8 septembre 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Dimitri Medvedev, Président de la Fédération de Russie, sur la résolution du conflit russo-géorgien concernant les régions séparatistes de Géorgie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, à Moscou le 8 septembre 2008.
M. DMITRI MEDVEDEV - Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais vous dire quelques mots. Aujourd'hui, ensemble, le Président SARKOZY avec d'autres collègues européens, nous avons eu un entretien très important. D'abord, comme régulièrement, ces entretiens durent assez longtemps. Nous avons abordé des questions plus difficiles et plus épineuses, d'actualité. Certes, nous avons passé beaucoup de temps à discuter des conséquences de la récente crise au Caucase qui a été provoquée par la Géorgie contre l'Ossétie du sud.
Dès le début, je tiens à souligner que notre pays apprécie les efforts médiatiques de l'Union européenne de la Présidence française et de mon collègue M. SARKOZY, personnellement. Dès le début, le Président français s'est engagé dans cette problématique. Nous sommes souvent en contact et apparemment cela porte ses fruits. Aujourd'hui, nos collègues ont confirmé que l'Union européenne était prête à continuer à contribuer au revirement du conflit, y compris par le lancement de mécanismes internationaux, visant à assurer la sécurité dans les zones adjacentes à l'Abkhazie et à l'Ossétie du sud. En plus, nous avons examiné en détails les questions de l'implication de la participation de l'Union européenne, ensemble avec l'OSCE, pour le règlement de ce conflit.
Certes, il y des sujets où nos opinions divergent, notamment la reconnaissance de l'indépendance de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie. Vous savez que l'Union européenne a condamné cette décision mais nous en avons déjà parlé. Je tiens à souligner que pour nous c'était le seul moyen de préserver les vies, le seul moyen de sauvegarder l'existence des peuples abkhazes et de l'Ossétie du sud. Je tiens à dire que nous nous sommes penchés sur la mise en oeuvre du plan que nous avons élaboré ensemble. A mon avis, la Russie le respecte sur tous les points. En même temps, je ne peux pas dire la même chose au sujet de la partie géorgienne. La Géorgie essaye de rétablir son potentiel militaire avec l'existence active de certains de nos partenaires notamment les Etats-Unis. Je crois que, dans l'avenir, la décision prise sera tout à fait claire pour la majorité des pays et d'autres pays vont suivre notre exemple. Les pays pour lesquels les droits de l'Homme et la volonté démocratique, le peuple sont des mots qui ne sont pas privés de sens. Ce qui compte aujourd'hui c'est de continuer le dialogue avec SOUKOUMI et TSKHINVALI. Un dialogue est possible sur les sujets de droit international.
Pour nous, l'Union européenne, c'est notre partenaire naturel, notre partenaire clé. C'est pour cette raison que nous avons mis ensemble les mesures visant à la mise en oeuvre le plan du 12 août 2008 et je voudrais vous faire part de ce document. Je vais le faire en russe et mon collègue Nicolas va le faire en français.
La mise en oeuvre du plan du 12 août 2008, la réaffirmation de l'engagement de toutes les parties à mettre en oeuvre dans leur intégralité toutes les dispositions du plan Medvedev-Sarkozy en 6 points du 12 août 2008.
1 - Retrait des forces
- Retrait de toutes les forces russes de paix des 5 postes d'observation sur les lignes de Poti à Sénaki dans un délai maximum de 7 jours, compte tenu de la signature le 8 septembre des documents juridiquement contraignants et garantissant le non-recours à la force contre l'Abkhazie.
- Retrait complet des forces de paix russes hors des zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie sur leurs positions antérieures au début des hostilités. Ce retrait se déroulera dans les 10 jours du déploiement dans ces zones des mécanismes internationaux, y compris au moins 200 observateurs de l'Union européenne, qui devra intervenir au plus tard le 1er octobre 2008, compte tenu de l'existence des documents juridiquement contraignants qui garantissent le non-recours à la force contre l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
Je tiens à souligner que ces documents en question ont déjà été reçus par la partie russe.
- Achèvement du retour des forces armées géorgiennes dans leurs lieux de cantonnement d'ici le 1er octobre 2008.
2 - Mécanismes internationaux d'observation.
- Les observateurs internationaux des missions d'observateurs des Nations unies en Géorgie continueront d'exercer leur mandat dans leurs zones de responsabilité en conformité avec leurs effectifs et le schéma de déploiement tel qu'il était le 7 août 2008, sans préjudice d'ajustements futurs sur décision du Conseil de sécurité des Nations unies.
- Les observateurs internationaux de l'OSCE continueront d'exercer leur mandat dans leurs zones de responsabilité en conformité avec leurs effectifs et le schéma de déploiement tel qu'il était le 7 août 2008, sans préjudice d'ajustements futurs sur décision du Conseil permanent de l'OSCE.
- Les préparatifs seront accélérés pour permettre le déploiement d'observateurs supplémentaires dans les zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie en nombre suffisant pour remplacer les forces de paix russes d'ici le 1er octobre 2008 dont au moins 200 observateurs de l'Union européenne.
- L'Union européenne en tant que garante du principe de non-recours à la force, prépare activement le déploiement d'une mission d'observation en complément des mécanismes d'observation existants.
3. Discussions internationales
Les discussions internationales prévues au point 6 du plan Medvedev-Sarkozy du 12 août 2008 débuteront le 15 octobre 2008 à Genève. Les conversations préparatoires débuteront en septembre, année en cours.
Ces discussions porteront notamment :
- sur les modalités de sécurité et de stabilité dans la région £
- sur la question des réfugiés et déplacés sur la base des principes reconnus au niveau international et de la pratique de règlement post-conflictuel £
- sur tout autre sujet, d'un commun accord entre les parties.
Voilà, le document que nous avons mis au point tout à l'heure.
Je tiens à souligner qu'il entre en vigueur immédiatement, notamment compte-tenu du fait que la Russie a eu des garanties de la part de l'Union européenne, de la part de la France qui assume la présidence de l'Union européenne, notamment sur le non-recours à la force par la partie géorgienne.
Je passe la parole à mon collègue, Nicolas.
