5 janvier 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Mahmoud Abbas, Président de l'Autorité palestinienne, et Karel Schwartzenberg, ministre des affaires étrangères tchèque, sur les efforts de la France et de la communauté internationale pour résoudre le conflit armé à Gaza entre Israël et le Hamas et plus largement le conflit israélo-palestinien, à Ramallah le 5 janvier 2009.

M. MAHMOUD ABBAS - Au nom de Dieu clément et miséricordieux je suis heureux d'accueillir aujourd'hui le Président Nicolas SARKOZY, ainsi que la troïka européenne. Cette visite vient dans des circonstances extrêmement difficiles, alors que l'agression israélienne se poursuit par terre, air et mer contre notre peuple à Gaza.
Je demande un arrêt immédiat et sans condition de l'agression israélienne contre le territoire de Gaza. Ensuite, nous sommes disposés à discuter des autres problèmes, de l'ensemble des autres problèmes, y compris l'affirmation de la trêve, l'ouverture des points de passage et la levée du blocus ainsi qu'une présence internationale dans les territoires palestiniens occupés. Il y a une tragédie humanitaire à Gaza qui doit être traitée immédiatement. Il y a un million et demi de personnes qui n'ont pas d'eau, qui n'ont pas d'électricité, qui n'ont pas de carburant, d'alimentation, de médicaments, qui n'ont même plus de maison. Il faut absolument leur faire parvenir l'aide humanitaire.
Dans ce cadre, nous aimerions remercier les pays arabes, l'ensemble des pays du monde et les peuples du monde, y compris les pays de l'Union européenne, d'avoir envoyé une aide médicale, une alimentaire d'urgence et nous espérons que cette aide parviendra rapidement à notre peuple à Gaza.
Nous aimerions remercier nos frères en Egypte, en Jordanie pour l'aide qu'ils nous ont fournie afin de faire parvenir cette assistance humanitaire.
Et dans le cadre de nos tentatives incessantes pour parvenir à l'adoption d'une résolution au Conseil de sécurité pour arrêter l'agression et l'action militaire israélienne actuelle, la délégation ministérielle arabe qui s'est vu confier un mandat par le Conseil de la Ligue arabe, est arrivée à New York. Elle a commencé ses discussions avec l'ensemble des partis concerné et, juste après la fin de cette réunion, de cet entretien avec le Président SARKOZY, je vais partir à New York afin de demander au Conseil de sécurité d'adopter une résolution pour arrêter l'agression, lever le blocus et pour qu'il y ait une présence internationale dans les Territoires palestiniens, pour garantir la protection du peuple palestinien.
Nous aimerions ici rappeler que le seul moyen pour mettre un terme à ce conflit israélo-arabe est de mettre un terme à l'occupation, de régler ce conflit selon la légalité internationale, selon l'initiative de paix arabe. Je voudrais ici confirmer ce qui a été adopté, énoncé dans la décision de la Ligue arabe au mois de novembre et de décembre sur la nécessité de parvenir à la réconciliation nationale, de mettre un terme à la scission internationale palestinienne et cela dans le cadre des efforts qui se tiennent sous l'égide de l'Egypte. Nous affirmons que la réconciliation nationale palestinienne constitue une garantie réelle afin de faire face à l'agression et pour retrouver les droits palestiniens légitimes et créer l'Etat palestinien.
Enfin, la visite du Président SARKOZY ici et la délégation de haut niveau européenne qui l'accompagne nous a permis d'aborder l'ensemble de la situation pour parvenir à une harmonisation de la situation avant de partir à New York et nous adresser à la communauté internationale. Encore une fois, M. le Président, soyez le bienvenu. Nous vous remercions pour votre visite exceptionnelle.
LE PRESIDENT - Je voudrais, avant tout, remercier le Président ABBAS pour son accueil. Un accueil chaleureux et confiant, malgré la situation extrêmement difficile que traverse la région et qui nous réunit aujourd'hui.
