25 août 2009 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le respect par les banques de leurs engagements de financement de l'économie et sur le versement des bonus des traders en fonction des résultats, à Paris le 25 août 2009.

Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, nous entrions dans l'une des pires crises financières de notre histoire. La France a réagi avec détermination. La France a mieux résisté que ses partenaires. La France est néanmoins confrontée cette année, comme tous les autres pays, à la récession et au chômage qui résultent de cette crise internationale. Notre économie a besoin d'un secteur financier fort, au service de l'économie réelle, et non pas de la spéculation.
Les choses ne peuvent pas, ne doivent pas recommencer comme avant. C'est un engagement que j'ai pris devant les Français. C'est un engagement qui sera tenu. C'est une question de morale. C'est un enjeu crucial pour assurer la stabilité financière. C'était donc l'enjeu de cette première réunion de rentrée dont j'ai souhaité qu'elle soit consacrée au secteur bancaire.
Nous avons traité deux questions: la première s'agissant du respect par les banques de leurs engagements de financement de l'économie.
Avec Christine Lagarde et le Premier ministre, François Fillon, nous avons demandé aux banques de respecter les engagements qu'elles ont pris d'augmenter les encours de crédit à l'économie.
Nous leur avons demandé de faire un effort particulier sur le financement du logement. Il faut que d'ici la fin de l'année, les encours de crédit aux ménages pour le logement repartent à la hausse.
Nous leur avons demandé d'accorder une attention particulière au financement des PME : l'existence d'entreprises viables ne doit pas être mise en danger par des problèmes de trésorerie. Le médiateur du crédit, qui fait un travail extraordinaire, et les Préfets y veilleront.
Pour les entreprises qui connaîtraient des problèmes de fonds propres, j'ai demandé aux banques qui l'ont toutes accepté, de souscrire, avec les assureurs et le FSI, à un fonds de consolidation et de développement des entreprises, doté de 210 Meuros.
Quant à Mme Lagarde, elle me fera une proposition avant la fin du mois de septembre pour créer un guichet public de soutien aux fonds propres des entreprises petites et moyennes, sous la forme par exemple de prêts participatifs. Je ne cache pas que dans le cadre de nos réflexions sur le grand emprunt, la question des fonds propres aux PME est une question absolument décisive.
Deuxième sujet : le bonus des traders. J'ai été scandalisé de voir les leçons de la crise si vite oubliées par certains alors même que la page de la crise n'est pas tournée même s'il y a eu quelques bonnes nouvelles. Ce n'est pas acceptable. J'ai donc pris trois décisions :
La première, c'est que la place de Paris doit être irréprochable. J'ai demandé aux banques françaises d'être exemplaires et d'accepter des règles opérationnelles et précises, qui s'imposent immédiatement.
Je n'accepte pas le raisonnement qui consiste à dire nous attendons que les autres avancent pour avancer. Avec cela, on peut attendre longtemps, personne n'avancera ! Donc la France va avancer avant les autres.
Ces règles permettront d'améliorer la gouvernance, d'accroitre la transparence et d'assurer la responsabilité des acteurs. Le versement des bonus sera désormais en partie différé pour tenir compte des résultats. 2/3 des bonus seront versés de manière différée. Un tiers de la partie différée du bonus sera versé en titres de l'entreprise où travaillent les traders. Et surtout, un système de malus sera mis en place : si les performances ne sont pas au rendez-vous dans la durée, la partie différée du bonus ne sera pas versée.
Avant la réunion d'aujourd'hui on versait des bonus, les traders prenaient des bonus, l'année suivante leur activité perdait de l'argent, c'est le contribuable qui payait. Désormais le trader qui réalise un bonus, parce que sur la 1ère année il a fait des bénéfices sur son activité devra attendre 3 ans pour toucher l'intégralité des bonus et si dans les 2 années qui suivent son activité perd de l'argent, le bonus s'appliquera immédiatement, il ne touchera pas son bonus. Pas de bonus sans malus. Ce n'est pas « à tous les coups l'on gagne ». Ce n'est pas au contribuable de payer.
Aucun Etat n'a adopté de règles aussi précises et aussi contraignantes que celles que je viens d'évoquer.
Je note avec satisfaction que le directeur général de la BNP Paribas nous a indiqué être prêt à appliquer ces nouveaux standards dès aujourd'hui, ce qui lui permettra de ne verser que la moitié du montant provisionné au titre du 1er semestre, le milliard devenant 500 millions. Je demande au gouverneur de la Banque de la France d'être particulièrement vigilant sur l'application de cette première mesure.
Ces règles seront strictement contrôlées. La commission bancaire interviendra dans toutes les banques établies en France à partir du mois de septembre pour contrôler l'application de ces règles. Le résultat de ses investigations sera rendu intégralement public.
Je souhaite aussi que les banques qui ne joueront pas le jeu soient sanctionnées. Je vous annonce avec Mme Lagarde une autre décision. Désormais l'Etat français n'accordera aucun mandat aux banques qui n'appliqueront pas les règles en matière de rémunération des traders. Que les choses soient claires, nous ne travaillerons pas avec des banques qui n'appliquent pas ces règles.
