31 août 2009 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur la réunion du G20 de Pittsburgh en septembre, la question iranienne et sur les relations franco-allemandes, à Berlin le 31 août 2009.
MME ANGELA MERKEL - Mesdames, Messieurs, je suis heureuse que vous soyez venus à cette conférence de presse. Avec le Président de la République, Nicolas SARKOZY, nous nous sommes rencontrés aujourd'hui principalement pour préparer ensemble la réunion du G20 de Pittsburgh. Nous savons que l'on discute l'ordre du jour pour Pittsburgh mais nous sommes absolument convaincus, l'un et l'autre, que des résultats concrets doivent sortir de Pittsburgh. Il faut que Pittsburgh produise des résultats tangibles. On travaille sur un ordre du jour actuellement, mais est-ce que ceci aboutira au succès escompté ? Nous ne le savons pas. C'est pourquoi l'Allemagne et la France ont décidé de prendre une initiative commune en direction de la Présidence européenne, de la Présidence suédoise. Nous allons envoyer une lettre commune qui sera envoyée demain et qui militera clairement pour une position européenne en vue de Pittsburgh.
Ce qu'il faut d'abord c'est que les décisions de Londres soient intégralement appliquées.
Deuxièmement, il y a deux domaines où nous avons absolument besoin de progrès. D'abord le fait qu'aucune banque ne doit atteindre une dimension telle qu'elle puisse se retrouver dans la situation de faire chanter les gouvernements. Nous avons donc toujours besoin de règles communes internationales en la matière. Donc ce qui compte, c'est la dimension des banques. Mais cela concerne également les banques qui ont un important réseau international et nous devons arriver à un accord là-dessus à Pittsburgh.
Deuxième point, qui intéresse très légitimement un grand nombre de concitoyens et qui les scandalise, ce sont les bonus. Et là aussi, un certain nombre de mesures que nous avons déjà prises dans nos pays respectifs. Pour l'Allemagne, je vous rappellerai simplement qu'en ce qui concerne les rémunérations des dirigeants d'entreprises, nous avons établi clairement qu'un bonus ne peut jamais être payé immédiatement mais seulement au bout de quatre ans. Et sur cette période de quatre ans, on intégrera d'éventuels événements négatifs, qui pèseront sur ces bonus.
Et le troisième point, c'est que nous avons ces critères minimaux édictés par la supervision bancaire et financière allemande en matière de gestion du risque. Et ceci établit un lien entre la prise de risque et les bonus payés. Et la BaFin, qui est donc la supervision financière allemande, peut imposer des conditions, par exemple en demandant un ratio plus élevé de fonds propres.
La France a formulé des propositions comparables avec une orientation un petit peu différente, le Président de la République en parlera dans un instant, qui pourraient également être mises en oeuvre en Allemagne à titre complémentaire £ puisque indépendamment des rémunérations des dirigeants en France, on s'intéresse également aux rémunérations des traders et nous pensons que dans la conjonction de ces propositions on devrait arriver à une position commune pour ce qui est du versement des bonus.
Alors, cela ne veut pas dire que nous ne ferons rien si les autres ne font rien. Mais nous pensons qu'il serait préférable que les grands pays industriels dans le monde aient une approche commune et c'est précisément cela que nous voulons obtenir à Pittsburgh.
Donc notre idée commune, c'est que cette réunion de Pittsburgh ait une importance capitale. Il ne faut pas laisser passer cette chance, parce que sur plusieurs places financières du monde et à la grande surprise d'un grand nombre de gens, on constate que les banques qui se sont redressées, retombent dans les comportements d'avant la crise financière internationale. Et cela il faut l'éviter à tout prix, faute de quoi on serait confronté à un très grave problème de crédibilité de l'action politique. Je crois donc que c'est tout à fait essentiel et il est très bon que l'Allemagne et la France aillent de l'avant ensemble.
Dans nos entretiens, nous avons également abordé d'autres questions. Je citerai notamment l'Iran. Le Premier ministre israélien est venu en Allemagne la semaine dernière, il a également été en France. Nous souhaitons vivement que le processus de paix au Proche-Orient soit relancé, mais à propos de l'Iran, il est important qu'il y ait une prise de position claire de la part de l'Iran. Est-ce que l'Iran est prêt au dialogue ? Est-ce qu'il est prêt à accepter les propositions de la communauté internationale ? Et si cela n'était pas le cas, à ce moment là, au mois de septembre, il en serait question à Pittsburgh. Au mois de septembre, on délibérera de nouvelles sanctions contre l'Iran. La France et l'Allemagne sont sur la même ligne, des sanctions plus dures devraient alors suivre et c'est une question dont nous traiterons intensivement au mois de septembre, notamment en marge de Pittsburgh. Nous continuerons nos discussions pendant le dîner tout à l'heure, nous parlerons des questions européennes et je suis heureuse que nous ayons eu la possibilité de nous rencontrer et, cher Nicolas, Monsieur le Président, je voudrais vous souhaiter chaleureusement la bienvenue.
LE PRESIDENT - Ecoutez, très rapidement parce que ce qu'a dit Angela est l'expression même de la réalité de nos entretiens. L'Allemagne et la France, nous voulons qu'à Pittsburgh les choses changent. Et que la communauté internationale comprenne que les excès de la spéculation et de la finance qui ont conduit à la crise ne peuvent pas reprendre comme s'il ne s'était rien passé. C'est une position commune entre nos deux pays. Dès demain, avec la Chancelière, nous enverrons une lettre au Président de l'Union européenne, M. REINFELD, pour préparer la réunion du 17 septembre, pour que l'Europe ait une position commune. Nous voulons mettre un terme au scandale des bonus.
