18 septembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les greffes d'organe et sur la recherche biomédicale en France, à Villejuif le 18 septembre 2009.


Mesdames, Messieurs,
Chère Roselyne,
Chère Valérie,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Madame le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Monsieur le président,
Monsieur le directeur général,
Mesdames, Messieurs les professeurs,
Et si vous me le permettez, chers amis,
Au mois de février dernier, le centre hépato-biliaire de l'hôpital Paul-Brousse a réalisé sa 2 500ème greffe de foie. C'est une étape majeure dans la longue et belle histoire de la greffe de foie en France, une histoire qui a commencée à la fin des années 1960.
Depuis, les équipes du centre hépato-biliaire ont redonné la vie à 2 500 personnes en sursis au motif que leur foie était gravement atteint.
La transplantation hépatique, qui tenait de la prouesse, du tour de force il y a seulement quelques décennies, est aujourd'hui une technique éprouvée, une technique sûre associant plusieurs disciplines médicales et chirurgicales.
Elle permet à des centaines de personnes comme vous de mener une vie normale. De nombreux enfants transplantés ici sont parvenus à l'âge adulte, travaillent et vivent normalement. Cinquante femmes transplantées ici ont pu à leur tour avoir des enfants. Avec la transplantation, la vie reprend ses droits. La vie reprend son cours normal. Et c'est la place du Président de la République que d'être ici pour rencontrer des transplantés, pour appeler nos compatriotes à donner et pour féliciter les équipes. Mais pour tout dire, je trouve particulièrement incompréhensible qu'il puisse y avoir la moindre polémique sur la présence du Président de la République au milieu des greffés, au milieu des équipes médicales, parce que ce qui serait scandaleux, c'est que je n'y sois pas et non pas que j'y sois. Il est des sujets qui n'appartiennent pas à la politique politicienne quelles que soient ses convictions. Le devoir de soutenir ceux qui font don de leurs organes et le devoir de soutenir les équipes médicales, c'est un devoir d'Etat. Vous avez très bien fait d'organiser cet anniversaire. Cela va bien au-delà des différences des uns et des autres. Je suis très heureux par ailleurs que M. LE GUEN soit à nos côtés, représentant la direction de l'AP-HP. C'est cela le devoir d'Etat, et vraiment j'ai beaucoup de peine pour ceux qui font des polémiques. Ils doivent être si malheureux dans leur vie qu'ils ne comprennent pas les enjeux. Et vous qui êtes passés si près de perdre vos vies, c'est votre différence, les enjeux vous les comprenez.
Je sais que pour être parfaitement maîtrisée, la greffe n'en demeure pas moins un miracle, comme une résurrection.
Je veux rendre hommage à mon tour aux pionniers, chirurgiens, médecins, radiologues, biologistes et chercheurs, infirmières et infirmiers qui ont créé ce centre.
Vous avez salué avec beaucoup de chaleur le Professeur Henri BISMUTH, mais il mérite tout l'amour qu'il suscite autour de lui, cet homme. Cher Henri BISMUTH, quand vous vous retournez sur votre vie, vous avez un grand privilège, vous ne vous demandez pas si vous avez été utile, vous le savez. C'est pour cela que votre vie est une grande vie et que vous avez été entouré de tellement de marques d'affection.
Je veux rendre hommage aux Professeurs René ADAM, Denis CASTAING et Didier SAMUEL, qui poursuivent l'oeuvre - on peut le dire - de leur maître. Cela ne rabaisse pas d'ailleurs d'avoir un maître, au contraire c'est une chance. Je veux rendre hommage à l'ensemble des personnels qui sont ici. Je voudrais d'ailleurs leur dire que quelles que soient leurs responsabilités, et mon amie, Roselyne BACHELOT le sait, j'ai plaisir à rencontrer les personnels de l'hôpital, parce que c'est un lieu où il y a de la passion. Tous les métiers de l'hôpital - médecins, personnels soignants, personnels non médicaux - sont des métiers durs. Mais tous ceux qui les exercent ont la passion en commun. Et beaucoup m'ont dit : « il faut donner plus d'argent, plus de moyens ». Je comprends cela et je veux dire que l'exigence de la communauté hospitalière est parfaitement légitime, parce qu'elle est à la hauteur de leur engagement.
