4 mai 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la politique en faveur de la réindustrialisation, à Paris le 4 mai 2009.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs les Commissaires,
Nous vivons la pire crise économique que le monde ait connue depuis 1929. L'économie américaine s'est contractée au rythme annuel de 6 % au premier trimestre. L'Allemagne prévoit une récession de 6 % sur l'année. La demande d'acier en Europe a baissé de moitié, le marché des engins de chantier s'est effondré de 80 %.
Pourtant, nous croyons que la France sortira de cette crise plus forte qu'elle n'y est entrée. C'est l'objectif constant de François FILLON et du Gouvernement, semaine après semaine depuis le début de la crise. La France s'en sortira en innovant, en investissant, en allégeant sa fiscalité. Elle ne s'arrêtera pas un instant de préparer l'avenir. Mais il est vrai que dans l'instant présent, en 2009, la violence de la crise secoue notre tissu industriel comme jamais il ne l'a été depuis la dernière guerre. Notre industrie - disons les choses comme elles sont - n'a pas assez profité des bonnes années, quand il y avait de la croissance, parce que les 35 heures l'étouffaient, parce que la fiscalité sur la production l'accablait. Ce que la croissance apportait au tissu industriel français, les délocalisations trop souvent l'emportaient. Et aujourd'hui que la crise est là, notre industrie souffre, comme les autres.
Alors à une crise exceptionnelle, il fallait une réponse exceptionnelle. Nous n'avons pas le droit de laisser mourir la France industrielle. Nous n'avons pas le droit de laisser des villes industrielles, qui sont l'armature de l'économie française depuis deux siècles, regarder impuissantes partir au chômage leurs derniers ouvriers. Nous n'avons pas le droit de laisser sans rien faire fermer l'usine qui a donné du travail et de la fierté à quatre ou cinq générations. Si c'est cette crise qui doit abattre cette usine qui a pourtant traversé les autres, alors il faut trouver au site une nouvelle vocation, industrielle, pour que la prochaine génération puisse à son tour y trouver un emploi.
C'est pour cela, madame et messieurs les commissaires, que vous êtes là. Vous êtes l'incarnation de la volonté du Gouvernement de n'abandonner aucun salarié et aucun territoire. Vous aurez sur votre territoire la responsabilité de prouver que l'Etat se bat au côté des salariés, des élus et des entrepreneurs pour surmonter la crise.
Votre rôle consistera à tout faire pour anticiper et éviter les plans sociaux massifs et les dépôts de bilan. Vous disposerez d'un ensemble d'outils puissants mis en place ces derniers mois. René RICOL, à qui je veux rendre une nouvelle fois hommage, le médiateur du crédit, sera à vos côtés pour mobiliser les banques sur les dossiers difficiles. Oséo, dont le président François DROUIN est aussi ici, a des moyens massivement renforcés pour soutenir le crédit aux entreprises : Oséo peut maintenant garantir jusqu'à 90 % des emprunts des entreprises, jusqu'à 15 Meuros. Nous venons d'ouvrir une ligne de prêts directs du Trésor de 100 Meuros pour les cas difficiles, qui sont maintenant à la disposition de Christine LAGARDE et de Luc CHATEL.
Je vous demande d'expliquer les mesures que nous avons prises pour le recours au chômage partiel, car il peut éviter, ce recours, des destructions d'emplois définitives. Nous avons augmenté le nombre d'heures autorisées de chômage partiel. Nous avons porté de quatre semaines à six semaines la durée consécutive possible pour le chômage partiel. Et le chômage partiel est maintenant beaucoup mieux indemnisé qu'il ne l'était auparavant.
Alors lorsque les licenciements sont inévitables, vous devez vous battre pour le reclassement des salariés, pour éviter le chômage.
C'est d'ailleurs pour cela que nous avons déployé le contrat de transition professionnelle pour les entreprises de moins de 1000 salariés. Contrat qu'avait inventé Jean-Louis BORLOO. Il donne une meilleure indemnisation, quasiment 100% du salaire net pendant 12 mois et surtout il apporte un accompagnement intensif vers l'emploi. Nous avons décidé d'étendre ce contrat 25 bassins d'emploi.
Quinze ont déjà été choisis. Christine LAGARDE, Laurent WAUQUIEZ et Luc CHATEL nous ont proposé, Monsieur le Premier ministre, une liste complémentaire de cinq territoires qui ont été sélectionnés en fonction de la taille du bassin, du taux de chômage, des restructurations en cours, de la fragilité du tissu industriel. Ces cinq bassins qui bénéficieront maintenant du contrat de transition professionnelle sont : Auxerre, Dreux, Poissy-Les Mureaux, Saint-Quentin et la Vallée de l'Arve.
Nous avons également décidé d'étendre les périmètres de six bassins CTP existants : puisque nous étendons celui de Belfort-Montbéliard à Lure-Luxeuil, nous étendrons celui de Douai à Roubaix-Tourcoing, celui du Havre à Lisieux et à Dieppe, celui de Niort au Nord Deux-Sèvres, celui de Vitré à Rennes et au Segréen, et celui de Charleville à Rethel.
Je rappelle enfin qu'il n'y a pas que le CTP : que les partenaires sociaux, à qui je veux rendre hommage pour leur grand sens des responsabilités et avec qui nous allons continuer à travailler et à dialoguer, ont décidé de renforcer et d'améliorer la convention de reclassement personnalisé.
