6 janvier 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Bachar El-Assad, Président de la République syrienne, sur les efforts en faveur de la cessation des hostilités à Gaza entre Israël et le Hamas, à Damas le 6 janvier 2009.

Monsieur le Président, je voudrais, en compagnie de Javier SOLANA, vous remercier de l'accueil que vous nous avez réservé.
Je suis convaincu, Javier SOLANA et l'Europe, nous sommes convaincus que la Syrie peut apporter une contribution importante dans la recherche d'une solution au conflit que vit la région.
Monsieur le Président, vous connaissez ma conviction : le seul langage qui vaille, y compris en matière de diplomatie, comme vous l'avez dit vous-même, c'est le langage de la vérité. Avec nos partenaires européens, nous avons condamné sans ambiguïté la réaction disproportionnée d'Israël et l'offensive terrestre qui a débuté il y a quatre jours. J'étais hier soir en compagnie de Javier SOLANA avec le Président Shimon PERES et le Premier ministre Ehud OLMERT. Je leur ai tenu exactement ce même langage. Je leur ai dit : il n'y a pas de solution militaire à Gaza. Je leur ai dit que les violences devaient cesser au plus vite. Je leur ai dit qu'il fallait tout faire pour permettre à l'aide humanitaire de parvenir aux populations de Gaza et j'espère qu'aujourd'hui même, des ONG européennes pourront rentrer à Gaza, des corridors humanitaires pourront être installés et des médicaments distribués.
J'ai dit aussi, sans la moindre ambiguïté, que les tirs de roquettes en direction d'Israël sont inadmissibles et doivent cesser. Ceci, me semble-t-il, trace les contours de la sortie de crise dont nous cherchons la clef avec tous nos amis dans la région : arrêt des hostilités et de l'offensive israélienne accompagnés de garanties sérieuses pour la sécurité d'Israël, c'est-à-dire la cessation effective et durable des tirs de roquettes en direction de son territoire £ mise en oeuvre sans délai d'une aide humanitaire en faveur de la population palestinienne à la hauteur de la situation dramatique dans laquelle elle se trouve £ ouverture rapide de perspectives pour reprendre le chemin des négociations de paix en favorisant l'indispensable réconciliation palestinienne sans laquelle rien ne sera possible.
Et, bien sûr, pour tous ces points, la Syrie peut apporter sa pleine contribution. D'ailleurs, la Syrie l'a montré en engageant des négociations indirectes avec Israël par l'intermédiaire de la Turquie - je veux saluer le représentant du Premier ministre ERDOGAN, avec qui je me suis entretenu avant de venir ici, qui a participé à nos conversations. La Turquie et la France travaillent d'un même élan. La Turquie et l'Europe veulent la paix. La Syrie l'a montré encore au Liban avec la conclusion de l'accord de Doha, une nouvelle page qui s'écrit alors que je m'apprête à me rendre à Beyrouth et, au-delà, il s'agit, dans le contexte tragique que traverse la région, grâce aux efforts de la Syrie, de peser sur chacun des intervenants, notamment le Hamas pour que les armes cessent et que la paix revienne. Le Président Bachar EL-ASSAD peut jouer un rôle essentiel et la Syrie doit nous aider à convaincre le Hamas de faire le choix de la raison, le choix de la paix et le choix de la réconciliation inter-palestinienne.
Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'exclure mais de rassembler, d'amener les uns et les autres à conjuguer leurs efforts au service de l'intérêt général pour que nous aboutissions à la seule solution définitive, la création de deux États : un État palestinien, démocratique, viable, moderne et, naturellement, Israël qui a le droit à la sécurité. Il est trop tôt pour tirer les conclusions de tous ces voyages. Il y a encore quelques heures qui restent mais je suis persuadé que si chacun accepte de faire le premier pas, les combats peuvent cesser.
Les images que nous avons vues hier soir sont insupportables. Elles sont insupportables pour tout le monde. Il ne s'agit pas de se dire : on règlera cela la semaine prochaine ou dans quinze jours. Il faut maintenant que chacun soit assez sage pour faire le premier pas et ne pas attendre que l'autre le fasse. Si l'Europe peut servir à aider à faire le premier pas aux côtés de la Syrie, aux côtés de la Turquie, si l'Egypte, une grande nation, le Président MOUBARAK peut faire ce geste, alors je suis persuadé que l'on sortira de la spirale de la violence pour construire la spirale de la paix. Le temps travaille contre nous. Que ceux qui peuvent agir au service de la paix le fassent et le fassent tout de suite.