Deuxième décision, ensemble de décisions, le contrôle de l'aide de l'Etat va être renforcé.
L'Etat a apporté des fonds aux banques pour les encourager à prêter aux entreprises et aux ménages. Je nommerai une personnalité qualifiée chargée de contrôler les rémunérations des traders dans les banques qui ont reçu un soutien de l'Etat en fonds propres. Il disposera d'un pouvoir de recommandation sur les systèmes de rémunérations et les versements individuels pour les 100 traders les mieux payés. Si ses recommandations ne sont pas suivies il saisira la commission bancaire, le Conseil d'Administration de l'établissement et le cas échéant l'Assemblée Générale des actionnaires. Cette personnalité, ce tsar des rémunérations sera Michel Camdessus.
Troisième décision : la France prendra une initiative internationale pour accroître le contrôle sur les bonus.
Il va de soi que le sujet des bonus ne peut être traité par la France seule. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Comme pour les paradis fiscaux, l'action la plus efficace sur le long terme est internationale. A Pittsburgh se jouera une partie décisive. La France dira à ses 19 partenaires qui représentent 85% du PIB mondial : « Voilà non pas ce que nous nous apprêtons à faire, mais ce que nous avons décidé ». Et par l'intermédiaire de Christine Lagarde nous allons sensibiliser l'ensemble des opinions publiques internationales pour dire qu'il est possible de changer les règles du capitalisme financier. Et nous arriverons à Pittsburgh avec les décisions que nous avons déjà prises. Et nous mettrons sur la table une initiative qui comportera trois volets :
D'abord, nous voulons que le G20 adopte les règles de transparence, de gouvernance, de responsabilité qui sont désormais celles de la place de Paris. Et dès dimanche à Berlin, avec Mme Lagarde, nous rencontrerons la Chancelière Merkel et le Ministre Steinbruck pour les convaincre de tirer dans le même sens que nous.
Ensuite, au G20, nous demanderons de nous entendre sur des sanctions renforcées pour ceux qui ne joueraient pas le jeu. Je proposerai que les Etats n'accordent plus de mandat aux banques qui ne respecteraient pas les règles internationales en la matière, comme nous le faisons en France à partir d'aujourd'hui.
Enfin, il faudra sans doute aller au-delà, et poser la question de la limitation du montant des bonus. Et cette limitation, chacun le comprend, ne peut être qu'internationale pour le coup. Parce que si l'on décidait de limiter simplement en France, tout le monde part. Je souhaite que le G20 examine plusieurs propositions : une limitation globale des bonus distribués en pourcentage des revenus des banques de financement et d'investissement, première proposition £ une limitation des bonus les plus élevés, deuxième proposition £ et la création dans toutes les places financières d'une taxe assise sur les bonus distribués dont le produit alimenterait les systèmes de garanties des dépôts, qui sont sollicités en cas de crise.
La question des bonus, de la transparence, des transferts de responsabilité sera une question essentielle au sommet de Pittsburg. Je serai flexible sur les modalités mais pas sur le fond. La réforme engagée à Londres se poursuivra. C'est non-négociable. Quant à la France, à partir d'aujourd'hui, Madame la Ministre comme le Gouverneur de la Banque de France, voilà les règles qui s'appliqueront. Je veux remercier d'ailleurs l'ensemble des dirigeants de banques qui ont accepté ces règles et qui ont pris l'importance de les traduire dans les faits dès maintenant. Il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie. S'il y avait une ou deux questions, Madame Lagarde et moi-même, on essaierait bien d'y répondre bien volontiers.
QUESTION - inaudible.
LE PRESIDENT - Ce n'est pas moi qui gère les banques et je n'ai pas à porter de jugement là dessus et cela dépend des résultats de chacun. Mais je suis satisfait de la diminution de 50% par une seule réunion. Ce sont les engagements que l'on a pris devant la Ministre et devant moi, j'entends qu'ils soient tenus.
Je suis satisfait aussi que l'ensemble de nos partenaires aient compris qu'il fallait s'appliquer maintenant des règles et ne pas attendre les autres. Que la bataille ne soit pas finie, je suis le premier à le reconnaître. Nous vivons dans un monde global et il ne s'agit pas pour nous de décrédibiliser la place financière de Paris. Mais je crois que mes interlocuteurs ont compris que si les banques françaises avaient été moins imprudentes que les autres, avaient pris moins de risques que les autres, ce qui valait pour les subprimes hier, doit valoir aujourd'hui pour les bonus. Et, que finalement, c'était peut-être un argument de compétitivité de la place financière de Paris que de dire que les banques françaises seront raisonnables en matière de rémunération.
