19 juin 2009 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur la réponse européenne face à la crise économique et financière, le président de la Commission européenne er sur la situation politique en Iran, à Bruxelles le 19 juin 2009.
Mesdames et Messieurs,
Pardon de vous avoir fait attendre. Juste quelques mots pour dire la satisfaction de la France pour les résultats obtenus lors de ce Conseil. Vous savez combien Mme Merkel et moi-même, nous sommes attachés à ce que l'Europe change, qu'elle prenne des décisions, qu'elle assume ses responsabilités et de ce point de vue, ce Conseil européen a été positif.
Face à la crise économique et financière, nous avons donné une suite au G20 de Washington, au G20 de Londres, au rapport Larosière qui était lui-même la suite des deux G20. Pour la première fois, il y a eu un accord pour donner des pouvoirs contraignants à un comité de superviseurs européens. Il est maintenant clairement acté qu'en Europe les assurances, les banques, les agences de notation, le marché financier seront régulés de façon contraignante par un comité des superviseurs.
C'était une demande que la France avait présentée dès le début de la crise. Je veux dire mes remerciements à l'endroit de nos amis britanniques, et notamment de Gordon Brown, pour le consensus que nous avons pu obtenir à la suite de trois réunions, deux hier et une ce matin encore, sur cet engagement. Je pense que c'est vraiment quelque chose d'extrêmement important.
Je veux également me réjouir de l'accord qui a été trouvé avec nos amis irlandais et nos amis britanniques et qui met en forme juridique l'accord qui avait été conclu sous présidence française. Il y aura donc un protocole pour donner valeur juridique aux engagements politiques que nous avons pris avec les Irlandais, pour mettre Brian Cowen dans la meilleure condition pour l'organisation de ce référendum dont il nous a confirmé l'organisation avant la fin de l'année. Il est bien précisé que ce protocole ne modifie en rien, pour les vingt six autres Etats, le contenu du Traité de Lisbonne, donc n'implique pas ratification spécifique sur le contenu.
Comment passerons-nous à la forme juridique complètement achevée ? Lors du premier traité de ratification d'élargissement de l'Europe, comme je l'avais dit d'ailleurs en décembre dernier, on rajoutera le protocole irlandais. Ainsi, nos amis irlandais ont la force juridique qu'ils attendaient des engagements politiques que j'avais négociés. Nos amis britanniques ne sont pas obligés de faire un nouveau débat sur la ratification et les choses se sont réglées hier et ce matin autour de la Présidence tchèque, en présence de Mme Merkel, de M. Brown, de M. Cowen et de moi-même.
Ce sont quand même deux nouvelles extrêmement importantes. Une, sur le plan institutionnel et une sur le plan de la régulation financière.
Troisième élément, et je m'en réjouis beaucoup, il y a une demande qui a été faite d'aller plus loin dans une politique de l'immigration européenne, de ne pas s'en tenir au seul pacte d'immigration que la France avait porté. Nous aurons des propositions de la Commission.
Quatrième nouvelle, l'accord unanime des chefs d'Etat et de gouvernement sur la candidature de M. Barroso. Je me suis moi-même réjoui de la présentation de ce programme. La Présidence tchèque et la Présidence suédoise prendront des contacts avec le Parlement pour voir quand le Parlement veut ratifier cette proposition du Conseil. Nous préférerions que cela soit en juillet mais il reste à en débattre avec la Présidence et le Conseil.
Enfin, je veux dire que je suis très heureux de voir l'Europe unanime déclarer des choses fortes et sans ambiguïté sur la situation iranienne. C'est aux Iraniens de choisir leur gouvernement, mais on ne peut être qu'extrêmement préoccupé par la violence de la réaction du pouvoir en place. Le courage des Iraniens qui descendent dans la rue, pour demander quoi ? Le droit de choisir librement quel est leur avenir. Le fait qu'ils ne renoncent pas est un élément qui doit nous rendre extrêmement optimistes. L'Europe est unanime à condamner des violences. Quant au recomptage des voix, soit on les recompte vraiment, soit on ne les recompte pas, mais vous savez que j'ai toujours vu ceci aussi avec beaucoup de sévérité.
Voilà, je me livre bien sûr à vos questions. Mais au fond, il y a eu beaucoup de travail et les choses progressent.
Q - Une question à propos de M. Barroso. Je voudrais que vous nous expliquiez ce que vous avez particulièrement apprécié du mandat que vient d'effectuer M. Barroso. Qu'est-ce qui, dans son bilan, motive qu'on le reconduise pour cinq ans supplémentaires ?
R - D'abord, j'ai beaucoup apprécié les six mois qu'il a passés à travailler avec moi comme président du Conseil. Je ne suis pas du genre à dire que le succès de la Présidence française était uniquement dû à la Présidence française. La Présidence de la Commission a joué un rôle extrêmement positif et lorsqu'il a fallu aller à Washington convaincre le président Bush, M. Barroso était là. Je ne suis pas le seul à le penser puisque c'est unanime, y compris les Premiers ministres socialistes autour de la table, qui sont quand même nombreux. M. Zapatero a confirmé son soutien et le soutien de ses parlementaires à M. Barroso. M. Socrates, socialiste portugais, a confirmé le soutien de son gouvernement et des parlementaires socialistes à M. Barroso. M. Brown a confirmé son soutien. Donc, c'est unanime, il y a un consensus, c'est très clair. Je me suis permis de dire, lors du dîner hier, que ce soutien ne devait pas être compris comme un message d'immobilisme, mais que cela devait changer. De ce point de vue, le texte de M. Barroso me semble marquer une inflexion intéressante sur les idées que j'entendais défendre jusqu'à présent, y compris sur la nécessité d'une grande politique agricole commune. Tout cela me va bien.
Q - Toujours sur le même sujet, la balle est donc maintenant dans le camp du Parlement européen. Que se passerait-il si le Parlement européen ne votait pas en faveur de M. Barroso ?
R - Il faut voir cela avec un peu de recul, de raison. D'abord, les groupes sont en train de se réunir pour élire leurs présidents. Je crois que la dernière élection à la présidence d'un groupe doit être le 30 juin. Il se trouve que j'ai de très bons rapports avec, bien sûr, le président du groupe PPE, Joseph Daul, avec Martin Schulz, à ma connaissance le président du groupe socialiste, je lui ai parlé, avec M. Watson qui est président jusqu'à présent du groupe libéral, et même avec M. Cohn-Bendit que j'ai rencontré avec plaisir longuement.
Chacun a sa position. Le PPE a clairement gagné les élections. Les écologistes ont très clairement progressé. Quelles seront les majorités au Parlement européen ? Il ne m'appartient pas de les faire ni de les commenter. On verra bien ce qu'il en est. Je crois que si chacun fait preuve d'un peu de souplesse, d'un peu d'habilité, les choses devraient bien se passer. Si on s'enferme dans des calendriers trop rigides et si on essaye de trop forcer les choses, on arrivera à un raidissement.
Je ne pense pas, et je le dis pour vous comme pour les autres, que l'Europe ait besoin en plus, aujourd'hui, d'un conflit entre les différentes institutions. Je ne pense pas que c'est ce que les Européens attendent de nous. Il y a du chômage, il y a une crise, je ne pense pas que cela serait responsable ni pour le Conseil, ni pour le Parlement, de s'opposer et d'être dans une situation de blocage, alors même que l'on essaye de débloquer la réforme des institutions. Vraiment, par moment, il faut quand même essayer d'être raisonnable !
Avec cela, il y a le problème irlandais, on voit une perspective. Je vous rappelle ce qu'un certain nombre d'entre vous avait dit lorsque j'avais indiqué que les Irlandais devraient revoter. On m'a dit : "oh mon Dieu ! Qu'il est inexpérimenté ! Pourquoi dit-il cela ?" Eh bien, c'est bien ce qui va se passer, ce qui se passe. On a peut-être une chance d'avoir de nouvelles institutions, on ne va pas inaugurer cette chance en créant les conditions d'un conflit entre le Parlement européen et le Conseil. J'ajoute que je n'ai pas vu une solution alternative qui remplirait le même consensus.
Q - Inaudible.
R - ... Lesquels ?
Q - Inaudible.
R - Si c'est le candidat de Libération, cela prouve que l'ouverture, Monsieur Quatremer, cela marche. Ecoutez, ce n'est quand même pas à la France d'aller rompre le consensus autour de la table du Conseil. Mais objectivement, parlons très franchement, il y a un consensus autour de la table du Conseil. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu une autre période où il n'y avait pas eu de consensus.
Q - Je reviens sur l'Iran. Le Guide suprême, ce matin, Ali Khamenei, a fait une déclaration extrêmement violente pour dire que les résultats étaient définitifs et que ceux qui ne participeraient pas à la fête de la victoire seraient dénoncés par les gardiens du peuple, ce qui annonce une période extrêmement dure. Au-delà de la condamnation de ce qui se passe aujourd'hui en Iran, que peut faire l'Europe s'il y a un bain de sang ?
