18 février 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Intervention conclusive de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors du sommet avec les partenaires sociaux, sur les mesures de soutien à l'emploi et de protection des victimes de la crise, à Paris le 18 février 2009.

Je crois que notre réunion a été positive. Elle nous a permis de dialoguer sans tabous sur les propositions que je vous ai faites ainsi que sur celles dont vous vouliez me faire part. Nous ne sommes naturellement pas d'accord sur tout mais je constate qu'il y a des points de convergence sur des sujets importants pour nos concitoyens. Cette réunion nous a permis d'arrêter :
- d'une part, les mesures concrètes que nous allons annoncer immédiatement £
- d'autre part, des dispositions qui seront mises en oeuvre soit à l'issue d'un processus de concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux, soit de négociations entre syndicats et patronat.
I. Les annonces immédiates
Les mesures que nous allons immédiatement annoncer sont les suivantes.
1) En matière d'emploi et pour protéger les victimes de la crise :
Premièrement, nous allons prolonger les mesures qui ont déjà été prises ces dernières semaines en faveur de l'activité partielle :
- en encourageant les branches et les entreprises, par voie de conventions ad hoc avec l'Etat, à aller au-delà des taux conventionnels de prise en charge pour porter l'indemnisation à 75% du salaire brut. Je demande à Christine LAGARDE et Laurent WAUQUIEZ d'engager les discussions avec l'UNEDIC pour répartir ce surcoût entre l'entreprise, l'Etat et l'assurance chômage £
- en mobilisant la formation professionnelle pour prévenir l'activité partielle ou l'accompagner £
- en demandant aux banques de moduler les échéances des salariés en activité partielle pour le remboursement de leurs emprunts immobiliers. Je demande à Christine LAGARDE de réunir dans les tous prochains jours les banquiers à ce sujet.
Deuxièmement pour aider ceux que la crise fragilise le plus sur le marché du travail, l'Etat versera à tous les salariés ayant travaillé seulement deux à quatre mois, c'est-à-dire pas assez pour bénéficier de l'assurance chômage, dont beaucoup de jeunes, une prime exceptionnelle de 500 euros.
Troisièmement, s'agissant des jeunes, je demande à Laurent WAUQUIEZ et Martin HIRSCH de :
- développer des efforts ciblés de formations pour ceux qui sont sans qualification £
- multiplier les formations en alternance, en particulier le contrat de professionnalisation £
- demander au service public de l'emploi de renforcer son suivi des jeunes et de prévoir à leur intention une offre de services spécifiques, avec notamment de nouvelles aides pour la recherche d'emploi £
- demander aux entreprises qui bénéficient des crédits du plan de relance de former et recruter des jeunes.
Je souhaite également que Martin HIRSCH installe rapidement la commission de concertation que je lui ai demandé de lancer pour favoriser l'autonomie des jeunes.
Quatrièmement, sur le contrôle des aides publiques, je demande à Brice HORTEFEUX de préparer dans les meilleurs délais un décret en Conseil d'Etat qui permettra l'information-consultation immédiate du comité d'entreprise, lorsqu'une aide publique directe est attribuée. Je souhaite que ces dispositions s'appliquent qu'il s'agisse d'une aide de l'Etat, de l'Union européenne ou d'une collectivité locale.
Cinquièmement, nous allons demander l'exemplarité concernant les rémunérations des dirigeants. Comme c'est déjà le cas pour les banques qui bénéficient d'aides publiques pour faire face à la crise, je souhaite que les mandataires sociaux des entreprises renoncent à leurs rémunérations variables, c'est-à-dire à leur bonus, lorsque leurs entreprises recourent massivement à du chômage partiel ou décident un licenciement économique d'ampleur. Je demande à Christine LAGARDE et Brice HORTEFEUX de me proposer un mode opératoire d'ici la fin de la semaine prochaine.
Enfin, nous allons créer un fonds d'investissement social, qui permettra de coordonner les efforts en matière d'emploi et de formation professionnelle, notamment ceux que je viens d'évoquer, et de consolider différentes sources de financements, qu'elles viennent de l'Etat ou des partenaires sociaux. Je souhaite que ce fonds soit doté entre 2,5 et 3 Mdseuros et qu'il puisse être piloté par une cellule de veille, associant les différentes parties, Etat et partenaires. L'Etat est prêt à financer la moitié de ce fonds. Outre les financements déjà disponibles (plan de relance, fonds d'expérimentation en faveur de la jeunesse, fonds social européen), l'Etat pourrait abonder les crédits Emploi du plan de relance jusqu'à 800 Meuros supplémentaires.