Je ne regrette pas, je le dis une nouvelle fois, d'avoir trouvé les voies et les moyens d'un dialogue confiant avec la Syrie. Connaissant l'importance de la Syrie dans la région et son influence sur un certain nombre d'acteurs, je ne doute pas que le Président Bachar EL-ASSAD utilisera tout son poids pour convaincre chacun de revenir à la raison. Il ne s'agit pas d'ailleurs de savoir qui a commencé ou qui est plus fautif que l'autre. Il faut que cela s'arrête parce que ces images et cette réalité sont insupportables pour tout le monde. Personne n'a rien à y gagner et, croyez-le bien, avec Javier SOLANA, nous allons maintenant partir pour Beyrouth et j'espère que nous pourrons, d'ici là, enclencher un processus vertueux qui est celui de la paix, de la diplomatie et du dialogue.
Je vous remercie.
QUESTION - Ma première question s'adresse au Président SARKOZY. Monsieur le Président, nous avons remarqué, hier, comment Israël a répondu à votre tournée dans la région, à votre action très vaste. Pourtant, vous avez poursuivi. Cela montre que vous avez une volonté réelle d'agir. Vous êtes aujourd'hui à Damas parce que vous avez une vraie volonté de parvenir à une solution. Vous nous avez dit, Monsieur le Président, que M. SOLANA est avec vous, que le représentant de la Turquie est ici. Est-ce que nous pouvons dire que vous avez commencé une action pour créer un noyau pour une action arabe et internationale, un groupe quelconque, une voie quelconque pour une solution globale pour Gaza ?
La deuxième question s'adresse au Président ASSAD.
Monsieur le Président, vous êtes le Président de la Ligue arabe et vous avez appelé à la tenue d'un sommet. Eh bien, évidemment, nous avons vu ce qui s'est passé lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, ce qui s'est passé au Conseil de sécurité £ comment les Etats-Unis, à leur habitude, ont entravé toute solution alors que les gens sont en train de mourir comme vous l'avez mentionné, il y a quelques instants. Ma question est la suivante : après ce qui s'est passé au Conseil de sécurité et après tout ce temps, où en sommes-nous du Sommet arabe aujourd'hui, surtout qu'hier, nous avons entendu Son Altesse, l'Emir du Qatar, réaffirmer la nécessité de tenir ce sommet ? Où en sommes-nous, Monsieur le Président ? Pardon pour ces questions si longues.
LE PRESIDENT - Ma conviction est que le retour au statu quo ante est inacceptable pour toutes les parties pour une raison simple - je veux dire le retour au statu quo d'il y a quelques jours -, parce qu'Israël veut qu'on lui garantisse sa sécurité et parce que les Palestiniens de Gaza veulent la réouverture des points de passage. Donc, revenir à la situation d'il y a quatre ou cinq jours, ce n'est pas une solution. Qu'au moins cette crise dramatique nous permette d'aller vraiment de l'avant pour donner des garanties sur la sécurité d'Israël. Il faut comprendre que ce n'est pas une solution pour eux d'avoir des roquettes qui vont de plus en plus loin et, en même temps, la population palestinienne qui ne peut pas vivre enfermée dans ce tout petit territoire. Quand nous avons parlé avec l'ensemble des interlocuteurs de la région, nous ne parlons pas d'un retour de statu quo d'il y a quatre jours, mais au moins d'une marche vers l'avant : on arrête les armes et on essaye de comprendre qu'est-ce qui a amené à la situation inexplicable d'aujourd'hui. L'un des partenaires, Israël, a des craintes pour sa sécurité et on doit lui apporter des réponses et l'autre partenaire, des Palestiniens veulent pouvoir sortir de la bande de territoire qui est aujourd'hui le leur.
Voilà la feuille de route. Pour cela, il n'y a pas de confiance. Alors, comment créer la confiance ? Justement en essayant de mobiliser les partenaires périphériques aux protagonistes pour apporter des garanties, pour pousser à la discussion, pour apporter leur poids pour que la confiance renaisse. Voilà.
Quant au Conseil de sécurité, la France préside pour le mois de janvier le Conseil de sécurité. Je suis de ceux qui pensent que l'ordre international est absolument indispensable et que le rôle des Nations unies est considérable au XXIe siècle, mais la paix viendra d'abord des protagonistes sur le terrain et de leurs voisins et de l'Europe qui doit avoir une politique ambitieuse au Proche-Orient, parce que le Proche-Orient a besoin d'une Europe forte, d'une Europe indépendante, d'une Europe de bonne volonté, d'une Europe de bonne foi.