Je suis en retard parce qu'on a pris beaucoup de temps au cours de la visite. Je m'en excuse auprès de vous. Les gens sont tellement heureux de travailler où ils travaillent, sont tellement passionnés, et il faut voir le service qui est le meilleur, l'équipe qui est la meilleure. Il y a un enthousiasme qui fait plaisir à voir et j'aimerais tant que l'état d'esprit de la communauté hospitalière de France rayonne dans tant d'autres communautés à travers notre pays qui aurait besoin de cet enthousiasme, de cet engagement et de cette volonté de surmonter toutes les difficultés. Vraiment, je veux vous dire le plaisir qui est le mien d'être parmi vous.
Au commencement de tout, il y a la question des donneurs. Il faut rendre hommage aux donneurs. Donneurs d'organes, donneurs de sang, donneurs de plaquettes, donneurs de moelle osseuse alors que nous sommes en cette quatrième semaine nationale du don de moelle osseuse.
Le don de soi. Le don est un geste de solidarité. Tout le monde parle de solidarité dans notre pays mais il y a des solidarités encore plus fondamentales que les autres et les donneurs doivent être mis en avant comme exemple de la générosité dans la société qui est la nôtre.
En 2008, 4 600 transplantations, tous organes confondus, ont été réalisées en France. Pourtant, 14 000 malades vivent dans l'attente d'une transplantation. Ce seul chiffre nécessitait ma présence. Et en 2008, 222 personnes sont mortes faute d'être greffées à temps. On ne peut pas laisser cette réalité, qui est une tragédie, passée sous silence. Il n'y en aurait même eu qu'un, que celui-là mérite qu'on se mobilise pour dire aux Français : « vous êtes en bonne santé, vous ne vous rendez pas compte de ce que cela représente d'être malade et de ce que vous pouvez faire en donnant quel que soit le don que vous allez faire ».
Chaque année, la liste des patients en attente s'allonge. Chaque année, l'écart se creuse. Nous ne pouvons pas supporter cette situation.
J'en appelle donc au sens de la responsabilité de tous. J'invite chacun à parler du don d'organes en famille, à ses proches, pour que sa position vis-à-vis du don soit connue et partagée.
Dans notre droit, le consentement au don est présumé acquis. Chacun consent implicitement à faire don de ses organes, sauf à ce qu'il se soit inscrit sur une liste de refus auprès de l'Agence de la biomédecine. Encore faut-il que ce sujet ait été abordé au préalable avec son entourage. Sinon, Mesdames et Messieurs, quand survient un décès qui submerge de douleur toute une famille, la discussion autour du don devient délicate, voire impossible. Si on en n'a pas parlé avant, ce n'est pas au moment où la personne qui reste est terrassée de douleur qu'on peut évoquer ces questions.
Je souhaite que, tout au long de l'année, les débats et les manifestations relatives au don d'organes, au don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse s'intensifient. Le don de soi ne doit pas être un sujet réservé aux experts ou aux malades. Le don, c'est l'affaire de tous. C'est un enjeu d'intérêt national.
2009, année de la grande cause nationale, marque le début d'un nouvel essor du don d'organes dans notre pays.
J'appelle de mes voeux la diffusion de nouvelles modalités de don. Le prélèvement sur donneur vivant doit progresser. Il concerne moins de 5% des transplantés ici à Paul-Brousse. C'est 40% en Norvège. Il n'y a aucune raison qu'il y ait cet écart. Le prélèvement sur donneur vivant comporte certains risques, comme tout acte chirurgical lourd. Mais, réalisé par des équipes de haut niveau, c'est un acte maîtrisé.
Je pense aussi au don croisé qui est pratiqué dans la totalité des pays européens. Nous devons y recourir plus souvent. La révision, Chère Roselyne, de la loi de bioéthique peut être l'occasion de créer les conditions pour que ce type de transplantation se développe.
La noble mission exercée chaque jour par vos équipes c'est l'expression même de la qualité de la médecine et de la recherche françaises. Nous sommes ici dans un lieu d'excellence, dans un lieu de soins, Cher Jean-Marie LE GUEN, qui ne serait pas ce qu'il est sans la recherche. Nous sommes dans un lieu de recherche dont la raison d'être est sa proximité avec les soins apportés aux malades. Nous sommes également dans un lieu d'enseignement, d'où la présence de Valérie PECRESSE aux côtés de Roselyne BACHELOT, parce que les deux vont de pair : recherche et santé.