2) Afin de soutenir les plus modestes au sein de la classe moyenne, nous allons adopter les mesures suivantes :
- suppression des deux derniers tiers provisionnels d'impôt sur le revenu de l'année dû en 2009 pour les plus de 4 millions de foyers fiscaux de la première tranche d'imposition, soit un gain moyen par ménage concerné de plus de 200 euros. Un dispositif de crédit d'impôt sera également prévu pour éviter tout effet de seuil pour les ménages dont les revenus dépassent légèrement les limites de la première tranche d'imposition. Il devrait permettre de réduire l'impôt de 2 millions de ménages supplémentaires. Au total, 6 millions de ménages seraient bénéficiaires de cette mesure £
- prime supplémentaire de 150 euros dès le mois de juin pour les 3 millions de familles ayant des enfants scolarisés et qui bénéficient aujourd'hui de l'allocation de rentrée scolaire £
- attribution de bons d'achat de services à la personne, pour une valeur de 200 euros par foyer, aux 660 000 ménages bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile, aux 470 000 familles ayant de jeunes enfants et bénéficiaires du complément mode de garde, aux 140 000 foyers qui ont un enfant handicapé, ainsi que, via Pôle Emploi, aux demandeurs d'emploi qui retrouvent du travail et ont besoin de solutions temporaires pour faire garder leurs enfants.
L'ensemble des mesures nouvelles décidées par l'Etat, à la fois au titre des mesures Emploi et des dispositions en faveur des classes moyennes modestes, représentent 2,6 Mdseuros.
3) Enfin, nous allons créer avec les partenaires sociaux un comité d'évaluation et de suivi de la crise et des politiques économiques et sociales qui sont mises en oeuvre pour lutter contre celle-ci. J'en présiderai la première réunion. De même, je vous indiquerai très prochainement la date d'une prochaine rencontre pour que nous puissions évoquer les mesures que la France et ses partenaires proposeront au G20 de Londres le 2 avril prochain.
II. Les dispositions qui seront mises en oeuvre à l'issue d'un processus de concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux ou de négociations entre syndicats et patronat.
J'en viens maintenant aux mesures que nous mettrons en oeuvre à l'issue, soit d'un processus de concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux, soit d'une négociation entre syndicats et patronat.
D'abord, je vous demande d'engager des discussions entre vous sur deux thèmes.
Premier thème, le partage de la valeur ajoutée et du profit. Je vais demander à Jean-Philippe COTIS, directeur général de l'INSEE, de lancer une mission d'analyse et de concertation de deux mois, qui vous associera, afin de mettre dans le débat public un état des lieux documenté de l'évolution du partage de la valeur ajoutée dans notre pays, aussi bien dans le secteur privé que dans les entreprises publiques. Sur ces bases, je souhaite que vous engagiez des discussions entre vous sur cette question ainsi que sur le partage du profit. Sinon, l'Etat prendra ses responsabilités.
Deuxième thème, les moyens de mieux associer en amont les organisations syndicales aux opérations de restructurations et plus largement à la stratégie économique des entreprises ainsi que les moyens d'offrir une plus grande sécurité juridique aux entreprises sur ces questions.
Ensuite, je demande au Premier ministre de vous confirmer par lettre l'agenda social de l'année 2009, qui comprendra trois séries de thèmes :
- premièrement ceux relatifs aux négociations déjà en cours ou qui doivent se tenir d'ici mi-2009. Je pense aux négociations sur les retraites complémentaires AGIRC/ARRCO, au dialogue social dans les très petites entreprises et à la médecine du travail £
- ensuite, deux nouveaux thèmes de négociation, le premier sur la gouvernance d'entreprise, notamment sur la place des représentants des salariés au sein de celle-ci, deuxièmement sur la modernisation des institutions représentatives du personnel £
- enfin, l'ouverture de concertations sur l'égalité de rémunérations entre les hommes et les femmes et la modernisation des élections prud'homales.
S'agissant des sujets intéressant la fonction publique, ils seront abordés dès la semaine prochaine à l'occasion de rencontres bilatérales entre les ministres concernés, Eric WOERTH et André SANTINI, et les fédérations de fonctionnaires.
En conclusion, je voudrais vous remercier d'avoir participé à cette réunion. Je crois qu'elle a été tout à fait utile. J'ai conscience que le programme est chargé, pour vous, comme pour le gouvernement. Mais je crois qu'il est à la hauteur de la situation.