10 septembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la lutte contre le réchauffement climatique notamment par la création d'une taxe carbone, à Artemare (Ain) le 10 septembre 2009.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les élus,
Mesdames, Messieurs,
Notre monde est parvenu à un moment de vérité. La crise économique mondiale que nous traversons n'est certes pas encore terminée. Mais nous devons aujourd'hui décider si nous voulons créer un monde différent de celui d'avant la crise, un monde plus soutenable, plus respectueux de l'environnement, un monde plus juste. Certains imaginent déjà que, les premiers signes de stabilisation apparaissant à peine, ils pourront faire comme si la crise n'avait pas existé. Ce serait une très grave erreur. Le monde ne sera plus jamais comme avant : c'est dès à présent qu'il nous faut agir pour écarter les périls qui menacent non seulement notre pays, mais l'humanité et la planète toute entière.
Pendant des décennies, l'Homme ne s'est préoccupé de la nature que pour mieux l'exploiter. L'héritage de ces excès, c'est à notre génération qu'il appartient de le gérer, désormais. Et le plus terrible des défis qui nous est posé, est celui du réchauffement climatique. Sans action corrective de notre part, le réchauffement en cours menace de s'accélérer : entre +1,8° et +4° d'ici à 2100, avec un risque d'une nouvelle élévation du niveau de la mer compris entre 18 et 59 cm. Il est temps d'agir.
J'ai l'intime conviction que c'est dans ces moments de grande difficulté que se prennent les décisions qui tracent l'avenir. De la crise économique inédite que nous connaissons, doit naître un monde nouveau.
Chacun de nos concitoyens doit se sentir concerné par cet enjeu. Chacun doit comprendre la justesse de notre ambition. Chacun doit pouvoir y trouver sa place. Car il ne s'agit pas ici de bâtir une société de la décroissance, une société qui tournerait sciemment le dos au progrès, qui prétendrait nous faire renoncer au confort ou à la mobilité. Nous n'avons pas à choisir entre l'écologie et l'économie. Nous n'avons pas à choisir entre la justice et la prospérité. Nous avons à trouver les chemins qui conduisent à une croissance plus juste car ses fruits seront équitablement répartis, plus sobre en carbone et véritablement durable, qui non seulement respectera les hommes et l'environnement, mais se nourrira de la dynamique de l'innovation et des technologies vertes.
Depuis mon élection, j'ai voulu que notre pays ne cesse de prendre de l'avance face aux défis environnementaux, que je sais inéluctables. Le Grenelle de l'Environnement que j'ai proposé et que Jean-Louis BORLOO met en oeuvre depuis deux ans est le symbole et le vecteur de cet effort de la France pour se porter aux avant-postes de la croissance durable.
Au-delà de mesures importantes sur la biodiversité, l'agriculture durable ou la valorisation des déchets, le Grenelle de l'Environnement a été conçu comme un vaste plan de préparation de notre pays à l'économie de l'après-pétrole, à l'efficacité énergétique, à la croissance des énergies renouvelables dans notre consommation. Plus de 400 milliards d'euros d'argent public et privé seront investis d'ici à 2020. Plus de 600 000 emplois sont attendus. J'ai la conviction que nous en créerons encore davantage.
Avec le Grenelle de l'Environnement, la France s'est donnée l'objectif de réduire de près de 40% la consommation d'énergie dans les bâtiments et les logements d'ici à 2020. Des consommations d'énergie en forte baisse, c'est un gain immédiat de pouvoir d'achat pour tous. C'est sortir de notre dépendance par rapport aux hydrocarbures, qui fait que, lorsque le pétrole monte, la facture énergétique des plus modestes d'entre nous peut s'élever jusqu'à représenter une ponction insupportable de 15% des revenus. Nous avons décidé d'aider nos concitoyens à s'équiper en systèmes solaires, en pompes à chaleur, en systèmes de chauffage au bois. Et nous avons créé un prêt à taux zéro pour financer les travaux d'isolation, ouverts à tous, jusqu'à 30 000 euros sur 10 ans. En à peine trois mois, près de 25 000 éco-prêts à taux zéro ont déjà été conclus. Nous dépasserons, cette année, notre objectif initial d'1,2 Mdeuros de travaux nouveaux financés dans la rénovation thermique des logements.