300 professionnels sont réunis ici autour du patient, 20% de malades étrangers, 500 mètres carré dédiés à la recherche au sein d'une unité mixte INSERM - Université Paris XI. Il faut abattre les cloisons. La recherche, c'est la grande affaire de l'université et les centres hospitaliers universitaires doivent être des centres dédiés aux soins mais aussi à la recherche et à l'enseignement. Ici, c'est un véritable « Institut du foie » par l'alliance de toutes les compétences, les techniques les plus modernes sont mises en oeuvre. L'expérience que vous avez acquise est irremplaçable. Vous avez ici greffé pour la première fois au monde un foie réduit d'adulte à un enfant. Vous avez mis au point la technique qui permet, à partir d'un seul foie, de greffer deux receveurs. Vous utilisez le foie artificiel et le foie bio-artificiel.
C'est une réussite exceptionnelle. Vous êtes est un modèle pour l'ensemble de la recherche biomédicale de France.
C'est autour d'instituts de ce type que nos meilleures équipes de chercheurs doivent bâtir des projets communs. Notre pays a besoin de quelques centres d'excellence. Il ne faut pas craindre de distinguer des centres plus excellents que d'autres, l'égalité n'est pas le nivellement. Personne n'a à craindre qu'un centre comme le vôtre soit désigné particulièrement du fait de son excellence. Cela va tirer tous les autres vers le haut. La recherche ne peut pas s'accommoder du nivellement. Nous avons besoins d'une dizaine de centres comme le vôtre, couvrant différentes aires des sciences du vivant et de la santé.
Il y a quelques mois, la commission présidée par Jacques MARESCAUX nous remettait, avec Roselyne Bachelot, ses propositions. Plusieurs d'entre elles portaient sur la gouvernance : elles ont été intégrées à la loi « Hôpital ». Mais il y en a d'autres qui n'ont pas encore été mises en oeuvre. Je pense notamment à la labellisation d'instituts hospitalo-universitaires qui en sont en vérité très proches du centre que nous connaissons ici.
Les IHU, instituts hospitalo-universitaires, seront des plates-formes de soins, de recherche et d'enseignement que nous voulons de niveau mondial, organisées autour d'un projet scientifique cohérent. En lien avec un CHU, ils devront pouvoir bénéficier d'une délégation de gestion et nouer des relations avancées avec leur Université. Ils auront la possibilité de recruter les meilleurs professionnels, français et étrangers, grâce à des contrats qui seront attractifs. Si on veut les meilleurs, il faut les payer. Cela coûte moins cher d'avoir les meilleurs que l'inverse. Il est peut-être temps que notre pays s'inspire de tout ce qui marche ailleurs. Nous avons largement expérimenté tout ce qui ne marchait pas ailleurs. La qualité des prestations des professionnels que nous feront venir dans ces IHU sera gratifiée à sa juste valeur. Ces instituts que nous appelons de nos voeux avec Roselyne BACHELOT devront par ailleurs attirer des fonds privés. L'hôpital public ne perdra pas son âme s'il y a des fonds privés qui permettent d'avoir les meilleurs professionnels, les meilleures techniques et les meilleurs investissements. Sortons de ce sectarisme. Nous avons besoin de la rencontre de toutes les compétences. Les financements privés permettront d'accéder à une autre dimension et, je vais vous le dire, de créer l'écart avec nos concurrents étrangers.
Je souhaite qu'un appel d'offres destiné à labelliser les premiers instituts hospitaliers universitaires soit organisé en 2010. Je vous l'annonce, un jury international proposera au gouvernement d'accorder le label « institut hospitalouniversitaire » à cinq centres d'excellence maximum. Un second appel d'offres pourrait avoir lieu par la suite. Si on fait croire à tout le monde qu'il a la dimension mondiale, personne n'aura la dimension mondiale. Tous les Français doivent avoir accès à une santé de qualité mais nous devons mobiliser des moyens pour avoir des centres d'excellence mondiaux.
Je demande à Valérie PECRESSE, je lui fais totalement confiance et elle le sait, de préparer, en liaison avec Roselyne BACHELOT, le lancement de l'appel d'offres. Peut-être Valérie pourrions-nous demandé que le Professeur MARESCAUX et la commission dont il a présidé les travaux reçoivent comme nouvelle mission de préciser le concept d'institut hospitalo-universitaire au plan scientifique, et il y a des tas de discussions à avoir au plan de la gestion et au plan du financement naturellement. Ils pourraient également définir les modalités concrètes de l'appel d'offres.