LE PRESIDENT - Merci, Monsieur le Président. Je prendrai la parole au nom du Président BARROSO comme au mien, en associant Javier SOLANA et Bernard KOUCHNER, naturellement, puisque c'est ensemble que nous avons discuté avec nos partenaires russes de l'accord que je ne vais pas relire, puisque Dmitri MEDVEDEV l'a fait, mais que je pourrais résumer de la façon suivante : nous ne pensons pas résoudre en 4 heures de discussions la totalité des questions qui préoccupent le Caucase depuis des années. Mais la volonté de l'Union européenne est de servir les intérêts de la paix. Depuis le 12 août, nous oeuvrons, Monsieur BARROSO, moi-même et la diplomatie française, Bernard KOUCHNER, au service de la paix. Ce que nous avons décidé avec le Président MEDVEDEV signifie concrètement dans une semaine maximum la levée des check-points entre Poti et Senaki. Je remercie la partie russe d'avoir accepté de mettre des délais précis. Dans une semaine, dans un mois, le retrait complet des forces militaires russes du territoire géorgien hors Ossétie et Abkhazie, un mois. La confirmation de la présence des observateurs internationaux de la MONUG et de l'OSCE dans leurs mandats actuels, c'est-à-dire que ces observateurs seront au-delà des limites administratives de l'Abkhazie et de l'Ossétie. L'engagement de l'Union européenne de déployer avant le 1er octobre 2008 observateurs de l'Union européenne, nous verrons avec Javier SOLANA si on peut déployer plus dans les semaines qui suivront le 1er octobre.
Le Président MEDVEDEV l'a indiqué je le confirme, le Président BARROSO et le Haut Représentant SOLANA ont signé une lettre garantissant le soutien de l'Union européenne au principe de non recours à la force. J'ai moi-même remis au Président MEDVEDEV une lettre du Président SAAKASHVILLI s'engageant à ne pas recourir à la force en Abkhazie £ le même engagement pour l'Ossétie étant recouvert par l'accord du 12 août.
Enfin, l'engagement de discussions internationales à Genève à compter du 15 octobre, étant entendu que nous allons nous mettre au travail tout de suite avec le Président BARROSO et l'ensemble de la diplomatie représenté par le haut représentant et par Bernard KOUCHNER, pour voir quels contours auront ces discussions, quelle composition occuperont ces discussions internationales. Mais vous avez certainement noté que le Président MEDVEDEV a indiqué que la question des réfugiés serait au coeur de ces discussions.
Je crois pouvoir dire que la négociation qui nous a occupés ces dernières heures a été fructueuse. Nous allons nous envoler maintenant pour la Géorgie, pour expliquer ce que nous avons signé et pour faire en sorte que chacune des parties s'engagent au service de la paix. Dans une semaine les check-points démantelés, dans un mois les forces militaires russes en dehors du territoire géorgien, à l'exception naturellement de l'Ossétie et de l'Abkhazie.
Je veux d'ailleurs dire, de ce point de vue, que la discussion que nous avons eue avec le Président MEDVEDEV, comme il l'a très bien dit, ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout. L'Union européenne a condamné la reconnaissance unilatérale de l'Ossétie et de l'Abkhazie, leur indépendance par la Russie.
Le Président MEDVEDEV a rappelé sa position, mais nous n'étions pas là pour négocier sur l'avenir, nous étions là pour mettre en oeuvre le plan du 12 août. Je crois pouvoir dire honnêtement que ce que nous avons signé aujourd'hui, ce que nous vous disons aujourd'hui représente parfaitement l'état d'esprit qui a prévalu au moment du cessez-le-feu.
Je voudrais dire un dernier mot pour que les choses soient claires, si tout ceci se passe comme nous l'avons indiqué et croyez-bien que pour le Président BARROSO, comme pour moi-même, Javier SOLANA ou Bernard KOUCHNER, c'est une fameuse discussion, une forte négociation. Cela voudrait dire quand même qu'en un peu plus d'un mois, un conflit qui aurait pu être beaucoup plus, avec des conséquences humaines beaucoup plus graves, se serait arrêté. Je veux dire que les armes ne parleront plus et j'appelle chacun à bien réfléchir à cela. Si l'Union européenne ne s'était pas engagée puissamment pour obtenir le cessez-le-feu et sur la base du cessez-le-feu pour créer les conditions de la confiance entre les différents protagonistes, pour obtenir le retrait des forces russes. Alors, naturellement, il restera des discussions importantes à Genève sur la sécurité et la stabilité, les conditions de l'Abkhazie et de l'Ossétie. Mais enfin, cette question-là ne se posait pas depuis le 7 août, puisqu'elle occupait un certain nombre de résolutions. Donc je crois dire que cet accord est un accord qui représente le maximum de ce que l'on pouvait faire. Et si tous les conflits à travers le monde se trouvaient ainsi sur la voie de la résolution, le monde serait plus stable.
Et, enfin, je voudrais dire que ça été pour moi une grande chance de pouvoir compter sur le Président de la Commission et sur le Haut Représentant , parce que comme l'on dit en France, nos montres ont marqué constamment la même heure, au service de l'unité européenne et de la volonté, Monsieur le Président MEDVEDEV, que le monde ne retrouve pas une guerre froide dont nous n'avons pas besoin. Il y a suffisamment de foyers de guerre, d'incompréhension et d'opposition pour que l'on ne se lance pas dans des aventures de cette nature sans réfléchir et sans tout faire pour essayer de faire prévaloir la paix. C'est ce que nous avons essayé de faire. J'admets bien volontiers que tout n'est pas résolu, mais ce qui a été résolu aujourd'hui est assez considérable.
QUESTION - à Monsieur MEDVEDEV : Monsieur le Président, comment appréciez-vous la position de l'Union européenne concernant la situation autour de la Géorgie ? Question au Président SARKOZY : pourquoi les Européens préfèrent ne pas parler de l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud ? Et la question au deux présidents : quelles sont les perspectives du sommet Russie/Union européenne à Nice qui va avoir lieu prochainement et quelles sont les perspectives de l'accord de coopération et de partenariat ?
M. DMITRI MEDVEDEV - En ce qui concerne la position de l'Union européenne à propos de la Géorgie, j'ai déjà présenté mon opinion, quand j'ai donné des interviews à plusieurs chaînes européennes. Je crois que la position de l'Union européenne a deux nuances. Premièrement, c'est basé sur la compréhension pas tout à fait complète des circonstances de l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud, compte tenu du fait que ces circonstances ne sont pas traitées exactement. On ne comprend pas pourquoi nous avons reconnu l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud et là, je vois des ressources supplémentaires pour continuer à travailler ensemble et expliquer nos motifs aux collègues européens.