Avec le Grenelle de l'Environnement, la France s'est donnée l'objectif de devenir le leader mondial des énergies décarbonées, en développant les énergies renouvelables et en s'appuyant sur le savoir-faire industriel français en matière de nucléaire. Dans les années à venir, nous allons consacrer autant d'argent à la recherche en matière d'énergies renouvelables qu'à celle sur le nucléaire : ce sont 200 Meuros de plus, chaque année, pour donner à notre pays une avance technologique dans les secteurs clés du stockage de l'énergie, des énergies marines, des biocarburants de 2ème génération et de l'énergie solaire. L'annonce récente de l'implantation en France d'un leader mondial des panneaux solaires n'a rien d'une coïncidence.
Enfin, avec le Grenelle de l'Environnement et le plan de relance, la France a engagé un programme unique de construction d'infrastructures durables. Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, un canal sera construit en France, entre la Seine, le Nord et l'Europe. Les travaux de quatre lignes à grande vitesse sont sur le point de commencer. D'ici à 2020, à Paris et en régions, c'est également près de 2 000 kilomètres nouveaux de transports en commun en site propre que l'Etat va accompagner. Partout, pour les hommes comme pour les marchandises, il s'agit de créer des alternatives fiables et régulières au transport routier.
Après avoir investi dans les infrastructures, nous allons aussi investir massivement dans le fret ferroviaire. Il nous faut ouvrir de nouvelles autoroutes ferroviaires, créer, enfin, les moyens du fret à grande vitesse, développer des opérateurs ferroviaires dans nos grands ports, garantir aux trains de fret des sillons de circulation prioritaires.
Forte de ces engagements, la France a porté l'ambition du Grenelle tout au long de sa Présidence de l'Union européenne. Il s'agissait de négocier le « paquet climat-énergie » : le plus formidable plan de réduction des émissions de CO2 jamais adopté. Par cette décision, l'Europe est devenue le plus grand laboratoire d'invention des technologies « vertes » de demain. C'est parce que nous nous sommes donnés les premiers des objectifs à nul autre pareils, que les technologies européennes seront demain les plus avancées.
En décembre prochain, à Copenhague, se jouera la conclusion d'un accord mondial sur le climat. D'ici là, la France entend continuer à plaider sans relâche pour que l'ensemble des nations du monde s'engage de manière volontariste dans la réduction de leurs émissions de gaz carbonique. Notre message est simple : nous, les Européens, avons tiré les conséquences de notre responsabilité dans le changement climatique. Nous nous sommes engagés à réduire de 20% nos émissions entre 2005 et 2020 et nous sommes prêts à aller plus loin, jusqu'à 30% si chacun prend ses responsabilités. En même temps nous demandons au reste du monde d'aller dans le même sens. Le reste du monde cela veut dire l'Asie, les Etats-Unis, et aussi les pays émergents.
Face à l'urgence climatique, face aux menaces que fait planer notre dépendance au pétrole, face à la nécessité de transformer notre modèle de croissance, il est temps que la France adapte en profondeur les incitations de son système fiscal, et crée une véritable fiscalité écologique. Comme certains pays nordiques l'ont fait avec succès, il est temps pour la France de renforcer les prélèvements qui pèsent sur les activités polluantes, pour alléger d'autant les impôts qui pèsent sur la production et sur le travail. C'est étrange : il nous a fallu plusieurs siècles de politique fiscale pour parvenir à cette idée qu'il vaut mieux taxer les comportements néfastes à la collectivité, plutôt que ceux qui lui sont utiles. Chacun s'accorde à présent sur cette idée de bon sens. Pour ma part, j'ai décidé de la mettre en pratique.