R - D'abord, nous ne voulons pas donner le sentiment que l'étranger, avec tout ce que cela porte derrière, s'occupe des élections internes en Iran. Enfin, nous avons des valeurs, nous avons des convictions. Quand on voit des images où des gens sont massacrés parce qu'ils demandent que l'on recompte des bulletins, quand on voit des résultats à ce point incohérents, l'Europe qui se tairait ne correspondrait pas aux valeurs de l'Europe. Quant à la France, je crois que notre position a toujours été très cohérente. M. Kouchner comme moi-même, nous avons toujours été partisans du renforcement des sanctions dans le cadre du dossier nucléaire.
Qu'est-ce qui se manifeste en Iran ? Le malheur et la protestation d'Iraniens qui se demandent pourquoi leur vie est de plus en plus difficile, alors que c'est un pays riche de ses ressources, très grand de son histoire et très fort de sa civilisation. C'est donc que les sanctions, le fait qu'un certain nombre d'Etats considère que ce n'est pas admissible que l'on parle de l'Holocauste en disant que c'est une plaisanterie, cela a quand même contribué à réveiller une société iranienne qui n'a pas l'air à ce point aussi confiante et satisfaite que voudrait bien le dire le Guide suprême !
On peut dire cela tout en souhaitant que l'Iran reprenne toute sa place dans la région et dans le monde, que le peuple iranien ait les moyens de se développer et que la discussion reprenne. Mais enfin, c'est aussi un message que nous envoyons, que l'Europe, le monde n'est pas décidé à tout accepter ou alors, à quoi cela sert-il que certains de vos collègues fassent leur métier dans des conditions extrêmement dangereuses ? Qu'est-ce que l'on doit dire ? Je suis toujours partisan du dialogue avec l'Iran, mais quand nous avons à condamner, nous devons condamner. De mon point de vue d'ailleurs, je vais vous dire, tout ceci quand même, l'émergence d'une rue iranienne pour réclamer plus de transparence et un meilleur avenir, je dis, c'est une bonne nouvelle.
J'espère que les dirigeants actuels de l'Iran ne commettront pas l'irréparable. Les aspirations du peuple iranien quand elles s'expriment comme cela avec un tel courage et une telle dignité, on ne peut qu'être admiratif. On ne va pas se taire en tout cas, ce n'est pas la politique de la France. Je le dis sans aucune agressivité à l'égard de qui que ce soit, même si vous savez, s'agissant de M. Ahmadinejad qui adore la provocation, ce que je pense de ses déclarations réitérées et multiples. J'ai eu l'occasion de le dire en termes particulièrement francs au ministre des Affaires étrangères iranien, parce que je souhaite avoir de bons rapports avec l'Iran. Mais je ne suis pas décidé à ce que l'on accepte des déclarations et des attitudes de cette nature. Alors, qu'est-ce qui va se passer dans l'avenir ? Quelqu'un le sait-il ? J'espère que l'Iran fera l'économie de la violence et que le gouvernement actuel de l'Iran respectera la population iranienne.
Q - Je reviens à M. Barroso une nouvelle fois. Mme Merkel disait hier qu'il n'y avait pas de grand leadership sans grandes difficultés à affronter. Elle parlait, bien sûr, du parcours de M. Barroso au Parlement européen dans quelques semaines. Je voudrais savoir, selon vous, quelles sont les qualités politiques personnelles de M. Barroso qui concourraient à ce leadership ? Et de manière plus générale, est-ce que vous êtes favorable au retour d'un grand leadership pour la Commission européenne dans les années qui viennent ?
R - J'ai des idées personnelles, mais je ne sais pas si c'est le lieu. Je pense que l'un des malentendus, pour tout dire, c'est que beaucoup d'observateurs spécialistes et engagés, et vous l'êtes, je veux dire spécialistes et engagés dans l'idée européenne, vous raisonnez sur une Commission à vingt sept comme vous raisonniez sur une Commission à six, à neuf ou à douze. Puis-je me permettre de dire que cela est injuste ? La Commission à vingt-sept, cela veut donc dire des plus petits portefeuilles et vingt-sept commissaires qui peuvent parler. Le président de la Commission, de mon point de vue, institutionnellement n'a pas assez d'autorité sur ces commissaires - pas M. Barroso, institutionnellement parlant -, que l'on n'a pas tiré les conséquences de l'émergence d'une Commission à vingt-sept dont les règles de fonctionnement devraient changer. J'ai beaucoup de respect pour M. Delors, beaucoup d'admiration pour ce qu'il a fait, mais convenez que cela était un peu plus simple à l'époque où il y avait une Commission beaucoup plus réduite. Je le dis parce que je le pense.
Deuxième élément, je crois profondément que la Commission n'est forte que si la présidence du Conseil est forte, que s'il y en a un qui est plus fort que l'autre, cela déséquilibre le système et cela oblige la Commission à aller sur un terrain politique qui n'est pas son terrain de prédilection. La Commission est gardienne des traités, la Commission est à la fois administrative et politique, mais si la présidence du Conseil ne fait pas assez son travail, cela expose la présidence de la Commission à prendre des décisions et des initiatives dans des domaines où ils ne sont pas forcément à l'aise, au-delà de la seule personne de M. Barroso.
A la question que vous posez, je suis vraiment pour une Commission forte, pour un Conseil fort et pour un Parlement fort. Le Parlement, c'est fait. Le Conseil, j'espère qu'avec Lisbonne, cela sera fait. Mais je pense profondément que l'on peut avoir un système "win-win" pour les trois grandes institutions.
Enfin sur M. Barroso, j'ai travaillé six mois avec lui, tous les jours, dans une très grande harmonie. Vous me dites : quelles sont ses qualités ? Je crois qu'il y en a deux : il a un grand sens politique et une grande expérience de la marche des affaires européennes et des Etats nationaux. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard s'il n'y a pas d'alternative extrêmement crédible. Je ne veux pas donner un jugement sur tout.
(inaudible). Oui, on parle toujours pour le moment. On est prudent, tous.
Q - Selon les informations qui ont été rapportées hier à la suite d'une réunion entre les parties civiles dans l'affaire de l'attentat de Karachi et les juges d'instruction, il semblerait que l'origine de l'attentat ne soit pas due à un acte de terrorisme mais plutôt à des représailles de l'Etat pakistanais après le non-versement de commissions. On parle même de rétro commissions qui auraient dû alimenter la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995. Est-ce qu'en tant que ministre du Budget, vous avez été au courant de tels accords ?
R - Ce n'était pas la peine de vous mettre à ma droite, pour parler de cela. Ecoutez, c'est ridicule franchement. Pas vous, je ne me le permettrais pas, je vous respecte. Ecoutez, s'il y a des ??léments, donnez-les nous. C'est grotesque ! Voilà ma réponse. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Raisonnement : pour son financement, M. Balladur aurait accepté des commissions qui n'auraient pas été payées à la suite de l'attentat de Karachi.
Respectons la douleur des victimes ! Qui peut croire à une fable pareille ? Si vous avez des éléments, donnez-les à la Justice et demandez à la Justice qu'il y ait une enquête. Franchement, qu'est-ce que vous voulez que je réponde là-dessus, honnêtement ? Il y a quatorze ans de surcroît. On est dans un monde où tout se sait, où la notion de secret d'Etat n'existe plus. Quatorze ans après, vous venez me dire si j'étais au courant de rétro-commissions qui n'auraient pas été versées à des Pakistanais dans le cadre de la campagne de M. Balladur. Et vous, vous n'étiez pas au courant non plus ? Vous, vous étiez peut-être journaliste à cette époque là, peut-être qu'à ce moment là, je vous aurais..... Non, je ne vous en veux pas, mais franchement.... S'il y a un braquage à Bruxelles aujourd'hui, j'y étais, c'est incontestable. Pardon, Karachi, c'est la douleur de familles, que voulez-vous que j'aille répondre là-dessus ?
Q - Monsieur le Président, deux questions en fait. Premièrement, êtes-vous favorable au vote d'une loi sur l'interdiction du port de la burqa ? Deuxième point, l'Elysée s'est félicité aujourd'hui de l'avancée des négociations avec les Émirats arabes unis sur le Rafale. Quand pensez-vous que la France et les Emirats arabes unis pourront parvenir effectivement à la signature d'un contrat pour la vente de Rafales ?
