26 juin 2009 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'avenir de l'Outre-mer notamment des Antilles, à Petit Bourg en Guadeloupe le 26 juin 2009.
Mes chers compatriotes,
Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous, ici, sur cette terre de Guadeloupe avec laquelle j'ai tissé au fil du temps un lien particulier. Puisque ces dernières années, je suis venu à plusieurs reprises à votre rencontre : comme Ministre de l'Intérieur, comme candidat à l'élection présidentielle et, aujourd'hui, comme Chef de l'Etat.
On peut, sans doute, me trouver beaucoup de défauts, l'inconstance n'est pas le défaut le plus spontanément cité. Mon attachement à la Guadeloupe est fort, comme l'est votre attachement à l'égard de notre République.
Vous m'avez toujours accueilli avec chaleur, avec amitié et en étant toujours exigeants. A chaque fois, j'ai tenu à répondre à cette exigence en m'adressant à vous de manière franche et directe, sans franchise, sans langage direct, il n'y a pas de respect et on fait comme cela entre amis. Et c'est comme cela que l'on pourra décliner ces belles notions de responsabilité et de confiance.
Je ne suis pas venu vous faire un grand discours émaillé d'annonces. Parce que j'ai entendu la demande qui a été formulée. Les Guadeloupéens veulent assumer leur responsabilité, veulent réfléchir par eux-mêmes. Quel serait le sens des états généraux si je venais les conclure avant même qu'ils n'aient été conclus par les Guadeloupéens eux-mêmes. Le temps des décisions viendra en octobre. Je suis venu donc vous parler de l'essentiel : du lien qui nous unit et de notre République.
La crise qu'a connue la Guadeloupe nous a tous interpellés : Français de Guadeloupe et de métropole, élus, partenaires sociaux, représentants de l'État. Il ne me viendrait pas une seconde à l'esprit d'en minimiser la signification et la portée. Je ne sous-estime nullement ce que vous avez pu ressentir. Je sais que certains d'entre vous ont pu éprouver un sentiment d'abandon, accentué par l'effet de l'éloignement. Mais croyez le bien, durant cette crise complexe et longue, j'ai chaque jour suivi ce qui se passait ici avec la plus grande attention pour comprendre. Beaucoup des décisions qui ont été prises l'ont été dans le but d'assurer, en priorité, la sécurité des personnes et des biens. Tout n'a pas été parfait, mais nous avons évité le pire, même si je n'oublie pas qu'un homme est mort en Guadeloupe.
Pendant cette crise ont été mis à jour des problèmes bien réels comme la transparence des prix. Que chacun soit bien convaincu que j'irai jusqu'au bout. Je veux, moi aussi la vérité et la transparence. La ministre aura sur sa table dans quelques jours un rapport. Je le dis au Président, il n'y aura rien de dissimulé : préoccupation sur le pouvoir d'achat (en vérité c'est la préoccupation de l'emploi et donc de la formation), préoccupation sur la répartition des richesses, préoccupation de l'accès des Guadeloupéens aux responsabilités la Haute administration et dans l'entreprise.
Je sais le sentiment d'injustice qui habite nombre de Guadeloupéens face à ces inégalités. Et ce sentiment, non seulement ne me choque pas, mais je suis prêt à le partager sur bien des points.
C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative de réunir vos élus à l'Élysée et ai décidé d'un certain nombre de mesures d'urgence qui étaient nécessaires : mise en place du RSTA pour les plus modestes, aide à la restauration scolaire ou encore alignement du forfait de charges de l'allocation logement ...
Au-delà de ces mesures d'urgence, nous avons définitivement adopté de façon consensuelle, la « LODEOM », le 13 mai dernier. Cette loi porte en elle les germes d'un développement économique endogène au bénéfice de l'emploi local et du pouvoir d'achat. La LODEOM, c'est un contrat de confiance passé avec vous. C'est une loi qui affirme la capacité des territoires d'outre-mer, et donc de la Guadeloupe, à générer leurs propres emplois, à créer leurs propres richesses, à prendre en charge leur destin. Je veux tourner la page d'une économie centrée exclusivement sur l'assistanat et la consommation pour proposer un modèle d'économie endogène de production. Victorin ne m'en voudra pas de dire cela. Il y aurait quand même une singulière incohérence à dresser le constat d'une situation à ce point mauvaise dans tant de secteurs et à considérer qu'il n'y a rien à changer. Je suis responsable de beaucoup de choses, mais enfin, je découvre quand même une réalité qui n'est apparu avec mon élection ! Mais vous savez ce que j'essaye de faire avec vos élus, c'est de réussir. Et ce n'est pas une question de tempérament. Mais je vois bien les choses : pas de bonne formation pour vos jeunes, des problèmes de santé publique, des injustices, pas de transparence, la continuité territoriale imparfaite. Beaucoup d'amertume, c'est quand même la conséquence, toute majorité confondue, d'un statut quo, d'un immobilisme et d'une situation où chacun venait faire des discours, exotiques, pleins de bons sentiments et s'exonérant de résultats. Je ne suis pas venu faire un discours exotique. Je suis venu parler à des compatriotes sur le territoire de la République française pour trouver des solutions à des problèmes extrêmement difficiles.
