11 février 2009 - Seul le prononcé fait foi
Entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans "Gulf Daily News" et "Akhbar Al Khalij" du 11 février 2009, sur les relations franco-bahreïniennes et sur la situation au Proche-Orient.
Q - Que représente pour vous cette visite à Bahreïn ? Quelle est l'importance de la relation franco-bahreïnienne ?
R - C'est la troisième fois en un an que je vais avoir le plaisir de m'entretenir avec Sa Majesté le Roi Hamad, en découvrant, cette fois-ci, un pays que je ne connais pas mais que je me réjouis de découvrir. Je souhaite que cette visite soit l'occasion d'approfondir encore le dialogue entre nos deux pays. Bahreïn est pour la France un partenaire précieux dans la région, avec qui nous partageons une grande proximité de vues. Dans une région où les tensions sont nombreuses, le Royaume est la fois une force de modération et de proposition, et porte souvent des idées originales, pragmatiques et concrètes. Je pense par exemple à sa proposition de créer une organisation régionale pour la paix au Moyen-Orient, qui rassemblerait l'ensemble des pays de la région. La France y est très favorable, et l'actualité ne cesse d'en démontrer l'utilité.
Bahreïn, c'est aussi un modèle d'ouverture et de réformes, que ce soit dans le domaine politique - où le Royaume n'a pas craint d'être le premier pays au monde à se soumettre à l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies - ou dans le domaine de la bonne gouvernance financière, où ses règles prudentielles lui permettent d'amortir les effets de la crise financière.
Au cours des dernières années, les relations entre nos deux pays n'ont cessé de se renforcer et de se diversifier. Notre coopération s'est étendue à de nouveaux domaines, nous avons lancé de nouveaux projets, dont un qui me tient particulièrement à coeur : je veux parler de la création, au sein de la prestigieuse Université arabe du Golfe, de l'Ecole franco-arabe de management et de finance, qui est non seulement un projet de coopération en matière d'éducation et de formation, mais qui est également un vecteur de rapprochement économique et culturel. Et je me réjouis que cette école, qui a vocation à rayonner dans toute la région, rencontre déjà un grand succès.
Ma visite sera l'occasion d'aller plus loin encore dans la coopération entre nos deux pays puisque nous devrions signer des accords bilatéraux importants dans des domaines aussi divers que la coopération militaire, la formation médicale et l'énergie nucléaire.
Q - Quelle est le poids de la France dans l'économie bahreïnienne ?
R - Nos échanges ont fortement progressé en 2008. Nos exportations, par exemple, ont augmenté de près de 20%. 2008 aura aussi été marquée par la conclusion de grands contrats, comme la vente d'appareils Airbus à Gulf Air et Bahrain Air.
Tout aussi significatif est la confiance accordée par les entreprises françaises qui ont investi massivement et à très long terme dans les services publics du Royaume. Je pense bien sûr à GDF Suez, mais aussi à CNIM, qui construira une usine d'incinération de déchets qu'elle gérera pendant 25 ans. Au total il s'agit d'investissement de plusieurs centaines de millions d'euros et de transfert de technologies de pointe.
D'autres entreprises sont prêtes à investir dans le traitement des eaux, le transport et la distribution électrique. La France veut être un partenaire de Bahreïn dans sa politique de diversification économique et énergétique, y compris en répondant à son intérêt pour, à terme, l'électricité électro-nucléaire.
Il existe déjà près de quarante filiales, succursales ou représentations d'entreprises françaises à Bahreïn, dont beaucoup ont une compétence régionale. Elles ont choisi votre pays en raison de la qualité de ses ressources humaines, de son cadre juridique et réglementaire, de son ouverture et de sa transparence économique. Et je comprends aussi qu'il fait plutôt bon vivre à Bahreïn.
Q - Selon vous, quelles seront les répercussions de la crise économique et financière dans la région et plus particulièrement à Bahreïn ?
