19 février 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Intervention de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur RFO le 19 février 2009, sur les mesures d'urgence et les changements structurels face à la crise sociale dans les départements d'Outre-mer.

Mes chers compatriotes d'Outre-mer,
Cet après-midi j'ai rencontré vos élus.
Nous avons parlé ensemble des difficultés que vous crée la crise économique mondiale, des menaces qu'elle fait peser sur votre avenir et nous avons réfléchi ensemble aux causes de ce profond malaise qui étreint un nombre croissant d'entre vous et je pense bien sûr d'abord à vous, mes compatriotes de la Guadeloupe, et à vous mes compatriotes de la Martinique. Nous avons discuté de vos attentes, de vos espoirs. Nous avons cherché des solutions pour le présent et surtout des voies pour l'avenir.
Alors ces solutions, elles ne peuvent pas naître du désordre.
Ces voies elles ne peuvent pas être celles de la violence.
Aujourd'hui en Guadeloupe une famille pleure. Je veux dire à cette famille, je veux dire à cette mère, à ce petit garçon de 8 ans qui n'a plus de père, à tous les habitants de la Guadeloupe qui se sentent touchés par ce deuil que je m'associe, et à travers moi tous les Français, à cette douleur. C'est le déchainement d'une violence aveugle qui a permis que cet assassinat soit perpétré, car c'est bien d'un assassinat qu'il s'agit.
Mon devoir c'est de faire respecter les lois de la République et je les ferai respecter parce que je ne veux pas que demain d'autres familles aient à pleurer un père, une mère ou un enfant.
Nous avons la chance de vivre dans une démocratie. Ce n'est pas si fréquent dans le monde. Et dans une démocratie on peut s'exprimer, on peut se faire entendre, on peut manifester, sans avoir besoin de recourir à la violence. L'avenir de la Guadeloupe, comme celui de la Martinique, de la Guyane ou de la Réunion, mérite mieux. Cet avenir mérite du respect, de la compréhension, de l'écoute, du dialogue.
Je connais les frustrations, les blessures, les souffrances qui doivent être surmontées. Je ne vous demande pas d'oublier quoi que ce soit. Je ne vous demande pas d'oublier votre histoire, votre identité, votre culture.
Je sais que la crise économique actuelle est un révélateur de problèmes qui sont anciens et que l'on n'a jamais vraiment essayé de résoudre.
Je sais le sentiment d'injustice qui vous habite face à des inégalités, à des discriminations qui vous paraissent, à juste titre, j'emploie le mot, intolérables.
Ce sentiment d'injustice je le comprends. Je le partage.
Comment justifier que les prix dans les départements d'Outre-mer soient plus élevés qu'en métropole et le pouvoir d'achat plus bas ?
Comment justifier que le chômage y soit si important ? Comment justifier les monopoles, les surprofits, les rentes de situation et, pourquoi ne pas le dire, des formes d'exploitation qui ne devraient plus avoir cours au XXIe siècle ?
Cela fait des années que l'on s'efforce en vain de résoudre les problèmes de l'Outre-mer mais à mon avis on ne s'est pas attaquer aux racines du mal. Je vous propose de changer de méthode.
La crise économique en exacerbant les difficultés nous fait voir la profondeur du fossé qui s'est creusé entre les grands principes et la réalité sociale.
Elle nous oblige à prendre tout de suite des mesures pour éviter de fragiliser davantage des populations qui sont déjà dans une situation précaire.
Elle nous oblige en même temps à ouvrir le grand chantier de la transformation sociale qui permettra de renouer le pacte républicain.
Pour soutenir le pouvoir d'achat, nous avons décidé avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, que l'Etat exonèrera de toutes les cotisations sociales, à la fois patronales et salariales, les augmentations que les entreprises vont accorder à leurs salariés et c'est bien aux entreprises de payer les salaires.
Les règles du RSA seront également adaptées pour les 110 000 foyers concernés dans les départements d'Outre-mer, afin de permettre au total une amélioration du pouvoir d'achat des travailleurs à bas salaires de l'ordre de 200 euros.