On a mis en place de nouveaux outils, je pense aux zones franches globales d'activités que j'avais promises, -je m'en souviens très bien, on en avait parlé et il y avait une grande ouverture de votre part-, sur la zone franche globale d'activités, parce que là aussi il y avait une incohérence. Il existait des zones franches, mais sur des petits territoires alors que la Guadeloupe est déjà un petit territoire. Donc on avait à l'intérieur d'un territoire -la Guadeloupe- des sous-territoires qu'on mettait en quelque sorte sous cloche en expliquant aux entreprises qui s'y installaient qu'on pouvait investir dans tous les domaines. Naturellement, cela ne se faisait pas. J'ai préféré une zone franche globale qui s'adresse à la totalité de la Guadeloupe pour peu qu'on choisisse quelques secteurs prioritaires pour investir massivement. Je sais bien qu'il y a le problème de la double insularité, mais la question de la pauvreté et de l'injustice, de la formation, du chômage, c'est toute la Guadeloupe qui est concernée avec cela.
J'ai proposé en pleine crise à vos élus -- qui l'ont accepté - avec courage et je les en remercie d'organiser la plus grande consultation jamais réalisée par un Gouvernement sur l'avenir de l'outre-mer. Ce n'était pas simple dans la situation de violence, de blocage, d'incompréhension, d'organiser ces états généraux. D'ailleurs, cela a été poussif au début et puis cela s'est développé par la suite. Je vous annonce une chose, c'est que je tiens tellement à ces états généraux que je proposerai, si vous en étiez d'accord, que le « comité d'organisation » des états généraux se transforme, au mois d'octobre, quand nous annoncerons les décisions, en « comité de suivi » des états généraux des outres mers. Comme cela, il sera parfaitement simple et transparent. Moi, je ne peux pas réclamer la transparence sur la formation des prix et ne pas l'appliquer à l'action de l'Etat et du Gouvernement de la République. Et ce comité de suivi aura comme tâche de comparer les engagements qui ont été pris et leurs réalisations. J'ajoute une deuxième proposition, nous sommes prêts à dégager des moyens pour vous donner les instruments d'un suivi des prix, de l'activité économique, des indicateurs économiques et sociaux, sur le territoire de la Guadeloupe, parce qu'on ne peut rien évaluer si on n'a pas les instruments qui permettent une évaluation crédible et objective.
Je vous propose, Monsieur le Président du Conseil général, Monsieur le Président de la région, mesdames et messieurs les élus qu'on débatte des modalités de ces organisations.
Je suis convaincu d'une chose, il n'y a que le dialogue, que le travail approfondi en commun qui pourra apporter des solutions durables. Alors je vais aller un peu plus loin pour que chacun me comprenne bien. Aucune solution ne peut naître du désordre et de la violence, aucune. Je respecte toutes les convictions, c'est la démocratie. Mais je n'accepterai pas le désordre et la violence. Aujourd'hui, les États généraux, ce sont les vôtres £ ils sont bien engagés.
Le point d'étape que vos rapporteurs généraux viennent de faire augure bien de la suite de vos travaux. Si vous faites émerger des propositions concrètes et audacieuses, vous pourrez compter sur moi pour les faire vivre et vous accompagner sur le chemin que vous aurez choisi d'emprunter. Je présiderai le premier « Conseil interministériel de l'Outre-mer » de l'histoire de la République, dans le courant du mois d'octobre. Et croyez bien que nous serons au rendez-vous des décisions.
En revanche, et parce qu'un large travail de consultation démocratique a été engagé en accord avec vos élus, je serai très ferme sur le respect des principes républicains en Guadeloupe. Beaucoup d'audace pour vous aider à mettre en oeuvre vos projets, une complète fermeté sur les principes républicains.
Alors que des accords ont été conclus, que des mesures importantes ont été prises et qu'un processus de travail collectif a été engagé, je constate que des grèves se poursuivent avec leurs lots de défilés, d'occupations et d'invectives entre Guadeloupéens.
Je m'interroge sur les finalités poursuivies par ceux qui entretiennent ces désordres de façon souvent artificielle. Le droit de grève, c'est un droit légitime. Il est un outil de revendication normal dans une démocratie. Mais il ne peut être utilisé comme un instrument de propagande et de déstabilisation politique. Je vous le dis tout net : je ne suis pas prêt à accepter l'inacceptable ni en Guadeloupe, ni sur aucun centimètre carré de la République française.
Comprenez-moi bien, le pendant de la mobilisation des crédits, l'audace dont on fera preuve pour vous aider sur le chemin de l'identité et de la différence doit s'accompagner d'un strict respect des valeurs républicaines. Je ne peux pas accepter que l'on menace ouvertement des responsables publics ou que l'on constitue des groupes d'intimidation violents. L'autorité de l'État sera assurée en Guadeloupe £ que nul n'en doute.
Je n'accepterai pas que l'on stigmatise une catégorie de citoyens en raison de leur origine, quelle que soit cette origine. On ne répond pas à un racisme en créant les conditions d'un autre racisme. On combat tous les racismes.
