité ?
R - La chose est assez simple : jusqu'à présent il y a une présidence tournante tous les six mois pour présider le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement. La France a exercé cette présidence pendant six mois. Chacun reconnaît qu'il est très difficile d'exercer la présidence du Conseil et en plus la présidence d'un pays ou être le Premier ministre d'un pays et que tous les six mois c'est trop court. Il a donc été décidé dans le cadre du Traité de Lisbonne que l'on se doterait d'une présidence stable de deux ans et demie, c'est-à-dire d'un homme ou d'une femme qui serait le visage de l'Europe, qui l'incarnerait. Alors là, il y a un débat. Est-ce que ce président ou cette présidente doit être un leader charismatique pour porter un discours fort sur l'Europe ou est-ce que ce président ou cette présidente doit être un facilitateur pour rechercher les consensus ? C'est un débat qu'il nous faudra trancher. Il y aura par ailleurs - et ce n'est pas le plus simple - le maintien d'une présidence tournante et un Haut Représentant qui essaiera de porter les éléments de politique étrangère commune à tous les pays européens. Voilà ce que l'on a essayé de faire. Je rappelle que l'Europe, c'est 27 pays et que nous serons bientôt plus nombreux puisqu'il y a toute la question des Balkans et que c'est un effort de chaque jour pour construire, par le compromis, cette marche en avant civilisatrice. Certains souhaitent aller plus vite mais enfin, ce qu'il faut, c'est que personne ne reste en arrière.
Q - Monsieur le Président, vous avez aussi parlé, au cours de ce Sommet, de l'immigration clandestine. Etes-vous satisfait des conclusions à ce sujet et notamment, avez-vous pu convaincre vos collègues de l'intérêt d'un financement européen des charters ?
R - Je ne sais pas, je n'emploie pas le mot "charter" mais enfin, les retours groupés européens, je trouve que c'est quelque chose de très important. Jamais personne n'aurait imaginé, il y a quelques années, que des gouvernements de gauche et de droite, du sud et du nord, se mettent d'accord sur le principe que, quand quelqu'un n'a pas de papiers en règle, il doit être ramené chez lui par avion, par train ou par tout autre moyen de façon digne, parfaitement respectueuse, mais ramené chez lui. C'est un progrès considérable. On ne peut pas, chaque pays seul ne peut pas faire face au problème de l'immigration clandestine et des réseaux esclavagistes qui exploitent la misère du monde. C'est un très grand progrès mais je souhaite que l'on aille plus loin. Je souhaite un jour des garde-frontières européens, parce qu'un certain nombre de nos partenaires qui ne sont pas parmi les plus riches, sont les frontières de l'Europe et n'ont pas les moyens de garder les frontières de l'Europe. Il faudra les aider, c'est sûr. De la même façon qu'il faut faire preuve de solidarité avec les pays méditerranéens dont nous sommes et qui ont à faire face à une pression migratoire qui vient de l'Afrique.
Q - Sur le rôle du président du Conseil : cela devrait-il être un personnage politique très actif sur la scène internationale ou plutôt une personne qui travaille plus discrètement à l'intérieur du Conseil pour trouver les compromis. Quelle est votre vision ?
R - Je peux vous dire une chose, puisque vous êtes journaliste allemande, c'est que nous nous sommes mis d'accord avec Mme Merkel pour avoir la même vision et soutenir le même candidat le moment venu. Je pense que c'est très important que l'Allemagne et la France, sur un choix de cette importance affichent une volonté déterminée de cheminer ensemble. Je ne vous en dirai pas plus. Je m'en excuse, ce n'est pas pour jouer au jeu du chat et de la souris, mais enfin Lisbonne n'est pas encore entré dans les faits. Nous sommes 27 à décider. Je peux vous dire que l'Allemagne et la France ont beaucoup échangé là-dessus et nous présenterons une position commune le moment venu.
Q - Une question plutôt franco-française. Ce matin l'ancien président de la République, Jacques Chirac, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel. Pourrait-on avoir votre réaction ?
R - La justice en France est totalement indépendante. Il existe un principe qui est celui de la séparation des pouvoirs. Je suis président de la République, successeur de Jacques Chirac, s'il y a bien quelqu'un qui ne peut présenter le moindre commentaire, c'est moi. Quels que soient par ailleurs les sentiments que je peux avoir à l'endroit de Jacques Chirac, je ne peux faire aucun commentaire. Je note d'ailleurs que vous êtes tous très empressés à me demander ma réaction et je ne doute pas un instant qu'à la minute où je céderai à la tentation de vous donner cette réaction, vous serez aussi nombreux, aussi empressés à me le reprocher.
Q - Est-ce que ce n'est pas gênant d'avoir un ancien président de la République, un ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, qui étaient devant les tribunaux, d'avoir un ancien ministre d'Etat qui vient d'être condamné à la prison ferme. Qu'est-ce que cela révèle selon vous de la situation politique française ?
R - J'ai fait - et j'ai dit d'ailleurs que je l'avais regretté - un commentaire. Le journal dans lequel il me semble vous écrivez, s'est élevé avec vigueur contre ce commentaire. Et voici que maintenant, oubliant tout ce que vous avez écrit sur la nécessité de réserve pour le Président de la République, vous m'interrogez donc une deuxième fois pour que je fasse exactement ce que vous me reprochiez hier d'avoir fait. Ne m'en voulez pas de vous entendre, c'est si rare.
Q - Je voulais revenir aux affaires européennes. Vous avez dressé le portrait robot du président, quelques idées, et pas du Haut Représentant. Pourriez-vous nous donner un peu une idée du profil que vous verriez là-dessus. Est-ce qu'avec l'Allemagne, vous vous êtes également entendu sur le nom du Haut Représentant puisque le Conseil européen se présente là-dessus ? Deuxième point, si je peux me permettre, on va rester au moins pendant quelques mois avec une Commission en gestion des affaires courantes - peut-être jusqu'à février voire mars - n'est-ce pas dangereux à ce moment-là pour l'Europe d'être avec une Commission un peu intérimaire ?
R - Je crois vraiment que ce sera une lourde tâche de trouver un président du Conseil. Je pense que l'on ne pourra définir le profil du Haut représentant qu'après qu'on se soit mis d'accord sur le président du Conseil parce que tout ceci, c'est une équipe, c'est un ensemble. Je rajoute d'ailleurs le président de la Commission. Il y aura un président du Conseil, un président de la Commission, un Haut représentant et vous imaginez bien que les appartenances politiques, les origines géographiques doivent être complémentaires, de ces trois postes. On ne peut pas imaginer que les trois postes appartiennent à des personnes venant de la même région ou de la même famille politique. Pour la Commission, on fera en sorte que tout ceci se résolve le plus rapidement possible. Après en avoir parlé longuement hier soir avec M. Barroso, je crois vraiment qu'il a envie lui aussi que les choses avancent le plus vite possible pour que si possible en début d'année tout soit en place.
Une dernière question puis après je vais vous demander l'autorisation de me retirer.
Q - Monsieur le Président, désolé si vous avez déjà répondu à cette question mais j'étais à la Conférence de presse de M. Gordon Brown. Est-ce que je peux vous demander si vous pensez toujours comme vous avez dit en 2006 que Tony Blair serait le meilleur candidat pour le président du Conseil européen ?
R - Chacun sait l'estime et l'amitié que j'ai pour Tony Blair depuis même avant 2006 mais je ferai la même réponse qu'à vos confrères, c'est beaucoup trop tôt pour que la France se prononce.Merci à tous.