25 septembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la régulation financière et sur la question du nucléaire iranien, à Pittsburgh le 25 septembre 2009.


Bonjour à tous,
Il me revient de tirer devant vous les conclusions de ce G20, qui est le troisième. Justement, je voudrais exprimer trois motifs de satisfaction après ce G20 de Pittsburgh.
Le premier motif, c'est que, ça y est, le monde s'est doté d'une nouvelle instance de pilotage de l'économie mondiale. Vous savez combien la France, en tout cas depuis mon élection, ne cesse de dire que le G8 est insuffisamment légitime, qu'il convient de l'élargir. Aujourd'hui, nous avons donc décidé de faire du G20, dont les membres représentent 85% du PIB mondial, l'instance principale de coordination en matière économique.
Le G20 a montré son efficacité. Vous savez que c'était une idée, une proposition française et européenne, puisque nous l'avions présentée à Camp David à l'époque du président Bush et nous avons décidé d'institutionnaliser le G20 comme instance de coordination de l'économie mondiale.
Il y aura, en 2010, deux sommets, l'un au Canada en juin, l'autre en Corée du Sud en novembre et à partir de 2011, le G20 sera présidé par la France qui cumulera donc la présidence du G8 et du G20. En 2011, le G20 prendra son rythme de croisière. L'ensemble des membres du G20 a demandé à la France d'assurer cette organisation pour 2011 et cette présidence.
Je suis également très satisfait du fait que nous avons commencé le chantier de la refondation de la gouvernance mondiale, qui est un chantier, vous le savez, auquel j'attache beaucoup d'importance.
Le FMI d'abord : nous nous sommes mis d'accord sur un transfert de 5 % des droits de vote, on verra comment cela se répartit, et pour un maintien des 24 membres du conseil d'administration. Je le dis pour mes amis Européens, j'avais pris cet engagement auprès d'eux.
Nous engageons également sur les mêmes bases, proportionnellement, la réforme de la Banque mondiale. Le FMI sera d'ailleurs amené à jouer un rôle plus important d'évaluation des différentes politiques économiques mis en place. Vous savez que c'était une demande que j'avais formulée dès le somme d'Heiligendamm : que le FMI ne se contente pas d'être le gardien de l'orthodoxie budgétaire de tel ou tel pays pauvre, mais qu'il joue un véritable rôle d'évaluation et de régulation dans les activités économiques et financières mondiales.
J'en profite pour dire combien je suis satisfait que, pour la première fois, le Directeur général de l'OIT soit membre du G20 et que sa participation soit maintenant définitivement actée. Avec Gordon Brown, nous prendrons des initiatives dans les prochaines semaines pour que les huit normes fondamentales de l'OIT soient ratifiées par l'ensemble des membres du G20, de façon à affirmer la dimension sociale du G20.
Deuxième motif de satisfaction, toute la question de la régulation. Vous savez que c'est, là aussi, une demande constante de la France et depuis avril, nous voyons les activités de spéculation se développer à nouveau. Inutile de revenir sur le scandale des bonus indécents versés à quelques traders. Je dois dire que je suis très satisfait de ce que nous avons décidé. Il y a eu unanimité autour de la table pour que les erreurs du passé ne recommencent pas. Le président Obama à lui-même pris la parole pour dire combien il se sentait engagé dans cette nécessité de régulation.
Il y a trois points fondamentaux qui ont été actés. D'abord, on harmonise le cadre dans lequel s'exprimeront les banques, puisque les règles de Bâle 2 seront appliquées partout et dans les principaux centres financiers dès 2011. Vous savez que c'était une revendication pour le coût de nos banques, puisque nous étions prêts à adopter Bâle 2 et les Américains ne le faisait pas, c'est fait. Alors, je ne vais pas entrer dans le détail, mais ceux qui le suive cela le savent parfaitement bien, c'est toute l'affaire des questions comptables, des normes comptables qui sont extrêmement compliquées et extrêmement importantes puisque cela faussait la concurrence. Désormais, banques américaines, banques européennes, tout le monde entier appliquera les règles de Bâle 2. C'était un point incontournable, nous en avions d'ailleurs fait, avec Mme Merkel, un élément fort de nos priorités.
Nous nous sommes mis d'accord pour exiger que les banques qui ont des activités risquées au titre de la spéculation sur les marchés soient obligées d'augmenter leurs fonds propres. Donc, les ratios de fonds propre pour faire le métier de banquier seront plus durs, plus élevés s'il y a des activités risquées.