R - Sur le premier sujet, j'aurai l'occasion de parler de tout ceci et de bien d'autres choses lundi devant le Congrès. Ce n'est pas du tout que je veux fuir la question que vous me posez, mais mon rôle de président de la République, c'est d'essayer de mettre les réponses dans un contexte général et d'essayer d'expliquer des tendances lourdes et non pas de réagir à l'émotion du moment. Cela m'a été suffisamment reproché par un certain nombre d'entre vous pour que vous ne me tendiez pas le piège. J'observe, quand je vois certaines Unes de journaux, que l'émotion du moment, on y est en plein ! J'aurai l'occasion d'en parler lundi, je préfère réserver mes commentaires pour mon discours devant les parlementaires.
S'agissant des Emiratis, nous sommes en discussion. Cela montre que les discussions sur la vente de Rafales aux Emiratis progressent comme je l'ai toujours dit, que cela progresse, on peut le dire, significativement.
Q - Vous avez une idée d'un délai ?
R - J'ai même une idée très précise, mais enfin pour l'instant, avec nos amis Emiratis, on s'en est tenu à un communiqué. Je savais qu'ils faisaient cela, je ne savais pas si c'était ce matin ou demain matin, c'était en débat. Cela progresse. Ils nous ont donnés toutes les spécifications techniques qu'ils attendaient sur le Rafale. Vous avez vu que, quand j'ai été à Abou Dabi, il y a eu une première déclaration. Au salon du Bourget, il y a eu une deuxième. A chaque fois, cela progresse. C'est un sujet très important pour la France.
Q - Question sur la présidence du Parlement européen. Est-ce que vous soutenez M. Jerzy Buzek comme Mme Merkel l'a déjà fait ? J'aimerais connaître votre opinion.
R - Je trouve que ce serait un excellent candidat. Ce serait un excellent candidat d'abord parce que c'est un homme de qualité et de surcroît, il est certain que cela enverrait à nos amis Européens de l'Est un signal très positif.
Q - Monsieur le Président, c'est le premier Conseil européen après les élections européennes. Il y a eu beaucoup d'abstention, on en a énormément parlé avant les élections, on n'en parle plus du tout maintenant.
R - Personne ne vous empêche d'en parler, la preuve !
Q - Vous aviez dit la semaine dernière, lors de votre conférence de presse avec Mme Merkel qu'il fallait répondre aux abstentionnistes. Qu'est-ce que vous proposez justement comme réponse, est-ce qu'il faut attendre 2014 avant que la question se repose ?
R - Ce n'est pas mon genre d'attendre 2014, même 2012. Il me semble qu'en prenant les décisions que nous avons prises sur la régulation, c'est une réponse à votre question. Quand on a fait le Sommet de Washington, vous avez dit quoi ? "Ce sont des principes, on verra à quoi cela abouti". Quand on a fait le sommet de Londres, vous avez été un peu plus positifs, mais vous avez dit, notamment sur les paradis fiscaux : "on verra". Aujourd'hui, on a vu. Les îles Caïman renoncent au secret bancaire, la Suisse, le Luxembourg ont signé des conventions de transparence avec nous. Cela bouge. Et maintenant l'Europe se dote d'une régulation sur les risques systémiques, sur les banques, sur les assurances, sur les agences de notation, c'est ce que l'on voulait. Ce sont des résultats concrets maintenant. On a même prévu l'élection du président du groupe sur les risques systémiques. Franchement, qui peut contester que l'Europe a progressé ? Spectaculaire, en moins d'un an ! Cela, c'est du concret. Ne soyons pas non plus trop sévères avec l'Europe. Vous passez votre temps, à juste titre, à dire : "arrêtez de faire des grands discours, donnez du concret". Est-ce que cela ce n'est pas du concret ? Il y a eu une crise financière qui a mis le monde au bord du gouffre. Les déclarations du président Obama sur la régulation financière américaine sont remarquables. Ce que vient de décider l'Europe, c'est très bon. Cela bouge. C'est une réponse aux abstentionnistes.
Une deuxième réponse que je voudrais vous faire. Vous voyez bien qu'on est un peu entre deux parce qu'on est sur le Traité de Nice et, je l'espère, on va vers le Traité de Lisbonne. C'est quand même difficile pour nous, indépendamment de ce qu'il y a déjà dans les tuyaux, de prendre d'autres initiatives alors même que nous attendons le référendum irlandais de l'automne. Est-ce que je me fais comprendre là aussi ? Je crois vraiment que cela va dans le bon sens.
Il y a des tas d'autres choses que j'aimerais faire avancer plus vite : une coordination des politiques économiques, une politique européenne de l'immigration beaucoup plus ambitieuse, une réflexion plus avancée sur ce qu'on doit faire avec les pays qui ne sont pas encore dans l'euro et qui, de par le traité, ont l'obligation d'y entrer. J'aimerais que cela aille plus vite. Attendons de savoir quelles institutions seront celles de l'Europe à la fin de l'année pour le faire. Convenez que ce sera plus simple quand on saura si on est sur Lisbonne ou sur Nice et quelle est la nature des initiatives qu'il nous faudra prendre. Mais enfin malgré cela, les décisions prises dans ce sommet, je parle sous contrôle de Bruno Le Maire comme de Bernard Kouchner, montrent que ce n'était pas un sommet de transition. Si on n'avait pas pris ces initiatives, vous seriez en droit de dire : "oh la la, ils font moins que les Etats-Unis" ou "oh la la, ils sont en arrière par rapport à Londres". Ce n'est pas vrai.
Q - M. Cohn-Bendit, en sortant hier de l'Elysée, a suggéré que vous ne seriez pas prêt à mourir pour défendre M. Barroso dans l'hypothèse de sa reconduction. Je voulais savoir si M. Cohn-Bendit était un fidèle interprète de votre pensée ? Si vous pensez qu'il a plutôt dit cela pour handicaper M. Barroso ou plutôt pour vous gêner vous-même ?
R - Non, c'était juste de l'affection à mon endroit. Il est préoccupé de ma situation et c'est un homme généreux qui s'est dit : il faut que le président fasse attention, il travaille beaucoup. J'ai pris cela comme ça.
Q - Autre question sur le Conseil dont vous souhaitez une position forte. Quel serait votre candidat idéal à la présidence du Conseil européen sous le Traité de Lisbonne ? On a cru penser que vous souteniez M. Blair pendant assez longtemps, est-ce toujours le cas ? Pourquoi ? Y a-t-il un autre candidat ?
R - Vous êtes un spécialiste de l'Europe. Sur quoi se construit l'Europe ? C'est un sujet sérieux, vous tous ici, je crois que vous aimez l'Europe £ en tout cas, l'Europe vous intéresse. Sur quoi se construit l'Europe, sur quel mot se construit l'Europe ? Un mot : le compromis. Dans le bon sens, je ne dis pas compromis au sens compromission. Le compromis, c'est-à-dire la compréhension des lignes rouges de l'autre pour construire l'avenir. Si avant même que nous ayons la certitude d'avoir Lisbonne, avant même que la France propose un candidat, on se met en situation de bloquer le système et pas de le faire progresser...
Je sais parfaitement que c'est un sujet difficile, enfin c'est un sujet important.
Si nous avons Lisbonne, le premier président stable pour deux ans et demi de l'Europe, c'est un choix qui parlera extrêmement fort. Sa nationalité, sera-t-il d'un petit ou d'un grand pays, son expérience, son engagement européen, sa famille politique ? J'ajoute que tout ceci devra se construire dans le cadre d'un équilibre : président de Commission - si c'est M. Barroso, plutôt petit pays, sans porter atteinte au Portugal - le haut représentant, vice-président de la Commission et le président du Conseil. Tout ceci se discute. C'est impossible de répondre à votre question car naturellement, et moi ce que je souhaite, c'est qu'il y ait à ce moment-là un accord d'ensemble, vous voyez, un équilibre. Une famille politique ne pourra pas avoir tous les postes, ce n'est pas possible, ce n'est pas raisonnable.
La réponse que je faisais à votre consoeur polonaise sur la qualité de la candidature polonaise, c'est aussi un symbole vis-à-vis de l'Europe de l'Est. Il faut intégrer tout ceci. Donc ce n'est pas possible de répondre à votre question même si c'est un sujet naturellement majeur.
Je peux juste dire que je souhaiterais, en tout cas, si nous avons Lisbonne, que le premier président du Conseil soit quelqu'un de fort et d'ambitieux pour l'Europe parce que l'Europe le mérite et l'Europe en a besoin.
Q - Je voudrais vous demander votre évaluation de la Présidence tchèque. Que pensez-vous de la Présidence ? Etes-vous d'accord avec certains journaux qui parlent d'une tragédie ou d'une catastrophe ?