M. le Président, je tiens à vous redire toute notre confiance, tout notre soutien parce que vous êtes un homme de paix, un homme de modération et un homme de dialogue. Cette région du monde a besoin de paix, de modération et de dialogue. C'est la raison pour laquelle l'ensemble de la communauté internationale vous a toujours soutenu dans vos efforts en faveur de la paix et de la réconciliation palestinienne. C'est la raison pour laquelle, avec nos partenaires européens, l'Europe unie continue à vous appuyer sans réserve. Je tiens d'ailleurs à saluer la délégation européenne présente ici, emmenée par Karel SCHWARTZENBERG, au nom de la Présidence, au côté de qui se trouve Javier SOLANA à qui je veux redire mon amitié et ma confiance. Benita, la même amitié et la même confiance. Je voudrais y associer, bien sûr, le ministre des Affaires étrangères suédois ainsi que Bernard KOUCHNER.
Chacun doit comprendre que nous travaillons main dans la main pour trouver les voies de la paix. L'Europe a une responsabilité, l'Europe a un rôle, l'Europe veut l'assumer. L'Europe veut vous aider à faire la paix. Avec nos partenaires européens, nous avons condamné sans ambiguïté l'offensive terrestre israélienne lancée samedi. Je me rends tout à l'heure à Jérusalem pour rencontrer le Président Shimon PERES et le Premier ministre Ehud OLMERT. Je leur redirai avec toute la franchise que l'on doit à un ami que les violences doivent cesser, et que l'acheminement de l'aide humanitaire doit être facilité.
Israël est une grande nation, Israël est une grande démocratie. Le monde ne comprendrait pas qu'Israël laisse la situation humanitaire à Gaza devenir plus dramatique encore qu'elle ne l'est aujourd'hui. Justement parce qu'Israël est une grande nation, justement parce qu'Israël est une démocratie, elle ne peut pas laisser la situation humanitaire telle qu'elle est aujourd'hui.
Mais je veux le redire ici avec la même franchise: le Hamas, en décidant de mettre fin à la trêve et en reprenant les tirs de roquette sur des populations civiles d'Israël, le Hamas a agi de façon irresponsable et impardonnable, au regard même de l'intérêt des Palestiniens qui ont le droit à la paix et qui ont le droit à un Etat.
Le Hamas porte une lourde responsabilité dans la souffrance des Palestiniens de Gaza.
M. le Président, la France est l'amie du peuple palestinien. Au nom de cette amitié, nous défendons sans relâche le droit de votre peuple à disposer enfin d'un Etat. Au nom de cette amitié, nous avons accueilli à Paris une conférence internationale qui a permis de mobiliser plus de 7 milliards de dollars en faveur des Palestiniens. Et au nom de cette amitié, nous sommes ici, aujourd'hui, dans l'espoir d'aider à trouver une solution qui permette d'alléger les souffrances de vos frères de Gaza. Je dis d'ailleurs combien j'ai été heureux de parler avec le Président MOUBARAK, le Premier ministre égyptien, le ministre de la Défense égyptien, le ministre des Affaires étrangères et le chef des services secrets égyptiens. L'Egypte a un rôle majeur à jouer dans la résolution du conflit et l'Europe soutient l'Egypte. Vraiment, on a besoin qu'un certain nombre de régimes modérés amènent de la raison dans tout ceci.
M. le Président, mieux que personne vous avez compris que la réconciliation palestinienne est une nécessité mais l'urgence aujourd'hui c'est de faire cesser les violences. Et nous, l'Europe, nous voulons un cessez-le-feu. Le plus rapidement possible. Et que chacun comprenne que le temps travaille contre la paix. Il faut ce cessez-le-feu qui, seul, permettra la reprise du processus de paix. Nous travaillons à une initiative commune avec nos amis égyptiens. Eux-mêmes sont prêts à mettre sur la table tous les problèmes pour que chacun soit en confiance, je pense notamment au problème de la contrebande et des livraisons d'armes qui préoccupent nos amis israéliens. Nous savons parfaitement que ceci sera difficile. Nous savons parfaitement que la démarche européenne est risquée. Mais, si devant une situation si dramatique, on ne prenait pas l'initiative de venir pour aider à trouver les chemins de paix, alors quand se déplace-t-on ? Quelle est la conception que l'on peut avoir du rôle de femme ou d'homme d'Etat ?
