5 septembre 2008 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts gouvernementaux en faveur des Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire le 5 septembre 2008.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais avant de parler de votre avenir qui, je sais, est un souci pour chacun d'entre vous, je voudrais d'abord dire au Président de l'association des victimes du Chantier du drame de 2003 que je n'ai pas oublié ce jour où je suis venu en tant que ministre de l'Intérieur. Il y avait tous les cercueils ouverts et je sais que c'est resté et que cela restera durablement comme un événement que personne ici n'a oublié. Que vous soyez des Chantiers ou que vous soyez d'une entreprise sous-traitante. Ceux qui sont morts sous la passerelle, ils n'étaient pas protégés car ils étaient sous-traitants, ils étaient dans la même situation.
Je sais bien que les mots ne font pas revenir ceux qui sont partis. Je sais bien que les paroles n'apaisent pas la douleur mais je voulais commencer mes propos en ayant une pensée pour ceux de vos camarades qui sont morts sur cette passerelle, en tout cas au fond de la cale ce jour-là. J'y étais, je n'ai pas oublié. Sachez que ce ne sont pas des mots de circonstance. Comment peut-on oublier cela ?
La transition est difficile mais c'est le passé même si c'est un passé douloureux. Puis il y a l'avenir. Les plus anciens parmi vous savent que ce n'est pas la première fois que je viens sur le chantier. J'y suis venu à plusieurs reprises, parfois pour des moments heureux et cela en était un lorsque vous avez lancé le dernier méthanier pour Gaz de France qui a été fabriqué ici. Je ne sais pas comment on dit, je ne sais pas si j'étais le parrain, en tout cas celui qui l'inaugurait.
Je sais ce dont sont capables de faire les femmes et les hommes qui travaillent ici. Je veux vous parler très franchement sans discours parce que j'ai tout dans la tête. C'est une histoire que je connais bien. Je veux vous expliquer comment on en est arrivé là et ce que l'on va faire, je le dis devant le Président de STX, que je remercie de sa présence et avec qui je viens d'avoir une réunion de travail en compagnie de Christine LAGARDE et de Luc CHATEL.
Les chantiers, c'est d'abord l'histoire d'Alstom. Alstom, c'est une entreprise dont j'ai dû assurer le sauvetage en 2004 lorsque j'étais ministre des Finances et que plus personne n'y croyait.
Alstom par la faute d'un management à l'époque médiocre était en situation de quasi faillite, ne trouvait plus de banque pour garantir ses contrats, n'avait plus d'actionnaire et une grande partie de ceux qui nous dirigeaient à l'époque étaient favorables à la vente d'Alstom à Siemens par appartements. Ce que je dis est tout-à-fait vérifiable. Plus personne n'y croyait. Je me suis rendu dans la quasi totalité des usines d'Alstom, je connais tous les sites industriels et comme personne ne voulait investir dans Alstom j'ai décidé, à l'époque ministre des Finances, de racheter 22 % du capital d'Alstom. C'était en quelque sorte une renationalisation. Je l'ai fait parce que si je ne l'avais pas fait, Alstom, c'était fini aujourd'hui alors que c'est une des entreprises les plus profitables de France. Alstom à l'époque fabriquait 3 choses : le rail, l'énergie - il y avait eu une grave erreur sur la technologie choisie pour les chaudières à gaz- et les bateaux. On a sauvé Alstom. J'ai quitté le ministère des Finances en 2005 à l'insu de mon plein gré, enfin disons qu'à l'époque j'avais eu quelques explications avec le président de la République qui m'avait indiqué que je ne pouvais pas rester, et c'est dans ces conditions hélas, hélas car je le regrette, qu'Alstom a vendu les chantiers de l'Atlantique. C'est une décision que je n'aurais pas prise. Alors vous pouvez dire c'est facile de le dire : eh bien non, ce n'est pas si facile, je le dis parce que je le pense. J'ai toujours considéré qu'un grand pays c'était un pays qui avait une politique industrielle et que la base de la politique industrielle, si l'on veut être un grand pays, il faut être celui qui sait construire des voitures, fabriquer des trains, fabriquer des avions et construire des bateaux. J'ai toujours pensé cela. Je n'ai jamais changé d'avis, jamais.
