23 septembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-américaines, la régulation du capitalisme, la lutte contre le réchauffement climatique et sur le maintien de la paix dans le monde, à New York le 23 septembre 2009.

Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,
On m'avait dit que vous étiez nombreux, mais là ! Je voudrais vous dire le bonheur pour moi d'être ici, à New York, dans cette ville qui a été martyrisée il y a moins de dix ans, qui s'est reconstruite avec un enthousiasme, une force considérable. Quand il est arrivé ce qui est arrivé à New York, tous les Français se sont sentis New-Yorkais et solidaires de ce qui se passait ici, parce que chacun pressentait que si New York avait été martyrisée, c'était parce que c'était les démocraties qui avaient été visées, que ce qui est arrivé à New York aurait pu arriver, est arrivé d'ailleurs, à Paris, à Londres, à Madrid ou à Berlin. C'est très important à New York l'Assemblée générale des Nations unies, dans cette ville qui a connu cette tragédie, quelques années après que nous puissions débattre du nouveau monde.
J'ai tout fait depuis mon élection, vous le savez, pour qu'entre la France et les Etats-Unis, les choses redeviennent ce qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'être : l'amitié entre deux peuples qui partagent des valeurs, qui partagent une histoire commune, qui se respectent et qui s'aiment. Franchement, c'est une grande satisfaction pour nous tous que de se promener dans les rues et de voir tant de visages d'Américains qui disent : "Vive la France" et qui savent qu'ils peuvent compter sur nous, comme nous, nous avons pu compter sur eux. Les Américains sont nos amis, sont nos alliés. Cela ce n'est pas une petite histoire, c'est une tradition, cela ne cessera pas.
C'est d'ailleurs pour cela que j'ai voulu que la France reprenne toute sa place dans l'OTAN. Aujourd'hui, vous le savez, quelques jours après qu'un général français a pris la direction du plus grand commandement de l'OTAN, à Norfolk, le général Abrial, j'assume cette décision de travailler main dans la main avec nos alliés.
La France doit savoir où elle est. Elle a des amis, des alliés, il y a une communauté de valeurs et, en même temps, parce que nous sommes amis, parce que nous sommes alliés, quand il y a des désaccords, on les traite comme dans une famille, sans rompre pour autant, mais en s'expliquant, en revenant dans le temps. La France n'a pas renoncé à son indépendance, je dirais même qu'elle a renforcé son indépendance.
Quand ces amis sont sûrs de vous, alors on peut être ce que l'on est. C'était une décision importante qu'avec le gouvernement nous avons prise. On me promettait tant de réactions négatives du peuple français, je les attendais, je les attends toujours. Cela prouve qu'il y a un tel décalage entre ce que pense le peuple et ce que, parfois, exprime une partie des élites. Ce n'était pas si difficile à prendre, cette décision, et maintenant qu'elle est prise, je n'entends aucun regret, aucune critique, et même ceux qui l'ont condamnée lorsque je l'ai prise disent maintenant qu'on ne reviendra pas dessus. Cela ne devait pas être si mal que de faire cela.
Nous avions, nous, beaucoup à apprendre de ce qui se passe ici. Le dynamisme de la société américaine, ce culte du mérite de la société américaine, cette possibilité qu'a celui qui met un genou à terre de tenter une nouvelle aventure, dans cette puissance qui est la première puissance du monde.
Depuis mon élection, j'ai essayé avec toute l'équipe qui m'entoure et notamment le Premier ministre, de réveiller un peu notre pays et de demander à nos compatriotes de regarder le monde tel qu'il est. Il bouge, il change. Partout dans le monde des nouvelles puissances émergent, de nouveaux pays apparaissent, partout dans le monde il y avait de l'espoir, et nous, on avait le sentiment que, portant l'histoire propre à la France, on était plus fasciné par ce que nous avions fait par le passé, que par ce que nous devions faire dans l'avenir. Au fond, je voudrais adresser au monde entier le message de la France comme un pays jeune qui espère, qui entreprend, qui ose, qui a de l'audace et sur qui l'on peut compter £ et par-dessus tout qui dit aux autres : "Faites ce que nous faisons, pas simplement faites ce que nous disons". Au fond, voilà comment on a pu remettre la France au coeur de l'Europe et remettre l'Europe au coeur du monde qui est en train de se construire.
Cette semaine est très importante parce que nous sommes au XXIe siècle et nous avons les règles du XXe siècle, parce que le monde a connu une crise sans précédent qui vous a fait souffrir ici. Je suis sûr que dans cette salle, il y a bien des femmes et des hommes qui ont eu peur, qui se sont dit : "qu'est-ce qui arrive ? Qu'est-ce qui va rester debout ? Finalement, qu'est-ce qui reste de ce à quoi on croyait ? Pourquoi on en est là, et pourquoi tout d'un coup, comme un château de cartes, tout semblait s'écrouler ?" Parce que c'est bien ce qui s'est passé, il y a moins d'un an.
