26 mars 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-congolaises, à Brazzaville le 26 mars 2009.

Monsieur le Président de la République du Congo, cher Denis,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Député-maire de Brazzaville,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Merci à tous les Congolais, tous les Brazzavillois pour leur accueil si chaleureux. Je suis heureux d'être ici, dans cette ville chère au coeur des Français.
Le Président SASSOU l'a évoquée, l'épopée de Savorgnan de Brazza, cet explorateur, cet aventurier à la fois visionnaire et humaniste, dont votre ville a gardé le nom.
Il est le symbole et le modèle de l'ouverture, de la compréhension et du pacifisme, il s'est opposé aux humiliations et aux violences qui ont trop longtemps accompagné la colonisation.
Inspiré par ces valeurs, Pierre Savorgnan de Brazza a écrit les premières pages de la rencontre entre la France et le Congo. Il a écrit les premières pages de notre amitié.
Brazzaville évoque bien sûr d'autres moments de notre histoire commune.
Brazzaville a été le point de départ de l'épopée qui a permis la libération de la France. Comment ne pas évoquer bien sûr le Général de Gaulle, venu à ma connaissance sept fois entre 1940 et 1944. Il est revenu après, mais dans cette période charnière, il est venu sept fois. Mais permettez-moi également d'évoquer un autre nom, celui de Félix Eboué, gouverneur noir de l'Afrique équatoriale française. C'est un nom qui fait honneur à l'Afrique.
La France n'oublie pas le rôle joué par ce qui constituait alors l'empire colonial français pour la libération de son territoire.
L'Afrique n'oublie pas non plus que Brazzaville a accueilli en 1944 la conférence qui a ouvert la voie de l'émancipation des colonies françaises.
Monsieur le Président,
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le rôle de Brazzaville et la place singulière qu'occupe le Congo dans les relations entre la France et l'Afrique.
Discours du Général de Gaulle d'août 1958 : la reconnaissance du droit à l'indépendance des peuples d'Afrique.
L'histoire est donc importante dans notre relation mais cette relation n'appartient pas seulement à l'histoire. Notre relation ne se raconte pas seulement au passé. Je ne veux pas que chaque fois que quelqu'un vient à Brazzaville, il n'évoque que le passé, c'est l'avenir qui compte. Le Congo est un pays jeune, sa population est jeune. Commémorer le passé, cela compte, mais moi je pense que trop souvent on a commémoré le passé parce qu'on n'avait plus rien à dire sur l'avenir. Je demande qu'on réfléchisse à cela. Ce n'est pas trahir le passé que d'évoquer l'avenir. Mais le passé glorieux entre nos deux pays, parce qu'il a été construit par un visionnaire, à nous de faire de la relation franco-congolaise une étape vers la construction d'un futur commun.
La France est le premier investisseur dans votre pays. Elle en est fière car les entreprises françaises veulent investir au Congo. Elles sont un acteur essentiel du développement et de la croissance.
Les forages de Total, premier producteur de pétrole, les chantiers routiers et d'électrification de Vinci et de Bouygues, les projets d'équipements portuaires du groupe Bolloré amélioreront les performances économiques du Congo. D'autres opérateurs français sont prêts à investir dans votre pays. Nous ne demandons aucun passe-droit. Mais nous voulons que vous nous fassiez confiance, à notre compétence, à notre dynamisme. Nous voulons investir pour longtemps au Congo Brazzaville.
Monsieur le Président,
Les priorités que vous avez retenues pour votre pays concernent des défis majeurs.
Au travers de l'annulation de la dette extérieure du Congo, c'est toute la question de la croissance économique et du développement du Congo qui est en jeu. La France vous appuiera totalement, et je suis déterminé à plaider la cause du Congo et à valoriser les réformes entreprises et les engagements que vous avez pris.
Ces annulations de dettes permettront que de nouvelles ressources soient mises à la disposition du développement du Congo pour le mieux-être de sa population.
Vous avez des ressources pétrolières un potentiel agricole, forestier, minier, la réussite ne peut être qu'au rendez-vous et le peuple congolais devrait pouvoir en sentir les bénéfices.
Nous avons toutes les raisons de croire en l'avenir de votre pays. Je ne considère pas que l'aide de la France au Congo relève de la charité. L'aide de la France au Congo, c'est un investissement dans un pays en l'avenir duquel nous croyons.
À travers la signature du nouveau Document Cadre de Partenariat en mai 2008, dont Cher Denis tu as parlé, c'est le thème d'une coopération responsable que nos deux pays ont mis en place. Coopération responsable car répondant mieux aux besoins congolais, une coopération plus efficace, près de 200 millions d'euros.