Je ne peux pas accepter que l'on entrave le fonctionnement démocratique de nos institutions, en empêchant des élus locaux de se réunir, ou en contestant à un tribunal le droit de délibérer librement.
La démocratie est notre bien le plus cher. Certains de nos compatriotes, aux Antilles, je leur ai rendu hommage hier, sont morts pour la défendre. Leurs successeurs se sont battus pour la faire vivre. Les Guadeloupéens ont versé leur sang pour défendre la démocratie et la liberté, qui sont indissociables. La cérémonie d'hommage aux dissidents antillais que j'ai présidée, hier, nous l'a rappelé avec force...
Rien ne peut se substituer à la légitimité démocratique. Ce mécanisme qui garantit que chacun, dans le secret de l'isoloir, peut s'exprimer librement sans subir de pressions. Ce mécanisme qui garantit que tous les citoyens puissent faire entendre leur voix, y compris la majorité silencieuse qui ne manifeste pas.
Aujourd'hui, je sais combien l'atmosphère est encore lourde dans l'Archipel... Je suis lucide. Les Guadeloupéens, je le sais, ont encore du mal à se parler entre eux. A force de rendre l' « Autre » toujours responsable de tous les maux, la méfiance et le ressentiment se sont installés un peu partout. Cet « Autre » si commode à désigner comme bouc-émissaire: le voisin, le patron, le Français de l'Hexagone, l'élu, le représentant de l'Etat, l'immigré... Est-ce de cette société dont vous voulez ? Moi, je n'en veux pas. Est-ce dans un monde replié sur lui-même que l'on pourra élever vos enfants ? Je ne le pense pas.
Je crois bien connaître les Guadeloupéens. Je vous sais profondément attachés à la démocratie et à la liberté. Cette démocratie et cette liberté qui paraissent si naturelles mais qui manquent si cruellement quand elles viennent -démocratie et liberté- à être entravées.
Je suis certain que les Guadeloupéens veulent une société dans laquelle on est libre d'avoir des opinions et de penser différemment, sans avoir peur pour soi, pour sa famille ou pour ses biens. Enfin nous sommes au XXIème siècle. Une société dans laquelle on doit être solidaire et se rassembler pour relever des défis communs.
Vous savez, il est très aisé de dénoncer, de combattre et de détruire. Il est bien plus difficile de proposer, d'agir et de construire ! Proposer, agir, construire, cela demande de l'imagination -et les états généraux, vous en faites preuve- de la ténacité et de l'humilité. Je sais bien qu'au début du processus, Monsieur le bâtonnier, il y a beaucoup de gens qui doutaient et qui se disaient : « Allez, encore une fois on va nous demander notre avis, ils n'en feront rien ». Bien sûr c'est ce que pensait un certain nombre. Bien sûr que moi-même je me suis interrogé pour savoir quel était le bon moment pour venir en Guadeloupe. Vous croyez que c'est si facile ? Vous-même dans votre propre famille, dans vos propres activités professionnelles, c'est si facile de savoir le bon moment où la personne en face de vous est prête à entendre, à dialoguer et à comprendre ? Je voulais venir, je suis là, parce que je sais qu'on ne peut pas se permettre d'échouer. Faites confiance à ma lucidité. Je sais parfaitement que si on n'apporte pas des réponses concrètes, alors la Guadeloupe, les Antilles, connaîtront de nouveaux soubresauts. Et cette fois-ci, ce sera encore plus grave. Je le sais parfaitement. Je veux qu'on arrive à apporter des résultats, des solutions par le dialogue, par la démocratie et par les valeurs de la République. Personne ne me forcera la main sur ce point. La Guadeloupe mérite mieux que la violence. Et d'ailleurs, comment dire qu'on aime la Guadeloupe et qu'on refuse d'en parler ? Comment justifier qu'on a des convictions et qu'on n'est pas prêt à les confronter avec les autres Guadeloupéens ? Quel étrange raisonnement. Mais si certains ont des idées si extraordinaires, qu'ils ne nous les apportent pour que nous puissions en discuter et évaluer leur faisabilité. Si quelqu'un à des choses à dire, qu'il vienne les dire. Chacun est invité. Je le dis d'autant plus que je ne ramène pas les événements de février qu'à du négatif, parce que cela nous met tous en situation d'être obligés d'apporter une réponse.
Donc, vous voyez, je ne suis pas du tout venu tenir un discours binaire en disant il y a le bien et le mal ou le noir et le blanc, ce qui est positif et ce qui est négatif. Je pense que, dans cette crise, il peut y avoir du positif en obligeant chacun à faire un pas vers l'autre et notamment l'Etat.
Mais franchement, maintenant, il est temps de regarder plus loin et de bâtir.
Alors, vous avez beaucoup réfléchi à ce que devrait être la Guadeloupe dans 20 ans. Il est temps de rassembler les idées et les projets de chacun, sans aucune exclusive. Je dis bien « sans exclusive », je souhaite tendre la main à tous ceux qui se sont mobilisés durant le long mouvement social, y compris, bien sûr les syndicats. Vos idées, vos projets sont les bienvenus. Il y a un processus, allez, participer à ce processus £ on tiendra compte de tout ce qui aura été dit et proposé.