La France et l'Europe ont porté la nécessité de construire un monde nouveau, de réunir le G20, ce fut Washington, ce fut Londres et ce sera demain Pittsburgh, mais nous, les Européens, nous, les Français, nous avons des valeurs à défendre et nous ne voulons pas que ceux qui ont créé la catastrophe recommencent demain.
Je le dis très simplement, je sais dans quelle famille je suis, quelles ont toujours été les valeurs qui ont porté mon combat politique. Je n'accepterai pas que les idées de liberté, de responsabilité, que le capitalisme dans lequel je crois, que le libre échange auquel je crois, soient bafoués, soient caricaturés par le comportement d'une infime minorité qui a profité d'un système en poussant une logique jusqu'au bout et en nous amenant au bord de la catastrophe.
Franchement, je veux qu'entre nous les choses soient claires, je ne veux pas mentir. Quand tout d'un coup, nous avons appris qu'une grande banque américaine faisait faillite, c'était en septembre de l'année dernière, Lehman Brothers, plus rien n'a été contrôlable durant trois mois. Ceux qui ont fait cela et qui sont responsables de tant de souffrances, de tant d'emplois supprimés, de tant de gens qui se trouvent aujourd'hui devant des problèmes insurmontables alors qu'ils n'y sont pour rien, je dis que la minorité qui a été responsable de cela ne peut pas nous empêcher aujourd'hui de tirer les conséquences d'une crise sans précédent, pour revenir aux valeurs qui sont les nôtres.
Nous voulons un capitalisme de la production, de l'investissement, de la responsabilité et non pas de la spéculation et de la rente. Tant mieux si tel ou tel réussit, gagne de l'argent, bâtit un empire, mais c'est le produit du travail, de la prise de risque réfléchie, non pas de la roulette jouée tous les jours avec l'argent des autres et pas avec l'argent de celui qui joue. Cela, ce ne sont pas les valeurs dont nous sommes porteurs. Les valeurs dont nous sommes porteurs, c'est celui qui investit, qui investit son argent, s'il réussit, il gagne, s'il échoue, il perd. Mais un système où quand on gagne, on gagne tout pour soi et quand on perd, on laisse tout aux autres, comprenez la collectivité, ce ne sont pas les idées pour lesquelles, ma vie durant, je me suis battu. Et je ne laisserai pas caricaturer le système de l'économie de marché en acceptant des comportements qui nous ont conduits où nous en sommes.
Je crois qu'à un moment donné, il appartient aux dirigeants d'aujourd'hui de tirer les conséquences de cela, ou alors cela recommencera. Et si cela recommence, ce sera encore plus violent. C'est pour cela que ça ne peut pas recommencer, et c'est pour cela qu'il faut changer. La meilleure façon de vous garantir contre des crises systémiques, c'est de regarder les conséquences de ce qui s'est passé et de changer.
Il en va ainsi pour le climat. C'est fantastique, la leçon que nous ont laissée les savants du monde entier. Nous sommes au bord d'une catastrophe écologique sans précédent, tous les savants sont d'accord avec cela. Ils ont été réunis, plusieurs centaines, dans le cadre du GIEC, le constat est unanime : vous êtes la dernière génération qui peut faire quelque chose. Et si on agit fortement, on peut limiter le réchauffement à deux degrés.
J'ai pris des risques dans notre pays en créant les conditions d'une fiscalité écologique. Certains m'ont dit : "mais pourquoi tu fais cela, la France, grande économie, mais petit pays, ce n'est pas la France, à elle toute seule, qui va rétablir les équilibres environnementaux du monde". Bien. Mais à ceux qui me disent cela ..... d'accord, alors faisons tous cela : "ce n'est pas moi, c'est l'autre, j'avancerai quand l'autre avancera". Avec ce système-là, vous laisserez un monde au bord de la catastrophe pour vos enfants et vos petits-enfants. J'ai voulu qu'on décide tout de suite, pas demain. Maintenant, on sait. Ceux qui n'agiront pas et qui ne décideront pas seront coupables devant la planète entière. Et si on veut que les Indiens, les Chinois, les Brésiliens, tous les pays émergents nous suivent, alors il nous appartient de donner l'exemple et de décider tout de suite. C'est tout l'enjeu de se qui se passe.
Au fond, et sans abuser de votre patience, je voudrais vous dire du fond de mon coeur que je suis persuadé que nous sommes à peu près dans la situation des femmes et des hommes de bonne volonté qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale qui a laissé l'humanité pétrie d'horreur, ont eu sur les épaules la responsabilité de construire un monde nouveau. Imaginez ce que pouvaient penser les dirigeants au lendemain de 1945. La barbarie la plus atroce que l'on ait pu connaître avait emporté le continent le plus civilisé de la planète, l'Europe. Car le nazisme, la Shoah, l'antisémitisme, c'était en Europe, au XXe le siècle, le plus civilisé, sur le continent le plus civilisé. La folie des hommes nous avait conduit là. Et en 1945, stupéfaits par ce qu'ils venaient de vivre, un petit nombre d'hommes et de femmes ont décidé que le monde devait changer et ce furent les Trente glorieuses, Bretton Woods, les Nations unies et la recherche de la paix pour qu'il n'y ait plus de guerre mondiale. Voilà ce qu'ils ont porté.