L'Allemagne a pris des mesures, la France a pris des mesures. Que les choses soient claires, nous appliquerons ces mesures quelles que soient les décisions des autres. Mais il va de soi qu'à ce moment là, chacun devra assumer ses responsabilités devant l'opinion publique internationale et notamment ceux qui ne voudraient pas faire le même effort de régulation que sont en train de faire l'Allemagne et la France. Je ne rentrerai pas dans le détail des mesures £ élargir ce que nous avons décidé pour les traders aux dirigeants, comme l'a fait l'Allemagne, et pour l'Allemagne l'élargir aux traders c'est ce que nous envisageons. Nous détaillerons ces mesures dans la lettre que nous adresserons à la Présidence de l'Union européenne sur le délai pour toucher les bonus, sur les malus, sur un certain nombre de mesures, notamment celles qui consistent, pour nous, à ne pas travailler avec des banques qui ne respecteraient pas les règles. Il y a une position commune de l'Allemagne et de la France, nous voulons ensemble faire bouger les choses à Pittsburgh comme nous les avons faites bouger à Londres sur les paradis fiscaux.
Peut-être un mot sur Copenhague, où là aussi sur l'environnement, l'Allemagne et la France ont exactement la même position. Il est vrai qu'Angela fût, il y a quelques années, ministre de l'Environnement. Nous prendrons des initiatives aussi vers le Secrétaire général des Nations Unies pour demander ensemble la création d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Nous pensons que l'on ne peut pas traiter les problèmes du commerce dans le monde avec les seules règles commerciales et que la question des règles environnementales et sociales, c'est quelque chose qui nous préoccupe. Nous ferons des propositions très fortes en la matière et également sur la question de la concurrence déloyale avec les pays qui ne les respecteraient pas, notamment sur le mécanisme d'ajustement aux frontières.
Enfin, sur l'Iran, nous avons exactement la même vision. Nous avons soutenu la main tendue du Président OBAMA aux dirigeants iraniens, mais cette main ne peut pas rester tendue indéfiniment avec des dirigeants qui ne répondent pas. Il faut que dans le courant du mois de septembre, des initiatives soient prises qui tiennent compte, qui tiendront compte de la volonté ou non de l'Iran de coopérer. S'il y a une volonté de coopérer, alors on ira tranquillement vers la coopération. S'il n'y a pas de volonté de coopérer, l'Allemagne et la France unies demanderont un renforcement des sanctions.
Je voudrais à mon tour remercier Angela pour, au fond, la facilité que nous avons à travailler ensemble et la parfaite identité de vue sur l'ensemble de ces dossiers, parce que nous sommes persuadés que l'Allemagne et la France, ensemble, on peut faire bouger le monde. D'abord on est plus forts, mais surtout, à un moment où il y a tellement de choses à reconstruire, si l'Allemagne et la France parlent un même discours, alors nous avons vraiment une chance de faire bouger le monde. Pour que jamais ce qui nous a conduit où nous en sommes ne puisse revenir.
MME ANGELA MERKEL - Merci, nous avons le temps pour des questions de part et d'autre. Alors on commence par nos invités, du côté français d'abord.
QUESTION - Une question à Madame la Chancelière allemande. Est-ce que vous pouvez expliciter des cas où les banques se sont trouvées dans une situation trop puissante vis-à-vis des États ? Je n'ai pas bien compris votre première proposition. Et la deuxième, est-ce que vous soutenez, la lettre de M. STEINBRÜCK, qui dit qu'il faut envisager dès à présent les mesures de sortie de crise et qu'il faut envoyer un signal de durcissement monétaire en cas d'inflation ?
Une question à M. SARKOZY. Les 3 000 comptes dont parle M. WOERTH, comment vous les avez obtenus ? Est-ce que vous les avez obtenus de la même manière que l'Allemagne vis-à-vis du Liechtenstein ? Et pourquoi vous n'engagez pas des procédures judiciaires, mais seulement de redressement fiscal contre les personnes françaises concernées ?
MME ANGELA MERKEL - Alors, tout d'abord, quelles sont les dispositions que nous pouvons prendre pour ne pas être pris de court par la situation dans laquelle une banque nous dirait : soit l'État vient à notre secours dans les douze heures qui suivent, ou bien tout le système financier s'écroule ? Et face à cela, il faut un accord international, parce qu'un État ne peut à lui seul répondre à ce type de situation.
La France et l'Allemagne sont également touchées si une banque comme Lehman Brothers s'écroule, ce qui était le cas il y a un peu près un an. Donc il faut trouver un mécanisme. Moi j'aurais tendance à voir les choses de la façon suivante : c'est diminuer le niveau de risque des activités d'une banque en fonction d'un certain nombre de critères internationaux. Et plus une banque a des activités risquées, plus élevé doit être son ratio de fonds propres. Et de cette façon on s'assure que la banque peut assumer elle-même les risques qu'elle prend et n'appelle pas l'État au secours. Mais il faut que cela fasse l'objet d'un accord international et on n'en est pas encore là.
De même, ce qui me contrarie énormément, c'est que la convention Bâle 2 que les Européens ont mise en oeuvre et qui prévoit des règles de fonds propres extrêmement strictes à l'égard de banques, jusqu'à présent les Américains n'appliquent pas ces dispositions de Bâle 2 ce qui crée des distorsions de concurrence.
D'autre part, je soutiens la lettre de M. STEINBRÜCK. Il faut réfléchir aux stratégies de sortie de crise. C'est une des questions qui sera traitée à Pittsburgh en effet. D'une part, il faut avoir le comportement approprié pendant la récession, pendant la crise, mais il ne faut pas faire l'erreur qui est ce que l'on avait fait après le 11 septembre, de n'avoir et que l'on n'a jamais rendue plus rigoureuse la politique monétaire, ce qui a donné lieu à cette bulle qui a éclaté. Alors cette stratégie de sortie de crise ne doit pas être abrupte pour que l'on ne se retrouve pas dans les situations que l'on a connues en Amérique dans les années 30, les grands programmes de relance qui sont arrêtés du jour au lendemain, non cela n'était pas une bonne chose.
Donc il faut certainement avoir une approche progressive, mais de le faire sur un plan concerté international c'est autre chose.
Vous avez une troisième question pour moi ? Non ! Ah, politique des taux d'intérêt. Oui, on en parlera aussi, mais c'est lié aux stratégies de sortie de crise puisque la politique de taux d'intérêt est un élément dans les stratégies de sortie.