Nous avons été entendus sur la question des bonus. Je vous rappelle que le 25 août à Paris, avec Christine Lagarde, nous avions dit : peu importe ce que font les autres, nous, nous décidons d'anticiper pour arriver plus fort à Pittsburgh. C'est très clair, après le 25 août à Paris, les décisions françaises pour maîtriser les bonus et les contrôler ont été partagées ensuite par Mme Merkel et M. Brown, c'est la lettre que nous avions faite pour M. Reinfeldt, qui a fait l'objet de la réunion de Bruxelles où toute l'Europe s'est mise avec nous. Eh bien, la totalité des décisions sont retenues au niveau du G20, donc au niveau mondial : interdiction des bonus garantis supérieurs à un an, paiement différé en moyenne de 50% des bonus sur trois ans et deux tiers pour les bonus élevés, instauration d'un système de bonus-malus et puis l'affaire également des paiements en titres.
Alors, les pays du G20 ont adopté l'ensemble de cette réglementation que l'on retrouve également dans l'excellent rapport du Conseil de stabilité financière.
En vérité, ça s'est passé comme cela : le 25 août, la France a décidé pour elle-même, puis il y a eu la lettre avec M. Brown et Mme Merkel, puis il y eu la décision européenne, avant il y avait eu la décision du Conseil de stabilité, et tout ceci se retrouve dans le document que nous publions à la suite de Pittsburgh.
On a même décidé d'aller plus loin, puisque les banques centrales qui contrôlent les banques disposeront désormais du pouvoir de limiter le montant global des bonus. Si une banque fait des profits, elle ne doit pas tout distribuer aux traders et aux actionnaires, elle doit en conserver une partie importante, parce que cela lui permettra ensuite de faire plus de prêts aux entreprises et aux ménages. C'est la première fois que le pouvoir est ainsi donné au superviseur de plafonner le montant des bonus en fonction des revenus d'une banque. Alors, on ne s'est pas mis d'accord sur un pourcentage, on ne s'est pas mis d'accord sur un montant, mais c'est la première fois que le principe du plafonnement des bonus en fonction des revenus d'une banque est affirmé et validé. Tout superviseur qui voudra le faire est légitimé. Donc, c'est un grand motif de satisfaction.
J'ajoute, concernant la satisfaction sur la réglementation, la question des paradis fiscaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Depuis le sommet de Londres, je voudrais vous livrer ces trois chiffres : 150 accords d'échanges ont été signés par des paradis fiscaux. 12 pays sont passés de la liste grise à la liste blanche et 4 pays sont passés de la liste noire à la liste grise. Quinze pays ont décidé de mettre fin au secret bancaire en matière fiscale. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est fini.
Dans le document de Pittsburgh, nous avons prévu des sanctions dès le mois de mars 2010 contre les pays qui ne se seront pas mis en règle. J'annoncerai dans les prochains jours, en France, des mesures de durcissement de la réglementation fiscale sur les paradis fiscaux.
Je pourrais ajouter, dans les décisions qui ont été prises, l'obligation désormais de retenir une certaine portion des prêts titrisés dans le bilan des banques. Cela aussi, c'est devenu une décision mondiale.
En Europe, nous avons prévu 5%, ce montant n'est pas prévu pour les Etats-Unis, mais les Etats-Unis ont accepté l'idée que désormais une banque qui titrise, c'est-à-dire le fait pour une banque qui revend des prêts qu'elle a elle-même accordés d'en garder une partie dans ses comptes.
Enfin, troisième motif de satisfaction, la stratégie économique commune. Sur le rapport de Dominique Strauss-Kahn, le consensus s'est fait pour dire que les premiers signes de reprise arrivent, mais nous nous sommes tous engagés à maintenir nos plans de relance tant que la reprise ne s'est pas installée, c'est-à-dire tant que le chômage n'a pas recommencé à baisser.
Je veux enfin dire que le G20 a également tenu à faire référence aux travaux de la commission STIGLITZ, pour que désormais on puisse prendre en compte toutes les dimensions sociales et environnementales dans les critères et les indicateurs de la croissance.
Pardon de ce long propos introductif, mais vous aurez tout le loisir de voir le document. Je remercie Christine Lagarde qui a fait un travail formidable et aussi mon équipe, notamment le sherpa économique, Xavier Musca, bien sûr, Jean-David Levitte, qui a eu sa part du travail, du mérite, ainsi que la Direction du Trésor.
Q - Est-ce que la mission est accomplie sur les paradis fiscaux ? Est-ce que la pression va se ralentir, la pression est maintenant dirigée ailleurs ? Sur la réglementation financière, qui va mettre en musique les principes que vous avez décidés aujourd'hui ? Qui va surtout s'assurer que la mise en pratique sera faite de la même manière ou d'une manière équivalente dans toutes les différentes régions du monde ?