J'en ai pris l'engagement au printemps dernier : une fiscalité écologique nouvelle, la taxe carbone sera créée : elle portera dès 2010, sur le pétrole, le gaz et le charbon, en fonction de leur contenu en gaz carbonique qui est le principal gaz responsable du changement climatique. Cette fiscalité nouvelle n'a qu'un seul objectif : inciter les ménages et les entreprises à modifier progressivement leurs comportements pour réduire la consommation des énergies fossiles qui émettent du CO2. Cette fiscalité stimulera les économies d'énergie, réduira la facture pétrolière et gazière du pays comme celle des familles et permettra de développer davantage les technologies vertes.
J'indique que, dans ce contexte, l'électricité ne sera pas touchée par la taxe carbone. La production d'électricité émet en France très peu de CO2, grâce à notre parc nucléaire, à l'énergie hydraulique, à la biomasse mais aussi, de plus en plus, grâce aux nouvelles énergies renouvelables. Nous sommes en Europe le pays qui a le plus d'énergies renouvelables. Quelle cohérence y aurait-il à encourager les Français, d'un côté, à s'équiper en voitures électriques ou en panneaux solaires, et, d'un autre côté, à les taxer davantage ?
La taxe carbone sera universelle et payée par tous les consommateurs d'énergies fossiles. Pour les émetteurs de CO2 les plus massifs qui représentent un gros tiers des émissions nationales, le paquet « climat-énergie » européen a d'ores et déjà prévu une harmonisation européenne. 1 400 grands sites industriels en France devront réduire drastiquement leurs émissions de CO2, - 21% d'ici à 2020, sous peine de devoir acheter très cher des quotas d'émissions supplémentaires. Pour tous les autres émetteurs de CO2, pour les ménages, et pour toutes les entreprises non soumises à des quotas d'émissions, rien n'était prévu. C'est la taxe carbone qui s'appliquera demain à tous.
Pour poursuivre la réduction de nos émissions, pour engager la France sur la voie de l'après-pétrole, changer nos comportements est devenu indispensable. Et c'est aujourd'hui réalisable : depuis bientôt deux ans, le bonus-malus automobile a démontré combien une incitation financière, même limitée, pouvait orienter profondément les choix de consommation de nos concitoyens : les ventes de véhicules propres représentaient à peine 15% du marché à la fin de l'année 2007. A la fin du mois d'août 2009, les véhicules émettant moins de 130 grammes de CO2 représentent 54% des ventes. A l'inverse, la part dans les ventes des véhicules fortement émetteurs de CO2 est passée de 30 à 10% entre la fin de l'année 2007 et le mois dernier. Les Français sont donc prêts à s'engager dans la mutation indispensable de leur consommation d'énergie, pourvu que les signaux qu'ils reçoivent soient clairs et que le contrat qui leur est proposé soit juste. Je veux m'engager ici sur les grands principes qui régiront l'introduction de la taxe carbone.
Premier principe : la taxe carbone sera introduite de manière progressive. J'ai conscience que l'introduction d'une nouvelle fiscalité, fût-elle écologique, suscite de fortes inquiétudes. Le débat de ces dernières semaines n'a rien fait pour éclairer nos concitoyens, pris entre ceux qui refusaient la taxe carbone après l'avoir acceptée hier, et ceux qui exigeaient qu'elle soit créée au niveau le plus élevé possible. C'est pourquoi j'ai voulu m'exprimer moi-même sur ce projet dans lequel je crois profondément. Je crois dans la vertu profonde du mécanisme pollueur-payeur. Il s'agit ici, en plus, d'engager un processus résolument nouveau, inconnu en France, de transfert de notre fiscalité du travail et de la production, vers des activités polluantes que nous entendons décourager. Un tel changement supposait un peu de réflexion et nécessitera encore, j'en suis sûr, beaucoup d'explications.