LE PRESIDENT - Que l'on aboutisse à un système où le montant des fonds propres demandés à une banque serait fonction des risques qu'elle fait prendre à ses clients, c'est vraiment une piste intéressante. Et c'est une initiative que la France soutient. Plutôt que de prévoir un même niveau de fonds propres, on définirait le montant des fonds propres en fonction des activités. Cela me semble parfaitement justifié.
S'agissant de l'origine des documents reçus par M. WOERTH, le ministre du Budget, il s'est expliqué lui-même. Je ne suis pas ministre des Finances, je l'ai été, et donc je ne peux que vous renvoyer aux déclarations, excellentes au demeurant, du ministre du Budget, mais il me semble que c'est tout à fait cohérent avec ce que nous avons fait, Angela MERKEL et moi, sur la fin des paradis fiscaux. Qu'est ce que nous avons dit ? Comment sortir de la liste noire ? Il faut qu'un pays signe au moins douze conventions internationales d'échange de renseignements. Maintenant, je vois que la France comme l'Allemagne, on est archi-demandés par des pays qui, jusqu'à présent, ne se bousculaient pas pour nous donner des renseignements. On en a des demandes de signature, c'est une très bonne nouvelle, c'est une excellente nouvelle.
Et troisièmement, le ministre a fixé jusqu'au 31 décembre à ces contribuables pour régulariser leur situation. Si le 31 décembre ils ne l'ont pas fait, alors nous envisagerons d'autres procédures. On ne peut pas, dans cette période de crise, accepter la fraude. On ne peut jamais l'accepter mais spécialement pas dans cette période de crise. C'est donc une action très déterminée et je suis très heureux de voir des pays comme le Luxembourg, le Liechtenstein, la Suisse, les Iles Caïmans, et d'autres, se précipiter pour signer les conventions d'échange de renseignements. C'est très bon signe, cela prouve au moins que Londres, cela a servi à quelque chose. Parce que vous vous interrogez à juste titre, est-ce que nos réunions servent à quelque chose ? Eh bien regardez, vous avez une partie de la réponse, je ne dis pas que c'est suffisant. Mais est-ce que cela serait passé pour l'Allemagne et pour la France si on n'avait pas fait Londres ? Tout le monde sait bien que non. Notre idée, avec Madame MERKEL, c'est de continuer à Pittsburgh.
QUESTION - Deux brèves questions. Tout d'abord pour enchaîner sur la question bancaire, Madame la Chancelière, vous avez dit que les Américains n'ont pas appliqué Bâle II, est-ce que vous vous attendez de la part des Américains à une forte résistance contre une régulation plus stricte des banques et contre la fixation d'un ratio de fonds propres par rapport aux risques ? Et deuxième question sur les questions européennes, je pose également la question au Président de la République, est-ce que vous pensez que M. BARROSO pourra être confirmé par le Parlement européen après les documents qui ont été envoyés ?
MME ANGELA MERKEL - En ce qui concerne le rôle des États-Unis, je ne crois pas que parce qu'ils n'appliquent pas Bâle II on puisse en déduire que ce seront les pays les plus difficiles. J'ai parlé moi-même avec le Président des États-Unis de cette question des fonds propres, c'est un sujet vivement débattu aux États-Unis aussi, mais il faut arriver à des faits. Et il faut voir que l'on s'inscrit également dans la suite de Londres. Les États-Unis ont appliqu?? certaines choses, l'Europe a appliqué certaines choses, les États ont appliqué certaines choses et maintenant il faut voir quel est le paysage concurrentiel qui en ressort. Certains sont plus strictes, d'autres le sont moins et il faut qu'on arrive à une bonne comparabilité. Pour ce qui est des entreprises financières de grande taille avec un fort niveau de risque, nous ne sommes pas encore dans une position tout à fait claire mais en ce qui concerne les Etats-Unis, je ne pense pas qu'ils soient forcément fermés à cette idée.
M. BARROSO, d'après ce que j'entends, l'élection sera mise à l'ordre du jour, le Président bien sûr présentera un rapport, les différents groupes parlementaires lui ont formulé leurs attentes, mais je crois que les choses sont en assez bonne voie. C'est mon sentiment en tout cas.
LE PRESIDENT - Ecoutez, sur Pittsburgh nous serons tous jugés sur des faits et non pas sur des discours. J'ai entendu les discours du Président OBAMA, ils sont totalement en harmonie avec ce que dit la Chancelière ou moi-même. Il ne s'agit plus maintenant que de les transférer sur des propositions, mais nous n'avons aucune raison de douter qu'on n'arrivera pas à cela. D'ailleurs il y a un point qui est très intéressant, c'est qu'il y a maintenant une opinion publique mondiale et moi j'observe, au-delà des intérêts de la City, au-delà des intérêts de Francfort, au-delà des intérêts de New York, au-delà des intérêts de Paris, que partout dans le monde les gens sont ulcérés par la pratique de bonus extravagants. Et cela, c'est très important et c'est nouveau.
En ce qui concerne le Président BARROSO, nous le soutenons. Il a été désigné à l'unanimité par les chefs d'État et de gouvernement et le Parlement européen a toujours demandé que le Président de la Commission soit choisi au sein de la famille politique qui a gagné les élections européennes. C'est le PPE et donc il n'y a plus aucune raison que les choses ne se fassent pas dans le courant du mois de septembre.
QUESTION - J'ai une question un peu plus générale sur le couple franco-allemand et l'Europe. Vous savez qu'après la décision de Karlsruhe, beaucoup se sont inquiétés en Allemagne mais aussi en France, même si c'était une décision assez technique, sur le fait que l'Allemagne peut-être abandonnait son rêve européen et son rêve fédéral. Je voulais savoir si dans la perspective des élections du 27 septembre, est-ce que vous avez déjà commencé à discuter tous les deux d'éventuelles initiatives importantes que le couple pourrait prendre après ces élections pour relancer la machine européenne et avoir des rêves comme l'euro, des choses qui dépassent encore la résolution de la crise financière évidemment ?