Alstom ayant vendu, Aker a racheté et lorsqu' Aker a eu ses difficultés - je le dis devant le Président de STX-, je n'ai rien à cacher parce que c'est la vérité, j'ai tout fait pour trouver une solution européenne. Il ne faut pas raconter d'histoire. Ils le savent et je pense que lorsque l'on est des partenaires, on doit se parler franchement et j'ai constaté que ni les Italiens, ni les Finlandais ne voulaient investir comme était prêt à investir l'État français, c'est la vérité. Je me suis retrouvé bien seul cette fois-ci, président de la République à croire à l'avenir des chantiers et quand Aker a eu ses difficultés, c'est STX qui est rentré dans le capital d'Aker et là chacun de dire : cela va changer de propriétaire tous les deux ans, où est-ce que l'on nous mène, qu'est-ce que l'on va devenir ? En plus, c'était nos amis coréens. Est-ce qu'ils ne vont pas prendre la technologie et partir avec !
Je préfère dire les choses car l'hypocrisie n'amène que le mensonge et le mensonge ne permet pas l'avenir.
Je n'ai qu'une seule parole et j'irai jusqu'au bout. Je vais m'en expliquer. A partir de ce moment là, on a commencé à discuter avec STX. C'est une grande entreprise qui a en portefeuille beaucoup de bateaux à construire, qui peut nous apporter beaucoup mais, naturellement, j'ai dit à STX nous, les Chantiers de l'Atlantique, on y tient. Pourquoi, on y tient ? Parce qu'il a fallu des décennies pour créer cette mémoire industrielle, ce savoir-faire industriel - ce que les Anglais appellent le « good will »-, et en quelques mois, on peut tout mettre par terre. Ce qu'il a fallu des années à apprendre, il faut quelques mois pour tout mettre par terre. Et quand les plus anciens partent, ils ne peuvent plus transmettre aux plus jeunes, il n'y a plus rien.
Je ne laisserai pas tomber les Chantiers de l'Atlantique. Je n'ai jamais voulu que l'on les laisse tomber. Ce n'est pas aujourd'hui que cela commencera. J'ai donc dit à STX : on va vous prouver que l'on y tient. Comment prouver ? Bien sûr, il y a la signature des accords. Ah, les accords ! Chacun ici peut dire : ah, oui, c'est un papier ! Non. Il y a mieux. Si on y croit, on investit. C'est dans ces conditions que j'ai dit au gouvernement : il faut investir, on va prendre une partie du capital pour être actionnaire. Quel est le meilleur témoignage de ma confiance dans l'avenir des Chantiers, de la pérennité de la construction de navires de haut de gamme, de haute technologie aux Chantiers de Saint-Nazaire, que de prendre une partie du capital ? Comme je l'avais fait d'ailleurs pour Alstom, cela ne lui a pas si mal réussi.
Ce sont les conditions dans lesquelles nous avons signé un accord avec M. Kang pour prendre 9% du capital, plus un droit de préemption sur les 25% que possèdent encore Altsom. Si Alstom devait partir à horizon, je crois, 2010, c'est l'Etat français qui aura racheté 34%, parce que nous voulons être associés à toutes les décisions stratégiques, parce que nous pensons qu'ici, on peut fabriquer les bateaux les plus performants du monde, être compétitifs, et parce que nous voulons garder à Saint-Nazaire et en France ce savoir-faire. Donc, nous allons devenir les associés de STX. Nous allons rentrer au Conseil d'administration et nous allons nous engager pour que les Chantiers vivent.
Vous pouvez me dire : vous avez signé au mois de juin l'accord et ce n'est pas réalisé. C'est vrai, je viens d'en parler avec M. KANG parce qu'entre temps la société STX est passée de 40% de la propriété d'Aker, à 92%. Il fallait qu'ils réussissent leur OPA avant de mettre en oeuvre l'opération.
Nous allons engager avec Christine LAGARDE et Luc CHATEL les discussions sur la valorisation : combien cela coûte les 9% ? Nous allons discuter avec Alstom pour formaliser le droit de préemption et vous êtes donc dans une société dont l'Etat va se retrouver directement ou indirectement propriétaire de 34%. C'est la meilleure preuve de ma décision de m'engager durablement sur les Chantiers.
A ceux qui pensaient que l'on pouvait faire mieux, il y a toujours des malins, les malins parlent. Les autres font. C'est une grande différence. Je ne demande pas que l'on me croie sur le discours, je demande que l'on me croie sur ce que j'ai fait. Et c'est ce que j'ai fait avec Alstom. Demandez aux collègues d'Alstom s'ils s'en sont mal trouvés. En refusant de vendre Alstom à Siemens, quand tout le monde me le demandait et en renationalisant une partie d'Alstom pour mieux permettre à Alstom d'avoir un actionnaire industriel qui est Bouygues aujourd'hui et qui est une des sociétés qui a le plus embauché en France et qui a le plus gagné d'argent. Pour une société qui était condamnée en 2004 on a dû pas si mal décider que cela.