Voilà ce que l'on essaye de faire.
M. BACHAR EL-ASSAD - En ce qui concerne le Sommet arabe, la Syrie en est toujours à sa position initiale sur la nécessité et l'importance de tenir un Sommet arabe. J'ai eu des contacts, hier et avant-hier, avec certains dirigeants arabes et plus précisément avec l'Emir du Qatar afin d'aborder ce sujet. Si ce n'est pas là, aujourd'hui, le moment pour tenir un Sommet arabe urgent, alors quand serait-ce le bon moment ? Est-ce que nous pouvons inviter dans deux semaines à tenir un sommet économique et que nous y assistions tous, alors que nous sommes incapables aujourd'hui d'assister à un sommet politique afin de traiter et de résoudre un problème politique, un problème militaire, des massacres qui sont perpétués afin d'arrêter le sang de couler ? Cela est inacceptable. Ce que nous avons fait jusqu'à aujourd'hui, cela est inacceptable. Mais je ne sais pas comment appeler cela autrement. De part nos consultations et comme je l'ai dit, nous sommes toujours déterminés à tenir ce Sommet arabe. Au cours de la période écoulée, la Syrie de part sa position comme Présidente du Sommet de la Ligue arabe et le Qatar de part sa position également, nous essayons de parvenir à un quorum pour tenir un Sommet arabe réussi. Cependant, les circonstances vont peut-être exiger ou nous pousser à tenir un sommet restreint, même si cela nous demandera de nous concerter avec un certain nombre de pays avant de tenir le sommet. Cependant, les massacres se suivent à quelques heures d'intervalle et nous devons absolument travailler. Comment est-ce que nous pouvons tenir un sommet sur un autre sujet à l'avenir si nous ne tenons pas un sommet aujourd'hui ? De toute façon, nous sommes en contact avec son Altesse l'Emir du Qatar sur d'autres sujets pour voir ce que nous allons faire.
QUESTION - Au cours de votre tournée éclair au Proche-Orient, vous avez fait différentes propositions à tous les responsables que vous avez rencontrés. Vous nous avez parlé tout à l'heure de corridors humanitaires qui pourraient s'ouvrir dès demain à Gaza. Alors, qu'avez-vous obtenu de concret déjà, parce que pour l'instant vous parlez beaucoup de vos propositions, mais on ne voit pas encore très bien ce qu'il y a eu de concret ? Comment considérez-vous votre voyage ? Est-ce qu'il a servi à quelque chose ? Est-ce qu'il sert à quelque chose ?
LE PRESIDENT - Il est trop tôt pour en tirer des conclusions, Mme PULJAK, et j'ai encore beaucoup de contacts, beaucoup d'échanges téléphoniques, beaucoup de réunions. On tirera les conclusions le moment venu et ce moment n'est pas venu. Je voudrais simplement vous dire une chose, journalistes français, journalistes européens, journalistes du monde arabe, journalistes syriens : c'est très facile de rester en-dehors, de regarder les gens s'entretuer, de faire des commentaires naturellement intelligents, de lever les bras au ciel et de dire ce n'est pas bien. Ce n'est pas la stratégie que j'ai choisie. C'est en venant sur le terrain, en essayant d'être un interlocuteur de bonne volonté, avec mes amis européens, avec Javier SOLANA, avec la troïka, qu'on peut essayer de forcer une décision. Vous jugerez les uns et les autres si cela valait la peine de venir. En tout cas, moi, je pense, que compte tenu de la gravité de la situation, quand on est un homme d'Etat digne de ce nom, on ne reste pas devant son poste de télévision en regardant les gens s'entretuer, en déplorant, en restant assis sur sa chaise tranquillement dans son bureau. On vient et on prend des risques et, croyez-moi, ces risques ils sont moins grands au service de la paix que le risque qui consiste, comme d'habitude, à regarder la guerre, à la déplorer et à ne rien faire. Pour le reste, je suis convaincu qu'il faut faire confiance à la sagesse de tous les dirigeants de la région. Ils ne peuvent pas considérer que cela peut durer des semaines, ils ont leur sort entre leurs mains. Ils doivent maintenant trouver les voies et les moyens pour que la paix arrive et on sait parfaitement quels sont ces voies et ces moyens. Je vous dirai plus tard si la volonté existe. Je vous remercie, j'ai peur d'avoir quelque retard et donc, avec l'autorisation du Président Bachar EL-ASSAD j'aimerais pouvoir me retirer, s'il l'accepte.