R - Je veux dire que M. Fischer a très bien fait son travail de président. Je vais même vous dire mieux, j'ai été heureux de le recevoir à Paris. Nous avons eu avec Bernard Kouchner, et Bruno était là, une réunion de travail. Je l'ai eu au téléphone à plusieurs reprises. Pendant ces deux jours, je n'ai cessé de le voir. C'est un homme qui a fait un travail calme, intelligent, raisonnable et avec qui j'ai eu plaisir à travailler. Ce qui s'est passé avant, je n'ai pas gardé mémoire de tout. Ce qui prouve que pour la République tchèque, c'est vraiment bien ce qui s'est passé. Ce n'était pas une présidence si facile que cela, parce qu'il y avait des dossiers difficiles. M. Fischer qui était président de l'Office des statistiques tchèque, je dois dire qu'il a fait un travail qui m'a vraiment impressionné, on était heureux de travailler avec lui dans un climat où il n'y a pas eu de tension, où les choses ont fonctionné très, très bien. La Présidence tchèque se termine bien. Nous en sommes contents.
Q - Je voulais savoir sur l'Iran, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec le président Obama sur la situation et deuxième chose, comment expliquez-vous la réaction américaine qui paraît plus réservée en tout cas que celle de l'Union européenne ?
R - J'en ai parlé souvent avec le président Obama. J'ai même dit au ministre des Affaires étrangères iraniennes : "mais saisissez la main tendue par le président Obama, montrez votre bonne foi". Et je crois que c'est intelligent d'avoir fait comme cela. Alors, il est vrai que nous avons eu une réaction plus vigoureuse sur l'Iran, nous ne sommes pas obligés d'être calés en tout point. Moi, j'étais très choqué des déclarations réitérées de M. Ahmadinejad. Je pense qu'au XXIème siècle, il n'y a aucune raison que l'on accepte des déclarations de cette nature sur l'Holocauste ou un certain nombre de choses. Pour le reste, nous allons voir comment tout cela évolue.
Je comprends d'ailleurs aussi la position du président Obama, qui est mon souci également, de ne pas donner le sentiment, parce que cela serait un service rendu à M. Ahmadinejad, qu'on veut s'ingérer dans les affaires iraniennes, vous le savez très bien. Mais en même temps, nous avons des convictions et nous soutenons l'Iran, nous soutenons le peuple iranien, mais il est où le peuple iranien ? Il est dans la rue, aujourd'hui. Je voudrais d'ailleurs appeler à réfléchir : en Iran, le peuple est dans la rue pour exiger plus de mesures et plus de raison, ce qui montre que le peuple descend dans la rue dans cette région du monde, pas simplement pour demander plus de fermeture, en l'occurrence, c'est l'inverse et c'est une bonne nouvelle.
Q - Et cette semaine, vous en avez parlé avec le président Obama ?
R - Je n'en ai pas parlé cette semaine, j'en ai parlé lorsque nous étions en Normandie.
Q - Monsieur le Président, pardon de vous projeter une nouvelle fois vers lundi et le discours. Visiblement, vous aurez à coeur de parler de la réforme des territoires. Est-ce que cela doit faire l'objet d'un référendum et si c'est le cas, est-ce que l'on doit parler aux Français de la limitation du cumul des mandats ?
R - Vous me ramenez exactement là où je ne voulais pas aller mais je voudrais juste dire une chose, si j'ai souhaité aller devant le Congrès, c'est pour valoriser le Parlement français, lui donner la primeur des orientations que je souhaite pour la France. La démocratie française a besoin d'un Parlement fort, d'un Parlement respecté et bien sûr respectable. S'il y a ce Parlement qui est tourné vers l'avenir, quelles que soient les convictions des uns et des autres, c'est avec le Parlement qu'il faut parler des grandes réformes de la France et pas avant même d'en avoir parlé penser à passer par-dessus le Parlement par la voie référendaire, ce qui serait absolument contradictoire. Enfin pardon, je ne ferme pas la porte définitivement sur tout cela mais enfin, je ne comprendrais pas bien la logique qu'il y aurait pour un président de la République à souhaiter s'exprimer devant les parlementaires pour parler de l'avenir et leur dire : "excusez-moi, mais cela se fera par le référendum, donc par-dessus votre tête". Honnêtement, cela ne serait pas très cohérent.
Q - Une question sur la supervision. On a décidé, à la demande de M. Brown, que les futures autorités européennes de supervision ne peuvent pas prendre de décisions contraignantes quand ceci implique des conséquences pour les budgets nationaux. Est-ce que ceci n'est pas amené à vider un peu de sa substance la supervision financière européenne ? Et deuxième question, M. Klaus a dit que les garanties irlandaises nécessiteraient un vote au Parlement en République tchèque. Qu'est-ce que vous en dites ?
R - La deuxième réponse est très facile. Il a été précisé que cela ne changeait rien, le protocole irlandais, au traité pour les vingt six autres Etats. C'est une décision juridique à portée politique qui s'impose à M. Klaus comme à chacun d'entre nous. De ce point de vue là, je pense que toute poursuite du débat sur le sujet serait de la polémique.
Il n'y a pas que M. Brown qui était inquiet des conséquences budgétaires, je crois savoir que l'Allemagne aussi. Je comprends parfaitement la chancelière qui disait : "attention, si c'est nous qui payons, on ne va pas se retrouver dans une situation où un organisme, fut-il européen, nous oblige à payer". Je trouve que l'accord que nous avons obtenu est majeur, d'autant plus que nous sommes tous convenus que c'est un point de départ et qu'il peut y avoir dans l'avenir un certain nombre d'évolutions. Mais les agences de notation, les banques, les compagnies d'assurance, les superviseurs nationaux, les Etats sont supervisés sur l'application d'une norme et d'une réglementation. Je sais qu'il y a le problème des chambres de compensation pour savoir si nous les mettons dans les mesures contraignantes ou pas.
Mon idée, c'est obtenir la réalisation d'une supervision européenne, obtenir la réalisation d'un pouvoir contraignant et, troisièmement, laisser vivre les institutions. Comme toute institution, nous savons parfaitement que cela commence dans un domaine défini et que ce domaine défini a tendance non pas à devenir indéfini mais à s'élargir et vous le savez très bien. C'est une règle absolue à toutes les époques et dans tous les pays. Il en ira de même pour la supervision.
Il a fallu trouver un accord, je trouve que c'est inespéré. Vous vous rendez compte qu'il y a neuf mois, est-ce que dans cette même salle, si j'avais dit : "on s'est mis d'accord pour un système de supervision européen avec pouvoir contraignant", il y en a-t-il un seul d'entre vous qui l'aurait cru ? Ni plus, ni moins, on a créé une nouvelle instance européenne, enfin un système en vérité, puisque c'était des vagues comités sur les assurances. Je pourrais après m'épancher sur l'affaire Dexia, je pourrais en dire beaucoup sur l'utilité de ces comités.
Nous avons créé un système de supervision européen avec pouvoir contraignant. Vous avez parfaitement raison, nous aurions pu encore élargir le domaine. Ma conviction, c'est que cela s'élargira par la jurisprudence, par la pratique comme cela s'est toujours fait. Mais enfin, déjà c'est impressionnant. Franchement, j'ai fait valoir d'ailleurs à mes collègues l'argument : "écoutez, au moment où les Etats-Unis se dotent d'un système, enfin, envisagent de se doter d'un système contraignant, l'Europe ne va pas donner l'impression d'être en arrière de la main. Cela serait invraisemblable".
C'est un progrès considérable qui a été fait. Alors évidemment, il est un peu masqué par le fait que cela a commencé à Washington, s'est poursuivi à Londres, il y a eu le rapport Larosière. Je me souviens de l'accueil du rapport Larosière. Je parle sous le contrôle de mes collègues et amis, le rapport Larosière n'avait absolument pas fait l'unanimité, il y avait même une tentation assez forte de l'enterrer. Quatre mois après, le rapport Larosière, il devient notre règle. Et maintenant, c'est décidé, plus personne ne peut y revenir. C'est quand même impressionnant.
Je redis parce que c'est la vérité, que j'étais heureux de travailler avec Gordon Brown qui a pris ses responsabilités et c'est un changement complet dans la stratégie anglo-saxonne jusqu'à présent. Là aussi, il y a eu des concessions intéressantes, mais j'ai vu M. Trichet, on a bien parlé, on travaille bien ensemble. Comment on doit nommer le patron de la supervision ? Je crois que c'était difficile de dire tout de suite obligatoirement, c'est le patron de la BCE pour les pays qui ne sont pas dans l'euro. Mais avec le système de l'élection, compte-tenu des rapports entre ceux qui sont dedans, cela reviendra à quoi ? A la même chose et vous le savez très bien. Je reconnais parfaitement la pertinence d'un argument qui consiste à dire : "vous ne pouvez pas dire, alors que je ne suis pas dans une zone euro, que la Banque centrale qui n'est pas la mienne sera obligatoirement le président de ...". Cela peut être le résultat, mais on ne peut pas le mettre comme a priori idéologique, cela n'a pas de sens si nous sommes dans la logique européenne d'une recherche du compromis pour aller de l'avant.