On fera la même chose sur les Chantiers de l'Atlantique. Je n'ignore pas qu'il y a d'autres sujets, je l'ai dit d'ailleurs bien souvent. D'abord on a créé en France, n'est-ce pas Christine LAGARDE, le système de crédit impôt-recherche le plus favorable au monde. Parce que les Chantiers, vous resterez compétitifs pourquoi ? Comment ? Si on continue à investir. Parce que si l'on n'investit pas, on innove plus. Et on est dépassé par les événements. J'ai dit à M. KANG : il y a maintenant en France le système fiscal le plus avantageux pour financer la recherche développement. Ce n'est plus un argument la fiscalité française. Je mets au défi de trouver un pays au monde où l'on aide d'avantage la recherche que maintenant la France. C'est un atout pour eux. Il y aura d'autres décisions qu'il faudra que l'on prenne dans l'avenir. Je ne tranche pas, je n'annonce rien. Je dis simplement qu'il va falloir que l'on en parle.
Est-ce que durablement on peut rester avec un chantier qui construit du civil et un chantier qui construit du militaire ? C'est un vrai sujet. Je sais très bien que parmi vous, vous n'êtes pas tous d'accord, y compris parmi vous représentants syndicaux. C'est normal. Ce n'est pas un sujet si simple. Moi je pense qu'il faut que l'on y réfléchisse, qu'on y travaille et qu'on voit dans l'avenir qu'est-ce qu'on fait. D'ailleurs la première chose qu'ont demandé les représentants syndicaux : alors et le porte-avion, ah bon ? Le porte-avion ce n'est pas un navire civil, enfin à ma connaissance. Ce n'est pas pour faire des croisières, pour emmener des retraités, je n'ai rien contre d'ailleurs. On va avoir encore des discussions à mener, sur l'avenir des chantiers. Je tenais à vous dire cela. J'ajoute que j'ai demandé à la ministre, Christine LAGARDE, de recevoir toutes les organisations syndicales avec Luc CHATEL pour que vos représentants syndicaux aient la totalité de l'accord signé d'actionnariat entre STX et nous. Bien sûr, je demande aux représentants syndicaux et je leur fais confiance, une garantie de confidentialité parce que dans la compétition où nous sommes engagés, il faut que cela reste confidentiel. Mais il n'y a rien à cacher.
Mesdames et Messieurs, je suis persuadé que si on se bat, non seulement on gardera les Chantiers de l'Atlantique mais on pourra les développer. La prise de participation dans une entreprise privée par l'Etat français est une première depuis Alstom. Cela n'a jamais été fait. Je n'avais jamais appliqué le décret sur les activités stratégiques. Si on le fait, c'est parce que l'on croit à l'avenir des Chantiers de l'Atlantique. Je pense que dans le monde, on aura besoin de plus en plus de navires de croisière de haute gamme, de méthaniers de haute gamme. Et que ça serait pour la France un affaiblissement que de laisser tomber les Chantiers de l'Atlantique. Dans quelques semaines, nous serons copropriétaires de vos chantiers. C'est un engagement majeur, c'est un tournant incontestable dans la stratégie industrielle, je veux dire dans le volontarisme industriel. Je pense qu'on le doit à l'avenir économique de la France et on le doit aussi aux générations d'ouvriers qui ont travaillé ici, qui ont construit une compétence, qui sont respectés dans le monde entier.
J'ajoute pour terminer, je l'ai dit à M. KANG, que moi je n'étais pas d'accord pour que l'on se voie uniquement les jours où il y a des inaugurations. Il m'indiquait qu'il y a une dizaine de bateaux que cherche à faire construire l'Arabie Saoudite, un milliard de dollars chacun. On va se battre pour que cela vienne ici. Je sais parfaitement que le carnet de commandes est plein pour 3 ans. Pour les ouvriers qui construisent, c'est beaucoup. Pour les bureaux d'études, c'est peu, parce que pour les bureaux d'études, justement, ils doivent anticiper et travailler avant. A partir du moment où l'on est associé avec eux, on va se battre, nous aussi, dans mes innombrables voyages pour amener du contenu dans le carnet de commandes. De toute manière, il n'y a pas d'autre solution.