Je veux, à cet égard, remercier tout particulièrement Michel ROCARD qui a accepté de présider un large processus de réflexion sur la taxe carbone. La conférence d'experts a accompli un travail remarquable. J'ai bien noté que celle-ci et Michel ROCARD lui-même nous avaient recommandé de prendre comme référence une contribution d'une valeur de 32 euros par tonne de CO2. Cette position, qui découle d'un important travail d'analyse et d'une large concertation, possède sa cohérence.
Cependant, sur le marché où s'échangent aujourd'hui les quotas d'émissions entre grandes entreprises, la valeur de la tonne de CO2 se situe en moyenne depuis sa création en février 2008 autour de 17 euros. Qui comprendrait que les ménages et les PME soient imposés sur une base deux fois plus élevée que celle des grandes entreprises soumises à quotas d'émissions ? En responsabilité, j'ai donc décidé que le niveau de départ de cette fiscalité nouvelle serait fixé par référence à la valeur des quotas d'émission de CO2 sur le marché du carbone. J'ai l'intention que l'introduction de la taxe carbone soit un succès pour notre pays. C'est pourquoi je dis à tous les défenseurs les plus ardents de la taxe carbone, que nous mettrions en péril la réussite de cette mesure en demandant à nos concitoyens de s'adapter à une évolution trop brutale des prix de l'énergie. Pour une valeur de 17 euros par tonne de CO2, la taxe carbone représentera déjà un effort significatif : près de 4,5 centimes par litre de fioul et de gasoil, 4 centimes par litre d'essence et environ 0,4 centimes par KWh de gaz.
Je n'ai, par ailleurs, aucunement l'intention de réduire en quoi que ce soit les ambitions fixées par le Grenelle de l'Environnement, celles d'une division par quatre de nos émissions entre 1990 et 2050. Je sais pertinemment que cet objectif est le seul conforme à notre engagement de limitation du réchauffement climatique à 2° d'ici au milieu du siècle.
Qu'il soit donc bien clair, que le niveau de la taxe carbone aura vocation à s'élever progressivement au fil du temps. Là encore, je ne fuirai pas mes responsabilités. Il conviendra simplement de trouver le juste rythme pour sa montée en puissance. En tout état de cause, je veux l'affirmer : quelle que soit la future progression de la taxe carbone si la fiscalité écologique progresse, sa compensation aux Français devra augmenter également, et dans les mêmes proportions.
Deuxième principe auquel je tiens particulièrement : la création de la taxe carbone n'augmentera pas les prélèvements dans notre pays. C'est pour moi une règle absolument intangible. Elle signifie que la création de la taxe carbone va s'accompagner de la baisse, voire de la disparition, simultanée et équivalente, d'autres impôts. L'objectif de la fiscalité écologique n'est pas de remplir les caisses de l'Etat, mais d'inciter les Français et les entreprises à transformer leurs comportements. La création de la taxe carbone se fera donc - j'en prends ici l'engagement très ferme - sans dommage pour le pouvoir d'achat des Français et sans pénaliser la compétitivité de nos entreprises.
Plus précisément, je souhaite, pour les ménages français, que la création de la taxe carbone s'accompagne, soit d'une réduction de l'impôt sur le revenu pour tous les ménages qui le paient, soit du versement d'un chèque vert équivalent pour tous les ménages non imposables. Et je souhaite que chaque ménage français bénéficie bien, selon sa situation, soit de l'un, soit de l'autre. Je veux que tous aient accès à cette compensation. Face à un problème universel comme le changement climatique, il serait injuste qu'il y ait, d'un côté, ceux qui paient et, d'un autre côté, ceux qui sont aidés. D'autant que, comme chacun le sait, les Français sont loin d'être égaux face aux dépenses d'énergie. Celles-ci dépendent très fortement de la taille de la famille et de son lieu de vie. Plus la famille est importante, plus un véhicule devient indispensable dans le ménage et plus le logement doit être grand. De même, plus la famille vit à la campagne, éloignée des centres urbains et plus il est nécessaire de posséder un véhicule, plus rare de disposer facilement de transports en commun, et moins il est fréquent d'avoir accès au gaz de ville. J'ai donc souhaité, dans un esprit de justice, que la compensation en faveur des ménages soit différenciée, selon la taille de la famille, et selon que celle-ci vit en zone urbaine où il existe des transports en commun, ou bien en zone rurale.