Enfin je vous demande de vous donner à fond pour soutenir les projets de reprise et de réindustrialisation des sites. A vous de lever tous les blocages administratifs. A vous de cibler les investisseurs, de les faire venir sur vos sites. A vous de rassembler les collectivités locales et les services de l'Etat autour de projets d'investissement les plus utiles au redémarrage industriel de votre territoire. Vous avez tous les leviers en main : toutes les aides à l'innovation, en particulier celles d'Oséo, la prime à l'aménagement du territoire, le fonds national de revitalisation des territoires, aujourd'hui doté de 150 Meuros et qui pourra intervenir directement en financement des projets privés via des prêts participatifs.
L'investissement que vous devez susciter n'est pas seulement matériel. Il faut investir dans les savoir-faire, la formation, le capital humain. C'est pourquoi nous avons, avec le Premier ministre, accepté lors du sommet social du 18 février, la création d'un fonds d'investissement social. Initiative des partenaires sociaux. Il est aujourd'hui là pour soutenir toutes les initiatives de formation qui préparent l'après-crise. Ce modèle de formation pour l'après-crise a été efficacement retenu depuis cinq mois pour les décolleteurs de la vallée de l'Arve en Haute-Savoie.
Vraiment l'idéal, c'est que toute personne qui perd son emploi à la suite d'un licenciement économique, ait la chance d'avoir son salaire maintenu, une formation qualifiante proposée pour que cette personne puisse, quand la croissance reviendra, exercer ses talents dans un autre secteur.
Alors vous, il faut que vous soyez le centre de la toile, entre les ministères, Oséo, la médiation du crédit, le CIRI, les collectivités locales, pôle emploi.
Vous avez une tâche difficile parce qu'il ne s'agit pas simplement de traiter l'urgence et de parer au plus pressé, mais de construire une stratégie de sortie de crise.
Vous êtes porteurs d'une véritable politique industrielle territoriale. N'hésitez pas à proposer des solutions nouvelles, à sortir du prêt-à-penser, des vieilles habitudes. N'hésitez pas à bousculer, à en faire trop, car il n'y aurait rien de pire que d'en faire trop peu. N'hésitez pas à être réactifs, offensifs inventifs. Il faut que vous compreniez, que vous rassuriez, que vous éclaireriez, travailliez en lien très étroit avec les partenaires sociaux, comme nous le faisons nous-mêmes au niveau national. Depuis le début de la crise, le dialogue social n'a jamais été interrompu. Ce dialogue social a été constructif parce que, au-delà des divergences d'opinions et parfois des oppositions, nous partageons avec les partenaires sociaux un même objectif : trouver des solutions concrètes pour les Français victimes de la crise.
Au mois de juin, je reverrai les partenaires sociaux, on fera le point. Quelles sont les mesures que nous avons prises qui ont porté leurs fruits ? Quelles sont celles qui sont insuffisantes ? Quelles sont celles que nous devons doper encore ? Quelles sont celles que nous devons inventer ? Soyons pragmatiques, soyons réactifs, soyons volontaires et soyons unis pour apporter des solutions à la crise.
Sur ce territoire qui est le vôtre, c'est vous qui avez tout en main. Et pourquoi nous avons décidé cela ? Parce qu'il y a beaucoup d'argent disponible, il y a beaucoup de moyens disponibles mais chacun dans son administration au lieu de mettre au service de ceux qui sont dans la difficulté ces moyens, a tendance à raisonner d'une façon verticale en ignorant ce que font les autres à côté. Vous, vous aurez le pouvoir de la synthèse, de la cohérence et de l'ensemble, n'hésitez pas à vous en servir, nous vous faisons confiance. Et dans votre main il y aura tous les fils. N'hésitez pas à dire s'il y a des administrations qui font de la rétention. C'est sur vous que se jouera la partie. L'urgence bien sûr, mais l'avenir également. Ce n'est pas simplement pour apporter une réponse immédiate à une désespérance, c'est pour ne pas laisser détruire le tissu industriel français.
Nous avons demandé à Michèle Alliot-Marie et aux ministres présents que tous les commissaires à la réindustrialisation soient en place, sur leur territoire au plus tard au 1er juin prochain. Nous ne pouvons pas attendre. Et je sais que maintenant, avec Luc CHATEL et les ministres, vous avez une réunion de travail. J'admets bien volontiers que commissaires à la réindustrialistation c'est une innovation, comme médiateur du crédit, c'était une innovation mais ce qu'on veut, c'est être efficace dans cette crise qui est également d'un nouveau type.
Et puis, soyez ouverts avec tout le monde, dialoguez avec tout le monde. Ne refusez aucune main tendue, amenez tout le monde autour de la table. Vous avez les moyens dans votre secteur. C'est dire combien on attend de vous, combien on vous fait confiance et bien sûr on vous réunira très régulièrement pour que vous nous disiez là aussi ce dont vous avez besoin en plus, ce qui marche, ce qui ne marche pas. Et puis aussi pour faire des bonnes pratiques, voir comment tel ou tel a pu résoudre un problème et que l'autre puisse s'en inspirer.
Je vous remercie.