Pour réduire les écarts de prix inacceptables avec la métropole, j'ai demandé à la grande distribution de s'engager sur une liste de produits de référence qui seront désormais commercialisés à un prix plus proche de celui de la métropole.
Parmi les mesures déjà annoncées par le Gouvernement ou prévues dans la future loi d'orientation pour l'Outre-mer, la diminution de ce qui restera à charge au locataire bénéficiant de l'allocation logement représentera une économie de 50 euros par mois pour 27 000 familles. Les tarifs des cantines pour les familles pourront être abaissés grâce à la revalorisation de 20% des aides à la restauration. La réforme du système de fixation des prix du carburant indispensable permettra que la baisse des cours du pétrole soit plus rapidement et plus complètement répercutée dans le prix à la pompe. Comme c'est le cas en métropole. Il n'y a aucune raison que vous subissiez cette injustice.
Mais le plus important pour l'avenir, c'est d'engager le changement structurel.
C'est de permettre à chaque département d'Outre-mer de trouver des voies de développement qui lui sont propres.
C'est de lui donner les moyens de développer ses propres productions et de ne plus dépendre exclusivement des importations.
C'est de créer les conditions pour que chacun puisse y développer ses talents et ses compétences.
J'ai donc décidé d'augmenter de 50 millions d'euros les crédits du fonds exceptionnel d'investissement en faveur du développement des productions locales.
J'ai décidé aussi de porter le nombre de jeunes formés par le service militaire adapté de 3 000 à 6 000 par an pour améliorer le taux d'insertion professionnelle des jeunes parce que c'est d'eux dont dépend l'avenir.
L'autorité de la concurrence rendra dans les trois mois un avis sur le fonctionnement de la concurrence dans les départements d'Outre-mer et je mettrai en oeuvre toutes les conclusions de ce rapport qui permettront de diminuer les marges excessives et de faire baisser les prix pour les consommateurs.
Au total c'est un effort financier de 580 millions d'euros que consentira l'Etat pour l'Outre-mer, dont 280 millions d'euros au titre du RSA. Cet effort s'ajoutera aux mesures décidées pour la France entière dans le cadre des négociations nationales avec les partenaires sociaux.
L'objectif principal c'est de rendre plus juste le partage des richesses. Ce qui vaut pour la Métropole vaut plus encore pour l'Outre-mer. La concurrence jouera son rôle. Mais un élan nouveau doit être donné à la négociation salariale, à la participation et à l'intéressement pour que les salariés aient leur juste part des résultats, la juste récompense de leurs efforts. La moralisation du capitalisme, cela concerne aussi naturellement les départements d'Outre-mer.
Mes chers compatriotes, je vous invite aussi à un débat sans tabou. Un débat où chacun pourra apporter sa contribution. Où tous les sujets pourront être abordés, qu'ils soient économiques, sociaux, culturels mais aussi identitaires ou encore institutionnels.
La crise actuelle nous pousse à nous interroger sur le modèle d'organisation que nous devons adopter dans nos territoires et bien je suis prêt à ouvrir aussi ce débat. En tout état de cause, la décision vous reviendra le moment venu à l'occasion de la consultation qui sera organisée dans les départements qui le demanderont, ce sont les règles de la Constitution.
Chaque territoire doit se réapproprier son destin. Chaque citoyen doit se sentir partie prenante non d'une République abstraite, désincarnée, mais d'une République réelle, d'une République qui se manifeste dans la vie de tous les jours.
C'est avec cet objectif que des Etats Généraux, que j'irai ouvrir moi-même en Guadeloupe, seront organisés dans chaque département d'Outre-mer.
Dès demain, le Premier ministre présidera une réunion de ministres qui mettra en oeuvre ces orientations.
Mes chers compatriotes, la voie que je vous propose est celle de la confiance et de la solidarité. L'Histoire nous a forgé une destinée commune. L'Histoire a uni nos familles, nos vies, nos cultures. Elle nous reste, c'est vrai, encore beaucoup à faire pour construire ensemble une République véritablement fraternelle. C'est mon but, c'est mon seul but. Je sais que c'est aussi le vôtre.