9 décembre 2008 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts en faveur de la Nouvelle-Calédonie, à Paris le 9 décembre 2008.
Monsieur le Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie,
Monsieur le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
Mesdames, Messieurs les membres du Comité des signataires de l'Accord de Nouméa,
Madame la Ministre de l'Intérieur, chère Michèle,
Monsieur le Ministre de l'Outre-mer, mon cher Yves,
Mes chers amis, puisque je connais grand nombre d'entre vous ici,
Je suis très heureux de vous recevoir à l'occasion de la réunion du septième Comité des signataires de l'Accord de Nouméa. Je n'avais pas pu vous voir, l'année dernière, mais je vous avais écrit pour vous transmettre un certain nombre de messages personnels, à l'issue du sixième Comité. Sachez que j'ai toujours suivi, avec attention, vos travaux. J'ai eu l'occasion de recevoir un certain nombre d'entre vous.
Je tiens à vous redire, aujourd'hui, combien j'attache la plus grande importance au respect de cet accord conclu, il y a plus de dix ans, entre les deux « légitimités » de la Nouvelle-Calédonie, sous l'égide de l'Etat.
L'Accord de Nouméa a marqué une étape importante dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. C'est une démarche politique fondée sur le consensus, le respect des engagements et la volonté de bâtir un destin commun.
Nous irons jusqu'au bout de ce processus. L'Etat ne se dérobera pas. Les engagements qui ont été pris seront respectés loyalement et, comme je vous l'avais dit, l'Etat jouera un « rôle actif » dans l'écriture de cette page de notre histoire et pas seulement un « rôle d'arbitre » passif.
N'oublions jamais la force de cet Accord qui pose les bases d'un équilibre politique et social du territoire. Ce souci d'équilibre, je voudrais dire d'équité, nous devons toujours l'avoir à l'esprit. Je sais que vous y attachez une grande importance au moment où l'on s'engage dans des transferts de compétences qui vont donner de nouvelles responsabilités à la Nouvelle-Calédonie.
Soyez certains, qu'au sein de l'Etat, vous aurez toujours des interlocuteurs ouverts et décidés à faire en sorte que les problèmes se règlent dans la concertation et dans le respect de chacun. La Nouvelle-Calédonie a besoin de tous ses enfants £ vous avez besoin les uns des autres. Cette diversité n'est pas une faiblesse, c'est votre richesse.
Je me réjouis que ce Comité des signataires, qui s'est tenu hier sous la présidence de François FILLON, ait pu valider la deuxième étape des transferts de compétences. A l'approche des élections provinciales, cette étape était essentielle. Je vous remercie d'y avoir contribué dans une démarche constructive et positive.
Je sais que ce deuxième « paquet » de compétences concerne des sujets parfois complexes tels que la sécurité civile, le droit civil ou le droit commercial. Sur ce sujet, vous avez su trouver la voie d'un accord qui garantisse la qualité de l'enseignement pour tous les enfants de la Nouvelle-Calédonie, et l'éducation, c'est la garantie de votre avenir. Le jour où tous les enfants de la Nouvelle-Calédonie auront le sentiment d'avoir la chance de recevoir la même éducation, mais c'est la paix retrouvée. Cette paix que vous jouez entre vous quelle que soit la communauté à laquelle vous appartenez. Je voudrais vous féliciter et vous dire que cette exigence est absolument fondamentale.
Quelles que soient les difficultés, l'Etat se donnera les moyens pour accompagner vos collectivités. Les protocoles d'accompagnement que vous avez souhaité seront rapidement préparés. Vous pouvez compter sur notre soutien, que ce soit sous la forme d'appui technique ou d'appui à la formation des cadres de vos administrations.
Pour moi, le processus de transfert de compétences n'est en rien synonyme d'abandon. Ce processus doit simplement nous conduire à inventer de nouvelles formes de solidarités.
Les transferts de compétences vont entraîner une modification de la loi organique définissant les institutions de la Nouvelle-Calédonie. Le Parlement en sera saisi dans les meilleurs délais possibles. On est un peu embouteillé en ce moment, mais enfin, on trouvera une place pour la Nouvelle-Calédonie. A cette occasion, vous avez souhaité introduire -- et je m'en réjouis -- de nouvelles mesures de transparence et de moralisation de la vie publique. Sur cette base, vous pourrez bâtir une organisation qui fera de vos institutions des autorités locales irréprochables. Je sais que vous y êtes attachés. Nous nous rejoignons donc sur le constat que le renforcement de l'autonomie doit aller de pair, avec un système authentiquement démocratique, et passe naturellement par le renforcement des exigences de transparence.
En matière économique, l'Etat n'a pas changé de ligne de conduite : il accompagnera les grands projets miniers considérés comme déterminants en termes d'aménagement et de rééquilibrage du territoire.