Voilà, maintenant, après il faut que les banques se gèrent, ce n'est pas à l'Etat de gérer toutes les banques, même si, pour les banques qui bénéficient de fonds de l'Etat - n'est-ce pas Christine - Monsieur Camdessus aura son mot à dire. Ecoutez, je vous demande d'enquêter là-dessus, je pense que dans l'ensemble des mesures que nous vous annonçons avec Madame Lagarde, il n'y a pas un pays au monde qui ne se soit doté d'un système plus rigoureux.
Alors, je vais tout vous dire. Après Pittsburg, nous nous sommes engagés à revoir les banquiers. Et cela me paraît loyal parce qu'on leur impose des règles que les autres n'ont pas avant Pittsburg. On va se battre à Pittsburg pour que tout le monde prenne ces règles et on fera le point après Pittsburg. Moi, je ne reviendrai pas sur ces règles. Mais on fera le point sur la compétitivité de la place de Paris et les règles que leurs concurrents internationaux ont été décidés ou non à appliquer.
Je suis persuadé que le rôle de la France est d'être dans l'initiative et pas de subir. C'est trop facile, alors que tant de gens souffrent, de dire « on attend que les autres bougent pour bouger ».
Finalement, regardez, sur les paradis fiscaux, on aurait pu aussi attendre que les autres bougent. Rien ne se serait passé. Et quand je vois ce qu'il se passe avec UBS, la banque suisse qui dénonce au fisc américain quatre milliers de fraudeurs, je trouve que cela va dans le bon sens. Cela prouve que l'on peut faire bouger les choses, il n'y aucune raison pour que l'on n'y arrive pas.
En tout cas, sur la France, les banques qui bénéficient de fonds publics seront désormais soumis au contrôle d'un tsar des rémunérations qui vérifiera pour les cents plus importantes rémunérations des traders si c'est conforme aux engagements pris et puis, surtout, un système de malus.
Ceux qui font gagner de l'argent par leur activité, qu'ils aient un bonus. Mais s'ils font perdre par leur activité, qu'ils en payent les conséquences. Ce n'est pas au contribuable de payer à leur place.
QUESTION - inaudible
LE PRESIDENT - La City, c'est déjà un premier pas, ce sont plus des voeux que des décisions. Avec Christine Lagarde et François Fillon, nous avons voulu des décisions mais j'en parlerai aussi avec Monsieur Brown. Mais, l'ambition de la France, c'est de montrer le chemin, pas de subir. En tout cas, il y a une question qui est non négociable : ça ne recommencera pas comme avant. Ce n'est pas possible. Nous ne l'accepterons pas. Cela a été suffisamment difficile d'éviter la catastrophe, cela ne va pas repartir, je ne l'accepterai pas.
Je vois bien dans votre question que vous vous interrogez sur les limites de l'action de la France. Bien sûr, vous avez raison, on est dans un monde de compétition. Mais c'est trop facile de dire, on ne fait rien parce que les autres ne bougent pas. Ce n'est pas comme ça que l'on fait bouger les choses. Nous, on fait, on se découvre les premiers et on entrainera tout le monde.
QUESTION - Inaudible.
LE PRESIDENT - J'en ai parlé à Madame Lagarde, ce n'est pas un secret, dans une conversation téléphonique hier, absolument, il n'y a aucune raison. Vous savez, c'est une crise difficile, c'est une crise complexe, c'est une crise qui fait souffrir et il faut que les gens aient le sentiment que l'on fasse attention à cette question de justice et d'équité. Encore une fois, la question n'est pas que les gens gagnent beaucoup d'argent, je n'ai jamais été contre. Mais quand ils font des erreurs, il n'est pas normal qu'ils n'en assument pas les responsabilités. Ce n'est pas admissible. Ce n'est pas admissible, ça ne peut pas être à tous les coups, on gagne. On ne peut pas s'être trouvés, il y a six mois, dans la même salle de réunion où l'on était au bord du gouffre et où les Etats ont évité le collapse et voir repartir cela.
QUESTION - Inaudible.
LE PRESIDENT - Ecoutez, j'en parlerai à Monsieur Steinbruck et à Madame Merkel mais franchement, sur les juridictions non coopératives, parlant sous le contrôle de Christine Lagarde, j'ai été bien content que l'on fasse le travail en commun avec l'Allemagne. Cela a été très difficile, je ne vous le cache pas. Mais enfin, quand je vois l'empressement de Monaco, du Liechtenstein, du Luxembourg, des îles Caïman, sans parler de la Suisse, à signer les fameuses douze conventions. Car, vous savez que pour ne pas être une juridiction non coopérative, il faut signer douze conventions d'échange de renseignements fiscaux. Et, jeudi, nous le signerons avec la Suisse.
QUESTION - inaudible
LE PRESIDENT - Je vous demande de bien vouloir m'excuser mais j'ai voulu sur cette rencontre sur ce sujet, qui est un sujet très difficile et très sérieux. Je m'en tiendrai à cela, qui est déjà important. Et, peut-être que dans les jours qui viennent on aura l'occasion de se revoir.
Je vous remercie et j'espère que vous avez passé de bonnes vacances.