R - Sur les paradis fiscaux, Monsieur, la pression va augmenter. Je ne sais pas si vous le percevez comme une bonne ou une mauvaise nouvelle, mais c'est incontestable, puisque les sanctions pourront être prises dès le mois de mars, dès le premier trimestre 2010. Vous vous souvenez le scepticisme qu'il y avait chez certains d'entre vous sur la capacité à faire bouger les choses sur les paradis fiscaux ? Puis nous avons eu des choses fortes, à Londres, et on m'a dit à juste titre : "il n'y a pas de sanction". Et puis on a vu petit à petit les barrières s'effondrer. Eh bien, maintenant, il y a des sanctions qui sont prévues.
Qui est responsable de la mise en place ? Il y a plusieurs niveaux : il y a les superviseurs nationaux ou régionaux dans le cadre de l'Europe, ou nationaux dans le cadre des Etats-Unis, il y a le Conseil de stabilité financière qui est chargé, avec les ministres des Finances, de suivre la mise en place de tout ce qui a été décidé, ils l'ont d'ailleurs remarquablement fait de Londres à Pittsburgh. C'est eux qui ont fait cela, je dois à la vérité de dire que ce qui nous a énormément aidé pour Pittsburgh, c'est le rapport déposé par M. Draghi, au nom du Conseil de stabilité financière, sur les bonus et sur la régulation, parce que cela nous a permis de venir à la table et de dire : "écoutez, puisque le Conseil et les ministres des Finances se sont mis d'accord sur un texte, on le prend tel quel". Et on a même rajouté le plafonnement global.
Enfin, il y a l'institutionnalisation du G20, chaque année désormais. Il y a une instance nouvelle qui s'est créée. On va également discuter - c'est un sujet sur lequel je ne rentrerai pas dans le détail - sur comment doit travailler le G20. En assumant la présidence, en 2011, du G20 annuel, ce sont des questions sur lesquelles on va travailler. Faut-il une troïka comme en Europe, ce qui pourrait être intéressant, avec les Anglais et les Coréens ? Stabilisons la composition.
Enfin, il y a un certain nombre de questions qui se posent et que nous allons devoir régler dès 2011, mais la question G8, G20 est réglée et la France assumera la présidence des deux.
Q - Une question sur les bonus concrets. J'ai cru comprendre que le plafonnement était possible si cela affecte trop la solvabilité des banques. La BNP qui avait fait un scandale en France, est-ce que les règles qui ont été adoptées empêcheraient de décider de nouveaux un milliard d'euros de bonus ?
R - Les règles adoptées sont très claires. Elles empêcheraient de le faire en un coup, elles obligeraient à le faire en trois, puisque désormais il est interdit d'accorder des bonus garantis. Deuxièmement, elles l'interdiraient aussi parce qu'elles prévoiraient un malus en cas de retombées. Troisièmement, il faudrait qu'il y ait une part de titres et pas simplement une part de numéraire, puisque c'est ce que nous avons prévu. Et puis il y aurait bien sûr une analyse pour voir si c'est compatible avec la stabilité de la banque. Ce n'est pas moi, bien sûr, qui le ferait, ce n'est même pas Mme Lagarde. C'est le régulateur qui, à ce moment là, travaillera.
J'attire votre attention sur quelque chose, c'est que la porte est ouverte, cela veut dire que chaque région du monde qui fera cela, les opérateurs d'autres régions du monde diront : attention. Ce sera un critère de solidité d'une banque. Je veux dire par-là que c'est une loi de Gresham à l'envers, vous connaissez certainement cette loi ? Vous savez, M. Gresham avait théorisé une règle selon laquelle, curieusement, la mauvaise monnaie chassait la bonne. A l'époque il y avait la monnaie argent et la monnaie or et on ne voyait que la mauvaise parce que les gens thésaurisaient la monnaie or. Je pense que là, la bonne pratique se généralisera immédiatement, parce que cela créera un déficit de compétitivité.
Je fais mienne la remarque du président Obama qui a dit : "dans le fond, avant qu'on ne décide au G20, on nous faisait croire que pour des raisons de compétitivité il fallait le moins de règles possible et on tirait tout le système vers le bas". Maintenant, pour des raisons de solidité on va tirer le système vers le haut.
Voilà ce que nous avons essayé de faire, mais c'est vraiment historique ce qui se passe, c'est un changement complet de compréhension des choses. Il n'y a plus d'un côté le monde anglo-saxon et de l'autre l'Europe. Il y a des dirigeants qui, dans le cadre de la mondialisation, sont confrontés au même problème de la spéculation, de la prise de risques et de la rémunération scandaleuse et qui veulent y mettre un terme. Nous avons travaillé main dans la main avec les Britanniques sur cette question et c'est toute l'utilité du G20 qui présente le plus large panel de pays dans le monde et qui fait que nous avons pu transcender des oppositions théoriques qui appartenaient au monde du passé. Franchement, c'est assez extraordinaire de voir cela. Je précise que Tim Geithner était aux côtés du président Obama et parfaitement en ligne avec tout ceci.