Voilà les discussions que nous avons eues encore hier soir tard avec M. Trichet et c'était très intéressant.
Pardon de vous avoir fait attendre. Juste quelques mots pour dire la satisfaction de la France pour les résultats obtenus lors de ce Conseil. Vous savez combien Mme Merkel et moi-même, nous sommes attachés à ce que l'Europe change, qu'elle prenne des décisions, qu'elle assume ses responsabilités et de ce point de vue, ce Conseil européen a été positif.
Face à la crise économique et financière, nous avons donné une suite au G20 de Washington, au G20 de Londres, au rapport Larosière qui était lui-même la suite des deux G20. Pour la première fois, il y a eu un accord pour donner des pouvoirs contraignants à un comité de superviseurs européens. Il est maintenant clairement acté qu'en Europe les assurances, les banques, les agences de notation, le marché financier seront régulés de façon contraignante par un comité des superviseurs.
C'était une demande que la France avait présentée dès le début de la crise. Je veux dire mes remerciements à l'endroit de nos amis britanniques, et notamment de Gordon Brown, pour le consensus que nous avons pu obtenir à la suite de trois réunions, deux hier et une ce matin encore, sur cet engagement. Je pense que c'est vraiment quelque chose d'extrêmement important.
Je veux également me réjouir de l'accord qui a été trouvé avec nos amis irlandais et nos amis britanniques et qui met en forme juridique l'accord qui avait été conclu sous présidence française. Il y aura donc un protocole pour donner valeur juridique aux engagements politiques que nous avons pris avec les Irlandais, pour mettre Brian Cowen dans la meilleure condition pour l'organisation de ce référendum dont il nous a confirmé l'organisation avant la fin de l'année. Il est bien précisé que ce protocole ne modifie en rien, pour les vingt six autres Etats, le contenu du Traité de Lisbonne, donc n'implique pas ratification spécifique sur le contenu.
Comment passerons-nous à la forme juridique complètement achevée ? Lors du premier traité de ratification d'élargissement de l'Europe, comme je l'avais dit d'ailleurs en décembre dernier, on rajoutera le protocole irlandais. Ainsi, nos amis irlandais ont la force juridique qu'ils attendaient des engagements politiques que j'avais négociés. Nos amis britanniques ne sont pas obligés de faire un nouveau débat sur la ratification et les choses se sont réglées hier et ce matin autour de la Présidence tchèque, en présence de Mme Merkel, de M. Brown, de M. Cowen et de moi-même.
Ce sont quand même deux nouvelles extrêmement importantes. Une, sur le plan institutionnel et une sur le plan de la régulation financière.
Troisième élément, et je m'en réjouis beaucoup, il y a une demande qui a été faite d'aller plus loin dans une politique de l'immigration européenne, de ne pas s'en tenir au seul pacte d'immigration que la France avait porté. Nous aurons des propositions de la Commission.
Quatrième nouvelle, l'accord unanime des chefs d'Etat et de gouvernement sur la candidature de M. Barroso. Je me suis moi-même réjoui de la présentation de ce programme. La Présidence tchèque et la Présidence suédoise prendront des contacts avec le Parlement pour voir quand le Parlement veut ratifier cette proposition du Conseil. Nous préférerions que cela soit en juillet mais il reste à en débattre avec la Présidence et le Conseil.
Enfin, je veux dire que je suis très heureux de voir l'Europe unanime déclarer des choses fortes et sans ambiguïté sur la situation iranienne. C'est aux Iraniens de choisir leur gouvernement, mais on ne peut être qu'extrêmement préoccupé par la violence de la réaction du pouvoir en place. Le courage des Iraniens qui descendent dans la rue, pour demander quoi ? Le droit de choisir librement quel est leur avenir. Le fait qu'ils ne renoncent pas est un élément qui doit nous rendre extrêmement optimistes. L'Europe est unanime à condamner des violences. Quant au recomptage des voix, soit on les recompte vraiment, soit on ne les recompte pas, mais vous savez que j'ai toujours vu ceci aussi avec beaucoup de sévérité.
Voilà, je me livre bien sûr à vos questions. Mais au fond, il y a eu beaucoup de travail et les choses progressent.
Q - Une question à propos de M. Barroso. Je voudrais que vous nous expliquiez ce que vous avez particulièrement apprécié du mandat que vient d'effectuer M. Barroso. Qu'est-ce qui, dans son bilan, motive qu'on le reconduise pour cinq ans supplémentaires ?
R - D'abord, j'ai beaucoup apprécié les six mois qu'il a passés à travailler avec moi comme président du Conseil. Je ne suis pas du genre à dire que le succès de la Présidence française était uniquement dû à la Présidence française. La Présidence de la Commission a joué un rôle extrêmement positif et lorsqu'il a fallu aller à Washington convaincre le président Bush, M. Barroso était là. Je ne suis pas le seul à le penser puisque c'est unanime, y compris les Premiers ministres socialistes autour de la table, qui sont quand même nombreux. M. Zapatero a confirmé son soutien et le soutien de ses parlementaires à M. Barroso. M. Socrates, socialiste portugais, a confirmé le soutien de son gouvernement et des parlementaires socialistes à M. Barroso. M. Brown a confirmé son soutien. Donc, c'est unanime, il y a un consensus, c'est très clair. Je me suis permis de dire, lors du dîner hier, que ce soutien ne devait pas être compris comme un message d'immobilisme, mais que cela devait changer. De ce point de vue, le texte de M. Barroso me semble marquer une inflexion intéressante sur les idées que j'entendais défendre jusqu'à présent, y compris sur la nécessité d'une grande politique agricole commune. Tout cela me va bien.
Q - Toujours sur le même sujet, la balle est donc maintenant dans le camp du Parlement européen. Que se passerait-il si le Parlement européen ne votait pas en faveur de M. Barroso ?
R - Il faut voir cela avec un peu de recul, de raison. D'abord, les groupes sont en train de se réunir pour élire leurs présidents. Je crois que la dernière élection à la présidence d'un groupe doit être le 30 juin. Il se trouve que j'ai de très bons rapports avec, bien sûr, le président du groupe PPE, Joseph Daul, avec Martin Schulz, à ma connaissance le président du groupe socialiste, je lui ai parlé, avec M. Watson qui est président jusqu'à présent du groupe libéral, et même avec M. Cohn-Bendit que j'ai rencontré avec plaisir longuement.
Chacun a sa position. Le PPE a clairement gagné les élections. Les écologistes ont très clairement progressé. Quelles seront les majorités au Parlement européen ? Il ne m'appartient pas de les faire ni de les commenter. On verra bien ce qu'il en est. Je crois que si chacun fait preuve d'un peu de souplesse, d'un peu d'habilité, les choses devraient bien se passer. Si on s'enferme dans des calendriers trop rigides et si on essaye de trop forcer les choses, on arrivera à un raidissement.
Je ne pense pas, et je le dis pour vous comme pour les autres, que l'Europe ait besoin en plus, aujourd'hui, d'un conflit entre les différentes institutions. Je ne pense pas que c'est ce que les Européens attendent de nous. Il y a du chômage, il y a une crise, je ne pense pas que cela serait responsable ni pour le Conseil, ni pour le Parlement, de s'opposer et d'être dans une situation de blocage, alors même que l'on essaye de débloquer la réforme des institutions. Vraiment, par moment, il faut quand même essayer d'être raisonnable !
Avec cela, il y a le problème irlandais, on voit une perspective. Je vous rappelle ce qu'un certain nombre d'entre vous avait dit lorsque j'avais indiqué que les Irlandais devraient revoter. On m'a dit : "oh mon Dieu ! Qu'il est inexpérimenté ! Pourquoi dit-il cela ?" Eh bien, c'est bien ce qui va se passer, ce qui se passe. On a peut-être une chance d'avoir de nouvelles institutions, on ne va pas inaugurer cette chance en créant les conditions d'un conflit entre le Parlement européen et le Conseil. J'ajoute que je n'ai pas vu une solution alternative qui remplirait le même consensus.
Q - Inaudible.
R - ... Lesquels ?
Q - Inaudible.
R - Si c'est le candidat de Libération, cela prouve que l'ouverture, Monsieur Quatremer, cela marche. Ecoutez, ce n'est quand même pas à la France d'aller rompre le consensus autour de la table du Conseil. Mais objectivement, parlons très franchement, il y a un consensus autour de la table du Conseil. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu une autre période où il n'y avait pas eu de consensus.
Q - Je reviens sur l'Iran. Le Guide suprême, ce matin, Ali Khamenei, a fait une déclaration extrêmement violente pour dire que les résultats étaient définitifs et que ceux qui ne participeraient pas à la fête de la victoire seraient dénoncés par les gardiens du peuple, ce qui annonce une période extrêmement dure. Au-delà de la condamnation de ce qui se passe aujourd'hui en Iran, que peut faire l'Europe s'il y a un bain de sang ?