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : ou bien la Guadeloupe se referme sur elle-même et elle s'enlisera dans une crise économique et sociale ravageuse, ou bien nous arrivons tous ensemble à sortir de cette crise en bâtissant rien d'autre qu'un nouveau projet de société.
Seuls les Guadeloupéens peuvent en définir les contours.
Cet archipel a toujours été une terre d'accueil et de métissage et personne n'a le droit de rejeter une partie de nos concitoyens. Indiens, Syro-libanais, Noirs, Asiatiques, « Békés », Métropolitains,... vous êtes tous Français, vous êtes tous Guadeloupéens ! Et la Guadeloupe ne peut pas faire l'économie de tel ou tel de ses enfants. On a besoin de l'intelligence de tout le monde. C'est l'Histoire qui vous a réunis, vous avez contribué tous à façonner ce territoire, vous avez partagé des valeurs fondamentales. Ne laissez personne vous diviser, ne laissez personne vous dresser les uns contre les autres ! Car la première victime de cette situation, ce sera la Guadeloupe. Voilà une vérité que je voulais vous faire partager.
Que ceux qui ont un projet alternatif de société pour la Guadeloupe l'exposent ! Qu'ils se présentent devant les électeurs guadeloupéens qui feront, alors, leur choix librement ! Il n'y a pas deux sources de légitimité dans une démocratie, il n'y en a qu'une : celle de l'élection.
Nos institutions, vos institutions, permettent le débat et permettent de faire des choix démocratiques. Je vous le dis clairement -et j'ai beaucoup apprécié ce que tu viens de dire Victorin- le discours de ceux qui agitent le fantasme de l'oppression coloniale n'est plus crédible en 2009. C'est un élément de l'histoire de l'île. On ne peut pas construire tout le projet politique pour l'avenir sur cette seule question.
Cela ne veut pas dire que je nie les souffrances passées et les erreurs qui ont pu être commises. Je dis simplement que, je suis le Président de la République d'aujourd'hui, j'ai donc en charge de préparer l'avenir de tous les Français, sans distinction de couleur, d'origine ou de confession. L'Etat a changé et il est faux de prétendre qu'il est un monstre froid, un rouleau compresseur des identités locales... Ce discours est, chaque jour, contredit par la politique menée par les gouvernements successifs. Même si on n'a pas encore trouvé l'équilibre exact entre égalité et singularité.
Pour ma part, j'ai toujours eu l'intime conviction que les collectivités d'outre-mer ne pouvaient pas être gérées comme celles de métropole. A ceux qui souhaitent que leur territoire dispose de davantage d'autonomie, ma réponse n'a jamais varié.
Je suis ouvert à toute demande d'évolution qui serait formulée par vos élus.
Quels que soient les souhaits d'évolution qui pourraient être exprimés, il est, en tous cas, clair que rien ne se fera sans le consentement de la majorité des Guadeloupéens. La Martinique m'a proposé un schéma, j'en ai accepté le principe. Mais il n'est écrit nulle part que la Guadeloupe et la Martinique doivent fournir la même réponse au même moment. Vous avez besoin d'en discuter entre vous pendant dix huit mois. Il va de soi que c'est mon devoir que d'accepter ce délai pour voir, je l'espère, émerger un consensus entre vous tous. Parce que de toute manière, mes chers amis, mes chers compatriotes, s'il n'y a pas de consensus ce sera l'échec.
J'ajoute, qu'en tant que Président de la République, garant de l'unité nationale, je ne conçois une éventuelle évolution statutaire que dans le cadre de notre République. Les articles 73 et 74, Monsieur le bâtonnier, sont très souples. Ils permettent d'envisager divers degrés d'autonomie, ainsi que l'organisation politique adaptée au contexte insulaire £ je pense, bien sûr, à la collectivité unique.
S'il doit y avoir évolution institutionnelle - ce sera votre choix -, et dans mon esprit, d'ailleurs, évolution institutionnelle et collectivité unique, c'est pour aller plus loin sur la dévolution du pouvoir législatif. La Guadeloupe, Victorin Lurel l'a rappelé, a fait le choix de la dévolution dans deux secteurs. Je suis de ceux qui pensent, c'est un avis personnel, -vous en ferez ce que vous voulez,- mais qu'il est bien malheureux de condamner les Antilles à la même application de la loi montagne que dans les Alpes ou les Pyrénées, j'observe que ce n'est pas tout à fait la même situation. Je pourrais dire la même chose pour la loi sur l'eau, je pourrais dire la même chose pour la loi littorale, chère Lucette.