Q - Est-ce que malgré toutes les contraintes qui vont faire pression et limiter la spéculation, il n'y a pas une autres pression qui risque aussi d'augmenter la spéculation, c'est la grande quantité d'argent qui circule aujourd'hui dans le monde du fait de la Banque centrale, des Etats qui ont mis beaucoup d'argent et des taux d'intérêt qui sont extrêmement bas et qui rendent l'argent bon marché et donc une matière première formidable pour les spéculateurs ?
R - On a décidé que la stratégie, c'était de soutenir la croissance. On n'est pas encore sorti de la crise et les déficits iront croissants tant que l'on ne sera pas sortis de la crise. C'est bien cela la clef.
Deuxièmement, nous avons également décidé de mettre à l'étude dans le cadre des financements innovants une taxation des activités spéculatives ou risquées, puisqu'il y a un paragraphe que nous avons voulu mettre, Mme Merkel et moi, dans le texte et c'est pour nous une proposition à deux entrées, l'une pour créer des financements innovants, nous en aurons besoin dans le cadre de Copenhague, l'autre pour dissuader la spéculation. Mais là encore rendez-vous compte : ce qui était vécu comme une provocation, l'idée de taxer une activité spéculative, eh bien c'est aujourd'hui quelque chose que l'on demande de mettre à l'étude, je crois que c'est le FMI qui est en charge de l'étude, on va faire rapport et la France, quand elle présidera le G20, sera très attentive à faire avancer ce dossier.
Je ne réponds pas complètement à votre question mais vous voyez quand même le changement complet d'état d'esprit.
Q - L'actualité aussi ici à Pittsburgh est très marquée par le dossier iranien. Depuis cette semaine, on vous a senti très offensif sur ce dossier, il semble qu'il y ait un léger désaccord maintenant, depuis ce matin, entre les Etats-Unis et la France sur la manière dont vous voyez les choses. Es-ce que vous pouvez nous donner des précisions sur la manière dont vous avez travaillé la nuit dernière avec le président Obama et Gordon Brown et la date que vous proposez du 1er décembre a-t-elle été approuvée par le président Obama ?
R - C'est curieux de dire qu'il y a un désaccord entre le président Obama et moi le jour même où nous faisons une conférence de presse commune, où nous avons travaillé une partie de la nuit et où nous validons des éléments en commun. J'étais avec le président Obama depuis un certain nombre de jours, je ne pense pas qu'il dise cela. J'étais avec lui et nos collaborateurs ont travaillé toute la nuit ensemble, donc s'il y avait eu un désaccord, peut-être que je le connaîtrais.
Vous auriez pu parler éventuellement de désaccord au moment ou j'ai pris la parole au Conseil de sécurité, désaccord est un grand mot, peut-être de différence de vues, mais pas là. Nous avons dit : "nous sommes les trois pays, Etats-Unis, Angleterre et France, qui avons les moyens satellitaires de découvrir des sites clandestins d'enrichissement de l'uranium ou d'exploitation d'un site à des fins qui ne sont pas civiles, nous avons confronté nos renseignements, nous nous sommes aperçus que nous étions totalement d'accord et nous avons décidé de le rendre public cet accord ensemble".
Et l'expression "tout doit être mis sur la table maintenant" par les Iraniens, je veux dire pas les dirigeants iraniens, le président Obama - je vous fais une confidence - m'a dit en sortant : "c'est exactement l'expression qu'il faut utiliser". Je vous le dis, il n'y aucun désaccord. D'ailleurs, rendez vous compte, aurions-nous fait cette conférence de presse, cette déclaration devant la presse du monde entier s'il y avait un désaccord ?
Q - Sur le calendrier, vous êtes absolument tous d'accord sur la date du 1er décembre comme un ultimatum aux Iraniens ?
R - Sur le calendrier, nous sommes tous d'accord sur le rendez-vous d'octobre, des 6 et des Iraniens : est-ce qu'ils mettent sur la table tout ce qu'il y a ou non ? Et nous sommes tous d'accord pour dire s'ils mettent sur la table, eh bien ce sera le dialogue, nous voulons la paix. Et s'ils continuent à biaiser ou s'ils font comme en 2002, en empêchant l'AIEA de faire les contrôles, alors à ce moment là il y aura un rendez-vous et ce rendez-vous c'est la fin de l'année. Nous sommes tous absolument d'accord là-dessus. J'ajoute que Mme Merkel a souhaité se joindre à la déclaration et je peux même vous dire pour avoir parlé avec M. Medvedev, mais il s'expliquera lui-même, que l'esprit de notre déclaration ne l'a pas choqué, c'est le moins que je puisse dire parce que je ne veux pas le faire parler, c'est à lui de parler, mais je puis vous dire que nous en avons parlé et qu'il n'a manifesté aucun désaccord. Donc je vous assure il n'y a pas de désaccord entre nous, bien au contraire.
