1 avril 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Luiz Inacio Lula Da Silva, Président de la République fédérative du Brésil, sur les relations franco-brésiliennes et sur la préparation du G20 de Londres, à Paris le 1er avril 2009.

Mesdames et Messieurs bienvenue.
Je voudrais dire combien j'ai été heureux de retrouver le Président LULA qui nous a fait l'honneur et le plaisir de s'arrêter à Paris sur le chemin de Londres, où nous allons nous rendre dans quelques minutes. Je tiens à l'en remercier très chaleureusement.
Nous avons parlé, pour faire simple, de deux grands sujets.
Premier sujet, le partenariat stratégique entre le Brésil et la France, qui me verra retourner au Brésil le 7 septembre prochain à l'invitation du Président LULA. Notre collaboration est au beau fixe sur tous les sujets. Le 7 septembre nous annoncerons de nouvelles décisions opérationnelles de collaboration économique, de transfert de technologies, de projets industriels dans le cadre de ce partenariat stratégique. Nous aurons l'occasion de vous en reparler.
Et la deuxième tête de chapitre de nos entretiens, c'est bien sûr la préparation du G20. Identité de vues totale, complète, entre le Brésil et la France. Notre partenariat stratégique n'est pas simplement économique, il est également politique et diplomatique. Le Président LULA et moi nous voulons que le monde change, que le monde bouge et qu'il y ait un minimum de régulation compte tenu du désastre qu'a représenté la dérégulation.
Et enfin nous allons demander au ministre des Affaires étrangères et à la ministre des Finances des deux pays de travailler d'une part sur les projets économiques pour la visite du 7 septembre et d'autre part sur nos projets stratégiques et politiques puisque nos deux ministres des Affaires étrangères vont préparer une contribution commune du Brésil et de la France pour une nouvelle gouvernance mondiale.
Mesdames et Messieurs vous le voyez c'est un très grand ami de la France qui est reçu ici, le Président LULA pour qui j'ai beaucoup d'amitié et beaucoup d'admiration. Et puis nous sommes conscients que le Brésil et la France, si on parle d'une même voix, si on avance ensemble, on est plus fort. Nous sommes au XXIe siècle, le monde est en train de changer et grâce à ce partenariat stratégique on va peser sur les grands enjeux du monde.
Nos priorités, nos agendas, nos calendriers vont dans le même sens. C'est très important avant de partir à Londres, où je retrouverai Mme MERKEL, qu'avec le Brésil et la France il y ait ce partenariat stratégique total.
M. LULA DA SILVA - Tout d'abord j'aimerais dire au Président SARKOZY combien je suis heureux de pouvoir passer quelques heures ici, à Paris, afin que nous puissions évoquer ensemble l'avenir des relations entre la France et le Brésil.
Je crois que nous avons ce partenariat stratégique qui va devenir une réalité et qui ne fera que consolider la relation déjà extraordinaire qui existait depuis longtemps entre la France et le Brésil. N'oublions pas, cette année, c'est l'année de la France au Brésil. Et nous serons chargés de faire encore mieux que ce que la France a fait, ici, lorsque l'année du Brésil s'est déroulée ici. Je ne sais pas si nous saurons faire mieux. Le vin que nous proposerons aux Français eu Brésil ne sera peut-être pas aussi bon. Mais en tout cas nous essayons de faire en sorte que notre vin s'approche de la qualité du vin français.
Nous sommes en train de faire devenir réalité un rêve ancien, un rêve de deux grandes démocraties, de deux pays importants, chacun sur son continent. Cette excellente amitié qui nous unit, cette bonne cohabitation démocratique doivent nous permettre de faire des progrès dans le champ économique, scientifique, technologique. Le partenariat avec la France fera des propositions pour la gouvernance mondiale.
Personne n'ignore que les turbulences que nous traversons aujourd'hui sont le fruit d'un manque de gouvernance, d'un manque de responsabilité. Lorsque nous avons laissé des gens ou des individus ou des institutions prendre des décisions tout seul, des décisions néfastes pour un ensemble immense d'êtres humains, et puis après c'est aux dirigeants politiques d'essayer de recoller les morceaux.
Je crois que la mise sur pied d'un groupe de travail entre la France et le Brésil sous la coordination, sous la houlette de nos ministres des Affaires étrangères avec les ministres de la Défense, les ministres de la Science et de la Technologie, sans parler de notre alliance sur le plan économique fera en sorte que lorsque nous arriverons en septembre, lorsque le Président SARKOZY sera accueilli avec les honneurs le jour de l'indépendance du Brésil. A ce moment là nous devrons pouvoir signer de nouveaux accords et ouvrir encore plus le champ de la coopération entre la France et le Brésil.
La deuxième chose c'est notre voyage à Londres demain. Les représentants de la presse savent certainement combien on attend de cette réunion de Londres. C'est une lourde responsabilité qui pèse sur les épaules des dirigeants qui se retrouveront là bas. Les mesures à prendre ne seront pas faciles et encore moins si l'on n'a pas le courage de comprendre que les décisions que nous prendront demain, devront être des décisions politiques.