R - Comme vous le savez, les plus grands groupes financiers français tels que BNP Paribas, Calyon ou AXA ont choisi d'implanter leur siège régional à Bahreïn. Les raisons de ce choix sont tout d'abord la qualité de la régulation de la Banque centrale, que l'on peut qualifier d'exemplaire, et la possibilité de trouver facilement des collaborateurs d'une grande qualité.
La prudence de la politique économique de Bahreïn fait qu'aujourd'hui le pays est bien armé pour affronter la crise économique, grâce notamment à la très bonne réputation de son système bancaire. Son rôle de place financière de référence du Moyen-Orient devrait en être renforcé. J'ajoute que le Royaume, qui est un pionnier dans le développement des produits islamiques, a sans nul doute en mains tous les atouts pour s'affirmer comme une place financière islamique globale, comme peut l'être Kuala Lumpur dans sa sphère d'influence.
Le secteur de la finance offre d'ailleurs un très bon exemple de la diversification des échanges entre nos deux pays, puisque le gouverneur de la Banque de France, qui était ici il y a peu, a jeté les fondements d'une coopération entre les principales institutions financières de nos deux pays pour nous aider à développer la finance islamique en France. Cette coopération revêt à mes yeux une grande importance.
Q - Pourquoi la culture française paraît-elle aussi absente du paysage bahreïnien ?
R - J'ai plutôt l'impression qu'il y a un mouvement très prometteur d'intérêt pour la langue et la culture française à Bahreïn. Je tiens d'ailleurs à saluer l'intérêt dont fait preuve l'université de Bahreïn pour la civilisation française, à laquelle elle consacre un Centre d'études françaises, qui a notamment vocation à accueillir des cadres de Bahreïn ou du Golfe. Notre présence culturelle s'exprime également à travers des événements comme la première exposition à l'étranger organisée par notre tout nouveau musée du Quai Branly, sur les masques, que le Musée national de Bahreïn a accueillie.
Q - Quel est le sens de l'action de la France au Proche-Orient. Qu'avez-vous fait durant la récente crise de Gaza ?
R - Vous le savez, je me suis personnellement beaucoup engagé pour tenter de trouver une issue à la crise de Gaza. J'ai condamné les violences et je me suis rendu deux fois dans la région. J'ai travaillé étroitement avec tous ceux qui voulaient faire taire les armes.
Le double cessez-le-feu que nous avons obtenu y a trois semaines a été un pas décisif, qui a permis d'alléger les souffrances intolérables des civils, mais il faut aller plus loin. La trêve est fragile, nous le savons, et notre priorité aujourd'hui, c'est de la consolider. Cela implique une réouverture durable et la plus rapide possible des points de passage. Gaza ne peut pas continuer à être la plus grande prison à ciel ouvert du monde ! Mais pour cela, il faut que soit mis un terme au trafic illégal des armes. La lutte contre la contrebande d'armes à destination de Gaza est un élément essentiel de la consolidation de la paix et je veux saluer l'action de l'Egypte dans ce domaine. L'Europe et les Etats-Unis ont d'ailleurs dit au gouvernement égyptien leur disponibilité pour apporter un soutien.
Au-delà de ces mesures de consolidation, ma conviction est que nous devons avancer vers un règlement final du conflit israélo-palestinien car c'est le seul moyen de garantir une paix durable. Tout le monde en est conscient, il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. Et donc il n'y a pas d'alternative à la reprise des négociations en vue de la création d'un Etat palestinien viable, indépendant, moderne et démocratique aux côtés d'un Etat d'Israël dont la sécurité sera garantie.
Certains pensent peut-être que la perspective d'une relance du processus de paix n'a jamais été aussi éloignée, ce n'est pas mon avis. Je crois au contraire que les moments de tension extrême, comme celui que nous venons de connaître, peuvent être des déclencheurs. Nous avons beaucoup d'éléments pour aboutir. Les paramètres de la solution sont connus, nous devons maintenant avancer rapidement. A cet égard, je veux rendre hommage aux efforts de l'Egypte pour parvenir à une réconciliation inter palestinienne, qui est étape primordiale sur le chemin de la paix.