En ce qui concerne l'autre nuance, il me semble que la décision de l'Union européenne concernant la situation de l'Ossétie du Sud, en général, est assez équilibrée si on prend en considération l'existence des points de vue exotiques et je dirais même extrémistes qui appellent aux sanctions contre la Russie. Je disais plusieurs fois que c'est non productif et non intéressant pour l'Union européenne et, alors, cette position du conseil de l'Union européenne du 1er septembre dernier est compréhensible. Voilà en ce qui concerne notre appréciation de cette position. Concernant les perspectives de notre sommet à Nice et les perspectives de l'accord, je crois que, dans cette situation, la balle est chez nos partenaires européens. Nous ne voulons pas la détérioration des relations, nous ne croyons pas seulement aux suspensions des discussions concernant le nouvel accord. Mais si les collègues européens ne le veulent pas, il n'y a pas de problème. Durant la dernière année, on n'a pas discuté de cette question mais nos relations se sont améliorées encore plus, les investissements ont continué, les échanges aussi. La suspension du travail sur l'accord n'est pas vraiment une décision qui pourrait porter un coup aux intérêts russes. En ce qui concerne les perspectives du Sommet, je crois que nous devons nous rencontrer, nous devons nous parler. Nous avons un petit peu parlé de cette question. Il faudrait effectivement se rencontrer et parler plus largement des relations entre l'Europe et la Russie et Nice est une bonne plateforme pour ceci. Nous allons nous préparer à cet événement d'une façon bien détaillée.
LE PRESIDENT - Ecoutez, c'est très simple. D'abord je pense que l'Union européenne a eu une réaction parfaitement équilibrée parce que si vous relisez le texte de la décision unanime du Conseil européen extraordinaire, il condamne la réaction disproportionnée des Russes. Si nous parlons de réaction, c'est parce qu'il y a eu action. Les mots ont un sens. Et j'estime qu'en agissant ainsi, nous avons agi de façon équilibrée. Deuxième point de désaccord, nous considérons que ce n'était pas à la Russie de reconnaître unilatéralement l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie. Il y a des règles internationales, celles-ci doivent être respectées. Ce sont les deux points qui ont posé problème entre nous. Troisième élément, si le document que nous avons signé aujourd'hui, que nous présentons aujourd'hui le Président MEDVEDEV et moi-même, si ce document rentre en vigueur, en accord avec le Président BARROSO, je puis vous dire qu'il n'y a aucune raison pour que les réunions entre la Russie et l'Europe, qui ont été reportées pour le mois de septembre, ne reprennent pas dès le mois d'octobre. Les choses sont parfaitement claires. Nous voulons un partenariat et nous voulons la paix mais qui peut imaginer que cela arrangerait les affaires du monde qu'il y ait une opposition entre l'Union européenne et la Russie ? Vraiment, a-t-on besoin de cela ? Les discussions ont été reportées, les mots ont un sens, en attente du document que nous avons négocié le Président BARROSO et moi-même avec le Président MEDVEDEV. Ce document rentrant en vigueur, il n'y a aucune raison, à ce moment-là, que les réunions sur la définition d'un partenariat stratégique entre l'Europe et la Russie soient reportées.
QUESTION - La France est venue ici avec trois objectifs qui, il me semble, ont été plus ou moins satisfaits: le retrait des troupes, les dates pour ces négociations et éventuellement les observateurs. Monsieur le Président russe, je voudrais vous demander, par rapport à ce qu'on a donné du côté européen pour vous satisfaire, est-ce-que vous avez eu des signes du côté européen qu'on était en train d'accepter l'idée d'une Ossétie du sud et d'une Abkhazie indépendante ? Est-ce-que vous avez fait des progrès en ce sens ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Naturellement, il faudrait poser cette question plutôt à mes collègues qu'à moi. De toute façon, nous n'avions pas pour objectif de discuter avec nos collègues de l'Union européenne, avec le Président français, des questions de la reconnaissance de l'Ossétie et de l'Abkhazie. Nous avons fait notre choix et je l'ai dit ouvertement lors de nos conversations téléphoniques, avec Nicolas et avec d'autres collègues. Ce choix est final et sans retour. Notre décision est sans retour. L'acte de reconnaissance a eu lieu du point de vue du droit international, en ce qui concerne la théorie de l'apparition des états, deux nouveaux états sont apparus, le reste est lié au moment où cette décision prend effet. Le processus de reconnaissance a commencé et je suis convaincu que ce processus va s'accélérer. A quel moment les pays de l'Union européenne vont y accéder ? Cela dépend de leur position et il n'existe pas de décision éternelle. Nous comprenons que tout change dans ce monde, y compris les positions concernant la non-reconnaissance d'un état. C'est la réalité dont il faudra tenir compte, y compris nos partenaires de l'Union européenne. Je suis convaincu que ceci est compris de cette façon mais la décision concrète et les dates de reconnaissance n'ont pas du tout été discutées aujourd'hui. Mais nos collègues sont prêts à le faire aujourd'hui et maintenant, nous n'y voyons pas d'inconvénient.
LE PRESIDENT - Je remercie le Président MEDVEDEV de sa candidature pour être le porte-parole des positions européennes. Je ne serai moi-même pas le porte-parole des positions russes. Nous avions quatre objectifs : le retrait des forces militaires russes et un calendrier précis. C'est fait. Le déploiement d'observateurs internationaux. C'est accepté. Faire rentrer la question des réfugiés, parce que, Monsieur, permettez-moi de vous le dire, cela ne se traduit pas simplement par une question d'indépendance ou pas, la question des réfugiés est très importante. Et enfin, réponse à votre question, des discussions internationales. Si les discussions internationales s'ouvrent à Genève, c'est bien qu'il y a matière à discuter. C'est ma réponse.
M. DMITRI MEDVEDEV - Cela nous encourage.
QUESTION - Question aux deux Présidents. Que pensez-vous de la nécessité d'élaborer une nouvelle conception de la sécurité internationale ? Ne croyez-vous pas qu'après l'Irak, le Kosovo, l'Ossétie du sud et tout ce qui existait dans cette sphère avant, tout s'est écroulé ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Je crois que les exemples que vous avez cités démontrent avec évidence que les anciennes approches, la garantie de la sécurité internationale ont démontré leurs faiblesses. Il n'y a pas longtemps j'ai traité de cette question lorsque j'ai parlé du principe sur la base duquel va être construite la politique extérieure russe. Le deuxième principe important était le refus d'unipolarité et l'impossibilité de domination d'un état dans l'arène internationale. Les tentatives de résoudre telle ou telle question pour la communauté internationale ne dépendent pas des états. Mêmes les plus grands états, même les Etats-Unis ne peuvent pas déterminer les règles du jeu, il y a des institutions pour cela : les Nations unies, les organisations régionales. Et c'est à elles de faire leurs apports en ce qui concerne la non-efficacité. Ceci est lié au fait que dans les situations de crise, cette situation n'a pas toujours marché. Parce que cela est lié avec l'unipolarité, la volonté de résoudre les crises par des décisions forcées, des décisions qui ont été présentées par un état. Par exemple, nombre a voulu s'armer, il s'est bien armé, il a une bonne force, il a voulu résoudre un vieux problème qui a des racines historiques en un seul moment par la force militaire. Il a été béni par un seul état. Je ne parle pas comment cela a été fait, par le consentement tacite ou par la solution directe. Une démarche idiote a été faite, les gens ont péri. Toute la Géorgie paie maintenant. Ceci est un exemple de décisions basées sur le monde unipolaire. Quand il y a la certitude que quelqu'un est derrière toi, qui va t'aider à résoudre tes problèmes, non, il ne t'aidera pas. Il faut se conduire bien dans le cadre du droit international alors tout marchera bien. Voilà pourquoi je crois qu'il est nécessaire d'élaborer de nouvelles approches à la sécurité internationale.