Au total, pour une valeur de 17 euros par tonne de CO2, un ménage avec deux enfants qui vit en zone urbaine bénéficiera dès le mois de février prochain d'une réduction de 112 euros sur son premier tiers provisionnel s'il paie l'impôt sur le revenu. S'il ne le paie pas il recevra, à la même date, un chèque vert de 112 euros
Un ménage avec deux enfants qui réside dans une zone rurale où il n'existe pas de transport en commun bénéficiera lui, à la même date, d'une réduction d'impôt de 142 euros s'il paie l'impôt sur le revenu. S'il ne le paie pas il recevra un chèque vert de 142 euros.
C'est donc par réduction d'impôt ou chèque vert pas loin de 3 milliards d'euros financés par la taxe qui seront reversés aux ménages. Bien entendu, chaque famille supportera la taxe carbone sur ses consommations d'énergie, ce qui l'incitera à les réduire. C'est le principe pollueur-payeur. Mais réduire ses consommations sera d'autant plus facile, que chaque famille bénéficiera en compensation d'un chèque ou d'une réduction d'impôt forfaitaire, afin que la taxe carbone n'ampute pas son pouvoir d'achat. Au final, ceux qui décideront de réduire leurs consommations d'énergie seront donc doublement gagnants : ils verseront moins de taxe carbone mais recevront au titre de la compensation la même somme que s'ils n'avaient pas économisé. Voilà comment, grâce à un mécanisme de bonus-malus, nous allons donner les moyens aux Français de changer leurs comportements pour réduire les consommations d'énergie et les émissions de CO2. Le malus, c'est la taxe carbone. Le bonus, c'est le chèque vert versé aux familles ou la réduction d'impôt de même montant.
S'agissant des entreprises, celles-ci bénéficieront en 2010, année de création de la taxe carbone, de la suppression de la part de la taxe professionnelle qui pèse sur l'investissement. Nos entreprises trouveront dans cette réforme ambitieuse la compensation des coûts de la taxe carbone en même temps qu'elles pourront enfin investir sans être fiscalement pénalisées. Certains secteurs, toutefois, ont une dépendance particulièrement forte vis-à-vis des carburants, comme les transports, l'agriculture ou la pêche. Je demande au Gouvernement de trouver rapidement les voies et moyens, tout en conservant l'incitation aux économies d'énergie de la taxe carbone, d'éviter qu'elle ne porte une atteinte excessive à la compétitivité de ces secteurs. L'efficacité de la lutte contre le changement climatique ne progressera pas, si la taxe carbone aboutit à favoriser davantage l'importation de produits agricoles, de produits de la mer, ou bien encore à désavantager les transporteurs français, par rapport à des concurrents moins exigeants sur les normes environnementales.
Et c'est dans le même esprit que j'ai fait adopter pendant que j'avais l'honneur de présider le Conseil européen, la possibilité d'instituer une taxe carbone à nos frontières. Il ne serait pas admissible que dans le même temps que nous faisons des efforts pour produire et consommer des produits propres, des importations viennent nous concurrencer grâce à l'avantage compétitif que représenterait le non respect des engagements internationaux en matière de réductions des émissions de gaz carbonique. Tout le monde serait alors perdant : le climat et l'emploi dans notre pays. Je note que la Chambre des Représentants des Etats-Unis a voté voici quelques semaines un texte proposant également une taxe carbone aux frontières. Je note aussi que l'organisation mondiale du commerce a jugé un tel dispositif parfaitement compatible avec ses règles. C'est un combat que je vais mener. La taxe carbone aux frontières est le complément naturel de la taxe carbone intérieure. Bien plus, la taxe carbone aux frontières est vitale pour nos industries et nos emplois. Elle exige d'abord la création de la taxe carbone en France. Notre combat contre la pollution et le changement climatique ne doit pas se faire au détriment de nos industries.