MME ANGELA MERKEL - Le débat sur l'Europe, nous l'aurons encore pendant le dîner mais je ne suis pas du tout inquiète que même après Karlsruhe, la France et l'Allemagne seront parfaitement à même de formuler de bonnes propositions européennes. Alors qu'est-ce qu'il s'est passé ? La Cour constitutionnelle allemande a dit clairement, comme l'a dit également le Président de la Chambre du tribunal concernée, que la Constitution allemande approuve le Traité de Lisbonne. Cela, c'est la règle de principe. Ce qui est en cause ici, c'est la question de savoir comment le Parlement est associé notamment la seconde chambre du Parlement, le Bundesrat, aux décisions prises en Europe. L'idée est la suivante, c'est qu'on a bien sûr la crainte que l'Union européenne, parfois, s'éloigne trop des citoyens et que les gouvernements nationaux ne soient pas suffisamment associés. Et donc la loi que nous allons approuver le 8 septembre et le 18 septembre - le Bundesrat devrait également approuver cette loi - donne une réponse à cette question.
Lorsqu'il y aura le Conseil européen extraordinaire, j'informerai les chefs d'État et de gouvernements de ce qui a été fait en Allemagne et les craintes que l'on a, à savoir que l'Allemagne ne pourrait plus prendre d'initiatives européennes. Ces craintes seront ainsi levées, je l'espère en tout cas.
Mais, la Cour constitutionnelle nous impose un certain nombre de restrictions quant à la possibilité de transférer des compétences. Donc je fournirai des informations à ce sujet et à la lumière de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, nous pourrons bien-sûr interpréter le Traité de Lisbonne comme le souhaite la Cour constitutionnelle mais sans mettre en cause le traité. La Cour parle de l'évolution future de l'Europe, mais ce que souhaite la Cour constitutionnelle, c'est que les parlements restent maîtres des traités et que les gouvernements ne puissent agir sans l'aval des parlements. Donc je ne crois pas que la France ait lieu d'avoir des craintes particulières
LE PRESIDENT - Juste une chose : moi je suis bien convaincu que l'amitié franco-allemande doit se nourrir de nouveaux projets, sans cesse, si c'était le sens de votre question. Il y a des élections très importantes en Allemagne, il ne m'appartient pas de m'insérer dans le jeu politique allemand mais, d'ores et déjà, sans anticiper le choix des Allemands, nous avons commencé avec la Chancelière à envisager l'avenir et ce que l'on pourrait faire ensemble pour être à la hauteur de nos prédécesseurs. Et il y a un grand nombre de champs de coopération où nous entendons bien prendre très rapidement des initiatives franco-allemandes qui permettent de donner d'autres horizons encore. Vous me permettrez de ne pas en parler maintenant pour une raison simple, c'est qu'il y a des élections en Allemagne. Moi, je travaille très bien avec Madame MERKEL et je souhaite que cela continue ainsi, mais d'ores et déjà, nous en parlons et nous y travaillons. En tout cas, avant la fin de l'année, si les choses se passent comme cela, nous prendrons des initiatives, des initiatives fortes pour montrer que l'Europe a besoin d'un axe franco-allemand et que le monde aussi, même s'il n'est pas exclusif, ce que j'ai toujours pensé.
QUESTION - Monsieur le Président, Madame la Chancelière, quel regard portez-vous sur l'attitude du gouvernement iranien à l'égard de l'opposition et comment pourrait-on renforcer les sanctions si Téhéran ne réagissait pas au mois de septembre ?
MME ANGELA MERKEL - Tout ce que je peux dire c'est que la façon de traiter l'opposition en Iran ne correspond pas à notre façon de voir les choses et de considérer comment il faut traiter ceux qui pensent autrement. Je vois régulièrement des Iraniens qui vivent en Allemagne et qui me sollicitent, très émus, et me demandent d'intercéder pour ceux qui sont en prison, pour ceux qui sont condamnés. Beaucoup d'Iraniennes notamment s'adressent à moi quand je traverse le pays pendant cette campagne électorale et, c'est très émouvant. Il faut être très attentif et, avec le ministre des Affaires étrangères, j'ai demandé à notre ambassade de faire une liste des cas de ce type pour que l'on n'oublie pas, purement et simplement, tel ou tel et que des gens se retrouvent sans voix. C'est une chose très malheureuse et nous faisons tout ce que nous pouvons pour obtenir une amélioration. La France notamment a engagé des efforts très soutenus en ce sens.
Pour ce qui est du type de sanctions, ceci fait l'objet de discussions internationales et il ne serait pas étonnant que ces sanctions puissent, par exemple, être dans le domaine de l'énergie mais je ne voudrais pas parler des détails maintenant. Cela ne sert à rien puisqu'il faut essayer d'asseoir ces sanctions sur un socle assez large. Ceci devra être l'objet de discussions « E3+3». Il y a les premiers pourparlers actuellement mais il faut que l'Iran sache que nous sommes parfaitement sérieux. Nous n'allons pas laisser le temps courir indéfiniment et la décision que nous avons prise au G8 de l'Aquila avec l'échéance de septembre est pour nous quelque chose de tout à fait sérieux.
LE PRESIDENT - Comment pourrions-nous fermer les yeux sur une réalité qui est dénoncée en Iran même, par de grands dignitaires du régime ? Il serait singulier que des dirigeants européens qui portent des valeurs de démocratie et de respect de la dignité humaine en disent moins qu'un certain nombre de dignitaires du régime iranien qui ont dénoncé - et avec quel courage - les tortures qui ont été imposées à des opposants. Je voudrais dire combien nous sommes admiratifs du courage du peuple iranien dont je veux redire qu'il mérite mieux que les dirigeants actuels. On ne peut pas fermer les yeux et moi, je crois à l'efficacité des sanctions. Je crois qu'entre l'immobilisme et la confrontation brutale, il y a un autre chemin pour faire comprendre et pour aider. Les Iraniens sont un grand peuple. Et quand vous voyez des dirigeants iraniens aujourd'hui qui disent que des gens ont été violés, ont été torturés, ont été assassinés, ce n'est pas l'étranger qui le dit, ce sont des dirigeants eux-mêmes.