LE PRESIDENT - Ecoutez, juste un mot. Dans cette crise, on a vu l'émergence d'un acteur de poids, l'Union européenne pour essayer de trouver les voies de l'apaisement dans une guerre au Caucase. Au regard du droit international, l'Ossétie et l'Abkhazie sont géorgiennes. Il y a eu action, réaction, des forces armées se sont affrontées, il fallait trouver une solution pour obtenir un cessez-le-feu puis un retrait, puis l'ouverture de discussions. Cela montre bien que quand l'Europe veut et c'est ce que nous sommes venus incarner, Monsieur BARROSO, Monsieur SOLANA, Monsieur KOUCHNER et moi-même, quand l'Europe veut, elle peut être un facteur de paix. Elle peut jouer un rôle y compris dans des régions qu'on n'imaginait pas qu'elle puisse jouer ce rôle. Pour jouer ce rôle, il faut la confiance de tout le monde. Ce n'est pas simple. Ce n'est pas très simple. Je dis aussi à ceux qui nous poussaient à prendre des positions extrêmes que, quand on prend des positions extrêmes, on ne discute plus qu'avec une seule partie. Et, à ce moment-là, on n'est plus un acteur de paix. Je crois qu'il a fallu garder chaque moment le contact au plus haut niveau avec les autorités russes. Ne pas perdre à chaque moment le contact avec les autorités géorgiennes pour essayer d'apporter cet apaisement et ne pas céder à la tentation de tout emporter au moment de la crise. Il fallait résonner étape par étape : le cessez-le-feu, le retrait, les discussions internationales. Je crois que c'est la seule position sage dans le monde instable qui est le nôtre. C'est ce que peut apporter l'Union européenne au monde. Évidemment, je m'apprête à recevoir beaucoup de conseils sur ce qu'il aurait fallu faire et ne pas faire, sur ce qu'il aurait fallu faire au mieux. Le résultat, c'est l'Union européenne qui a obtenu le cessez-le-feu, c'est l'Union européenne qui discute avec le Président MEDVEDEV les conditions du retrait des militaires russes et c'est l'Union européenne qui va engager les discussions internationales à Genève qui sont bien nécessaires et peut-être que parce qu'on n'a pas assez discuté dans le passé, on s'est retrouvés avec des situations dont, à force de ne pas en parler, elles empirent, comme on l'a bien vu ces dernières semaines. Peut-être une dernière question parce qu'on a encore de la route à faire avec le Président BARROSO et Monsieur SOLANA !
QUESTION - Nous sommes dix jours après la reconnaissance unilatérale par la Russie de l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Il semble que cet aspect n'ait même pas été un vrai sujet de discussion aujourd'hui et il n'est pas à l'ordre du jour non plus, énoncé par Monsieur MEDVEDEV, des discussions à Genève. Est-ce que cela veut dire que vous en tirerez d'une certaine manière le nouveau dessin russe des frontières géorgiennes ? Est-ce que l'Union européenne va devoir développer un nouveau discours pour accepter ce fait accompli ?
LE PRESIDENT - Excusez-moi Madame, je crois avoir dit strictement l'inverse de ce que vous venez de dire. Je ne veux pas vous contrarier mais j'ai dit que l'Union européenne condamnait la reconnaissance unilatérale. J'ai même précisé que ce n'était pas à la Russie de définir ce qu'étaient les frontières de la Géorgie. J'ajoute que dans le point 3 du document que nous venons de négocier avec Monsieur BARROSO, Monsieur SOLANA et Monsieur KOUCHNER, il est marqué : les discussions internationales, prévues au point 6 du plan du 12 août 2008, débuteront le 15 octobre 2008 à Genève. Ce n'est peut être pas aussi tout à fait un hasard si, par exemple, le mot statut ne s'y trouve pas. Je ne suis pas en charge de définir la position russe. Les Russes disent ce qu'ils souhaitent dire. Ce n'est pas à moi d'être le porte-parole russe. Je parle avec Monsieur BARROSO, au nom de l'Union européenne. Nous avons condamné. J'ai un mandat et ce mandat£ c'était l'application stricte de l'accord du 12 août qui prévoyait l'ouverture de discussions internationales. Je sais que vous êtes passionnée par cette question mais comment pouvez-vous dire que cela n'a pas été évoqué ? J'ai même dit, Monsieur MEDVEDEV l'a dit : c'est un point de désaccord entre nous. Nous n'étions pas chargés Monsieur BARROSO et moi de négocier en une après-midi un sujet qui est pendant depuis une petite vingtaine d'années. Pour les événements les plus récents, nous étions ici pour que les discussions s'engagent et bien qu'elles s'engagent.
QUESTION - Donc ce sera à l'ordre du jour des négociations à Genève ?
LE PRESIDENT - Les discussions prévoient les modalités de sécurité et de stabilité dans la région. Naturellement que cela engage la question de la stabilité et de la sécurité en Abkhazie et en Ossétie. La position du Président MEDVEDEV, il l'a expliqué, celle de l'Union, je vous la confirme.
QUESTION - Est-ce que les frontières de la Géorgie sont les seules que vous voulez modifier en Europe ou est-ce que vous comptez ensuite encore modifier d'autres frontières en Europe, par exemple en Russie ou dans d'autres pays ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Vous savez nous ne changeons pas de frontière, ce n'est pas à nous de le faire. Mais je voudrais dire deux mots en ce qui concerne vos propos. Ce n'est pas seulement dix jours après la reconnaissance, le mois du début de l'agression, c'est une date lugubre. Malheureusement, il tiendra sa place dans les manuels d'histoire comme la date de l'agression contre le peuple ossète et de laquelle on peut commencer à élaborer de nouvelles approches à la sécurité dans le monde. J'en ai déjà parlé. En ce qui concerne la reconnaissance pour nous, la question est close. Du point de vue du droit international, deux nouveaux états ont émergé. Nous avons déjà préparé des textes d'accords correspondant y compris les relations diplomatiques. Il va y avoir d'autres accords d'après lesquels nous allons leur prêter assistance humanitaire, matérielle et militaire. Là vous pouvez en être sûrs. Mais ceci est une autre situation. Le reste, ce ne sont que des commérages. Je parlais de leurs fantômes, de ceux qui essaient de voir en la Fédération de Russie, l'Union soviétique mais la Russie a changé. Mais il faut tenir compte de la Russie. La conférence de presse est terminée.