Troisième principe : la transparence ! Je veux qu'une commission indépendante garantisse une transparence totale sur les compensations de la taxe carbone Vous l'avez compris, je veux des règles claires de compensation de la taxe carbone pour les ménages et pour les entreprises. Je propose donc la création d'une commission permanente et indépendante de suivi de la fiscalité écologique française. Sa mission sera de suivre l'évolution des recettes de la taxe carbone, d'identifier la part respective des ménages et des entreprises, et de vérifier le respect des engagements de compensation à 100% des ménages et des entreprises. Cette commission sera composée de représentants indépendants issus de la société civile, d'experts, de membres des associations de défense de l'environnement, de représentants des principaux secteurs contributeurs et d'élus, qui seront choisis, de manière paritaire, dans les rangs de l'opposition et de la majorité.
Quatrième principe : l'Etat continuera d'accompagner puissamment les efforts des ménages pour réduire leurs consommations énergétiques et s'orienter vers les énergies renouvelables. L'ensemble des mesures incitatives développées dans le cadre du Grenelle de l'Environnement seront maintenues et prolongées. Elles se cumuleront avec la restitution de la taxe carbone pour aider nos concitoyens à investir. Je veux parler des avantages fiscaux pour l'acquisition de logements économes en énergie cumulables avec l'eco-prêt à taux zéro pour l'équipement et l'isolation thermique, du bonus-malus pour l'automobile, du super bonus de 5 000 euros pour acquérir un véhicule électrique.
Dans le domaine crucial des transports, les avancées technologiques permettent désormais de voir venir la mise sur le marché de véhicules électriques ou de véhicules hybrides rechargeables dans les prochains mois. Jean-Louis BORLOO présentera le 23 septembre le plan véhicules électriques et hybrides que j'ai annoncé au dernier Mondial de l'Automobile. Ce plan doit permettre aux constructeurs automobiles d'offrir à tous les Français d'ici 16 mois la possibilité d'acheter un véhicule électrique ou hybride à des conditions de prix acceptables en bénéficiant du super bonus de 5 000 euros. Vous le voyez, en même temps que la taxe carbone incitera les Français à se détourner des énergies fossiles, je veux que nos concitoyens aient tous les atouts en main pour s'adapter, pour investir et pour réduire leur facture énergétique.
Mesdames, Messieurs, la création d'une taxe carbone est tout sauf une décision anodine. Elle constitue un choix stratégique mûrement réfléchi, un virage fiscal majeur, ainsi qu'une décision économique de toute première importance.
La taxe carbone est une innovation considérable en matière de fiscalité. Mais j'insiste : la totalité de la recette, je l'ai dit, sera redistribuée aux Français. Mais il s'agit de s'engager, enfin, sur une voie permettant de prélever toujours mieux : d'un côté, de prélever davantage sur des activités qui coûtent à la collectivité et, d'un autre côté, de réduire peu à peu les prélèvements qui pèsent sur le travail des Français et sur l'activité économique en France. La création de la taxe carbone est, à cet égard, la première étape d'une révolution fiscale, appelée à se déployer sur plusieurs décennies. Avec la taxe carbone, la France va se donner de nouveaux moyens de réhabiliter le travail et de conforter la vocation industrielle de notre pays.
Avec les investissements du Grenelle de l'Environnement, notre pays s'est appliqué à ouvrir et à développer toutes les solutions alternatives possibles, en matière de transports durables, d'énergies renouvelables et d'habitat sobre en énergie et sobre en carbone. En instaurant une fiscalité écologique sur les énergies fossiles, c'est l'ensemble de la mécanique de la croissance verte que nous allons mettre en mouvement. Parce que la taxe carbone va inciter nos concitoyens à consommer « vert », elle offrira des débouchés nouveaux, massifs et prometteurs pour tous nos industriels qui seront capables de produire « vert ». Avec la taxe carbone et les mesures du Grenelle de l'Environnement, l'Etat va créer les conditions d'une explosion du marché des produits « propres » dans notre pays. La France sera le premier pays de cette taille à franchir ce pas. Il s'agit, pour tous nos industriels, de ne pas manquer cette occasion, à l'image de l'entreprise CIAT que j'ai visitée tout à l'heure, sur le marché très prometteur des pompes à chaleur.