J'ajoute, dans l'accord, qu'un engagement de ne pas délocaliser et de ne pas concurrencer les Chantiers de l'Atlantique, mais la meilleure façon que cet accord soit respecté, c'est que, nous, on soit partie à l'accord.
Voilà ce que je tenais à vous dire. Je sais que pour vous, ce n'est pas facile depuis des années. Il y a eu des hauts et des bas, beaucoup. Mais que c'est une raison pour apprécier aujourd'hui la décision que je vous annonce. Elle ne règle pas tous les problèmes, ce qui règle les problèmes c'est d'avoir de nouveaux clients, de nouveaux bateaux en cale, de nouveaux projets. Mais avec un actionnariat stable et l'Etat à 100% derrière vous, on met toutes les chances de notre côté. Je reviendrai sur le chantier, je reviendrai chaque année pour m'assurer que ce que l'on a décidé, on l'a bien mis en oeuvre. Pour moi, ce lieu c'est un lieu qui symbolise la volonté industrielle de la France. Si on abandonnait les chantiers, c'est un peu plus que les chantiers qu'on abandonnerait, c'est une volonté industrielle. Il n'y a pas à abandonner la sidérurgie. Il n'y a pas à abandonner les chantiers mais il ne fallait pas abandonner Alstom. Croyez bien que ce que je vous dis, c'est l'expression d'une conviction profonde. Je sais qu'ici on ne parle pas beaucoup, on n'aime pas les promesses, on juge sur les résultats.
Mesdames et Messieurs, en venant ici, je m'engage. Je m'engage. Et je m'engage parce que je sais qu'ici se joue une part décisive.
Je vous remercie de votre attention et je remercie Monsieur KANG de sa présence.
Merci à tous.
Je voudrais avant de parler de votre avenir qui, je sais, est un souci pour chacun d'entre vous, je voudrais d'abord dire au Président de l'association des victimes du Chantier du drame de 2003 que je n'ai pas oublié ce jour où je suis venu en tant que ministre de l'Intérieur. Il y avait tous les cercueils ouverts et je sais que c'est resté et que cela restera durablement comme un événement que personne ici n'a oublié. Que vous soyez des Chantiers ou que vous soyez d'une entreprise sous-traitante. Ceux qui sont morts sous la passerelle, ils n'étaient pas protégés car ils étaient sous-traitants, ils étaient dans la même situation.
Je sais bien que les mots ne font pas revenir ceux qui sont partis. Je sais bien que les paroles n'apaisent pas la douleur mais je voulais commencer mes propos en ayant une pensée pour ceux de vos camarades qui sont morts sur cette passerelle, en tout cas au fond de la cale ce jour-là. J'y étais, je n'ai pas oublié. Sachez que ce ne sont pas des mots de circonstance. Comment peut-on oublier cela ?
La transition est difficile mais c'est le passé même si c'est un passé douloureux. Puis il y a l'avenir. Les plus anciens parmi vous savent que ce n'est pas la première fois que je viens sur le chantier. J'y suis venu à plusieurs reprises, parfois pour des moments heureux et cela en était un lorsque vous avez lancé le dernier méthanier pour Gaz de France qui a été fabriqué ici. Je ne sais pas comment on dit, je ne sais pas si j'étais le parrain, en tout cas celui qui l'inaugurait.
Je sais ce dont sont capables de faire les femmes et les hommes qui travaillent ici. Je veux vous parler très franchement sans discours parce que j'ai tout dans la tête. C'est une histoire que je connais bien. Je veux vous expliquer comment on en est arrivé là et ce que l'on va faire, je le dis devant le Président de STX, que je remercie de sa présence et avec qui je viens d'avoir une réunion de travail en compagnie de Christine LAGARDE et de Luc CHATEL.
Les chantiers, c'est d'abord l'histoire d'Alstom. Alstom, c'est une entreprise dont j'ai dû assurer le sauvetage en 2004 lorsque j'étais ministre des Finances et que plus personne n'y croyait.