R - C'est la troisième fois en un an que je vais avoir le plaisir de m'entretenir avec Sa Majesté le Roi Hamad, en découvrant, cette fois-ci, un pays que je ne connais pas mais que je me réjouis de découvrir. Je souhaite que cette visite soit l'occasion d'approfondir encore le dialogue entre nos deux pays. Bahreïn est pour la France un partenaire précieux dans la région, avec qui nous partageons une grande proximité de vues. Dans une région où les tensions sont nombreuses, le Royaume est la fois une force de modération et de proposition, et porte souvent des idées originales, pragmatiques et concrètes. Je pense par exemple à sa proposition de créer une organisation régionale pour la paix au Moyen-Orient, qui rassemblerait l'ensemble des pays de la région. La France y est très favorable, et l'actualité ne cesse d'en démontrer l'utilité.
Bahreïn, c'est aussi un modèle d'ouverture et de réformes, que ce soit dans le domaine politique - où le Royaume n'a pas craint d'être le premier pays au monde à se soumettre à l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies - ou dans le domaine de la bonne gouvernance financière, où ses règles prudentielles lui permettent d'amortir les effets de la crise financière.
Au cours des dernières années, les relations entre nos deux pays n'ont cessé de se renforcer et de se diversifier. Notre coopération s'est étendue à de nouveaux domaines, nous avons lancé de nouveaux projets, dont un qui me tient particulièrement à coeur : je veux parler de la création, au sein de la prestigieuse Université arabe du Golfe, de l'Ecole franco-arabe de management et de finance, qui est non seulement un projet de coopération en matière d'éducation et de formation, mais qui est également un vecteur de rapprochement économique et culturel. Et je me réjouis que cette école, qui a vocation à rayonner dans toute la région, rencontre déjà un grand succès.
Ma visite sera l'occasion d'aller plus loin encore dans la coopération entre nos deux pays puisque nous devrions signer des accords bilatéraux importants dans des domaines aussi divers que la coopération militaire, la formation médicale et l'énergie nucléaire.
Q - Quelle est le poids de la France dans l'économie bahreïnienne ?
R - Nos échanges ont fortement progressé en 2008. Nos exportations, par exemple, ont augmenté de près de 20%. 2008 aura aussi été marquée par la conclusion de grands contrats, comme la vente d'appareils Airbus à Gulf Air et Bahrain Air.
Tout aussi significatif est la confiance accordée par les entreprises françaises qui ont investi massivement et à très long terme dans les services publics du Royaume. Je pense bien sûr à GDF Suez, mais aussi à CNIM, qui construira une usine d'incinération de déchets qu'elle gérera pendant 25 ans. Au total il s'agit d'investissement de plusieurs centaines de millions d'euros et de transfert de technologies de pointe.
D'autres entreprises sont prêtes à investir dans le traitement des eaux, le transport et la distribution électrique. La France veut être un partenaire de Bahreïn dans sa politique de diversification économique et énergétique, y compris en répondant à son intérêt pour, à terme, l'électricité électro-nucléaire.
Il existe déjà près de quarante filiales, succursales ou représentations d'entreprises françaises à Bahreïn, dont beaucoup ont une compétence régionale. Elles ont choisi votre pays en raison de la qualité de ses ressources humaines, de son cadre juridique et réglementaire, de son ouverture et de sa transparence économique. Et je comprends aussi qu'il fait plutôt bon vivre à Bahreïn.
Q - Selon vous, quelles seront les répercussions de la crise économique et financière dans la région et plus particulièrement à Bahreïn ?
R - Comme vous le savez, les plus grands groupes financiers français tels que BNP Paribas, Calyon ou AXA ont choisi d'implanter leur siège régional à Bahreïn. Les raisons de ce choix sont tout d'abord la qualité de la régulation de la Banque centrale, que l'on peut qualifier d'exemplaire, et la possibilité de trouver facilement des collaborateurs d'une grande qualité.