Mesdames, Messieurs, l'Etat prend ses responsabilités pour créer les conditions d'une nouvelle révolution industrielle et technologique. Dans les mois à venir, je ne doute pas que les travaux de la commission présidée par Alain JUPPE et Michel ROCARD nous recommanderont un nouvel effort dans ce domaine. Et l'Etat répondra présent face aux défis industriels du changement climatique. En retour, j'attends une mobilisation totale de nos entreprises : des constructeurs automobiles, des concepteurs d'équipements du foyer, des fournisseurs d'énergie, des fabricants d'équipements utilisant les énergies renouvelables, des installateurs de matériaux innovants. Voilà ce que je demande aux entreprises françaises. C'est un contrat gagnant - gagnant. Nous incitons et nous aidons 62 millions de Français à réduire leurs consommations d'énergie et à limiter leurs émissions. Et nous créons un immense marché pour les biens « verts » et les services « propres », respectueux de l'environnement. Mais l'Etat ne fera pas tout. Aux entreprises également d'investir puissamment ces secteurs nouveaux, d'innover, de proposer les solutions attendues par nos concitoyens. C'est cela que j'attends des PME françaises. C'est cela que j'attends de nos champions nationaux. Je recevrai à l'Elysée prochainement les dirigeants des grandes entreprises françaises, notamment du secteur de l'énergie, pour examiner avec elles leurs projets d'investissements « verts » en France pour les années à venir.
Vous le voyez, Mesdames, Messieurs, il en va de la fiscalité écologique comme de tant d'autres choses : il y a ceux qui en parlent, et il y a ceux qui la font. C'est pour moi, profondément, une question de responsabilité. Une question de responsabilité vis-à-vis de nos enfants et des générations à venir, car cette mesure contribuera à dessiner un monde meilleur pour eux. Une question de responsabilité vis-à-vis des Français d'aujourd'hui. Je leur ai donné ma parole, il y a deux ans et demi, en signant le pacte écologique proposé par Nicolas HULOT, où la création d'une taxe carbone figurait au second rang, après celle de constituer un vaste ministère du développement durable, celui qu'occupe aujourd'hui Jean-Louis BORLOO. En signant le Pacte écologique, je me suis engagé, comme d'autres candidats, à faire le nécessaire, si j'étais élu, pour introduire en France une fiscalité forte sur les énergies polluantes. Cet engagement, je l'ai réitéré dans le Grenelle de l'Environnement, en demandant qu'on le mette à l'étude. Deux ans et demi plus tard, cet engagement est sur le point d'être mis en oeuvre, comme je mettrai en oeuvre tous les autres engagements du Grenelle de l'Environnement.
La situation est trop grave pour se mentir ou pour faire semblant. Toute ma vie, j'ai voulu réhabiliter la politique. Au-delà des grands mots, réhabiliter la politique, c'est croire qu'il n'y a jamais de fatalité. C'est croire n'y a pas de problème, si grand soit-il, qu'une Nation comme la nôtre ne puisse affronter résolument si elle le décide. Qu'il s'agisse de la moralisation du capitalisme mondial ou du changement climatique. Réhabiliter la politique, c'est croire que la parole des responsables politiques doit garder un sens. Et il n'y a aucune fatalité à ce que le temps qui passe, les difficultés du moment ou la démagogie ambiante viennent à bout des plus belles idées, des engagements les plus indispensables et des combats les plus nobles. Voilà l'éthique que je porte dans mon action. Du courage, je n'en manquerai pas. Ceci dit je sais aussi que j'aurai besoin de votre soutien à tous.