Aujourd'hui, les hommes et les femmes de gouvernement doivent décider d'un nouvel ordre, de la construction d'un nouveau monde, pour répondre à la crise économique d'une gravité sans précédent et un désastre écologique qui nous pend au nez. Voilà ce que nous devons construire. Croyez bien que ce n'est pas une question de tempérament et je voudrais en terminer par-là.
Je disais en décorant une personne particulièrement méritante que je comprenais les gens impatients. Nous n'avons plus le temps et moi, je n'ai pas été élu pour commenter le temps qui passe, j'ai été élu pour apporter des réponses, j'ai été élu pour apporter des décisions.
Je pense profondément que, sur un certain nombre de sujets, il y a eu tant de morts, tant de souffrances que la paix, on doit la faire tout de suite. La paix entre les Palestiniens et les Israéliens, on sait parfaitement quelles sont les conditions de cette paix. C'est tout de suite qu'il faut l'exiger, parce que le temps n'amènera rien à l'affaire. Il faut un Etat palestinien, il faut la sécurité pour Israël. Mettons-nous autour d'une table et travaillons ensemble, il y a tant de guerres inutiles.
La France doit être en mouvement, doit proposer, doit apporter des solutions et doit travailler, main dans la main, avec ses alliés. Je souhaite de tout mon coeur la réussite du président Obama parce que cela fait quand même plaisir de voir un président des Etats-Unis qui s'intéresse à ce qui se passe ailleurs dans le monde et qui a compris que le monde ne s'arrêtait pas à Los Angeles d'un côté et à New York de l'autre. Vous savez pour nous, c'est très important que les Etats-Unis soient aimés dans le monde et c'est un grave problème quand les Etats-Unis ne sont pas compris du reste du monde.
C'est dans cet esprit que je suis venu avec une équipe de parlementaires qui m'entoure et que je remercie. C'est l'occasion pour moi de saluer notre ambassadeur, M. Vimont, qui fait un travail remarquable, notre consul, qui aime New York, et puis bien sûr Carla, qui donne une bien belle image de la France, même si elle vient d'Italie, qui est un pays duquel nous nous sentons si proche.
Mes Chers Compatriotes, je veux vous dire, à vous, que j'ai parfaitement conscience que ce n'est pas parce qu'on vit dans une ville fantastique qui fait rêver, que la vie est facile, que vous devez affronter bien des difficultés, que d'une certaine façon être coupé de sa patrie, être éloigné, c'est une forme d'arrachement, mais vous participez au rayonnement de notre pays et, à ce titre, je vous en suis reconnaissant. A tous les fonctionnaires qui travaillent, diplomates, enseignants de notre lycée d'une si grande qualité, je veux rendre hommage. C'est quand même l'honneur de la France que d'avoir un lycée de cette qualité. Et puis à vous qui entreprenez, qui faites des affaires, qui portez notre culture et nos valeurs.
J'ai voulu que les études soient gratuites au niveau du lycée. Je l'avais promis pendant ma campagne électorale et j'essaie de tenir mes promesses, non pas parce qu'il faut les tenir, mais cette promesse, je la croyais juste. Vous aurez également la possibilité de choisir des parlementaires, car dans la réforme de la constitution, j'ai voulu que les deux millions Français de l'étranger, puissent non seulement élire des sénateurs, mais aussi des députés.
Je veux saluer le président de France Télévision qui est ici, qui nous a rejoints et puis je voudrais vous dire que j'ai besoin de votre soutien. Ce n'est pas le lieu de faire de la politique, mais je veux que vous ayez ce message avant que je reparte. La France n'est pas le pays le plus facile à gouverner, pas le plus difficile non plus. Je suis très reconnaissant aux Français d'accepter toutes les réformes que nous faisons depuis deux ans et demi, de les accepter avec un grand sens de la responsabilité, avec beaucoup de calme, avec beaucoup de générosité. Bien sûr, il y en aura encore, j'ai des décisions qui sont difficiles à prendre, mais je les prendrai. Je les prendrai parce qu'à la place où je suis, je n'ai qu'un seul choix, celui de l'intérêt de notre pays. L'intérêt de notre pays, c'est parfois de prendre des décisions qui sont plus difficiles que d'autres, qui seront comprises dans le temps.
J'ai voulu exercer ces fonctions et je dois les assumer ainsi, mais se sentir soutenu, fût-ce par la communauté française de New York, cela fait très plaisir.
Je vous remercie.