Pour l'usine du Nord, nous serons attentifs aux retombées du projet au plan local. Je sais que les attentes sont très fortes autour de ce projet qui doit offrir une place équitable aux hommes et aux entreprises calédoniennes. C'est pourquoi je souhaite que l'Etat accompagne les autorités locales dans leurs besoins d'équipements pour assurer un environnement socio-économique favorable au projet. Parce que le sous-développement ne favorise pas la concertation, l'apaisement et le dialogue.
S'agissant du projet Goro-nickel, du Sud, je note avec satisfaction que les obstacles qui demeuraient ont été levés et que l'usine entrera en activité au premier semestre 2009. Voilà une belle réussite collective concrète !
Goro-Nickel est aussi la démonstration qu'il est possible de conduire un projet industriel tout en préservant un site remarquable £ celui du récif corallien du Sud de la Nouvelle-Calédonie qui vient d'être classé, et je vous en félicite, au patrimoine de l'UNESCO. Nous avons été fiers de voir l'Outre-mer ainsi mise en valeur au plan international.
Je sais que certains d'entre vous nourrissent des inquiétudes concernant le contrôle de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie. Sachez que je serai vigilant sur l'actionnariat d'ERAMET. C'est le seul grand acteur minier français et ERAMET dispose de compétences stratégiques pour notre pays. Je sais, aussi, que les actionnaires calédoniens de la SLN souhaitent une plus grande place en son sein. Des propositions sont sur la table pour leur donner des droits plus importants dans la gouvernance de l'entreprise. C'est une bonne chose, mais je crois que la SLN a aussi besoin d'ERAMET et qu'il y aurait un risque à mettre en cause l'unité du groupe.
Au-delà des enjeux industriels, je suis convaincu que la poursuite d'une politique d'aménagement équilibré du territoire passe par un effort que je qualifierai de massif de formation. L'opération « cadres avenir » est, à cet égard, exemplaire car elle a permis de préparer et de former une nouvelle génération beaucoup plus nombreuse de cadres mélanésiens. Cette politique soutenue par l'Etat est un succès : plus de 1 000 calédoniens ont pu intégrer des postes de responsabilité et 82 % d'entre eux disposent d'un emploi durable après l'obtention de leur diplôme !
Mais nous devons aller encore plus loin dans la formation des cadres supérieurs néo-calédoniens, en particulier d'origine kanak. Dans ce but, je vous annonce que la direction de Sciences-Po Paris se rendra, à ma demande, en Nouvelle-Calédonie, en 2009, afin d'envisager un conventionnement avec un ou plusieurs lycées calédoniens, à l'instar des conventions passées avec des établissements en ZEP de métropole. L'objectif est de pouvoir repérer, par une sélection spécifique, de jeunes Calédoniens défavorisés pour leur donner toute leur chance d'accéder aux grandes écoles de la métropole.
Il nous faut rétablir, en Nouvelle-Calédonie, une véritable égalité des chances. Vous connaissez ma détermination dans la recherche d'une meilleure prise en compte de la diversité. La diversité c'est une richesse essentielle pour notre société d'aujourd'hui. Le visage de la France doit être celui des femmes et des hommes qui la composent. Je compte sur Yves JEGO pour accompagner ce projet, bien sûr, avec le soutien puissant de Michèle ALLIOT MARIE.
Permettez-moi de terminer mon propos en évoquant un dernier sujet qui me tient à coeur, celui du dialogue social. La Nouvelle-Calédonie a beaucoup souffert, durant les dernières années, de conflits sociaux à répétition qui l'ont paralysée. Face à cela, je suis convaincu qu'il faut un Etat fort et juste qui assume ses responsabilités, sans complexe mais avec humanité.
Il faut approfondir le travail avec les partenaires sociaux, il faut créer les conditions culturelles d'un dialogue social apaisé en Nouvelle-Calédonie. Sans dialogue, on ne peut pas avancer. Mais, je le dis comme je le pense, il n'est pas question de tolérer que, sous prétexte de lutte pseudo-syndicale, certains se livrent à des comportements qui bafouent l'ordre républicain. Le désordre n'amènera pas la paix et la stabilité en Nouvelle-Calédonie. C'est ce double travail qui a été accompli avec beaucoup de détermination, depuis un an, et nous en voyons les effets positifs dans la baisse de la conflictualité. Je sais, qu'en tant que responsables publiques, vous partagez cette analyse, quelles que soient, par ailleurs, vos convictions politiques.
Je redis donc tout mon soutien au Haut-commissaire, Yves DASSONVILLE, dans le travail qu'il a entrepris, à ma demande, pour incarner un Etat plus réactif et plus juste.