Je vous remercie.
Dès le début, je tiens à souligner que notre pays apprécie les efforts médiatiques de l'Union européenne de la Présidence française et de mon collègue M. SARKOZY, personnellement. Dès le début, le Président français s'est engagé dans cette problématique. Nous sommes souvent en contact et apparemment cela porte ses fruits. Aujourd'hui, nos collègues ont confirmé que l'Union européenne était prête à continuer à contribuer au revirement du conflit, y compris par le lancement de mécanismes internationaux, visant à assurer la sécurité dans les zones adjacentes à l'Abkhazie et à l'Ossétie du sud. En plus, nous avons examiné en détails les questions de l'implication de la participation de l'Union européenne, ensemble avec l'OSCE, pour le règlement de ce conflit.
Certes, il y des sujets où nos opinions divergent, notamment la reconnaissance de l'indépendance de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie. Vous savez que l'Union européenne a condamné cette décision mais nous en avons déjà parlé. Je tiens à souligner que pour nous c'était le seul moyen de préserver les vies, le seul moyen de sauvegarder l'existence des peuples abkhazes et de l'Ossétie du sud. Je tiens à dire que nous nous sommes penchés sur la mise en oeuvre du plan que nous avons élaboré ensemble. A mon avis, la Russie le respecte sur tous les points. En même temps, je ne peux pas dire la même chose au sujet de la partie géorgienne. La Géorgie essaye de rétablir son potentiel militaire avec l'existence active de certains de nos partenaires notamment les Etats-Unis. Je crois que, dans l'avenir, la décision prise sera tout à fait claire pour la majorité des pays et d'autres pays vont suivre notre exemple. Les pays pour lesquels les droits de l'Homme et la volonté démocratique, le peuple sont des mots qui ne sont pas privés de sens. Ce qui compte aujourd'hui c'est de continuer le dialogue avec SOUKOUMI et TSKHINVALI. Un dialogue est possible sur les sujets de droit international.
Pour nous, l'Union européenne, c'est notre partenaire naturel, notre partenaire clé. C'est pour cette raison que nous avons mis ensemble les mesures visant à la mise en oeuvre le plan du 12 août 2008 et je voudrais vous faire part de ce document. Je vais le faire en russe et mon collègue Nicolas va le faire en français.
La mise en oeuvre du plan du 12 août 2008, la réaffirmation de l'engagement de toutes les parties à mettre en oeuvre dans leur intégralité toutes les dispositions du plan Medvedev-Sarkozy en 6 points du 12 août 2008.
1 - Retrait des forces
- Retrait de toutes les forces russes de paix des 5 postes d'observation sur les lignes de Poti à Sénaki dans un délai maximum de 7 jours, compte tenu de la signature le 8 septembre des documents juridiquement contraignants et garantissant le non-recours à la force contre l'Abkhazie.
- Retrait complet des forces de paix russes hors des zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie sur leurs positions antérieures au début des hostilités. Ce retrait se déroulera dans les 10 jours du déploiement dans ces zones des mécanismes internationaux, y compris au moins 200 observateurs de l'Union européenne, qui devra intervenir au plus tard le 1er octobre 2008, compte tenu de l'existence des documents juridiquement contraignants qui garantissent le non-recours à la force contre l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
Je tiens à souligner que ces documents en question ont déjà été reçus par la partie russe.
- Achèvement du retour des forces armées géorgiennes dans leurs lieux de cantonnement d'ici le 1er octobre 2008.
2 - Mécanismes internationaux d'observation.
- Les observateurs internationaux des missions d'observateurs des Nations unies en Géorgie continueront d'exercer leur mandat dans leurs zones de responsabilité en conformité avec leurs effectifs et le schéma de déploiement tel qu'il était le 7 août 2008, sans préjudice d'ajustements futurs sur décision du Conseil de sécurité des Nations unies.
- Les observateurs internationaux de l'OSCE continueront d'exercer leur mandat dans leurs zones de responsabilité en conformité avec leurs effectifs et le schéma de déploiement tel qu'il était le 7 août 2008, sans préjudice d'ajustements futurs sur décision du Conseil permanent de l'OSCE.
- Les préparatifs seront accélérés pour permettre le déploiement d'observateurs supplémentaires dans les zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie en nombre suffisant pour remplacer les forces de paix russes d'ici le 1er octobre 2008 dont au moins 200 observateurs de l'Union européenne.
- L'Union européenne en tant que garante du principe de non-recours à la force, prépare activement le déploiement d'une mission d'observation en complément des mécanismes d'observation existants.
3. Discussions internationales
Les discussions internationales prévues au point 6 du plan Medvedev-Sarkozy du 12 août 2008 débuteront le 15 octobre 2008 à Genève. Les conversations préparatoires débuteront en septembre, année en cours.
Ces discussions porteront notamment :
- sur les modalités de sécurité et de stabilité dans la région £
- sur la question des réfugiés et déplacés sur la base des principes reconnus au niveau international et de la pratique de règlement post-conflictuel £
- sur tout autre sujet, d'un commun accord entre les parties.
Voilà, le document que nous avons mis au point tout à l'heure.
Je tiens à souligner qu'il entre en vigueur immédiatement, notamment compte-tenu du fait que la Russie a eu des garanties de la part de l'Union européenne, de la part de la France qui assume la présidence de l'Union européenne, notamment sur le non-recours à la force par la partie géorgienne.
Je passe la parole à mon collègue, Nicolas.
LE PRESIDENT - Merci, Monsieur le Président. Je prendrai la parole au nom du Président BARROSO comme au mien, en associant Javier SOLANA et Bernard KOUCHNER, naturellement, puisque c'est ensemble que nous avons discuté avec nos partenaires russes de l'accord que je ne vais pas relire, puisque Dmitri MEDVEDEV l'a fait, mais que je pourrais résumer de la façon suivante : nous ne pensons pas résoudre en 4 heures de discussions la totalité des questions qui préoccupent le Caucase depuis des années. Mais la volonté de l'Union européenne est de servir les intérêts de la paix. Depuis le 12 août, nous oeuvrons, Monsieur BARROSO, moi-même et la diplomatie française, Bernard KOUCHNER, au service de la paix. Ce que nous avons décidé avec le Président MEDVEDEV signifie concrètement dans une semaine maximum la levée des check-points entre Poti et Senaki. Je remercie la partie russe d'avoir accepté de mettre des délais précis. Dans une semaine, dans un mois, le retrait complet des forces militaires russes du territoire géorgien hors Ossétie et Abkhazie, un mois. La confirmation de la présence des observateurs internationaux de la MONUG et de l'OSCE dans leurs mandats actuels, c'est-à-dire que ces observateurs seront au-delà des limites administratives de l'Abkhazie et de l'Ossétie. L'engagement de l'Union européenne de déployer avant le 1er octobre 2008 observateurs de l'Union européenne, nous verrons avec Javier SOLANA si on peut déployer plus dans les semaines qui suivront le 1er octobre.