Comme l'a souhaité le Président, l'accent est mis sur les infrastructures, permettant d'assurer une meilleure mobilisation des ressources propres du Congo.
Priorité à l'environnement, à la préservation des forêts du bassin du Congo. L'Afrique centrale dispose d'une richesse qui constitue un trésor pour l'Humanité.
Vous avez vous-même organisé le forum mondial du développement durable à Brazzaville, il y a un an.
Notre action commune dans ce domaine doit être un modèle.
Monsieur le Président,
Je ne saurais terminer ce toast sans évoquer l'actualité congolaise sur laquelle tant les journalistes que les Congolais de France ou les amis du Congo ont voulu me prendre à témoin.
Le Congo a connu et connaît toujours de nombreuses mutations qui reflètent celles de l'Afrique toute entière mais qui s'en singularisent par la passion qui anime souvent les Congolais. Remarquez, en matière de passion la France... C'est pour cela que j'en parle !
Disons les choses comme elles sont, votre pays a connu le parti unique, votre pays a connu les coups d'Etat. Il a connu, comme d'autres, une conférence nationale souveraine suivie d'élections libres dont, Monsieur le Président, vous avez loyalement accepté le verdict démocratique. Ce n'était pas plaisant, je ne connais personne qui pense que c'est plaisant de perdre des élections. Un Chef d'Etat qui accepte le verdict des urnes, en 1991 c'est quelque chose qui compte, spécialement sur ce continent. Et ce n'est pas si fréquent.
Mais votre pays a aussi connu des guerres, des guerres civiles - trois - mais aussi, il a connu à votre initiative, Monsieur le Président, le dialogue, la réconciliation et, j'ose le mot, l'amnistie.
2009 est une année particulière pour le Congo : pour la troisième fois, les Congolais seront invités à choisir leur Président. Vous savez combien il est important pour vos compatriotes, pour vos voisins et vos partenaires que le processus électoral se déroule dans la sérénité et la transparence.
Rien ne serait pire qu'un réveil, même très partiel, des vieux démons de la violence politique. Je l'ai dit à tous mes interlocuteurs au Congo. Aimer le Congo, c'est dire à chacun que vous avez besoin de tous vos enfants, de tous vos talents et que personne ne prenne le risque de ranimer ce que Monsieur le Président vous avez eu tant de mal à ramener : la stabilité et la sécurité.
Comme d'autres, mais avec leur spécificité et leur identité, les Congolais aspirent poursuivre leur assignement de la démocratie. Je dis bien les Congolais car je ne considère pas que la démocratie et moins encore les droits de l'homme, soient des valeurs étrangères à l'Afrique.
Ils répondent aux aspirations profondes des peuples africains comme de tous les autres peuples. Tu sais Denis, nous en Europe, on a bien connu cela, le nombre de gens qui nous expliquaient, à l'époque du rideau de fer, que la démocratie ce n'était pas pour les Russes, c'était pour l'Europe de l'Ouest mais pas pour l'Europe de l'Est. Ils ont disparu ceux qui disaient cela, parce que la démocratie elle est aujourd'hui de l'autre côté de ce qu'était le rideau de fer, qui a disparu. C'est une aspiration naturelle sur tous les continents et de tous les peuples. Ce n'est pas une espèce de manie occidentale que l'on voudrait vous imposer. C'est une aspiration naturelle des peuples africains comme de tous les autres. En Afrique même, ces aspirations ont déjà été d'ailleurs le moteur et le puissant ressort des luttes réussies.
J'ai simplement voulu partager ma conviction personnelle et profonde que l'enracinement de la démocratie est, au Congo comme ailleurs, la meilleure garantie de la paix et de la bonne gouvernance.
Il n'y a aucune leçon à donner, il y a simplement un témoignage que la démocratie, c'est très difficile à obtenir, c'est très difficile à installer. Je vous assure, quand on l'a obtenu, quand on l'a installé, c'est très difficile à vivre. Mais malgré toutes les difficultés, on n'a pas inventé un meilleur système, ni ici, ni ailleurs.
Monsieur le Président, Cher Denis,
Même si cette année 2009 a commencé bien cruellement pour vous et votre famille, bien cruellement, et croyez bien que tous les Congolais bien sûr partagent votre peine, mais qu'au-delà, tous vos amis ont pris part à cette peine, à ce chagrin, irremplaçable, implacable de perdre un enfant, quelque soit son âge et quelque soient les conditions.
Permettez, Monsieur le Président, Cher Denis, que je lève mon verre à mon tour, au bonheur de votre famille si durement éprouvée, à votre santé, à celle de votre épouse. Je lève mon verre au succès de vos actions et au succès du Congo.
Pour le bonheur et la prospérité de tous les Congolais sans aucune exception.
Je vous remercie.