Alstom par la faute d'un management à l'époque médiocre était en situation de quasi faillite, ne trouvait plus de banque pour garantir ses contrats, n'avait plus d'actionnaire et une grande partie de ceux qui nous dirigeaient à l'époque étaient favorables à la vente d'Alstom à Siemens par appartements. Ce que je dis est tout-à-fait vérifiable. Plus personne n'y croyait. Je me suis rendu dans la quasi totalité des usines d'Alstom, je connais tous les sites industriels et comme personne ne voulait investir dans Alstom j'ai décidé, à l'époque ministre des Finances, de racheter 22 % du capital d'Alstom. C'était en quelque sorte une renationalisation. Je l'ai fait parce que si je ne l'avais pas fait, Alstom, c'était fini aujourd'hui alors que c'est une des entreprises les plus profitables de France. Alstom à l'époque fabriquait 3 choses : le rail, l'énergie - il y avait eu une grave erreur sur la technologie choisie pour les chaudières à gaz- et les bateaux. On a sauvé Alstom. J'ai quitté le ministère des Finances en 2005 à l'insu de mon plein gré, enfin disons qu'à l'époque j'avais eu quelques explications avec le président de la République qui m'avait indiqué que je ne pouvais pas rester, et c'est dans ces conditions hélas, hélas car je le regrette, qu'Alstom a vendu les chantiers de l'Atlantique. C'est une décision que je n'aurais pas prise. Alors vous pouvez dire c'est facile de le dire : eh bien non, ce n'est pas si facile, je le dis parce que je le pense. J'ai toujours considéré qu'un grand pays c'était un pays qui avait une politique industrielle et que la base de la politique industrielle, si l'on veut être un grand pays, il faut être celui qui sait construire des voitures, fabriquer des trains, fabriquer des avions et construire des bateaux. J'ai toujours pensé cela. Je n'ai jamais changé d'avis, jamais.
Alstom ayant vendu, Aker a racheté et lorsqu' Aker a eu ses difficultés - je le dis devant le Président de STX-, je n'ai rien à cacher parce que c'est la vérité, j'ai tout fait pour trouver une solution européenne. Il ne faut pas raconter d'histoire. Ils le savent et je pense que lorsque l'on est des partenaires, on doit se parler franchement et j'ai constaté que ni les Italiens, ni les Finlandais ne voulaient investir comme était prêt à investir l'État français, c'est la vérité. Je me suis retrouvé bien seul cette fois-ci, président de la République à croire à l'avenir des chantiers et quand Aker a eu ses difficultés, c'est STX qui est rentré dans le capital d'Aker et là chacun de dire : cela va changer de propriétaire tous les deux ans, où est-ce que l'on nous mène, qu'est-ce que l'on va devenir ? En plus, c'était nos amis coréens. Est-ce qu'ils ne vont pas prendre la technologie et partir avec !
Je préfère dire les choses car l'hypocrisie n'amène que le mensonge et le mensonge ne permet pas l'avenir.
Je n'ai qu'une seule parole et j'irai jusqu'au bout. Je vais m'en expliquer. A partir de ce moment là, on a commencé à discuter avec STX. C'est une grande entreprise qui a en portefeuille beaucoup de bateaux à construire, qui peut nous apporter beaucoup mais, naturellement, j'ai dit à STX nous, les Chantiers de l'Atlantique, on y tient. Pourquoi, on y tient ? Parce qu'il a fallu des décennies pour créer cette mémoire industrielle, ce savoir-faire industriel - ce que les Anglais appellent le « good will »-, et en quelques mois, on peut tout mettre par terre. Ce qu'il a fallu des années à apprendre, il faut quelques mois pour tout mettre par terre. Et quand les plus anciens partent, ils ne peuvent plus transmettre aux plus jeunes, il n'y a plus rien.
Je ne laisserai pas tomber les Chantiers de l'Atlantique. Je n'ai jamais voulu que l'on les laisse tomber. Ce n'est pas aujourd'hui que cela commencera. J'ai donc dit à STX : on va vous prouver que l'on y tient. Comment prouver ? Bien sûr, il y a la signature des accords. Ah, les accords ! Chacun ici peut dire : ah, oui, c'est un papier ! Non. Il y a mieux. Si on y croit, on investit. C'est dans ces conditions que j'ai dit au gouvernement : il faut investir, on va prendre une partie du capital pour être actionnaire. Quel est le meilleur témoignage de ma confiance dans l'avenir des Chantiers, de la pérennité de la construction de navires de haut de gamme, de haute technologie aux Chantiers de Saint-Nazaire, que de prendre une partie du capital ? Comme je l'avais fait d'ailleurs pour Alstom, cela ne lui a pas si mal réussi.