Nous ne voulons pas vous laisser seuls face à cette situation qui crée tant de souffrance. Il faut que les armes se taisent. Il faut qu'il y ait une trêve humanitaire, provisoire. Il faut que tout le monde reparle ensemble et il faut que chacun comprenne que ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement une question entre Israël et les Palestiniens. C'est une question mondiale. C'est le monde entier qui veut vous aider à trouver une solution. Je suis persuadé que l'on peut trouver cette solution si on comprend que le temps, le temps perdu, le temps passé ne fera que compliquer les choses. C'est vraiment le message que l'Europe unie est venue tenir.
Je vous remercie M. le Président.
M. KAREL SCHWARTZENBERG - Mesdames et Messieurs, je pense qu'étant donné ce qui a déjà été dit, je vais ne faire que quelques brèves remarques qui sont les suivantes.
Vous avez vu un moment tout à fait historique dans l'histoire de l'Union européenne. Vous voyez la Présidence sortante, le Présidence actuelle et la Présidence future, travaillant ensemble pour trouver les voies de la paix dans la région. 27 nations européennes sont très choquées par les images que nous avons vues et, donc, nous avons décidé la semaine dernière d'envoyer cette délégation au Moyen-Orient pour essayer d'aider de plusieurs façons. Sur le plan humanitaire où l'Union européenne et ses pays membres se sont engagés à aider le peuple de Gaza, premièrement.
Deuxièmement, nous allons essayer de trouver le moyen d'obtenir une trêve dès que possible. Il nous faut une trêve de façon à ce que les négociations puissent reprendre. Cela, c'est l'urgence. Il faut y travailler d'arrache-pied et j'en appelle à toutes les parties pour faire de leur mieux de façon à ce que nous puissions obtenir une trêve dès que possible. Merci beaucoup, merci au Président ABBAS de ce qu'il a dit, de ses paroles. Toute l'Union européenne soutient le gouvernement palestinien légitime dans sa lutte pour son propre état palestinien, dans sa lutte pour soutenir les droits des habitants de Gaza qui sont palestiniens et nous les aiderons par tous les moyens possibles. Nous sommes tous unis aux côtés du Président Mahmoud ABBAS et dans sa lutte pour soutenir la cause palestinienne.
QUESTION - Vous avez parlé d'une initiative politique importante pour laquelle vous concertez avec l'Egypte. Quels sont les éléments essentiels de cette initiative ? M le Président Abou MAZEN vous avait dit qu'il y avait une concertation ou une harmonisation avec l'Europe. Est- ce que cela ira jusqu'au point d'une harmonisation de votre position à New York demain pour soumettre un texte au vote, pour mettre un terme à l'agression contre Gaza immédiatement ?
LE PRESIDENT - J'aurai des discussions ce soir avec le Premier ministre OLMERT. Je me rendrai demain à Damas. Il est trop tôt pour entrer dans le détail de cette négociation extrêmement complexe.
M. MAHMOUD ABBAS - Le Président SARKOZY a dit qu'il condamnait l'agression. Nous allons au Conseil de Sécurité pour arrêter cette agression. Je ne crois pas qu'il y ait un désaccord entre notre position et celle de l'Europe à ce sujet.
QUESTION - Président ABBAS, vous venez trouver des chemins de la paix. Est-ce que l'on peut trouver une solution à cette crise sans faire du Hamas un interlocuteur pour sortir de cette crise ? Et pour le Président ABBAS est-ce que la clef, finalement, de la crise, ce n'est pas le retour de l'autorité palestinienne à Gaza ? Est-ce qu'il y a des plans pour l'imposer par la force, pour que l'Autorité palestinienne revienne à Gaza ?
LE PRESIDENT - S'agissant des interlocuteurs palestiniens, c'est le rôle de l'Egypte d'aider à la réconciliation des Palestiniens. C'est à l'Egypte de conduire cette opération dont j'ai bien conscience qu'elle est difficile. Je fais toute confiance au Président MOUBARAK et à l'Egypte. De notre côté, la France, nous allons essayer de convaincre tous ceux qui ont une influence. Je pense notamment au Président Bachar EL-ASSAD - raison de ma visite demain à Damas - pour aider à ce que toutes les parties, sur la question palestinienne, travaillent ensemble et construisent la paix.