Q - Est-ce que l'on a parlé du prix des matières premières et notamment du prix du pétrole et, deuxième question, est-ce que vous avez eu un nouvel échange sur le climat et notamment pour mobiliser tous vos partenaires sur un sommet un mois avant Copenhague pour essayer de sortir de l'impasse ?
R - Oui nous avons parlé du prix des matières premières et dans le communiqué, vous verrez, nous demandons l'arrêt des subventions pour l'énergie fossile. C'est je crois la première fois qu'un engagement de cette nature est pris.
Je voudrais quand même vous dire que, compte tenu des pays qui sont autour de la table, ce n'est pas aussi évident que d'obtenir une déclaration pareille. Deuxièmement, nous progressons sur l'idée que nous avions présentée avec Gordon Brown de régulation du prix des matières premières.
Alors sur Copenhague, c'est vrai que l'on a été moins loin. Pourquoi ? Parce qu'il y avait eu le sommet de M. Ban Ki-Moon à New York. On a mis le paquet sur la régulation monétaire, sur la régulation financière et économique ici. Et sur Copenhague, je puis vous dire d'abord l'accord de tout le monde pour qu'il y ait un sommet intermédiaire, j'ai proposé qu'il ait lieu à New York, mais est-ce qu'il aura lieu à New York ou est-ce qu'il se fera par vidéoconférence ? Ce n'est pas encore décidé, mais il y aura un rendez-vous, cela est clair.
Deuxièmement, le principe d'une Organisation mondiale de l'Environnement unique, c'est un principe qui est aujourd'hui quasiment retenu.
Troisièmement, il se peut que dans les semaines qui viennent Mme Merkel, M. Brown, M. Lula et moi nous prenions des initiatives pour faire bouger les choses. Je pense au financement, parce qu'il va falloir trouver des financements, d'où d'ailleurs ma remarque sur la taxe des mouvements spéculatifs. On voit bien où on peut trouver des financements : il y a le marché carbone, il y a la taxe ou les taxes sur la spéculation et puis il y a les dotations des Etats et on sait très bien que c'est ce qui est devant nous et ce qui va faire l'objet des discussions des semaines qui viennent.
On a également, au niveau du G20, pris la décision qu'à Copenhague, ce devait être les chefs d'Etat et de gouvernement qui assument les choix et viennent pour essayer de trouver des compromis.
Q - Monsieur le Président, si je vous comprends bien le G8, le G20 sont destinés à fusionner plus ou moins à moyen terme. Jusqu'ici on parlait dans le cadre du G8 des questions des taux des changes entre les monnaies. Est-ce que cela va être le cas aussi à l'intérieur du G20 et si c'est le cas, est-ce que vous ne regrettez pas que la zone euro ne soit pas représentée dans le G20 en tant qu'ensemble et seulement pas les trois pays membres de la zone euro ?
R - Pour cela, il faudrait qu'il y ait un gouvernement économique. Rappelez-moi le journal d'où vous venez ? Vous voyez cela pourrait être utile un gouvernement économique. Alors est-ce que le G20 et le G8 vont fusionner ? Le G8 se réunira dans le cadre du G20, peut-être même que le G5 auquel je n'appartiens pas, se réunira dans le cadre du G20. La réunion, ce sera le G20, mais à l'intérieur de la réunion G20, il peut y avoir une matinée ou une après midi ou un dîner G8. Les membres du G8 peuvent avoir des choses à se dire, des solidarités à développer, rien ne leur interdit de se réunir dans le cadre d'un sommet général. Mais l'instance c'est le G20.
Q - Vous avez, au cours de votre interview télévisée d'avant-hier, utilisé un mot, "coupables", pour désigner les prévenus du procès Clearstream. Dominique de Villepin juge aujourd'hui que c'est inacceptable. Cela a suscité le trouble jusque dans votre propre majorité. Je voudrais savoir si vous compreniez ce trouble ?
R - Excusez-moi parce que j'ai travaillé jour et nuit toute cette semaine et je n'ai pas eu le temps de suivre tous les aspects de cette polémique, certainement passionnante et que je retrouverai en revenant à Paris. Honnêtement, j'ai été bien occupé ici par des dossiers extrêmement lourds et je n'ai pas pu suivre les péripéties de toute cette actualité, mais je suis sûr qu'elle a été passionnante.