Donc, je vous le dis, je livre cela au débat, prenez le temps d'en parler. Mais il y a une chose que je dois vous dire avec franchise, c'est que la question de l'indépendance n'est pas à l'ordre du jour elle ne le sera jamais tant que je serai Président de la République. La Guadeloupe est française, elle le restera. Et donc, je n'accepterai pas, et je l'ai dit aux élus, qu'on agite des épouvantails pour empêcher la réflexion. Ce sont des sujets suffisamment complexes, difficiles. Ce n'est pas la peine de dire que si on va dans le sens de l'autonomie, on abandonne la France, ou la France vous abandonne. Je ferme totalement la porte sur cette question d'indépendance. Parce que je le dis, la France sans la Guadeloupe ne serait pas la France, je ne l'accepterai pas. Par ailleurs, il est parfaitement faux d'expliquer que si on fait le choix du 74, on n'aurait plus le droit au crédit européen. L'Europe n'a rien à voir dans ce débat là. Chaque pays peut s'organiser administrativement comme il le souhaite.
Comprenez-moi bien, je vous parle de cela, parce que cela me passionne et si je fais droit à la demande de délai, qu'au moins cela soit pour un débat intéressant, crédible. Si c'est pour que, d'un côté comme de l'autre, on agite des idées qui n'en sont pas, ce n'est pas la peine. Donnons-nous du temps pour parler calmement, sereinement d'un vrai sujet : quel est le degré d'autonomie que souhaite la Guadeloupe ? Quelle organisation administrative ? Quel pouvoir législatif pour la Guadeloupe pour qu'on soit plus efficace ? Mais n'agitons pas d'un côté ni l'indépendance, ni le « largage », ni la sortie de l'Europe. Cela n'a, je vous le dis, aucun sens.
J'ajoute que je souhaite que l'Etat se réorganise dans nos outre mers. Je suis convaincu que la crise n'a pas exprimé un rejet de l'Etat. Parce que je crois qu'une large majorité des Français d'outre-mer demandent davantage « d'État » afin de mieux garantir l'intérêt général. Un État qui soit un meilleur régulateur, un État qui assume pleinement -- mais de façon juste -- ses missions régaliennes.
Je pense qu'un accroissement de l'autonomie et de la capacité d'initiative des collectivités d'outre-mer est complémentaire à un renforcement du rôle de l'Etat localement. Enfin, quel sens cela aurait de donner davantage de responsabilités aux Guadeloupéens si on ne donnait pas davantage de souplesse et de responsabilités aux représentants de l'Etat en Guadeloupe ? Cela n'aurait aucun sens. On déséquilibrerait le système. Plus de responsabilité pour la Guadeloupe, plus de pouvoir et de fongibilité pour le représentant de l'Etat en Guadeloupe. Je suis convaincu qu'on peut imaginer un Etat déconcentré qui soit davantage à l'image de la population locale.
Je veux également dire quelques mots sur les emplois de direction dans la fonction publique. Il faut que nous soyons plus ouverts. On est bien contents de trouver des Guadeloupéens et des Guadeloupéennes pour être gardien de la paix, agent de catégorie C ou agent d'exécution dans nos préfectures ou dans nos grands corps de la fonction publique. Et comme par hasard, dès qu'il s'agit d'un poste de directeur, d'un poste de préfet, d'un poste de ministre, y compris d'outre-mer, alors on dit « Attention, ne nommons pas d'Antillais, ils vont être trop sensibles au climat local ». Ce raisonnement est absurde, car être sensible au climat local, après tout pourquoi pas ? Mais en tout cas, ne rien connaître à un territoire n'est pas non plus une garantie absolue de compétence. Et d'ailleurs, quand j'ai eu à choisir un ministre pour l'outre-mer, je me suis dit, dans le fond, je veux faire droit à la demande des Antillais d'exercer davantage de responsabilités dans l'appareil de l'Etat à des postes de direction. A choisir un ministre, dois-je donc aller choisir quelqu'un qui ne n'est pas de l'outre-mer ? Alors quelle est ma crédibilité si je fais le contraire de ce que je demande aux autres ? C'est la raison pour laquelle je suis très heureux d'avoir une Guadeloupéenne à la tête du Secrétariat d'Etat à l'Outre-mer. Et Victorin, j'apprécie beaucoup la réaction des élus, y compris de ceux qui n'ont pas nos opinions politiques, en tout cas pas sur tous les sujets. Vous avez eu le courage de dire que c'est bien pour la Guadeloupe, pour l'outre-mer, d'avoir une jeune femme ultramarine. Je le dis, quand on sait se hisser à ce niveau là, on est à la hauteur de ses responsabilités. Pour que les choses soient très claires, dans le cas inverse, on n'est pas à la hauteur de ses responsabilités.
Alors, nous aurons le temps de parler de tout cela, mais naturellement la question de l'organisation institutionnelle est loin d'être la seule. Mais je n'ai pas voulu en faire un tabou, parce que faire un tabou d'une question, c'est s'empêcher de se donner les moyens de la résoudre. Mais naturellement, on peut prendre toutes les décisions d'organisation administrative que l'on veut, ce n'est pas cela qui va donner du travail et ce n'est pas cela qui va permettre d'améliorer le quotidien immédiat des Guadeloupéens.