L'Europe ne peut pas fermer les yeux et le monde ne peut pas fermer les yeux. Il y a un moment où il y a un rendez-vous pour prendre des décisions. On ne peut pas différer des décisions. Alors, la nature des sanctions, Monsieur, il y a beaucoup d'idées, il y a beaucoup de possibilités, beaucoup plus qu'on ne le croit. A une seule condition, c'est que ce soit l'ensemble de la communauté internationale qui soit convaincue de la nécessité des sanctions. Voilà le problème, il est là le problème. Pas dans la nature des sanctions, nous savons très bien où il faut appuyer, mais dans l'unanimité et la solidarité de la communauté internationale, c'est sur cet axe que, Madame MERKEL et moi, nous allons beaucoup travailler. Je vous remercie.
Ce qu'il faut d'abord c'est que les décisions de Londres soient intégralement appliquées.
Deuxièmement, il y a deux domaines où nous avons absolument besoin de progrès. D'abord le fait qu'aucune banque ne doit atteindre une dimension telle qu'elle puisse se retrouver dans la situation de faire chanter les gouvernements. Nous avons donc toujours besoin de règles communes internationales en la matière. Donc ce qui compte, c'est la dimension des banques. Mais cela concerne également les banques qui ont un important réseau international et nous devons arriver à un accord là-dessus à Pittsburgh.
Deuxième point, qui intéresse très légitimement un grand nombre de concitoyens et qui les scandalise, ce sont les bonus. Et là aussi, un certain nombre de mesures que nous avons déjà prises dans nos pays respectifs. Pour l'Allemagne, je vous rappellerai simplement qu'en ce qui concerne les rémunérations des dirigeants d'entreprises, nous avons établi clairement qu'un bonus ne peut jamais être payé immédiatement mais seulement au bout de quatre ans. Et sur cette période de quatre ans, on intégrera d'éventuels événements négatifs, qui pèseront sur ces bonus.
Et le troisième point, c'est que nous avons ces critères minimaux édictés par la supervision bancaire et financière allemande en matière de gestion du risque. Et ceci établit un lien entre la prise de risque et les bonus payés. Et la BaFin, qui est donc la supervision financière allemande, peut imposer des conditions, par exemple en demandant un ratio plus élevé de fonds propres.
La France a formulé des propositions comparables avec une orientation un petit peu différente, le Président de la République en parlera dans un instant, qui pourraient également être mises en oeuvre en Allemagne à titre complémentaire £ puisque indépendamment des rémunérations des dirigeants en France, on s'intéresse également aux rémunérations des traders et nous pensons que dans la conjonction de ces propositions on devrait arriver à une position commune pour ce qui est du versement des bonus.
Alors, cela ne veut pas dire que nous ne ferons rien si les autres ne font rien. Mais nous pensons qu'il serait préférable que les grands pays industriels dans le monde aient une approche commune et c'est précisément cela que nous voulons obtenir à Pittsburgh.
Donc notre idée commune, c'est que cette réunion de Pittsburgh ait une importance capitale. Il ne faut pas laisser passer cette chance, parce que sur plusieurs places financières du monde et à la grande surprise d'un grand nombre de gens, on constate que les banques qui se sont redressées, retombent dans les comportements d'avant la crise financière internationale. Et cela il faut l'éviter à tout prix, faute de quoi on serait confronté à un très grave problème de crédibilité de l'action politique. Je crois donc que c'est tout à fait essentiel et il est très bon que l'Allemagne et la France aillent de l'avant ensemble.
Dans nos entretiens, nous avons également abordé d'autres questions. Je citerai notamment l'Iran. Le Premier ministre israélien est venu en Allemagne la semaine dernière, il a également été en France. Nous souhaitons vivement que le processus de paix au Proche-Orient soit relancé, mais à propos de l'Iran, il est important qu'il y ait une prise de position claire de la part de l'Iran. Est-ce que l'Iran est prêt au dialogue ? Est-ce qu'il est prêt à accepter les propositions de la communauté internationale ? Et si cela n'était pas le cas, à ce moment là, au mois de septembre, il en serait question à Pittsburgh. Au mois de septembre, on délibérera de nouvelles sanctions contre l'Iran. La France et l'Allemagne sont sur la même ligne, des sanctions plus dures devraient alors suivre et c'est une question dont nous traiterons intensivement au mois de septembre, notamment en marge de Pittsburgh. Nous continuerons nos discussions pendant le dîner tout à l'heure, nous parlerons des questions européennes et je suis heureuse que nous ayons eu la possibilité de nous rencontrer et, cher Nicolas, Monsieur le Président, je voudrais vous souhaiter chaleureusement la bienvenue.
LE PRESIDENT - Ecoutez, très rapidement parce que ce qu'a dit Angela est l'expression même de la réalité de nos entretiens. L'Allemagne et la France, nous voulons qu'à Pittsburgh les choses changent. Et que la communauté internationale comprenne que les excès de la spéculation et de la finance qui ont conduit à la crise ne peuvent pas reprendre comme s'il ne s'était rien passé. C'est une position commune entre nos deux pays. Dès demain, avec la Chancelière, nous enverrons une lettre au Président de l'Union européenne, M. REINFELD, pour préparer la réunion du 17 septembre, pour que l'Europe ait une position commune. Nous voulons mettre un terme au scandale des bonus.
L'Allemagne a pris des mesures, la France a pris des mesures. Que les choses soient claires, nous appliquerons ces mesures quelles que soient les décisions des autres. Mais il va de soi qu'à ce moment là, chacun devra assumer ses responsabilités devant l'opinion publique internationale et notamment ceux qui ne voudraient pas faire le même effort de régulation que sont en train de faire l'Allemagne et la France. Je ne rentrerai pas dans le détail des mesures £ élargir ce que nous avons décidé pour les traders aux dirigeants, comme l'a fait l'Allemagne, et pour l'Allemagne l'élargir aux traders c'est ce que nous envisageons. Nous détaillerons ces mesures dans la lettre que nous adresserons à la Présidence de l'Union européenne sur le délai pour toucher les bonus, sur les malus, sur un certain nombre de mesures, notamment celles qui consistent, pour nous, à ne pas travailler avec des banques qui ne respecteraient pas les règles. Il y a une position commune de l'Allemagne et de la France, nous voulons ensemble faire bouger les choses à Pittsburgh comme nous les avons faites bouger à Londres sur les paradis fiscaux.