Le Président MEDVEDEV l'a indiqué je le confirme, le Président BARROSO et le Haut Représentant SOLANA ont signé une lettre garantissant le soutien de l'Union européenne au principe de non recours à la force. J'ai moi-même remis au Président MEDVEDEV une lettre du Président SAAKASHVILLI s'engageant à ne pas recourir à la force en Abkhazie £ le même engagement pour l'Ossétie étant recouvert par l'accord du 12 août.
Enfin, l'engagement de discussions internationales à Genève à compter du 15 octobre, étant entendu que nous allons nous mettre au travail tout de suite avec le Président BARROSO et l'ensemble de la diplomatie représenté par le haut représentant et par Bernard KOUCHNER, pour voir quels contours auront ces discussions, quelle composition occuperont ces discussions internationales. Mais vous avez certainement noté que le Président MEDVEDEV a indiqué que la question des réfugiés serait au coeur de ces discussions.
Je crois pouvoir dire que la négociation qui nous a occupés ces dernières heures a été fructueuse. Nous allons nous envoler maintenant pour la Géorgie, pour expliquer ce que nous avons signé et pour faire en sorte que chacune des parties s'engagent au service de la paix. Dans une semaine les check-points démantelés, dans un mois les forces militaires russes en dehors du territoire géorgien, à l'exception naturellement de l'Ossétie et de l'Abkhazie.
Je veux d'ailleurs dire, de ce point de vue, que la discussion que nous avons eue avec le Président MEDVEDEV, comme il l'a très bien dit, ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout. L'Union européenne a condamné la reconnaissance unilatérale de l'Ossétie et de l'Abkhazie, leur indépendance par la Russie.
Le Président MEDVEDEV a rappelé sa position, mais nous n'étions pas là pour négocier sur l'avenir, nous étions là pour mettre en oeuvre le plan du 12 août. Je crois pouvoir dire honnêtement que ce que nous avons signé aujourd'hui, ce que nous vous disons aujourd'hui représente parfaitement l'état d'esprit qui a prévalu au moment du cessez-le-feu.
Je voudrais dire un dernier mot pour que les choses soient claires, si tout ceci se passe comme nous l'avons indiqué et croyez-bien que pour le Président BARROSO, comme pour moi-même, Javier SOLANA ou Bernard KOUCHNER, c'est une fameuse discussion, une forte négociation. Cela voudrait dire quand même qu'en un peu plus d'un mois, un conflit qui aurait pu être beaucoup plus, avec des conséquences humaines beaucoup plus graves, se serait arrêté. Je veux dire que les armes ne parleront plus et j'appelle chacun à bien réfléchir à cela. Si l'Union européenne ne s'était pas engagée puissamment pour obtenir le cessez-le-feu et sur la base du cessez-le-feu pour créer les conditions de la confiance entre les différents protagonistes, pour obtenir le retrait des forces russes. Alors, naturellement, il restera des discussions importantes à Genève sur la sécurité et la stabilité, les conditions de l'Abkhazie et de l'Ossétie. Mais enfin, cette question-là ne se posait pas depuis le 7 août, puisqu'elle occupait un certain nombre de résolutions. Donc je crois dire que cet accord est un accord qui représente le maximum de ce que l'on pouvait faire. Et si tous les conflits à travers le monde se trouvaient ainsi sur la voie de la résolution, le monde serait plus stable.
Et, enfin, je voudrais dire que ça été pour moi une grande chance de pouvoir compter sur le Président de la Commission et sur le Haut Représentant , parce que comme l'on dit en France, nos montres ont marqué constamment la même heure, au service de l'unité européenne et de la volonté, Monsieur le Président MEDVEDEV, que le monde ne retrouve pas une guerre froide dont nous n'avons pas besoin. Il y a suffisamment de foyers de guerre, d'incompréhension et d'opposition pour que l'on ne se lance pas dans des aventures de cette nature sans réfléchir et sans tout faire pour essayer de faire prévaloir la paix. C'est ce que nous avons essayé de faire. J'admets bien volontiers que tout n'est pas résolu, mais ce qui a été résolu aujourd'hui est assez considérable.
QUESTION - à Monsieur MEDVEDEV : Monsieur le Président, comment appréciez-vous la position de l'Union européenne concernant la situation autour de la Géorgie ? Question au Président SARKOZY : pourquoi les Européens préfèrent ne pas parler de l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud ? Et la question au deux présidents : quelles sont les perspectives du sommet Russie/Union européenne à Nice qui va avoir lieu prochainement et quelles sont les perspectives de l'accord de coopération et de partenariat ?
M. DMITRI MEDVEDEV - En ce qui concerne la position de l'Union européenne à propos de la Géorgie, j'ai déjà présenté mon opinion, quand j'ai donné des interviews à plusieurs chaînes européennes. Je crois que la position de l'Union européenne a deux nuances. Premièrement, c'est basé sur la compréhension pas tout à fait complète des circonstances de l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud, compte tenu du fait que ces circonstances ne sont pas traitées exactement. On ne comprend pas pourquoi nous avons reconnu l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud et là, je vois des ressources supplémentaires pour continuer à travailler ensemble et expliquer nos motifs aux collègues européens.
En ce qui concerne l'autre nuance, il me semble que la décision de l'Union européenne concernant la situation de l'Ossétie du Sud, en général, est assez équilibrée si on prend en considération l'existence des points de vue exotiques et je dirais même extrémistes qui appellent aux sanctions contre la Russie. Je disais plusieurs fois que c'est non productif et non intéressant pour l'Union européenne et, alors, cette position du conseil de l'Union européenne du 1er septembre dernier est compréhensible. Voilà en ce qui concerne notre appréciation de cette position. Concernant les perspectives de notre sommet à Nice et les perspectives de l'accord, je crois que, dans cette situation, la balle est chez nos partenaires européens. Nous ne voulons pas la détérioration des relations, nous ne croyons pas seulement aux suspensions des discussions concernant le nouvel accord. Mais si les collègues européens ne le veulent pas, il n'y a pas de problème. Durant la dernière année, on n'a pas discuté de cette question mais nos relations se sont améliorées encore plus, les investissements ont continué, les échanges aussi. La suspension du travail sur l'accord n'est pas vraiment une décision qui pourrait porter un coup aux intérêts russes. En ce qui concerne les perspectives du Sommet, je crois que nous devons nous rencontrer, nous devons nous parler. Nous avons un petit peu parlé de cette question. Il faudrait effectivement se rencontrer et parler plus largement des relations entre l'Europe et la Russie et Nice est une bonne plateforme pour ceci. Nous allons nous préparer à cet événement d'une façon bien détaillée.