Je n'ignore pas que, bien sûr, les besoins de la France dans le domaine de la santé seront plus grands encore demain : vieillissement de la population, émergence de nouvelles maladies, apparition de pandémies, comme la grippe A/H1N1, je veux d'ailleurs une nouvelle fois rendre hommage à Roselyne Bachelot pour la qualité de son travail dans la gestion de cette crise.
Face à ces défis, notre pays dispose d'atouts remarquables. Notre école de médecine est ancienne et réputée. Certains de nos CHU offrent des soins que le monde entier nous envie. Notre pays a été honoré par plusieurs prix Nobel, le dernier en date étant celui de Françoise BARRÉ-SINOUSSI en 2008.
Ce que je souhaite, c'est que le paysage de la recherche médicale évolue en profondeur. Les organismes publics de recherche se sont réunis en une Alliance des sciences du vivant et de la santé, dont les instituts thématiques exercent un rôle d'animation et de programmation de la recherche. Et nos universités, enfin devenues autonomes, ont vocation à être les opérateurs de la recherche biomédicale.
Notre pays compte plusieurs dizaines de sociétés de biotechnologies. Mais les biotechnologies, je l'affirme, en France, restent un marché trop étroit. Les perspectives de développement seront prometteuses mais il n'y a pas assez de lien avec les industriels.
Je suis convaincu que nous pouvons faire des sciences du vivant et de la santé le moteur de notre économie de demain.
Je fais une proposition : c'est que l'emprunt national sur lequel le Gouvernement aura à arbitrer à la fin de l'année puisse financer certains investissements dans les sciences du vivant. Je pense en particulier aux IHU que je viens d'évoquer. Je me permets de soumettre cette idée à la commission présidée par Michel ROCARD et Alain JUPPÉ, qui travaille actuellement aux priorités d'investissement de notre pays en vue de l'emprunt national. Si la commission reprenait cette proposition à son compte, l'octroi du label «institut hospitalier universitaire» à un centre d'excellence biomédicale rendrait tout ou partie de ses investissements éligibles au financement de l'emprunt national.
Qu'est-ce qu'il y a de plus précieux que notre santé ? Et qui peut me dire que le marché va suffire à financer des recherches par ailleurs extrêmement coûteuses ? On fait un appel d'offres, on désigne des centres mondiaux d'excellence en petits nombre pour ne pas se disperser - ce qui est une maladie française - et on mobilise une partie des fonds que l'on va mettre à la disposition du pays pour préparer l'avenir au service du financement de ces instituts hospitalo-universitaires. Je crois que c'est un choix - et je le dis à tous les parlementaires qui sont ici - qui peut transcender les clivages gauche-droite. L'investissement dans le recherche biomédicale, dans la connaissance, n'a rien à voir avec les petits débats politiques quotidiens, même si ceux-là peuvent être importants.
Mesdames, Messieurs,
Voilà ce que je tenais à vous dire. La santé un secteur clé de l'économie de la connaissance. Ici, vous faites un travail absolument remarquable et j'ai été honoré de votre invitation. J'ai été heureux par ailleurs de voir des femmes et des hommes qui ont dû passer par des moments difficiles, parce que j'imagine lorsqu'on vous annonce la maladie et lorsqu'on vous annonce la transplantation, cela ne doit pas être parmi les moments les plus agréables de sa vie, même si on a confiance dans son médecin. Il y a le moment de l'opération. Il y a le moment de la suite de l'opération. Il y a l'espoir qui revient. Et puis pour certains, il y a la rechute et on doit refaire le même chemin inexorable. On pensait s'en être sorti, avoir ces mauvais souvenirs derrière soi et voilà qu'il faut mobiliser tout son courage pour recommencer.
Je veux vous le dire, Mesdames, Messieurs, c'est moi qui vous admire et c'est moi qui vous respecte, parce que tous ceux que j'ai vus m'ont dit avec un grand sourire : « vous savez, j'ai été transplanté une fois, deux fois, trois fois ! ». Eh bien moi, je me demande si à votre place j'aurais eu le courage d'avoir le même sourire. J'ai été très heureux d'être avec vous. J'espère que vous l'avez compris.
Je vous remercie.