Sur le volet économique, nos ministres et nos experts seront certainement traiter cela. Ce qu'il faut, c'est que nous fixions le cap politique de ce que nous voulons. Le Président SARKOZY et moi-même, ne voulons absolument pas assumer la responsabilité d'une réunion vouée à l'échec, une réunion où la plus grande décision serait de décider de se retrouver de faire encore une réunion. Çà, on peut le faire ailleurs. Combien ai-je vu de réunions dans le monde syndicale en tant que Président de la République il faut que nous fassions des réunions qui prennent des décisions et tout le monde sait parfaitement ce qu'il faut faire. Il n'y a plus de secret là-dessus. Il ne reste plus qu'à prendre les responsabilités. Autrement dit, il faudra que l'on restaure le crédit dans le monde. Ce n'est qu'avec la restauration du crédit dans le monde que nous pourrons restaurer la confiance, que les consommateurs français, brésiliens, américains, allemands, britanniques auront afin qu'ils puissent consommer à nouveau et faire marcher l'économie à nouveau. Nous savons également qu'il faut créer les conditions nécessaires pour que les institutions multilatérales de financement puissent recommencer à financer et notamment les pays qui en ont le plus besoin, les pays les plus pauvres, les pays en voie de développement afin que les économies de ces pays puissent de nouveau fonctionner normalement et pour que cette crise qui est née aux Etats-Unis ne devienne pas un chaos économique.
Et en outre, je crois que nous sommes tout à fait d'accord avec la nécessité du renforcement des institutions, pour que ces institutions aient les capacités de trouver davantage de ressources, de moyens. Des décisions devront être prises demain. Mais ce qui est très important également, c'est que des pays plus importants que les nôtres, dont le PIB plus élevé que le nôtre et qui par conséquent ont davantage de responsabilités dans cette crise, acceptent de prendre la responsabilité de normaliser leurs institutions financières. Je vous le demande : jusqu'à quand allons-nous payer pour sauver ces crédits toxiques. Au Brésil, nous les appelons des crédits pourris. Nous sommes un peu plus francs parce que nous ne pouvons pas continuer à verser à fonds perdus de l'argent dans les banques, un argent qui ne revient jamais sous forme d'investissements et de crédits. Il faut bien se rendre compte que le système financier doit forcément revenir aux liens qui l'attachent au secteur productif. Tout le monde a le droit de gagner de l'argent mais tout le monde également a le droit de produire un bien matériel en échange de l'argent qu'il gagne. On peut construire une maison, une voiture, un stylo, une chemise, une cravate, des chaussures, ce que l'on veut et c'est ainsi que les gens gagnent de l'argent et le système financier doit servir à cela. Il ne doit pas servir à spéculer. L'un et l'autre se vante des bouts de papier qui ne résultent d'aucune production et lorsque tout cela expose, deviner qui doit payer les pots cassés ? Ce sont les travailleurs, les travailleurs qui ne savaient même pas qu'il y avait ce carrousel financier au dessus d'eux.
Nous sommes d'accord sur un autre point et nous serons certainement confrontés à une forte résistance, c'est la question des paradis fiscaux. On ne peut pas, il n'est pas acceptable que sur la planète-terre où il y a plus d'un milliard d'êtres humains qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, que quelqu'un puisse retirer de l'argent du secteur productif et le placer dans la spéculation. Ce n'est pas possible. Démocratiquement, c'est irresponsable, éthiquement ce n'est pas tenable, c'est immoral. Et nous sommes des dirigeants, nous avons demandé dans la rue, au peuple, leur vote, leur voix et donc au nom de ce peuple, nous avons la responsabilité de dire : il faut tirer un trait là-dessus. Si quelqu'un a de l'argent à économiser eh bien qu'il le mette dans la banque ou qu'il l'investisse dans l'industrie automobile ou dans le bâtiment, ou dans le textile, ou dans le secteur informatique mais jamais, au grand jamais qu'il ne se contente pas de spéculer là-dessus pour gagner de l'argent sans produire. Vous l'aurez compris, ce sera une réunion entre amis mais une réunion difficile, difficile parce que tous les amis ne pensent pas forcément de la même façon. Chacun évidemment pense à son propre peuple, à son propre pays mais nous avons également été élus pour penser à notre peuple et à notre pays mais aussi à ce qui se passera pour tous ceux qui ne sont pas de notre pays mais qui attendent de nous des décisions de nous, des décisions pour les aider. Comme je suis très optimistes Monsieur le Président, je suis excessivement optimiste, je suis sûr que demain nous en repartirons avec au moins une proposition qui sera un encouragement pour les millions d'êtres humains qui attendent de nous que nous soyons leur porte-parole et que nous prenions des mesures qui leur fassent penser que dans quelques jours, l'économie retrouvera la voie normale, qu'il retrouvera un emploi, qu'il pourra travailler, qu'il aura de quoi s'acheter à manger et pour s'habiller.
Je voudrais vous remercier pour ces quelques heures ici. Cette réunion a été très importante pour que nous accordions nos violons pour notre présence à la réunion de Londres demain et j'espère vous revoir demain encore plus optimiste, encore plus prêt à combattre, encore plus combattif parce que la France est un pays très important. Elle joue un rôle très important et la combattivité dont vous avez fait preuve ces derniers mois montre que la France pourra aider à faire en sorte que les autres pays bougent également politiquement et que nous n'ayons pas peur de prendre des décisions. C'est la peur qui a donné naissance à la crise, c'est la peur qui a entraîné cette crise parce que les mesures auraient pu être prises dès septembre 2007 mais on n'a rien fait. Je pense que nous devrons prendre des décisions.
Merci infiniment mon ami.