Mes chers amis, la jeunesse calédonienne nous regarde. Le travail que nous faisons, ensemble, dépasse largement le cadre de nos personnes et de nos mandats. Nous avons l'honneur et la responsabilité de travailler pour les générations futures. Dans cette entreprise, je sais pouvoir compter sur vous. Je me rendrai en Nouvelle-Calédonie dans le courant de l'année 2009 pour vérifier que tout ce que j'ai demandé a bien été mis en oeuvre. J'ai parfaitement conscience qu'il y a une histoire propre à la Nouvelle-Calédonie, territoire dans lequel je me suis rendu à deux reprises. Que finalement chacun a fait un effort et que là où chacun prévoyait l'explosion, elle ne s'est pas produite. Chaque communauté a payé cher, très cher, le prix de ces affrontements.
Mais qu'il me soit permis, vu de la métropole, de dire une chose, vous aimez tous cette terre, c'est un point commun, vous êtes tous inconditionnels de la Nouvelle-Calédonie. Vous n'avez pas les mêmes origines, vous n'avez pas forcément la même culture, vous n'avez pas forcément les mêmes habitudes, mais vous aimez cette terre. Cette terre se trouve à un endroit du monde où le potentiel de croissance est considérable et pas simplement dans le tourisme. Cette terre est importante pour vous, elle est importante pour la France aussi. Beaucoup disent que la Nouvelle-Calédonie a besoin de la métropole, moi je veux vous dire que la métropole a besoin de la Nouvelle-Calédonie parce que ce qu'il s'y passe peut être un exemple de dialogue et de paix.
Je le dis, je me sens le Président de la République de chacun sur ces îles, pas plus des uns que des autres, de chacun. J'ai parfaitement conscience que vous avez besoin de l'ordre, mais vous avez besoin de justice et que, bien souvent, le désordre naît du sentiment qu'on vit une injustice. Ce ne sont pas les choses les plus faciles à résoudre surtout sur un territoire qui a eu une tradition de violence, ce n'est faire insulte à personne. Et pourtant avec tout cela, depuis une bonne vingtaine d'années, vous donnez l'exemple de l'apaisement. Cela ne veut pas dire que c'est toujours facile. Et des divisions, vous en avez connu entre les communautés et dans chaque communauté, mais vous n'avez pas les moyens de vous payer le luxe de la division, la compétition mondiale est déjà trop dure. Les risques qui pèsent sur le monde sont trop nombreux pour qu'à ces risques extérieurs, vous ajoutiez des risques intérieurs.
Travaillez ensemble. D'une certaine façon, écoutez-vous, respectez-vous, aimez-vous, parce que les différentes provinces, elles sont situées dans le même endroit du monde, ce ne sont pas deux mondes différents, c'est le même endroit du monde, c'est le même patrimoine, c'est la même culture et ce serait un très grand appauvrissement pour la Nouvelle-Calédonie de laisser en chemin les femmes et les hommes dont nous avons besoin parce qu'ils étaient sur cette terre, il y a bien longtemps.
L'ambition de la République, c'est de donner les mêmes chances à chacun. Croyez bien que je n'en fais pas une question de nationalisme, de patriotisme, simplement une question de bon sens. Cette terre a besoin de chacun d'entre vous et nous, nous sommes bien conscients que ce qui se joue là-bas, c'est un peu plus que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, c'est la capacité de communautés à se parler, à s'entendre alors que, partout dans le monde, on se divise et on s'affronte. C'est peut-être cela aussi le plus beau message de la République française : quelles que soient, par ailleurs, les convictions indépendantistes ou pas, il y a un rendez-vous, ce rendez-vous sera assumé et vous déciderez. Mais vous ne déciderez pas dans la violence, parce que dans la violence, on ne décide pas, on subit. Vous déciderez dans la paix, dans l'apaisement, dans le respect des convictions. Puis une majorité décidera et, à ce moment-là, le territoire sera inscrit dans sa destinée.
Croyez bien que Michèle ALLIOT-MARIE, Yves JEGO, tout le gouvernement, François FILLON hier, et moi-même, on vous aidera. On vous aidera parce que l'on tient à vous. Je n'ai été que deux fois sur votre territoire, mais croyez bien que j'en ai gardé un souvenir très précis, très présent. Vous pouvez compter sur moi, parce que je suis très attaché à ce territoire et j'y ai vu ce que pouvait donner de plus détestable la violence. Dans mon propre parti politique, on ne comprenait pas ce qui se passait. Je ferai tout pour que cela ne se reproduise pas, parce que vous avez assez souffert, tous, de cela et vous n'avez rien sorti. En revanche, de vous asseoir autour de la même table et de gérer ensemble vos affaires, là, vous avez pu construire quelque chose et regarder l'avenir avec un taux de croissance qui nous fait même envie, nous, en métropole. Ce n'était pas dans le discours, mais c'était dans mon coeur, je tiens à ce que vous le sachiez.
Merci à tous.