Chacun doit faire ce pour quoi il est le mieux adapté. Je suis persuadé que chacun comprendra qu'il a tout à perdre à la poursuite des opérations militaires. Il n'y a pas de solution militaire. Dans ce conflit comme dans les autres conflits que d'autres pays, y compris le mien, ont connu dans le passé. Je crois que c'est extrêmement important. Ce qui rend difficile la solution, c'est qu'il y a beaucoup d'interlocuteurs, beaucoup d'intérêts émergents, que les dossiers sont entremêlés. Raison de plus pour que l'Europe joue toute sa partition.
Comme l'a dit le Président ABBAS, cette région du monde a besoin que l'Europe s'engage en faveur de la paix et de la reconstruction demain.
Si nous ne le faisions pas, qui le ferait à notre place ? Qui parlerait à notre place ? Qui serait en mesure de le faire ? Et pour cela, c'était toute la difficulté, je rejoins la Présidence tchèque , il faut que l'Europe ait une position d'équilibre, de raison, de bon sens. Chacun connaît mes liens d'amitié avec Israël. Le Président Mahmoud ABBAS m'en avait parlé la première fois quand je l'ai reçu à Paris, d'ailleurs, le lendemain de mon élection. Mais l'idée que je me fais de l'amitié, c'est de parler franchement. Les vrais amis d'Israël sont ceux qui ont le courage de lui dire ce que d'autres applaudissent aujourd'hui. Ils ne seront peut être pas là demain quand il faudra sortir d'une situation bien compliquée. Il faut aider les gens à se parler. C'est ce que l'Europe veut faire, c'est même ce que l'Europe doit faire. Et, d'ailleurs, si l'Europe ne le faisait pas, nombreux seraient ceux qui la montreraient du doigt en disant : « mais que faites vous alors que nous souffrons tant, ici et ailleurs, en tout cas dans cette partie du monde ? ».
M. MAHMOUD ABBAS - Depuis 2 ans, nous avons entamé un dialogue national interne pour rassembler le peuple palestinien, les rangs palestiniens. Mais, en un mot, nous n'accepterons pas que la patrie soit unifiée par la force des armes. Nous n'accepterons pas l'usage des armes pour l'unité de la patrie. Cette unité se fera uniquement par le dialogue.
QUESTION - Pensez-vous qu'il y ait une solution à long terme viable qui puisse être trouvée sans y inclure le Hamas directement ou indirectement ? Ou sans donc cette réconciliation palestinienne dans le cadre diplomatique et dans le cadre également du projet d'ouverture des frontières ce qui d'ailleurs s'est vu opposé par les israéliens et qui aurait pu être fait avant que ce conflit ne commence ? Merci.
M. MAHMOUD ABBAS - Je n'ai pas très bien compris la question.
Pour une partie d'entre nous, lorsque nous parlons du Hamas, le Hamas fait partie du peuple palestinien mais lorsque nous parlons d'une solution politique, de relations internationales ou d'autres, nous représentons le peuple palestinien. Nous sommes l'autorité nationale légitime du peuple palestinien et c'est ce qui a été énoncé dans notre constitution, dans nos lois et c'est ce qui est d'ailleurs reconnu par tous. L'Autorité palestinienne joue ce rôle et c'est pour cette raison que je souhaite que le Hamas soit au sein de notre société, fasse partie de cette société.
QUESTION - M. le Président ABBAS, certaines critiques en provenance du Hamas disent que vous allez utiliser cette crise pour revenir à Gaza avec les Israéliens. Avez-vous préparé un scénario où, éventuellement, le gouvernement du Hamas imploserait et pour trouver une solution de rechange ?
M. MAHMOUD ABBAS - Nous avons tenu et nous tenons toujours à ce qu'il y ait une accalmie et à ce qu'il y ait une trêve totale et entière. Nous n'acceptons pas l'usage de la force comme je l'ai dit et nous ne pouvons pas travailler pour que le Hamas soit détruit pour que nous le remplacions. Pour nous cela est totalement inacceptable. Ce qui nous importe, c'est de mettre un terme à l'agression contre le peuple palestinien et ensuite tous les sujets peuvent être apportés.