R - D'abord, nous ne voulons pas donner le sentiment que l'étranger, avec tout ce que cela porte derrière, s'occupe des élections internes en Iran. Enfin, nous avons des valeurs, nous avons des convictions. Quand on voit des images où des gens sont massacrés parce qu'ils demandent que l'on recompte des bulletins, quand on voit des résultats à ce point incohérents, l'Europe qui se tairait ne correspondrait pas aux valeurs de l'Europe. Quant à la France, je crois que notre position a toujours été très cohérente. M. Kouchner comme moi-même, nous avons toujours été partisans du renforcement des sanctions dans le cadre du dossier nucléaire.
Qu'est-ce qui se manifeste en Iran ? Le malheur et la protestation d'Iraniens qui se demandent pourquoi leur vie est de plus en plus difficile, alors que c'est un pays riche de ses ressources, très grand de son histoire et très fort de sa civilisation. C'est donc que les sanctions, le fait qu'un certain nombre d'Etats considère que ce n'est pas admissible que l'on parle de l'Holocauste en disant que c'est une plaisanterie, cela a quand même contribué à réveiller une société iranienne qui n'a pas l'air à ce point aussi confiante et satisfaite que voudrait bien le dire le Guide suprême !
On peut dire cela tout en souhaitant que l'Iran reprenne toute sa place dans la région et dans le monde, que le peuple iranien ait les moyens de se développer et que la discussion reprenne. Mais enfin, c'est aussi un message que nous envoyons, que l'Europe, le monde n'est pas décidé à tout accepter ou alors, à quoi cela sert-il que certains de vos collègues fassent leur métier dans des conditions extrêmement dangereuses ? Qu'est-ce que l'on doit dire ? Je suis toujours partisan du dialogue avec l'Iran, mais quand nous avons à condamner, nous devons condamner. De mon point de vue d'ailleurs, je vais vous dire, tout ceci quand même, l'émergence d'une rue iranienne pour réclamer plus de transparence et un meilleur avenir, je dis, c'est une bonne nouvelle.
J'espère que les dirigeants actuels de l'Iran ne commettront pas l'irréparable. Les aspirations du peuple iranien quand elles s'expriment comme cela avec un tel courage et une telle dignité, on ne peut qu'être admiratif. On ne va pas se taire en tout cas, ce n'est pas la politique de la France. Je le dis sans aucune agressivité à l'égard de qui que ce soit, même si vous savez, s'agissant de M. Ahmadinejad qui adore la provocation, ce que je pense de ses déclarations réitérées et multiples. J'ai eu l'occasion de le dire en termes particulièrement francs au ministre des Affaires étrangères iranien, parce que je souhaite avoir de bons rapports avec l'Iran. Mais je ne suis pas décidé à ce que l'on accepte des déclarations et des attitudes de cette nature. Alors, qu'est-ce qui va se passer dans l'avenir ? Quelqu'un le sait-il ? J'espère que l'Iran fera l'économie de la violence et que le gouvernement actuel de l'Iran respectera la population iranienne.
Q - Je reviens à M. Barroso une nouvelle fois. Mme Merkel disait hier qu'il n'y avait pas de grand leadership sans grandes difficultés à affronter. Elle parlait, bien sûr, du parcours de M. Barroso au Parlement européen dans quelques semaines. Je voudrais savoir, selon vous, quelles sont les qualités politiques personnelles de M. Barroso qui concourraient à ce leadership ? Et de manière plus générale, est-ce que vous êtes favorable au retour d'un grand leadership pour la Commission européenne dans les années qui viennent ?
R - J'ai des idées personnelles, mais je ne sais pas si c'est le lieu. Je pense que l'un des malentendus, pour tout dire, c'est que beaucoup d'observateurs spécialistes et engagés, et vous l'êtes, je veux dire spécialistes et engagés dans l'idée européenne, vous raisonnez sur une Commission à vingt sept comme vous raisonniez sur une Commission à six, à neuf ou à douze. Puis-je me permettre de dire que cela est injuste ? La Commission à vingt-sept, cela veut donc dire des plus petits portefeuilles et vingt-sept commissaires qui peuvent parler. Le président de la Commission, de mon point de vue, institutionnellement n'a pas assez d'autorité sur ces commissaires - pas M. Barroso, institutionnellement parlant -, que l'on n'a pas tiré les conséquences de l'émergence d'une Commission à vingt-sept dont les règles de fonctionnement devraient changer. J'ai beaucoup de respect pour M. Delors, beaucoup d'admiration pour ce qu'il a fait, mais convenez que cela était un peu plus simple à l'époque où il y avait une Commission beaucoup plus réduite. Je le dis parce que je le pense.
Deuxième élément, je crois profondément que la Commission n'est forte que si la présidence du Conseil est forte, que s'il y en a un qui est plus fort que l'autre, cela déséquilibre le système et cela oblige la Commission à aller sur un terrain politique qui n'est pas son terrain de prédilection. La Commission est gardienne des traités, la Commission est à la fois administrative et politique, mais si la présidence du Conseil ne fait pas assez son travail, cela expose la présidence de la Commission à prendre des décisions et des initiatives dans des domaines où ils ne sont pas forcément à l'aise, au-delà de la seule personne de M. Barroso.
A la question que vous posez, je suis vraiment pour une Commission forte, pour un Conseil fort et pour un Parlement fort. Le Parlement, c'est fait. Le Conseil, j'espère qu'avec Lisbonne, cela sera fait. Mais je pense profondément que l'on peut avoir un système "win-win" pour les trois grandes institutions.
Enfin sur M. Barroso, j'ai travaillé six mois avec lui, tous les jours, dans une très grande harmonie. Vous me dites : quelles sont ses qualités ? Je crois qu'il y en a deux : il a un grand sens politique et une grande expérience de la marche des affaires européennes et des Etats nationaux. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard s'il n'y a pas d'alternative extrêmement crédible. Je ne veux pas donner un jugement sur tout.
(inaudible). Oui, on parle toujours pour le moment. On est prudent, tous.
Q - Selon les informations qui ont été rapportées hier à la suite d'une réunion entre les parties civiles dans l'affaire de l'attentat de Karachi et les juges d'instruction, il semblerait que l'origine de l'attentat ne soit pas due à un acte de terrorisme mais plutôt à des représailles de l'Etat pakistanais après le non-versement de commissions. On parle même de rétro commissions qui auraient dû alimenter la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995. Est-ce qu'en tant que ministre du Budget, vous avez été au courant de tels accords ?
R - Ce n'était pas la peine de vous mettre à ma droite, pour parler de cela. Ecoutez, c'est ridicule franchement. Pas vous, je ne me le permettrais pas, je vous respecte. Ecoutez, s'il y a des ??léments, donnez-les nous. C'est grotesque ! Voilà ma réponse. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Raisonnement : pour son financement, M. Balladur aurait accepté des commissions qui n'auraient pas été payées à la suite de l'attentat de Karachi.
Respectons la douleur des victimes ! Qui peut croire à une fable pareille ? Si vous avez des éléments, donnez-les à la Justice et demandez à la Justice qu'il y ait une enquête. Franchement, qu'est-ce que vous voulez que je réponde là-dessus, honnêtement ? Il y a quatorze ans de surcroît. On est dans un monde où tout se sait, où la notion de secret d'Etat n'existe plus. Quatorze ans après, vous venez me dire si j'étais au courant de rétro-commissions qui n'auraient pas été versées à des Pakistanais dans le cadre de la campagne de M. Balladur. Et vous, vous n'étiez pas au courant non plus ? Vous, vous étiez peut-être journaliste à cette époque là, peut-être qu'à ce moment là, je vous aurais..... Non, je ne vous en veux pas, mais franchement.... S'il y a un braquage à Bruxelles aujourd'hui, j'y étais, c'est incontestable. Pardon, Karachi, c'est la douleur de familles, que voulez-vous que j'aille répondre là-dessus ?
Q - Monsieur le Président, deux questions en fait. Premièrement, êtes-vous favorable au vote d'une loi sur l'interdiction du port de la burqa ? Deuxième point, l'Elysée s'est félicité aujourd'hui de l'avancée des négociations avec les Émirats arabes unis sur le Rafale. Quand pensez-vous que la France et les Emirats arabes unis pourront parvenir effectivement à la signature d'un contrat pour la vente de Rafales ?
R - Sur le premier sujet, j'aurai l'occasion de parler de tout ceci et de bien d'autres choses lundi devant le Congrès. Ce n'est pas du tout que je veux fuir la question que vous me posez, mais mon rôle de président de la République, c'est d'essayer de mettre les réponses dans un contexte général et d'essayer d'expliquer des tendances lourdes et non pas de réagir à l'émotion du moment. Cela m'a été suffisamment reproché par un certain nombre d'entre vous pour que vous ne me tendiez pas le piège. J'observe, quand je vois certaines Unes de journaux, que l'émotion du moment, on y est en plein ! J'aurai l'occasion d'en parler lundi, je préfère réserver mes commentaires pour mon discours devant les parlementaires.