LE PRESIDENT - Ecoutez, c'est très simple. D'abord je pense que l'Union européenne a eu une réaction parfaitement équilibrée parce que si vous relisez le texte de la décision unanime du Conseil européen extraordinaire, il condamne la réaction disproportionnée des Russes. Si nous parlons de réaction, c'est parce qu'il y a eu action. Les mots ont un sens. Et j'estime qu'en agissant ainsi, nous avons agi de façon équilibrée. Deuxième point de désaccord, nous considérons que ce n'était pas à la Russie de reconnaître unilatéralement l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie. Il y a des règles internationales, celles-ci doivent être respectées. Ce sont les deux points qui ont posé problème entre nous. Troisième élément, si le document que nous avons signé aujourd'hui, que nous présentons aujourd'hui le Président MEDVEDEV et moi-même, si ce document rentre en vigueur, en accord avec le Président BARROSO, je puis vous dire qu'il n'y a aucune raison pour que les réunions entre la Russie et l'Europe, qui ont été reportées pour le mois de septembre, ne reprennent pas dès le mois d'octobre. Les choses sont parfaitement claires. Nous voulons un partenariat et nous voulons la paix mais qui peut imaginer que cela arrangerait les affaires du monde qu'il y ait une opposition entre l'Union européenne et la Russie ? Vraiment, a-t-on besoin de cela ? Les discussions ont été reportées, les mots ont un sens, en attente du document que nous avons négocié le Président BARROSO et moi-même avec le Président MEDVEDEV. Ce document rentrant en vigueur, il n'y a aucune raison, à ce moment-là, que les réunions sur la définition d'un partenariat stratégique entre l'Europe et la Russie soient reportées.
QUESTION - La France est venue ici avec trois objectifs qui, il me semble, ont été plus ou moins satisfaits: le retrait des troupes, les dates pour ces négociations et éventuellement les observateurs. Monsieur le Président russe, je voudrais vous demander, par rapport à ce qu'on a donné du côté européen pour vous satisfaire, est-ce-que vous avez eu des signes du côté européen qu'on était en train d'accepter l'idée d'une Ossétie du sud et d'une Abkhazie indépendante ? Est-ce-que vous avez fait des progrès en ce sens ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Naturellement, il faudrait poser cette question plutôt à mes collègues qu'à moi. De toute façon, nous n'avions pas pour objectif de discuter avec nos collègues de l'Union européenne, avec le Président français, des questions de la reconnaissance de l'Ossétie et de l'Abkhazie. Nous avons fait notre choix et je l'ai dit ouvertement lors de nos conversations téléphoniques, avec Nicolas et avec d'autres collègues. Ce choix est final et sans retour. Notre décision est sans retour. L'acte de reconnaissance a eu lieu du point de vue du droit international, en ce qui concerne la théorie de l'apparition des états, deux nouveaux états sont apparus, le reste est lié au moment où cette décision prend effet. Le processus de reconnaissance a commencé et je suis convaincu que ce processus va s'accélérer. A quel moment les pays de l'Union européenne vont y accéder ? Cela dépend de leur position et il n'existe pas de décision éternelle. Nous comprenons que tout change dans ce monde, y compris les positions concernant la non-reconnaissance d'un état. C'est la réalité dont il faudra tenir compte, y compris nos partenaires de l'Union européenne. Je suis convaincu que ceci est compris de cette façon mais la décision concrète et les dates de reconnaissance n'ont pas du tout été discutées aujourd'hui. Mais nos collègues sont prêts à le faire aujourd'hui et maintenant, nous n'y voyons pas d'inconvénient.
LE PRESIDENT - Je remercie le Président MEDVEDEV de sa candidature pour être le porte-parole des positions européennes. Je ne serai moi-même pas le porte-parole des positions russes. Nous avions quatre objectifs : le retrait des forces militaires russes et un calendrier précis. C'est fait. Le déploiement d'observateurs internationaux. C'est accepté. Faire rentrer la question des réfugiés, parce que, Monsieur, permettez-moi de vous le dire, cela ne se traduit pas simplement par une question d'indépendance ou pas, la question des réfugiés est très importante. Et enfin, réponse à votre question, des discussions internationales. Si les discussions internationales s'ouvrent à Genève, c'est bien qu'il y a matière à discuter. C'est ma réponse.
M. DMITRI MEDVEDEV - Cela nous encourage.
QUESTION - Question aux deux Présidents. Que pensez-vous de la nécessité d'élaborer une nouvelle conception de la sécurité internationale ? Ne croyez-vous pas qu'après l'Irak, le Kosovo, l'Ossétie du sud et tout ce qui existait dans cette sphère avant, tout s'est écroulé ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Je crois que les exemples que vous avez cités démontrent avec évidence que les anciennes approches, la garantie de la sécurité internationale ont démontré leurs faiblesses. Il n'y a pas longtemps j'ai traité de cette question lorsque j'ai parlé du principe sur la base duquel va être construite la politique extérieure russe. Le deuxième principe important était le refus d'unipolarité et l'impossibilité de domination d'un état dans l'arène internationale. Les tentatives de résoudre telle ou telle question pour la communauté internationale ne dépendent pas des états. Mêmes les plus grands états, même les Etats-Unis ne peuvent pas déterminer les règles du jeu, il y a des institutions pour cela : les Nations unies, les organisations régionales. Et c'est à elles de faire leurs apports en ce qui concerne la non-efficacité. Ceci est lié au fait que dans les situations de crise, cette situation n'a pas toujours marché. Parce que cela est lié avec l'unipolarité, la volonté de résoudre les crises par des décisions forcées, des décisions qui ont été présentées par un état. Par exemple, nombre a voulu s'armer, il s'est bien armé, il a une bonne force, il a voulu résoudre un vieux problème qui a des racines historiques en un seul moment par la force militaire. Il a été béni par un seul état. Je ne parle pas comment cela a été fait, par le consentement tacite ou par la solution directe. Une démarche idiote a été faite, les gens ont péri. Toute la Géorgie paie maintenant. Ceci est un exemple de décisions basées sur le monde unipolaire. Quand il y a la certitude que quelqu'un est derrière toi, qui va t'aider à résoudre tes problèmes, non, il ne t'aidera pas. Il faut se conduire bien dans le cadre du droit international alors tout marchera bien. Voilà pourquoi je crois qu'il est nécessaire d'élaborer de nouvelles approches à la sécurité internationale.