Peut-être un mot sur Copenhague, où là aussi sur l'environnement, l'Allemagne et la France ont exactement la même position. Il est vrai qu'Angela fût, il y a quelques années, ministre de l'Environnement. Nous prendrons des initiatives aussi vers le Secrétaire général des Nations Unies pour demander ensemble la création d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Nous pensons que l'on ne peut pas traiter les problèmes du commerce dans le monde avec les seules règles commerciales et que la question des règles environnementales et sociales, c'est quelque chose qui nous préoccupe. Nous ferons des propositions très fortes en la matière et également sur la question de la concurrence déloyale avec les pays qui ne les respecteraient pas, notamment sur le mécanisme d'ajustement aux frontières.
Enfin, sur l'Iran, nous avons exactement la même vision. Nous avons soutenu la main tendue du Président OBAMA aux dirigeants iraniens, mais cette main ne peut pas rester tendue indéfiniment avec des dirigeants qui ne répondent pas. Il faut que dans le courant du mois de septembre, des initiatives soient prises qui tiennent compte, qui tiendront compte de la volonté ou non de l'Iran de coopérer. S'il y a une volonté de coopérer, alors on ira tranquillement vers la coopération. S'il n'y a pas de volonté de coopérer, l'Allemagne et la France unies demanderont un renforcement des sanctions.
Je voudrais à mon tour remercier Angela pour, au fond, la facilité que nous avons à travailler ensemble et la parfaite identité de vue sur l'ensemble de ces dossiers, parce que nous sommes persuadés que l'Allemagne et la France, ensemble, on peut faire bouger le monde. D'abord on est plus forts, mais surtout, à un moment où il y a tellement de choses à reconstruire, si l'Allemagne et la France parlent un même discours, alors nous avons vraiment une chance de faire bouger le monde. Pour que jamais ce qui nous a conduit où nous en sommes ne puisse revenir.
MME ANGELA MERKEL - Merci, nous avons le temps pour des questions de part et d'autre. Alors on commence par nos invités, du côté français d'abord.
QUESTION - Une question à Madame la Chancelière allemande. Est-ce que vous pouvez expliciter des cas où les banques se sont trouvées dans une situation trop puissante vis-à-vis des États ? Je n'ai pas bien compris votre première proposition. Et la deuxième, est-ce que vous soutenez, la lettre de M. STEINBRÜCK, qui dit qu'il faut envisager dès à présent les mesures de sortie de crise et qu'il faut envoyer un signal de durcissement monétaire en cas d'inflation ?
Une question à M. SARKOZY. Les 3 000 comptes dont parle M. WOERTH, comment vous les avez obtenus ? Est-ce que vous les avez obtenus de la même manière que l'Allemagne vis-à-vis du Liechtenstein ? Et pourquoi vous n'engagez pas des procédures judiciaires, mais seulement de redressement fiscal contre les personnes françaises concernées ?
MME ANGELA MERKEL - Alors, tout d'abord, quelles sont les dispositions que nous pouvons prendre pour ne pas être pris de court par la situation dans laquelle une banque nous dirait : soit l'État vient à notre secours dans les douze heures qui suivent, ou bien tout le système financier s'écroule ? Et face à cela, il faut un accord international, parce qu'un État ne peut à lui seul répondre à ce type de situation.
La France et l'Allemagne sont également touchées si une banque comme Lehman Brothers s'écroule, ce qui était le cas il y a un peu près un an. Donc il faut trouver un mécanisme. Moi j'aurais tendance à voir les choses de la façon suivante : c'est diminuer le niveau de risque des activités d'une banque en fonction d'un certain nombre de critères internationaux. Et plus une banque a des activités risquées, plus élevé doit être son ratio de fonds propres. Et de cette façon on s'assure que la banque peut assumer elle-même les risques qu'elle prend et n'appelle pas l'État au secours. Mais il faut que cela fasse l'objet d'un accord international et on n'en est pas encore là.
De même, ce qui me contrarie énormément, c'est que la convention Bâle 2 que les Européens ont mise en oeuvre et qui prévoit des règles de fonds propres extrêmement strictes à l'égard de banques, jusqu'à présent les Américains n'appliquent pas ces dispositions de Bâle 2 ce qui crée des distorsions de concurrence.
D'autre part, je soutiens la lettre de M. STEINBRÜCK. Il faut réfléchir aux stratégies de sortie de crise. C'est une des questions qui sera traitée à Pittsburgh en effet. D'une part, il faut avoir le comportement approprié pendant la récession, pendant la crise, mais il ne faut pas faire l'erreur qui est ce que l'on avait fait après le 11 septembre, de n'avoir et que l'on n'a jamais rendue plus rigoureuse la politique monétaire, ce qui a donné lieu à cette bulle qui a éclaté. Alors cette stratégie de sortie de crise ne doit pas être abrupte pour que l'on ne se retrouve pas dans les situations que l'on a connues en Amérique dans les années 30, les grands programmes de relance qui sont arrêtés du jour au lendemain, non cela n'était pas une bonne chose.
Donc il faut certainement avoir une approche progressive, mais de le faire sur un plan concerté international c'est autre chose.
Vous avez une troisième question pour moi ? Non ! Ah, politique des taux d'intérêt. Oui, on en parlera aussi, mais c'est lié aux stratégies de sortie de crise puisque la politique de taux d'intérêt est un élément dans les stratégies de sortie.
LE PRESIDENT - Que l'on aboutisse à un système où le montant des fonds propres demandés à une banque serait fonction des risques qu'elle fait prendre à ses clients, c'est vraiment une piste intéressante. Et c'est une initiative que la France soutient. Plutôt que de prévoir un même niveau de fonds propres, on définirait le montant des fonds propres en fonction des activités. Cela me semble parfaitement justifié.