Q - Sur les normes comptables, je n'ai pas bien compris, est-ce que vous avez obtenu un engagement des Américains à harmoniser à une certaine date ? Est-ce que c'est une conséquence de Bâle 2 ?
R - Oui, l'engagement de tous les pays signataires du communiqué du G20, c'est que Bâle 2 s'appliquera partout dès 2011. Alors pourquoi dès 2011 ? Parce qu'il y a toute une histoire de compatibilité technique à mettre en ordre, ce n'est pas si simple, mais c'est très clair, c'est un engagement de tout le monde. Je suis désolé parce que je ne suis pas sûr que vous ayez le texte, il vient d'être adopté, mais on va vous le distribuer. L'engagement est très clair, c'est dès 2011 pour tout le monde.
Q - Une question sur les bonus, vous dites que le principe d'une limite des bonus a été accepté et que les superviseurs nationaux regarderont les bonus, est-ce que vous avez plus d'éléments sur des pourcentages, des éléments que la France aurait pu obtenir ?
R - Non, mais vous vous rendez compte de la diversité des pays autour de la table et des organisations ? C'est un principe : les superviseurs nationaux peuvent désormais limiter le montant global des bonus. Alors après, nous n'avons pas dit à quel niveau, comment, vous voyez les pratiques sont tellement différentes d'un pays à l'autre, mais c'est le principe qui a été retenu. Ce qui est une véritable révolution.
Q - Finalement qui a gagné ? Entre Londres et Pittsburgh, plusieurs de vos ministres ont fait état des difficiles batailles qui ont eu lieu avant le G20 de Pittsburgh. Qui a gagné ? Est-ce que se sont les Européens ? Les Américains ? Les pays émergents ? Et sur le fond, vous aviez souvent appelé à une refondation du capitalisme, à une révolution, vous avez dit aujourd'hui : "on a fait un tournant historique". Alors est-ce que la révolution est inachevée et qu'est-ce qu'il faut maintenant pour continuer à avancer ?
R - Elle est inachevée tant que l'on n'a pas fait la réforme du Conseil de sécurité des membres permanents £ elle est inachevée tant que je n'ai pas vu naître l'Organisation mondiale de l'Environnement £ c'est inachevé, tant que je n'ai pas vu naître la question préjudicielle qui permet de rééquilibrer le droit du commerce par rapport au droit social, par rapport au droit de l'environnement ou même par rapport au droit à la santé. Il y a un chantier considérable, je ne le nie nullement.
Qui a gagné ? Cela dépend des sujets. Les pays émergents, ils ont gagné parce qu'à la table du G20 ils comptent, à la table du G8 ils n'y étaient pas. Le G8, il n'y avait pas les émergents. Les cinq grands émergents, Chine, Inde, Mexique, Brésil, Afrique du Sud étaient invités en fin de sommet. On peut dire qu'ils ont gagné, c'est incontestable. J'ai croisé le président chinois, le Premier ministre indien, le président brésilien du début du sommet jusqu'à la fin, c'est un changement considérable. Mais alors, qu'est-ce que cela amène ? Qu'ils ont plus de droits, mais qu'ils ont également plus de devoirs et que Copenhague, cela devient leur affaire et pas simplement la nôtre. Voilà ce que la France a toujours dit, c'est qu'en donnant leur juste place aux émergents, elle les mettait aussi face à leurs responsabilités. Cela change tout. Du coup ce ne sont pas les riches qui préparent Copenhague, c'est nous tous, je veux dire que l'on a travaillé jour et nuit ensemble. On peut dire qu'ils ont gagné, mais moi je pense que c'est le monde entier qui a gagné.
L'Europe, qu'est-ce qu'elle a gagné ? Sur la régulation, comparez les textes, ce sont les textes européens et quand même français et allemands qui ont fini par irriguer le monde. Sur Bâle 2, c'est quand même l'intérêt de toutes nos institutions financières de ne pas se retrouver en déficit de compétitivité, donc c'est incontestablement un succès. Et les Américains ? Moi je pense qu'ils ont gagné parce que Lehman Brothers, cela ne pourra plus arriver.
Donc chacun a gagné quelque chose et je pense que pour M. Obama, c'est un succès, c'est lui qui présidait ce sommet et c'est une très bonne chose qu'il en soit ainsi. Et puis le monde entier y a gagné : il y a maintenant un groupe de 20 pays qui prend en charge la coordination, l'évaluation des stratégies économiques, mais c'est considérable. Là aussi ce n'est pas fini, par exemple nous n'avons pas parlé de monnaie, c'est un sujet considérable je ne l'ignore nullement, mais nous n'en avons pas parlé. Bretton Woods, cela avait duré un an, on en a parlé en 24 heures. Mais ce sont des sujets qui restent pendants, bien sûr, et que nous allons devoir travailler. Et je me réjouis, durant ma présidence, de pouvoir porter un certain nombre de ces sujets là.