Vous avez tracé beaucoup de pistes intéressantes dans le cadre des travaux « Dialogue social et Insertion », l'idée de la professionnalisation de la médiation sociale. Ecoutez, on ne peut pas continuer avec un climat social aussi tendu. Et je ne fais référence à la crise de février. Il faut qu'en Guadeloupe vous appreniez à dialoguer, à faire des compromis. Enfin, l'image de la Guadeloupe qui vit tellement du tourisme, peut-elle supporter longtemps une opposition si violente ? Il ne s'agit pas de dire qui est coupable et pourquoi. Peu importe, tournons nous vers l'avenir. Apprenons à dialoguer, apprenons à trouver le moyen de résoudre les conflits par le compromis. C'est quand même quelque chose qui n'est pas impossible sur un territoire comme le vôtre où les gens sont très attachés à leur terre, où vous êtes condamnés dans cette Caraïbe à compter sur vos propres forces. Et ce n'est pas du mois de février dernier qu'on a du mal à porter la résolution des conflits. Il faut qu'on professionnalise le dialogue social d'une manière ou d'une autre.
Un certain nombre d'autres propositions qui ont été faites : l'idée d'un pôle d'excellence en matière sportive par exemple. Nous sommes dans le complexe Laura Flessel, que je salue d'ailleurs, celle qui contribue tellement à l'image de la Guadeloupe. L'idée que vous déterminiez des pôles d'excellence est bonne. L'État vous aidera. L'idée que vous ayez besoin de l'Etat pour faire des équipements structurants, des plateformes logistiques, port en eau profonde, équipement, je l'ai notée. Monsieur le Professeur, vous avez aussi évoqué la construction d'une grande salle permettant d'enrichir la vie culturelle et la vie sportive. Nous sommes prêts à vous aider. Je ne pose qu'une seule condition : que cela soit au service d'un projet. Ce ne sera pas simplement des grands équipements qu'on pose là, sans réfléchir à ce qu'ils vont devenir, qui va les faire fonctionner ?
Je le dis très franchement, on sera d'autant plus enthousiaste à participer au financement de vos grands projets qu'on sentira derrière un investissement de toute la société guadeloupéenne, un projet, une envie de le faire vivre.
Vous demandez la pérennité de l'engagement de l'Etat, vous avez raison. Nous demandons la pérennité et l'engagement des Guadeloupéens dans le fonctionnement de la société guadeloupéenne. Je pense que c'est un système gagnant/gagnant. Alors il faut sans doute passer à la vitesse supérieure s'agissant du développement économique endogène. J'en ai fait l'un des axes de ma campagne.
Mais enfin, qui peut comprendre que malgré ses centaines de kilomètres de côtes, 50 % du poisson consommé aux Antilles soit importé d'Amérique du Sud ou d'Asie ? Qui peut comprendre cela. Est-ce raisonnable ? Qui peut comprendre que les Antilles ne produisent que 24 % de leur consommation de fruits ?
Tout ceci n'a pas de sens. Il faut penser autrement le développement économique de l'Archipel. Il y a le tourisme, la canne à sucre et la banane. Mais la Guadeloupe possède en elle mille autres richesses pour envisager son avenir. Je veux d'ailleurs dire que je ne crois pas au développement du tourisme dans une économie qui abandonnerait la production. Ce n'est pas le tourisme ou la production, c'est le tourisme et la production. Il n'y aura pas, je pense notamment à l'intérieur de l'île, de tourisme vert s'il n'y a pas un secteur de l'agriculture et de l'élevage prospère et dynamique.
Je le dis aussi, chacun d'entre nous doit se remettre en cause. M'adressant au monde économique et agricole, il y a une réflexion à mener autour de la structuration des filières agricoles, afin de mieux valoriser l'extraordinaire patrimoine naturel vous disposez. L'une des pistes, c'est peut-être de conduire les producteurs à se réunir par catégorie de produits pour pouvoir négocier de meilleurs prix auprès de leurs fournisseurs. Et peut-être engager des investissements en commun. Un producteur n'a pas la possibilité de financer seul une chambre froide, l'abattoir. Si on met les producteurs ensemble par catégories de produits, on pourra acheter les semences et les engrais moins chers. Il y a un effort de structuration de la filière qui est absolument indispensable. Et d'ailleurs, c'est la seule façon de mettre un terme aux déséquilibres entre la production et la distribution. La distribution est organisée, la production est désorganisée. Il ne peut pas y avoir un dialogue entre un secteur désorganisé et un secteur organisé.
Il faut aussi que les industriels de la Guadeloupe considèrent leur marché comme un « marché antillais » de 800 000 clients potentiels. Je sais qu'il y a des problèmes juridiques et pratiques. Nous sommes là pour vous aider à les résoudre. Trop d'initiatives sont freinées parce que les coûts de lancement et de commercialisation d'un nouveau produit sont trop élevés pour un marché étroit de 400 000 habitants. Je crois également, qu'il convient que nous réfléchissions, dans le cadre de votre univers régional, je pense à la Caraïbe. Je demande l'organisation d'un sommet de la Caraïbe pour discuter avec vos voisins. Je voudrais que l'on discute sur la base de la réciprocité. Ils veulent des visas, pourquoi pas ? Ils veulent des places dans l'université pourquoi pas ? Mais nous, nous voulons que les barrières tarifaires pour nos industriels et nos commerçants des Antilles, tombent. C'est gagnant/gagnant. Nous sommes prêts à nous ouvrir, mais il faut qu'ils s'ouvrent. Et dans ce cas-là, mes chers amis, nous sommes prêts à vous aider. J'ajoute que sur l'affaire des visas, on pourrait donner davantage de pouvoirs au représentant de l'Etat. Il n'a pas besoin, lui non plus, d'avoir à négocier avec l'administration du Quai d'Orsay pour voir comment on gère et pour savoir si une délégation venant des Etats-Unis a besoin ou pas d'avoir un visa pour pouvoir dormir à la Guadeloupe. C'est absolument ridicule et c'est destructeur pour l'économie de la Guadeloupe.