S'agissant de l'origine des documents reçus par M. WOERTH, le ministre du Budget, il s'est expliqué lui-même. Je ne suis pas ministre des Finances, je l'ai été, et donc je ne peux que vous renvoyer aux déclarations, excellentes au demeurant, du ministre du Budget, mais il me semble que c'est tout à fait cohérent avec ce que nous avons fait, Angela MERKEL et moi, sur la fin des paradis fiscaux. Qu'est ce que nous avons dit ? Comment sortir de la liste noire ? Il faut qu'un pays signe au moins douze conventions internationales d'échange de renseignements. Maintenant, je vois que la France comme l'Allemagne, on est archi-demandés par des pays qui, jusqu'à présent, ne se bousculaient pas pour nous donner des renseignements. On en a des demandes de signature, c'est une très bonne nouvelle, c'est une excellente nouvelle.
Et troisièmement, le ministre a fixé jusqu'au 31 décembre à ces contribuables pour régulariser leur situation. Si le 31 décembre ils ne l'ont pas fait, alors nous envisagerons d'autres procédures. On ne peut pas, dans cette période de crise, accepter la fraude. On ne peut jamais l'accepter mais spécialement pas dans cette période de crise. C'est donc une action très déterminée et je suis très heureux de voir des pays comme le Luxembourg, le Liechtenstein, la Suisse, les Iles Caïmans, et d'autres, se précipiter pour signer les conventions d'échange de renseignements. C'est très bon signe, cela prouve au moins que Londres, cela a servi à quelque chose. Parce que vous vous interrogez à juste titre, est-ce que nos réunions servent à quelque chose ? Eh bien regardez, vous avez une partie de la réponse, je ne dis pas que c'est suffisant. Mais est-ce que cela serait passé pour l'Allemagne et pour la France si on n'avait pas fait Londres ? Tout le monde sait bien que non. Notre idée, avec Madame MERKEL, c'est de continuer à Pittsburgh.
QUESTION - Deux brèves questions. Tout d'abord pour enchaîner sur la question bancaire, Madame la Chancelière, vous avez dit que les Américains n'ont pas appliqué Bâle II, est-ce que vous vous attendez de la part des Américains à une forte résistance contre une régulation plus stricte des banques et contre la fixation d'un ratio de fonds propres par rapport aux risques ? Et deuxième question sur les questions européennes, je pose également la question au Président de la République, est-ce que vous pensez que M. BARROSO pourra être confirmé par le Parlement européen après les documents qui ont été envoyés ?
MME ANGELA MERKEL - En ce qui concerne le rôle des États-Unis, je ne crois pas que parce qu'ils n'appliquent pas Bâle II on puisse en déduire que ce seront les pays les plus difficiles. J'ai parlé moi-même avec le Président des États-Unis de cette question des fonds propres, c'est un sujet vivement débattu aux États-Unis aussi, mais il faut arriver à des faits. Et il faut voir que l'on s'inscrit également dans la suite de Londres. Les États-Unis ont appliqu?? certaines choses, l'Europe a appliqué certaines choses, les États ont appliqué certaines choses et maintenant il faut voir quel est le paysage concurrentiel qui en ressort. Certains sont plus strictes, d'autres le sont moins et il faut qu'on arrive à une bonne comparabilité. Pour ce qui est des entreprises financières de grande taille avec un fort niveau de risque, nous ne sommes pas encore dans une position tout à fait claire mais en ce qui concerne les Etats-Unis, je ne pense pas qu'ils soient forcément fermés à cette idée.
M. BARROSO, d'après ce que j'entends, l'élection sera mise à l'ordre du jour, le Président bien sûr présentera un rapport, les différents groupes parlementaires lui ont formulé leurs attentes, mais je crois que les choses sont en assez bonne voie. C'est mon sentiment en tout cas.
LE PRESIDENT - Ecoutez, sur Pittsburgh nous serons tous jugés sur des faits et non pas sur des discours. J'ai entendu les discours du Président OBAMA, ils sont totalement en harmonie avec ce que dit la Chancelière ou moi-même. Il ne s'agit plus maintenant que de les transférer sur des propositions, mais nous n'avons aucune raison de douter qu'on n'arrivera pas à cela. D'ailleurs il y a un point qui est très intéressant, c'est qu'il y a maintenant une opinion publique mondiale et moi j'observe, au-delà des intérêts de la City, au-delà des intérêts de Francfort, au-delà des intérêts de New York, au-delà des intérêts de Paris, que partout dans le monde les gens sont ulcérés par la pratique de bonus extravagants. Et cela, c'est très important et c'est nouveau.
En ce qui concerne le Président BARROSO, nous le soutenons. Il a été désigné à l'unanimité par les chefs d'État et de gouvernement et le Parlement européen a toujours demandé que le Président de la Commission soit choisi au sein de la famille politique qui a gagné les élections européennes. C'est le PPE et donc il n'y a plus aucune raison que les choses ne se fassent pas dans le courant du mois de septembre.
QUESTION - J'ai une question un peu plus générale sur le couple franco-allemand et l'Europe. Vous savez qu'après la décision de Karlsruhe, beaucoup se sont inquiétés en Allemagne mais aussi en France, même si c'était une décision assez technique, sur le fait que l'Allemagne peut-être abandonnait son rêve européen et son rêve fédéral. Je voulais savoir si dans la perspective des élections du 27 septembre, est-ce que vous avez déjà commencé à discuter tous les deux d'éventuelles initiatives importantes que le couple pourrait prendre après ces élections pour relancer la machine européenne et avoir des rêves comme l'euro, des choses qui dépassent encore la résolution de la crise financière évidemment ?
MME ANGELA MERKEL - Le débat sur l'Europe, nous l'aurons encore pendant le dîner mais je ne suis pas du tout inquiète que même après Karlsruhe, la France et l'Allemagne seront parfaitement à même de formuler de bonnes propositions européennes. Alors qu'est-ce qu'il s'est passé ? La Cour constitutionnelle allemande a dit clairement, comme l'a dit également le Président de la Chambre du tribunal concernée, que la Constitution allemande approuve le Traité de Lisbonne. Cela, c'est la règle de principe. Ce qui est en cause ici, c'est la question de savoir comment le Parlement est associé notamment la seconde chambre du Parlement, le Bundesrat, aux décisions prises en Europe. L'idée est la suivante, c'est qu'on a bien sûr la crainte que l'Union européenne, parfois, s'éloigne trop des citoyens et que les gouvernements nationaux ne soient pas suffisamment associés. Et donc la loi que nous allons approuver le 8 septembre et le 18 septembre - le Bundesrat devrait également approuver cette loi - donne une réponse à cette question.