S'agissant des Emiratis, nous sommes en discussion. Cela montre que les discussions sur la vente de Rafales aux Emiratis progressent comme je l'ai toujours dit, que cela progresse, on peut le dire, significativement.
Q - Vous avez une idée d'un délai ?
R - J'ai même une idée très précise, mais enfin pour l'instant, avec nos amis Emiratis, on s'en est tenu à un communiqué. Je savais qu'ils faisaient cela, je ne savais pas si c'était ce matin ou demain matin, c'était en débat. Cela progresse. Ils nous ont donnés toutes les spécifications techniques qu'ils attendaient sur le Rafale. Vous avez vu que, quand j'ai été à Abou Dabi, il y a eu une première déclaration. Au salon du Bourget, il y a eu une deuxième. A chaque fois, cela progresse. C'est un sujet très important pour la France.
Q - Question sur la présidence du Parlement européen. Est-ce que vous soutenez M. Jerzy Buzek comme Mme Merkel l'a déjà fait ? J'aimerais connaître votre opinion.
R - Je trouve que ce serait un excellent candidat. Ce serait un excellent candidat d'abord parce que c'est un homme de qualité et de surcroît, il est certain que cela enverrait à nos amis Européens de l'Est un signal très positif.
Q - Monsieur le Président, c'est le premier Conseil européen après les élections européennes. Il y a eu beaucoup d'abstention, on en a énormément parlé avant les élections, on n'en parle plus du tout maintenant.
R - Personne ne vous empêche d'en parler, la preuve !
Q - Vous aviez dit la semaine dernière, lors de votre conférence de presse avec Mme Merkel qu'il fallait répondre aux abstentionnistes. Qu'est-ce que vous proposez justement comme réponse, est-ce qu'il faut attendre 2014 avant que la question se repose ?
R - Ce n'est pas mon genre d'attendre 2014, même 2012. Il me semble qu'en prenant les décisions que nous avons prises sur la régulation, c'est une réponse à votre question. Quand on a fait le Sommet de Washington, vous avez dit quoi ? "Ce sont des principes, on verra à quoi cela abouti". Quand on a fait le sommet de Londres, vous avez été un peu plus positifs, mais vous avez dit, notamment sur les paradis fiscaux : "on verra". Aujourd'hui, on a vu. Les îles Caïman renoncent au secret bancaire, la Suisse, le Luxembourg ont signé des conventions de transparence avec nous. Cela bouge. Et maintenant l'Europe se dote d'une régulation sur les risques systémiques, sur les banques, sur les assurances, sur les agences de notation, c'est ce que l'on voulait. Ce sont des résultats concrets maintenant. On a même prévu l'élection du président du groupe sur les risques systémiques. Franchement, qui peut contester que l'Europe a progressé ? Spectaculaire, en moins d'un an ! Cela, c'est du concret. Ne soyons pas non plus trop sévères avec l'Europe. Vous passez votre temps, à juste titre, à dire : "arrêtez de faire des grands discours, donnez du concret". Est-ce que cela ce n'est pas du concret ? Il y a eu une crise financière qui a mis le monde au bord du gouffre. Les déclarations du président Obama sur la régulation financière américaine sont remarquables. Ce que vient de décider l'Europe, c'est très bon. Cela bouge. C'est une réponse aux abstentionnistes.
Une deuxième réponse que je voudrais vous faire. Vous voyez bien qu'on est un peu entre deux parce qu'on est sur le Traité de Nice et, je l'espère, on va vers le Traité de Lisbonne. C'est quand même difficile pour nous, indépendamment de ce qu'il y a déjà dans les tuyaux, de prendre d'autres initiatives alors même que nous attendons le référendum irlandais de l'automne. Est-ce que je me fais comprendre là aussi ? Je crois vraiment que cela va dans le bon sens.
Il y a des tas d'autres choses que j'aimerais faire avancer plus vite : une coordination des politiques économiques, une politique européenne de l'immigration beaucoup plus ambitieuse, une réflexion plus avancée sur ce qu'on doit faire avec les pays qui ne sont pas encore dans l'euro et qui, de par le traité, ont l'obligation d'y entrer. J'aimerais que cela aille plus vite. Attendons de savoir quelles institutions seront celles de l'Europe à la fin de l'année pour le faire. Convenez que ce sera plus simple quand on saura si on est sur Lisbonne ou sur Nice et quelle est la nature des initiatives qu'il nous faudra prendre. Mais enfin malgré cela, les décisions prises dans ce sommet, je parle sous contrôle de Bruno Le Maire comme de Bernard Kouchner, montrent que ce n'était pas un sommet de transition. Si on n'avait pas pris ces initiatives, vous seriez en droit de dire : "oh la la, ils font moins que les Etats-Unis" ou "oh la la, ils sont en arrière par rapport à Londres". Ce n'est pas vrai.
Q - M. Cohn-Bendit, en sortant hier de l'Elysée, a suggéré que vous ne seriez pas prêt à mourir pour défendre M. Barroso dans l'hypothèse de sa reconduction. Je voulais savoir si M. Cohn-Bendit était un fidèle interprète de votre pensée ? Si vous pensez qu'il a plutôt dit cela pour handicaper M. Barroso ou plutôt pour vous gêner vous-même ?
R - Non, c'était juste de l'affection à mon endroit. Il est préoccupé de ma situation et c'est un homme généreux qui s'est dit : il faut que le président fasse attention, il travaille beaucoup. J'ai pris cela comme ça.
Q - Autre question sur le Conseil dont vous souhaitez une position forte. Quel serait votre candidat idéal à la présidence du Conseil européen sous le Traité de Lisbonne ? On a cru penser que vous souteniez M. Blair pendant assez longtemps, est-ce toujours le cas ? Pourquoi ? Y a-t-il un autre candidat ?
R - Vous êtes un spécialiste de l'Europe. Sur quoi se construit l'Europe ? C'est un sujet sérieux, vous tous ici, je crois que vous aimez l'Europe £ en tout cas, l'Europe vous intéresse. Sur quoi se construit l'Europe, sur quel mot se construit l'Europe ? Un mot : le compromis. Dans le bon sens, je ne dis pas compromis au sens compromission. Le compromis, c'est-à-dire la compréhension des lignes rouges de l'autre pour construire l'avenir. Si avant même que nous ayons la certitude d'avoir Lisbonne, avant même que la France propose un candidat, on se met en situation de bloquer le système et pas de le faire progresser...
Je sais parfaitement que c'est un sujet difficile, enfin c'est un sujet important.
Si nous avons Lisbonne, le premier président stable pour deux ans et demi de l'Europe, c'est un choix qui parlera extrêmement fort. Sa nationalité, sera-t-il d'un petit ou d'un grand pays, son expérience, son engagement européen, sa famille politique ? J'ajoute que tout ceci devra se construire dans le cadre d'un équilibre : président de Commission - si c'est M. Barroso, plutôt petit pays, sans porter atteinte au Portugal - le haut représentant, vice-président de la Commission et le président du Conseil. Tout ceci se discute. C'est impossible de répondre à votre question car naturellement, et moi ce que je souhaite, c'est qu'il y ait à ce moment-là un accord d'ensemble, vous voyez, un équilibre. Une famille politique ne pourra pas avoir tous les postes, ce n'est pas possible, ce n'est pas raisonnable.
La réponse que je faisais à votre consoeur polonaise sur la qualité de la candidature polonaise, c'est aussi un symbole vis-à-vis de l'Europe de l'Est. Il faut intégrer tout ceci. Donc ce n'est pas possible de répondre à votre question même si c'est un sujet naturellement majeur.
Je peux juste dire que je souhaiterais, en tout cas, si nous avons Lisbonne, que le premier président du Conseil soit quelqu'un de fort et d'ambitieux pour l'Europe parce que l'Europe le mérite et l'Europe en a besoin.
Q - Je voudrais vous demander votre évaluation de la Présidence tchèque. Que pensez-vous de la Présidence ? Etes-vous d'accord avec certains journaux qui parlent d'une tragédie ou d'une catastrophe ?