La prudence de la politique économique de Bahreïn fait qu'aujourd'hui le pays est bien armé pour affronter la crise économique, grâce notamment à la très bonne réputation de son système bancaire. Son rôle de place financière de référence du Moyen-Orient devrait en être renforcé. J'ajoute que le Royaume, qui est un pionnier dans le développement des produits islamiques, a sans nul doute en mains tous les atouts pour s'affirmer comme une place financière islamique globale, comme peut l'être Kuala Lumpur dans sa sphère d'influence.
Le secteur de la finance offre d'ailleurs un très bon exemple de la diversification des échanges entre nos deux pays, puisque le gouverneur de la Banque de France, qui était ici il y a peu, a jeté les fondements d'une coopération entre les principales institutions financières de nos deux pays pour nous aider à développer la finance islamique en France. Cette coopération revêt à mes yeux une grande importance.
Q - Pourquoi la culture française paraît-elle aussi absente du paysage bahreïnien ?
R - J'ai plutôt l'impression qu'il y a un mouvement très prometteur d'intérêt pour la langue et la culture française à Bahreïn. Je tiens d'ailleurs à saluer l'intérêt dont fait preuve l'université de Bahreïn pour la civilisation française, à laquelle elle consacre un Centre d'études françaises, qui a notamment vocation à accueillir des cadres de Bahreïn ou du Golfe. Notre présence culturelle s'exprime également à travers des événements comme la première exposition à l'étranger organisée par notre tout nouveau musée du Quai Branly, sur les masques, que le Musée national de Bahreïn a accueillie.
Q - Quel est le sens de l'action de la France au Proche-Orient. Qu'avez-vous fait durant la récente crise de Gaza ?
R - Vous le savez, je me suis personnellement beaucoup engagé pour tenter de trouver une issue à la crise de Gaza. J'ai condamné les violences et je me suis rendu deux fois dans la région. J'ai travaillé étroitement avec tous ceux qui voulaient faire taire les armes.
Le double cessez-le-feu que nous avons obtenu y a trois semaines a été un pas décisif, qui a permis d'alléger les souffrances intolérables des civils, mais il faut aller plus loin. La trêve est fragile, nous le savons, et notre priorité aujourd'hui, c'est de la consolider. Cela implique une réouverture durable et la plus rapide possible des points de passage. Gaza ne peut pas continuer à être la plus grande prison à ciel ouvert du monde ! Mais pour cela, il faut que soit mis un terme au trafic illégal des armes. La lutte contre la contrebande d'armes à destination de Gaza est un élément essentiel de la consolidation de la paix et je veux saluer l'action de l'Egypte dans ce domaine. L'Europe et les Etats-Unis ont d'ailleurs dit au gouvernement égyptien leur disponibilité pour apporter un soutien.
Au-delà de ces mesures de consolidation, ma conviction est que nous devons avancer vers un règlement final du conflit israélo-palestinien car c'est le seul moyen de garantir une paix durable. Tout le monde en est conscient, il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. Et donc il n'y a pas d'alternative à la reprise des négociations en vue de la création d'un Etat palestinien viable, indépendant, moderne et démocratique aux côtés d'un Etat d'Israël dont la sécurité sera garantie.
Certains pensent peut-être que la perspective d'une relance du processus de paix n'a jamais été aussi éloignée, ce n'est pas mon avis. Je crois au contraire que les moments de tension extrême, comme celui que nous venons de connaître, peuvent être des déclencheurs. Nous avons beaucoup d'éléments pour aboutir. Les paramètres de la solution sont connus, nous devons maintenant avancer rapidement. A cet égard, je veux rendre hommage aux efforts de l'Egypte pour parvenir à une réconciliation inter palestinienne, qui est étape primordiale sur le chemin de la paix.