Je suis prêt d'ailleurs à voir si on ne peut pas nommer un commissaire au développement endogène des Antilles qui serait chargé de lever tous les blocages pour faire émerger un grand marché antillais.
Vous avez aussi parlé des ressources naturelles. Le potentiel géothermique de la Guadeloupe se monte, tous les experts le disent, à 200 à 300 mégawatts par an. 200 à 300 mégawatts par an, c'est l'équivalent de votre consommation actuelle en électricité. Savez-vous combien vous produisez aujourd'hui ? 15 mégawatts grâce aux centrales géothermiques de Bouillante, alors que les centrales au diesel produisent 150 mégawatt d'une énergie à la fois plus polluante et plus chère. Voilà un secteur où nous allons vous aider à investir massivement et qui permettra de renforcer l'indépendance énergétique des Antilles. Le problème est exactement le même en Martinique.
Il existe aussi une espèce de canne, plus riche en fibres que la canne à sucre et qui dispose d'un rendement énergétique dix fois supérieur à la bagasse. Pourquoi ne pas développer sa culture, notamment sur les sols qui ont reçu du chlordécone ? Là encore, c'est à vous de nous dire, c'est à vous de faire le choix. Mais nous, nous vous aiderons. Et au mois d'octobre le gouvernement prendra des décisions en la matière. Je le dis aux élus. On prendra des vraies décisions qui nous engageront. Et les Guadeloupéens seront pris à témoin de la réalité de cet effort.
Enfin, je voudrais dire un mot sur la question de la formation des jeunes. Je viens de visiter le Régiment du Service Militaire Adapté. Des gens qui font un travail absolument remarquable. Ecoutez, l'Armée française, c'est quand même l'honneur de notre nation. Ils prennent des jeunes, à l'heure actuelle, 450 ou 500 par an. Ils se sont fixés un quota, un bon quota, ne pas prendre plus de 15 % de vos jeunes qui ont des diplômes. Vous savez à quel niveau ils mettent le diplôme ? Au CAP. Cela veut dire que 85 % de ceux qu'ils prennent n'ont pas un CAP et 15 % de ceux qu'ils prennent on un CAP. Ils les prennent pendant un an, ils les encadrent, ils les forment. Je regardais les chiffres de l'année dernière, 86 % des jeunes qui ont fait le service militaire adapté, sont insérés aujourd'hui dans la vie professionnelle. J'ai décidé de doubler le nombre de jeunes Guadeloupéens qui seront encadrés dans le cadre du service militaire adapté. On va en prendre 1 000 chaque année. Et je dis à Marie-Luce, que s'il faut faire davantage, on fera davantage. L'argent investi pour la formation des jeunes, surtout dans ces conditions-là, c'est un argent qui nous apportera beaucoup. Et cela vaut bien moins cher de payer pour la formation de jeunes qui n'ont pas eu de chance, une seule chance depuis qu'ils sont nés, plutôt que de payer à coup de RMI, d'assistanat et d'allocations.
Voilà le changement que je réclame.
Je le dis aussi, il y a toute la question de l'Université des Antilles-Guyane. J'ai entendu ce que vous m'avez dit sur la formation médicale. On est prêt à vous aider. Quel est le problème ? Créons un Institut des métiers de la santé. On a besoin d'infirmières, on en manque cruellement. Faisons cette université de médecine, pourquoi pas ? Mais alors qu'elle rayonne sur l'ensemble de la région. Devenons un point de référence pour la formation des médecins dans toute la Caraïbe. Et plus loin s'il le faut, nous en avons parlé, Monsieur le Président, ce matin encore. Là encore, je poserai des conditions aux Etats de la Caraïbe. Vous voulez nous envoyer des étudiants, tant mieux. Mais qu'est-ce que vous êtes prêt à faire pour nos chefs d'entreprise, pour les produits que nous fabriquons en Guadeloupe et pour l'accueil de nos chefs d'entreprise et de nos commerçants ? Donc, sur l'Université Antilles-Guyane, on sera là aussi au rendez-vous.
J'ajoute, et je veux rendre un hommage particulier au responsable d'HEC qui est dans ma délégation qui a bien voulu m'accompagner, parce que je souhaite qu'HEC, puisse, avec votre université Antilles-Guyane, former les cadres de haut niveau à la gestion d'entreprises et au management ici en Guadeloupe. HEC est un exemple de réussite en métropole. Il faut que les Guadeloupéens aient la formation pour pouvoir accéder aux postes de responsabilité.