Q - Une question d'actualité économique, on évoque le nom de M. Henri Proglio comme prochainement nommé PDG d'EDF, est-ce que vous confirmez cette éventualité ?
R - Non, je ne me suis pas occupé de cela. Je suis parti, comme vous l'avez noté, depuis lundi en début d'après midi, je rentrerai aux petites heures du matin samedi, donc tous ces dossiers m'attendent et j'essaierai d'y faire face. Cela ne veut pas dire que je ne me suis pas occupé du tout de ce qu'il se passe en France, mais je veux que nos compatriotes comprennent que ce que nous avons décidé là a une conséquence concrète pour eux. C'est extrêmement important, alors je vois bien le décalage avec la technicité extrême des sujets, mais en même temps, si nous n'étions pas arrivés à un accord, cela voulait dire que ça continuait comme avant. Les Français doivent savoir que maintenant, il y a un corpus de règles qui permettra à la ministre de l'Economie et des Finances de contrôler les banques.
J'ajoute, nous en avons parlé avec Christine Lagarde, que nous n'excluons pas la possibilité d'aller encore plus loin sur un certain nombre de sujets. Par exemple, est-ce qu'une banque française aurait le droit d'avoir une filiale dans une juridiction non coopérative, dans un paradis fiscal ? Cela serait parfaitement incohérent qu'on l'accepte. Et ce n'est pas un sujet de G20, vous me comprenez ? Le G20 ne fait pas d'intrusion dans la législation. C'est un sujet qui nous concerne nous même, c'est à nous de le définir et de voir les conséquences à en tirer.
Q - Sur l'Iran, compte tenu de ce que vous avez découvert avec les Américains et les Britanniques, est-il encore possible de faire confiance aux dirigeants iraniens actuels et quels signes tangibles doivent-ils donner pour y parvenir ?
R - Il y a un signe qui est très simple, c'est que l'AIEA, qui est l'instance internationale de contrôle, puisse aller sur les lieux de cette centrale de Qom pour faire les examens et les analyses que nous lui demandons de faire. Et comme cela, il n'y aura pas de polémique. La bonne foi est très simple à démontrer : que l'agence qui contrôle puisse aller sur place. Vous voyez la différence avec un autre dossier, c'est que là les preuves doivent être apportées aux yeux et au vu du monde entier, il n'y a pas de possibilité de faux-fuyants. C'est très simple, soit les contrôles internationaux peuvent avoir lieu, soit ils ne peuvent pas avoir lieu. S'il n'y a rien à cacher, pourquoi empêcher M. El Baradeï et son équipe d'accéder ? J'imagine que les dirigeants Iraniens auront la volonté d'ouvrir ce site pour que la communauté internationale puisse juger de la bonne foi des uns et des autres. C'est très simple et très précis.
Q - Sur l'Iran toujours, je voudrais savoir comment et quand avez-vous pris la décision de faire cette déclaration commune et pourquoi aujourd'hui ?
R - Nous en parlions avec le président des Etats-Unis depuis quelque temps, d'abord il fallait vérifier ou compléter les informations dont nous disposions. Une fois que l'on a été sûr de ces informations, nous avons choisi de nous mettre d'accord. Il y avait le Conseil de Sécurité, le président Obama souhaitait qu'il soit consacré à la non-prolifération et non pas absorbé par le seul dossier Iranien. Le lendemain nous a semblé être le bon jour.
Q - Es-ce que cela signifie que le G20 a vocation à prendre un rôle également diplomatique et pas seulement économique ?
R - Ce n'est pas le G20, ce sont 3 membres du G20 auxquels s'est joint un quatrième, l'Allemagne, mais bien sûr nous avons informé nos amis Chinois et nos amis Russes de ce que nous faisions. Il se trouve, voyez-vous, que nous sommes ensemble depuis 5 jours, j'ai vu le président Hu Jintao lundi après midi et je l'ai quitté il y a une demi-heure, donc le G20 n'a pas vocation à supplanter les Nations unies. Il se trouve que nous étions ensemble, donc c'était commode pour nous de faire une déclaration à trois, mais ce n'est pas au nom du G20, la déclaration sur l'Iran, c'est au nom des trois alliés auquel s'est jointe l'Allemagne après que nous ayons concerté avec la Chine et la Russie. C'était important pour nous de le faire comme cela.
Q - Qu'avez-vous pensé de la réponse de Téhéran, ils disent qu'ils n'ont rien fait de mal, est-ce que c'est une réponse que vous avez attendue ?