LE PRESIDENT - Ecoutez, juste un mot. Dans cette crise, on a vu l'émergence d'un acteur de poids, l'Union européenne pour essayer de trouver les voies de l'apaisement dans une guerre au Caucase. Au regard du droit international, l'Ossétie et l'Abkhazie sont géorgiennes. Il y a eu action, réaction, des forces armées se sont affrontées, il fallait trouver une solution pour obtenir un cessez-le-feu puis un retrait, puis l'ouverture de discussions. Cela montre bien que quand l'Europe veut et c'est ce que nous sommes venus incarner, Monsieur BARROSO, Monsieur SOLANA, Monsieur KOUCHNER et moi-même, quand l'Europe veut, elle peut être un facteur de paix. Elle peut jouer un rôle y compris dans des régions qu'on n'imaginait pas qu'elle puisse jouer ce rôle. Pour jouer ce rôle, il faut la confiance de tout le monde. Ce n'est pas simple. Ce n'est pas très simple. Je dis aussi à ceux qui nous poussaient à prendre des positions extrêmes que, quand on prend des positions extrêmes, on ne discute plus qu'avec une seule partie. Et, à ce moment-là, on n'est plus un acteur de paix. Je crois qu'il a fallu garder chaque moment le contact au plus haut niveau avec les autorités russes. Ne pas perdre à chaque moment le contact avec les autorités géorgiennes pour essayer d'apporter cet apaisement et ne pas céder à la tentation de tout emporter au moment de la crise. Il fallait résonner étape par étape : le cessez-le-feu, le retrait, les discussions internationales. Je crois que c'est la seule position sage dans le monde instable qui est le nôtre. C'est ce que peut apporter l'Union européenne au monde. Évidemment, je m'apprête à recevoir beaucoup de conseils sur ce qu'il aurait fallu faire et ne pas faire, sur ce qu'il aurait fallu faire au mieux. Le résultat, c'est l'Union européenne qui a obtenu le cessez-le-feu, c'est l'Union européenne qui discute avec le Président MEDVEDEV les conditions du retrait des militaires russes et c'est l'Union européenne qui va engager les discussions internationales à Genève qui sont bien nécessaires et peut-être que parce qu'on n'a pas assez discuté dans le passé, on s'est retrouvés avec des situations dont, à force de ne pas en parler, elles empirent, comme on l'a bien vu ces dernières semaines. Peut-être une dernière question parce qu'on a encore de la route à faire avec le Président BARROSO et Monsieur SOLANA !
QUESTION - Nous sommes dix jours après la reconnaissance unilatérale par la Russie de l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Il semble que cet aspect n'ait même pas été un vrai sujet de discussion aujourd'hui et il n'est pas à l'ordre du jour non plus, énoncé par Monsieur MEDVEDEV, des discussions à Genève. Est-ce que cela veut dire que vous en tirerez d'une certaine manière le nouveau dessin russe des frontières géorgiennes ? Est-ce que l'Union européenne va devoir développer un nouveau discours pour accepter ce fait accompli ?
LE PRESIDENT - Excusez-moi Madame, je crois avoir dit strictement l'inverse de ce que vous venez de dire. Je ne veux pas vous contrarier mais j'ai dit que l'Union européenne condamnait la reconnaissance unilatérale. J'ai même précisé que ce n'était pas à la Russie de définir ce qu'étaient les frontières de la Géorgie. J'ajoute que dans le point 3 du document que nous venons de négocier avec Monsieur BARROSO, Monsieur SOLANA et Monsieur KOUCHNER, il est marqué : les discussions internationales, prévues au point 6 du plan du 12 août 2008, débuteront le 15 octobre 2008 à Genève. Ce n'est peut être pas aussi tout à fait un hasard si, par exemple, le mot statut ne s'y trouve pas. Je ne suis pas en charge de définir la position russe. Les Russes disent ce qu'ils souhaitent dire. Ce n'est pas à moi d'être le porte-parole russe. Je parle avec Monsieur BARROSO, au nom de l'Union européenne. Nous avons condamné. J'ai un mandat et ce mandat£ c'était l'application stricte de l'accord du 12 août qui prévoyait l'ouverture de discussions internationales. Je sais que vous êtes passionnée par cette question mais comment pouvez-vous dire que cela n'a pas été évoqué ? J'ai même dit, Monsieur MEDVEDEV l'a dit : c'est un point de désaccord entre nous. Nous n'étions pas chargés Monsieur BARROSO et moi de négocier en une après-midi un sujet qui est pendant depuis une petite vingtaine d'années. Pour les événements les plus récents, nous étions ici pour que les discussions s'engagent et bien qu'elles s'engagent.
QUESTION - Donc ce sera à l'ordre du jour des négociations à Genève ?
LE PRESIDENT - Les discussions prévoient les modalités de sécurité et de stabilité dans la région. Naturellement que cela engage la question de la stabilité et de la sécurité en Abkhazie et en Ossétie. La position du Président MEDVEDEV, il l'a expliqué, celle de l'Union, je vous la confirme.
QUESTION - Est-ce que les frontières de la Géorgie sont les seules que vous voulez modifier en Europe ou est-ce que vous comptez ensuite encore modifier d'autres frontières en Europe, par exemple en Russie ou dans d'autres pays ?
M. DMITRI MEDVEDEV - Vous savez nous ne changeons pas de frontière, ce n'est pas à nous de le faire. Mais je voudrais dire deux mots en ce qui concerne vos propos. Ce n'est pas seulement dix jours après la reconnaissance, le mois du début de l'agression, c'est une date lugubre. Malheureusement, il tiendra sa place dans les manuels d'histoire comme la date de l'agression contre le peuple ossète et de laquelle on peut commencer à élaborer de nouvelles approches à la sécurité dans le monde. J'en ai déjà parlé. En ce qui concerne la reconnaissance pour nous, la question est close. Du point de vue du droit international, deux nouveaux états ont émergé. Nous avons déjà préparé des textes d'accords correspondant y compris les relations diplomatiques. Il va y avoir d'autres accords d'après lesquels nous allons leur prêter assistance humanitaire, matérielle et militaire. Là vous pouvez en être sûrs. Mais ceci est une autre situation. Le reste, ce ne sont que des commérages. Je parlais de leurs fantômes, de ceux qui essaient de voir en la Fédération de Russie, l'Union soviétique mais la Russie a changé. Mais il faut tenir compte de la Russie. La conférence de presse est terminée.
Je vous remercie.