J'ajoute un dernier point en m'excusant d'être trop long, mais cela me tient très à coeur. Je ne veux plus que les Guadeloupéens soient obligés de traverser l'Atlantique pour aller passer le moindre concours au frais de leur famille. Est-ce que c'est trop demandé que les écrits soient organisés sur le sol de la Guadeloupe ? Et s'il y a des oraux à faire passer, est-ce qu'il ne serait pas plus simple de faire déplacer un examinateur plutôt que de faire déplacer des dizaines, voire des centaines d'étudiants ?
Le problème de la formation des jeunes outre-mer sera une priorité absolue des décisions que nous prendrons en octobre.
Mesdames et Messieurs, j'en aurai terminé en vous parlant vraiment du fond de mon coeur. Vraiment j'avais envie d'annoncer un certain nombre de décisions dès aujourd'hui. J'ai du faire un effort sur moi-même. Le climat de défiance qui s'est accumulé toutes ces années et ces décennies, fait qu'il faut laisser à la Guadeloupe, à la Martinique, aux Antilles le temps du débat.
Je pense que c'est raisonnable. Et, qu'au fond, personne n'aurait compris un débat de quelques semaines juste parce qu'il fallait terminer avant l'été. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas plus loin aujourd'hui. Début octobre, nous prendrons les décisions. Elles seront fortes, parce que nous n'avons pas le droit à l'échec.
Je vous demande d'ici là, de vous engager dans les états généraux qui que vous soyez, quels que soient vos opinions, vos engagements, vos origines. Donnez vos idées. Participez à la construction, au fond de cette nouvelle France que nous sommes en train de bâtir ensemble. Abandonnons nos préjugés, nos méfiances. Il ne peut rien sortir de bon de tout cela. Imposons la culture du dialogue, de l'écoute, du compromis. Et vous ne serez pas déçu par la réponse de l'Etat. Je le dis à toutes les familles politiques, sociales, économiques, ethniques de la Guadeloupe. L'Etat, et moi au premier rang, voulons parler honnêtement avec chacun d'entre vous, sans aucune arrière-pensée. Simplement parce que la réussite de notre processus sera la réussite de tout le monde.
J'ai bien conscience que parfois vous vous sentez mal aimés par la Métropole et que la Métropole parfois ne comprend pas ce qui se passe ici. L'Etat doit faire un pont entre la Métropole et les Antilles pour faire comprendre que la France a changé, mais que les Antilles aussi ont changé. C'est amusant, parce qu'un journaliste me demandait pourquoi vous n'avez pas serré plus de mains dans les rues. Mais qu'attend-on de moi ? Que j'aille au carnaval ? Est-ce que vous ne croyez pas que depuis des décennies, des mains, vous en avez vu serrées et plusieurs. Vous savez, je sais le faire aussi, ce n'est pas le plus difficile. Mais ce n'est pas cela qui crée une formation, qui donne un emploi, qui apporte une réponse au malaise social, au malaise culturel, au malaise politique. Vous savez d'où il vient le malaise des outre mers ? Il vient du fait que bien souvent les responsables politiques de Métropole quand ils venaient aux Antilles, venaient se prendre un petit coup d'exotisme en ignorant que vous regardiez les mêmes actualités télévisées. Que vous aviez les mêmes aspirations que vos enfants en Métropole. Que vous aviez les mêmes idées, la même ouverture sur le monde. Et que, partant, venant ici, je viens dans la République française. On m'a aussi dit qu'il fallait rester plus longtemps. Je voyais quelques avantages à rester samedi et dimanche en Guadeloupe... Mais est-ce que c'est ce que l'on attend de moi ? On attend de moi des résultats, des prises de décisions, du courage, de l'imagination, de l'audace. La capacité à parler avec vos élus, quel que soit leur engagement politique. Et la capacité surtout à transcender ces années, ces décennies de méfiance accumulée, et parfois d'humiliations en une énergie positive pour qu'ensemble on bâtisse un nouvel avenir pour les Antilles françaises. C'est cela le but.
J'ai dit hier en Martinique que je m'étais fixé un défi, celui que l'on réussisse ensemble. Et je sais parfaitement que ce que disait Césaire sur l'universalisme et sur l'identité est toujours d'actualité. Construire un modèle qui nous inscrive dans l'universel sans brimer les identités. C'est très exactement la question qui nous est posée. Et pour moi, ce voyage, je veux que vous le compreniez, est très émouvant. Ce n'est pas simplement une question de politique. C'est très émouvant de venir en Martinique et en Guadeloupe après tous ces événements et de voir des femmes et des hommes prêts à croire à nouveau en l'avenir. Et c'est cela la richesse de la Guadeloupe comme de la Martinique. A ceux qui pensaient que ça se passerait mal, qu'il y aurait des violences, des incompréhensions, je leur dis vous ne connaissez pas les Antilles françaises. Les Antillais aiment la République, ils veulent un avenir et ils ont conscience que trop de temps a été perdu, qu'il faut se mettre au travail, maintenant, tout de suite.
Croyez bien, moi, je serai au rendez-vous.
Vive la Guadeloupe !
Vive la République !Vive la France !