R - Ce sont les mêmes qui nous avaient dit que les élections avaient été libres, transparentes et démocratiques. Mais encore une fois, il suffit pour eux de laisser l'AIEA faire le contrôle et on verra qui avait raison. Et moi je souhaite qu'ils aient raison, mais il faut qu'ils laissent faire le contrôle. Sinon on aura la certitude inverse.
Q - Si au mois de décembre les Iraniens continent à bafouer les règles internationales et à duper le monde comme ils l'ont fait jusqu'alors, qu'es-ce que l'on fait à ce moment là ? Est-ce que vous ne redoutez pas qu'entre temps les Israéliens aient des velléités pour allez en découdre avec le régime.
R - La meilleure façon d'éviter tout risque, c'est de faire ce que nous avons fait, chacun le comprend bien. C'est si nous ne l'avions pas fait qu'il y aurait eu un risque, parce que la transparence évite ce risque. Le dossier iranien remonte à 2005, on pourrait remonter plus haut, depuis 2005 toutes les résolutions sont bafouées, il y a bien un moment ou il faut que la communauté internationale dise : ça suffit, ou alors ce n'est pas la peine. C'est ce que j'ai dit au Conseil de sécurité.
Q - Vous avez évoqué un accord sur les normes prudentielles, mais qu'en est-il des normes comptables qui sont vraiment aussi un facteur discriminant ? Est-ce que les Etats-Unis sont prêts à harmoniser avec l'Europe ? Dans ce que vous pouvez imaginer prendre, comme initiatives spécifiques à la France, est-ce qu'on peut aller jusqu'à réfléchir à une séparation des activités de banque d'investissement et de banque commerciale ?
R - Sur ce dernier sujet, cela serait quand même curieux que l'une des conséquences de la crise soit de s'inspirer du modèle de banque américain, puisque jusqu'à présent, le modèle de séparation entre banque d'investissement et banque de détail, c'était plutôt un modèle américain. L'Europe et la France s'enorgueillissaient d'ailleurs d'avoir un modèle universel.
Je me garderai de trancher définitivement le dossier ici, mais vous voyez comme cela est curieux, parfois j'entends dire il faut séparer les deux activités, mais Lehman Brothers, dans mon souvenir, n'était pas une grande banque de détail, cela ne l'a pas empêché d'entraîner tout le monde dans la faillite ou dans le risque de faillite. Pourquoi ? Parce qu'il y a la mondialisation. Tout se tient dans la mondialisation d'aujourd'hui. S'il suffisait de séparer les activités entre le détail, même si c'est un peu caricatural, et l'investissement, mais alors pourquoi Lehman Brothers en septembre 2008 a entraîné une cascade de désastres financiers, alors que ça n'était qu'une banque d'investissement.
Mais enfin je sais, y compris dans mon entourage, il y a des partisans de tout ceci, mais quand même, je ne vais pas, moi, me lancer dans un modèle exclusivement américain après ce que l'on a vu. Convenons pour le minimum que ce n'est pas une garantie, convenons au moins que la séparation des métiers n'est pas une garantie absolue.
Q - Nous ne sommes pas habitués depuis votre élection à faire un aussi long séjour à l'étranger, est-ce que c'est un nouveau rythme de fonctionnement vous concernant ?
R - Non je ne sais pas, c'est une question gentille alors je ne vais pas en faire ... je vois bien ce qu'il y a derrière. Il y a les circonstances : on avait M. Ban Ki-Moon, le Secrétaire général des Nations unies, qui prévoyait un sommet climat, je tenais absolument à y être dans la perspective de Copenhague. Il y avait l'Assemblée générale des Nations unies où de toute manière le président français doit se retrouver. Et il y avait ensuite le sommet du G20. En vérité, je ne suis pas resté si longtemps que cela, trois sommets en cinq jours, si vous divisez, mais cela s'est trouvé dans une cascade.Je ne peux pas dire que cela ne se reproduira pas. Pour moi, partir 5 jours, c'est très lourd y compris pour mes collaborateurs, pour l'activité, les rendez-vous, ce n'est pas souhaitable. D'ailleurs, nous souhaitons, dès que l'on sera sorti un peu du côté le plus difficile de la crise, réduire ces sommets, nous en sommes à trois en moins d'un an, trois G20 en moins d'un an, parce qu'il y avait vraiment une urgence, mais cela ne continuera pas autant, ce n'est pas souhaitable. C'est passionnant, c'était nécessaire, dans tout ce qui est arrivé, il fallait bien que l'on se voit, que l'on discute et que l'on trouve des solutions. Mais je ne souhaite pas, je n'espère pas que l'on se retrouve dans des situations pareilles. Même en Europe, nous avons eu beaucoup de réunions, peut-être que l'on va en avoir beaucoup avec ce qui va se passer en Irlande et en République tchèque.