Lorsqu'il y aura le Conseil européen extraordinaire, j'informerai les chefs d'État et de gouvernements de ce qui a été fait en Allemagne et les craintes que l'on a, à savoir que l'Allemagne ne pourrait plus prendre d'initiatives européennes. Ces craintes seront ainsi levées, je l'espère en tout cas.
Mais, la Cour constitutionnelle nous impose un certain nombre de restrictions quant à la possibilité de transférer des compétences. Donc je fournirai des informations à ce sujet et à la lumière de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, nous pourrons bien-sûr interpréter le Traité de Lisbonne comme le souhaite la Cour constitutionnelle mais sans mettre en cause le traité. La Cour parle de l'évolution future de l'Europe, mais ce que souhaite la Cour constitutionnelle, c'est que les parlements restent maîtres des traités et que les gouvernements ne puissent agir sans l'aval des parlements. Donc je ne crois pas que la France ait lieu d'avoir des craintes particulières
LE PRESIDENT - Juste une chose : moi je suis bien convaincu que l'amitié franco-allemande doit se nourrir de nouveaux projets, sans cesse, si c'était le sens de votre question. Il y a des élections très importantes en Allemagne, il ne m'appartient pas de m'insérer dans le jeu politique allemand mais, d'ores et déjà, sans anticiper le choix des Allemands, nous avons commencé avec la Chancelière à envisager l'avenir et ce que l'on pourrait faire ensemble pour être à la hauteur de nos prédécesseurs. Et il y a un grand nombre de champs de coopération où nous entendons bien prendre très rapidement des initiatives franco-allemandes qui permettent de donner d'autres horizons encore. Vous me permettrez de ne pas en parler maintenant pour une raison simple, c'est qu'il y a des élections en Allemagne. Moi, je travaille très bien avec Madame MERKEL et je souhaite que cela continue ainsi, mais d'ores et déjà, nous en parlons et nous y travaillons. En tout cas, avant la fin de l'année, si les choses se passent comme cela, nous prendrons des initiatives, des initiatives fortes pour montrer que l'Europe a besoin d'un axe franco-allemand et que le monde aussi, même s'il n'est pas exclusif, ce que j'ai toujours pensé.
QUESTION - Monsieur le Président, Madame la Chancelière, quel regard portez-vous sur l'attitude du gouvernement iranien à l'égard de l'opposition et comment pourrait-on renforcer les sanctions si Téhéran ne réagissait pas au mois de septembre ?
MME ANGELA MERKEL - Tout ce que je peux dire c'est que la façon de traiter l'opposition en Iran ne correspond pas à notre façon de voir les choses et de considérer comment il faut traiter ceux qui pensent autrement. Je vois régulièrement des Iraniens qui vivent en Allemagne et qui me sollicitent, très émus, et me demandent d'intercéder pour ceux qui sont en prison, pour ceux qui sont condamnés. Beaucoup d'Iraniennes notamment s'adressent à moi quand je traverse le pays pendant cette campagne électorale et, c'est très émouvant. Il faut être très attentif et, avec le ministre des Affaires étrangères, j'ai demandé à notre ambassade de faire une liste des cas de ce type pour que l'on n'oublie pas, purement et simplement, tel ou tel et que des gens se retrouvent sans voix. C'est une chose très malheureuse et nous faisons tout ce que nous pouvons pour obtenir une amélioration. La France notamment a engagé des efforts très soutenus en ce sens.
Pour ce qui est du type de sanctions, ceci fait l'objet de discussions internationales et il ne serait pas étonnant que ces sanctions puissent, par exemple, être dans le domaine de l'énergie mais je ne voudrais pas parler des détails maintenant. Cela ne sert à rien puisqu'il faut essayer d'asseoir ces sanctions sur un socle assez large. Ceci devra être l'objet de discussions « E3+3». Il y a les premiers pourparlers actuellement mais il faut que l'Iran sache que nous sommes parfaitement sérieux. Nous n'allons pas laisser le temps courir indéfiniment et la décision que nous avons prise au G8 de l'Aquila avec l'échéance de septembre est pour nous quelque chose de tout à fait sérieux.
LE PRESIDENT - Comment pourrions-nous fermer les yeux sur une réalité qui est dénoncée en Iran même, par de grands dignitaires du régime ? Il serait singulier que des dirigeants européens qui portent des valeurs de démocratie et de respect de la dignité humaine en disent moins qu'un certain nombre de dignitaires du régime iranien qui ont dénoncé - et avec quel courage - les tortures qui ont été imposées à des opposants. Je voudrais dire combien nous sommes admiratifs du courage du peuple iranien dont je veux redire qu'il mérite mieux que les dirigeants actuels. On ne peut pas fermer les yeux et moi, je crois à l'efficacité des sanctions. Je crois qu'entre l'immobilisme et la confrontation brutale, il y a un autre chemin pour faire comprendre et pour aider. Les Iraniens sont un grand peuple. Et quand vous voyez des dirigeants iraniens aujourd'hui qui disent que des gens ont été violés, ont été torturés, ont été assassinés, ce n'est pas l'étranger qui le dit, ce sont des dirigeants eux-mêmes.
L'Europe ne peut pas fermer les yeux et le monde ne peut pas fermer les yeux. Il y a un moment où il y a un rendez-vous pour prendre des décisions. On ne peut pas différer des décisions. Alors, la nature des sanctions, Monsieur, il y a beaucoup d'idées, il y a beaucoup de possibilités, beaucoup plus qu'on ne le croit. A une seule condition, c'est que ce soit l'ensemble de la communauté internationale qui soit convaincue de la nécessité des sanctions. Voilà le problème, il est là le problème. Pas dans la nature des sanctions, nous savons très bien où il faut appuyer, mais dans l'unanimité et la solidarité de la communauté internationale, c'est sur cet axe que, Madame MERKEL et moi, nous allons beaucoup travailler. Je vous remercie.