R - Je veux dire que M. Fischer a très bien fait son travail de président. Je vais même vous dire mieux, j'ai été heureux de le recevoir à Paris. Nous avons eu avec Bernard Kouchner, et Bruno était là, une réunion de travail. Je l'ai eu au téléphone à plusieurs reprises. Pendant ces deux jours, je n'ai cessé de le voir. C'est un homme qui a fait un travail calme, intelligent, raisonnable et avec qui j'ai eu plaisir à travailler. Ce qui s'est passé avant, je n'ai pas gardé mémoire de tout. Ce qui prouve que pour la République tchèque, c'est vraiment bien ce qui s'est passé. Ce n'était pas une présidence si facile que cela, parce qu'il y avait des dossiers difficiles. M. Fischer qui était président de l'Office des statistiques tchèque, je dois dire qu'il a fait un travail qui m'a vraiment impressionné, on était heureux de travailler avec lui dans un climat où il n'y a pas eu de tension, où les choses ont fonctionné très, très bien. La Présidence tchèque se termine bien. Nous en sommes contents.
Q - Je voulais savoir sur l'Iran, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec le président Obama sur la situation et deuxième chose, comment expliquez-vous la réaction américaine qui paraît plus réservée en tout cas que celle de l'Union européenne ?
R - J'en ai parlé souvent avec le président Obama. J'ai même dit au ministre des Affaires étrangères iraniennes : "mais saisissez la main tendue par le président Obama, montrez votre bonne foi". Et je crois que c'est intelligent d'avoir fait comme cela. Alors, il est vrai que nous avons eu une réaction plus vigoureuse sur l'Iran, nous ne sommes pas obligés d'être calés en tout point. Moi, j'étais très choqué des déclarations réitérées de M. Ahmadinejad. Je pense qu'au XXIème siècle, il n'y a aucune raison que l'on accepte des déclarations de cette nature sur l'Holocauste ou un certain nombre de choses. Pour le reste, nous allons voir comment tout cela évolue.
Je comprends d'ailleurs aussi la position du président Obama, qui est mon souci également, de ne pas donner le sentiment, parce que cela serait un service rendu à M. Ahmadinejad, qu'on veut s'ingérer dans les affaires iraniennes, vous le savez très bien. Mais en même temps, nous avons des convictions et nous soutenons l'Iran, nous soutenons le peuple iranien, mais il est où le peuple iranien ? Il est dans la rue, aujourd'hui. Je voudrais d'ailleurs appeler à réfléchir : en Iran, le peuple est dans la rue pour exiger plus de mesures et plus de raison, ce qui montre que le peuple descend dans la rue dans cette région du monde, pas simplement pour demander plus de fermeture, en l'occurrence, c'est l'inverse et c'est une bonne nouvelle.
Q - Et cette semaine, vous en avez parlé avec le président Obama ?
R - Je n'en ai pas parlé cette semaine, j'en ai parlé lorsque nous étions en Normandie.
Q - Monsieur le Président, pardon de vous projeter une nouvelle fois vers lundi et le discours. Visiblement, vous aurez à coeur de parler de la réforme des territoires. Est-ce que cela doit faire l'objet d'un référendum et si c'est le cas, est-ce que l'on doit parler aux Français de la limitation du cumul des mandats ?
R - Vous me ramenez exactement là où je ne voulais pas aller mais je voudrais juste dire une chose, si j'ai souhaité aller devant le Congrès, c'est pour valoriser le Parlement français, lui donner la primeur des orientations que je souhaite pour la France. La démocratie française a besoin d'un Parlement fort, d'un Parlement respecté et bien sûr respectable. S'il y a ce Parlement qui est tourné vers l'avenir, quelles que soient les convictions des uns et des autres, c'est avec le Parlement qu'il faut parler des grandes réformes de la France et pas avant même d'en avoir parlé penser à passer par-dessus le Parlement par la voie référendaire, ce qui serait absolument contradictoire. Enfin pardon, je ne ferme pas la porte définitivement sur tout cela mais enfin, je ne comprendrais pas bien la logique qu'il y aurait pour un président de la République à souhaiter s'exprimer devant les parlementaires pour parler de l'avenir et leur dire : "excusez-moi, mais cela se fera par le référendum, donc par-dessus votre tête". Honnêtement, cela ne serait pas très cohérent.
Q - Une question sur la supervision. On a décidé, à la demande de M. Brown, que les futures autorités européennes de supervision ne peuvent pas prendre de décisions contraignantes quand ceci implique des conséquences pour les budgets nationaux. Est-ce que ceci n'est pas amené à vider un peu de sa substance la supervision financière européenne ? Et deuxième question, M. Klaus a dit que les garanties irlandaises nécessiteraient un vote au Parlement en République tchèque. Qu'est-ce que vous en dites ?
R - La deuxième réponse est très facile. Il a été précisé que cela ne changeait rien, le protocole irlandais, au traité pour les vingt six autres Etats. C'est une décision juridique à portée politique qui s'impose à M. Klaus comme à chacun d'entre nous. De ce point de vue là, je pense que toute poursuite du débat sur le sujet serait de la polémique.
Il n'y a pas que M. Brown qui était inquiet des conséquences budgétaires, je crois savoir que l'Allemagne aussi. Je comprends parfaitement la chancelière qui disait : "attention, si c'est nous qui payons, on ne va pas se retrouver dans une situation où un organisme, fut-il européen, nous oblige à payer". Je trouve que l'accord que nous avons obtenu est majeur, d'autant plus que nous sommes tous convenus que c'est un point de départ et qu'il peut y avoir dans l'avenir un certain nombre d'évolutions. Mais les agences de notation, les banques, les compagnies d'assurance, les superviseurs nationaux, les Etats sont supervisés sur l'application d'une norme et d'une réglementation. Je sais qu'il y a le problème des chambres de compensation pour savoir si nous les mettons dans les mesures contraignantes ou pas.
Mon idée, c'est obtenir la réalisation d'une supervision européenne, obtenir la réalisation d'un pouvoir contraignant et, troisièmement, laisser vivre les institutions. Comme toute institution, nous savons parfaitement que cela commence dans un domaine défini et que ce domaine défini a tendance non pas à devenir indéfini mais à s'élargir et vous le savez très bien. C'est une règle absolue à toutes les époques et dans tous les pays. Il en ira de même pour la supervision.
Il a fallu trouver un accord, je trouve que c'est inespéré. Vous vous rendez compte qu'il y a neuf mois, est-ce que dans cette même salle, si j'avais dit : "on s'est mis d'accord pour un système de supervision européen avec pouvoir contraignant", il y en a-t-il un seul d'entre vous qui l'aurait cru ? Ni plus, ni moins, on a créé une nouvelle instance européenne, enfin un système en vérité, puisque c'était des vagues comités sur les assurances. Je pourrais après m'épancher sur l'affaire Dexia, je pourrais en dire beaucoup sur l'utilité de ces comités.
Nous avons créé un système de supervision européen avec pouvoir contraignant. Vous avez parfaitement raison, nous aurions pu encore élargir le domaine. Ma conviction, c'est que cela s'élargira par la jurisprudence, par la pratique comme cela s'est toujours fait. Mais enfin, déjà c'est impressionnant. Franchement, j'ai fait valoir d'ailleurs à mes collègues l'argument : "écoutez, au moment où les Etats-Unis se dotent d'un système, enfin, envisagent de se doter d'un système contraignant, l'Europe ne va pas donner l'impression d'être en arrière de la main. Cela serait invraisemblable".
C'est un progrès considérable qui a été fait. Alors évidemment, il est un peu masqué par le fait que cela a commencé à Washington, s'est poursuivi à Londres, il y a eu le rapport Larosière. Je me souviens de l'accueil du rapport Larosière. Je parle sous le contrôle de mes collègues et amis, le rapport Larosière n'avait absolument pas fait l'unanimité, il y avait même une tentation assez forte de l'enterrer. Quatre mois après, le rapport Larosière, il devient notre règle. Et maintenant, c'est décidé, plus personne ne peut y revenir. C'est quand même impressionnant.
Je redis parce que c'est la vérité, que j'étais heureux de travailler avec Gordon Brown qui a pris ses responsabilités et c'est un changement complet dans la stratégie anglo-saxonne jusqu'à présent. Là aussi, il y a eu des concessions intéressantes, mais j'ai vu M. Trichet, on a bien parlé, on travaille bien ensemble. Comment on doit nommer le patron de la supervision ? Je crois que c'était difficile de dire tout de suite obligatoirement, c'est le patron de la BCE pour les pays qui ne sont pas dans l'euro. Mais avec le système de l'élection, compte-tenu des rapports entre ceux qui sont dedans, cela reviendra à quoi ? A la même chose et vous le savez très bien. Je reconnais parfaitement la pertinence d'un argument qui consiste à dire : "vous ne pouvez pas dire, alors que je ne suis pas dans une zone euro, que la Banque centrale qui n'est pas la mienne sera obligatoirement le président de ...". Cela peut être le résultat, mais on ne peut pas le mettre comme a priori idéologique, cela n'a pas de sens si nous sommes dans la logique européenne d'une recherche du compromis pour aller de l'avant.
Voilà les discussions que nous avons eues encore hier soir tard avec M. Trichet et c'était très intéressant.