Ce sont les conditions dans lesquelles nous avons signé un accord avec M. Kang pour prendre 9% du capital, plus un droit de préemption sur les 25% que possèdent encore Altsom. Si Alstom devait partir à horizon, je crois, 2010, c'est l'Etat français qui aura racheté 34%, parce que nous voulons être associés à toutes les décisions stratégiques, parce que nous pensons qu'ici, on peut fabriquer les bateaux les plus performants du monde, être compétitifs, et parce que nous voulons garder à Saint-Nazaire et en France ce savoir-faire. Donc, nous allons devenir les associés de STX. Nous allons rentrer au Conseil d'administration et nous allons nous engager pour que les Chantiers vivent.
Vous pouvez me dire : vous avez signé au mois de juin l'accord et ce n'est pas réalisé. C'est vrai, je viens d'en parler avec M. KANG parce qu'entre temps la société STX est passée de 40% de la propriété d'Aker, à 92%. Il fallait qu'ils réussissent leur OPA avant de mettre en oeuvre l'opération.
Nous allons engager avec Christine LAGARDE et Luc CHATEL les discussions sur la valorisation : combien cela coûte les 9% ? Nous allons discuter avec Alstom pour formaliser le droit de préemption et vous êtes donc dans une société dont l'Etat va se retrouver directement ou indirectement propriétaire de 34%. C'est la meilleure preuve de ma décision de m'engager durablement sur les Chantiers.
A ceux qui pensaient que l'on pouvait faire mieux, il y a toujours des malins, les malins parlent. Les autres font. C'est une grande différence. Je ne demande pas que l'on me croie sur le discours, je demande que l'on me croie sur ce que j'ai fait. Et c'est ce que j'ai fait avec Alstom. Demandez aux collègues d'Alstom s'ils s'en sont mal trouvés. En refusant de vendre Alstom à Siemens, quand tout le monde me le demandait et en renationalisant une partie d'Alstom pour mieux permettre à Alstom d'avoir un actionnaire industriel qui est Bouygues aujourd'hui et qui est une des sociétés qui a le plus embauché en France et qui a le plus gagné d'argent. Pour une société qui était condamnée en 2004 on a dû pas si mal décider que cela.
On fera la même chose sur les Chantiers de l'Atlantique. Je n'ignore pas qu'il y a d'autres sujets, je l'ai dit d'ailleurs bien souvent. D'abord on a créé en France, n'est-ce pas Christine LAGARDE, le système de crédit impôt-recherche le plus favorable au monde. Parce que les Chantiers, vous resterez compétitifs pourquoi ? Comment ? Si on continue à investir. Parce que si l'on n'investit pas, on innove plus. Et on est dépassé par les événements. J'ai dit à M. KANG : il y a maintenant en France le système fiscal le plus avantageux pour financer la recherche développement. Ce n'est plus un argument la fiscalité française. Je mets au défi de trouver un pays au monde où l'on aide d'avantage la recherche que maintenant la France. C'est un atout pour eux. Il y aura d'autres décisions qu'il faudra que l'on prenne dans l'avenir. Je ne tranche pas, je n'annonce rien. Je dis simplement qu'il va falloir que l'on en parle.
Est-ce que durablement on peut rester avec un chantier qui construit du civil et un chantier qui construit du militaire ? C'est un vrai sujet. Je sais très bien que parmi vous, vous n'êtes pas tous d'accord, y compris parmi vous représentants syndicaux. C'est normal. Ce n'est pas un sujet si simple. Moi je pense qu'il faut que l'on y réfléchisse, qu'on y travaille et qu'on voit dans l'avenir qu'est-ce qu'on fait. D'ailleurs la première chose qu'ont demandé les représentants syndicaux : alors et le porte-avion, ah bon ? Le porte-avion ce n'est pas un navire civil, enfin à ma connaissance. Ce n'est pas pour faire des croisières, pour emmener des retraités, je n'ai rien contre d'ailleurs. On va avoir encore des discussions à mener, sur l'avenir des chantiers. Je tenais à vous dire cela. J'ajoute que j'ai demandé à la ministre, Christine LAGARDE, de recevoir toutes les organisations syndicales avec Luc CHATEL pour que vos représentants syndicaux aient la totalité de l'accord signé d'actionnariat entre STX et nous. Bien sûr, je demande aux représentants syndicaux et je leur fais confiance, une garantie de confidentialité parce que dans la compétition où nous sommes engagés, il faut que cela reste confidentiel. Mais il n'y a rien à cacher.
Mesdames et Messieurs, je suis persuadé que si on se bat, non seulement on gardera les Chantiers de l'Atlantique mais on pourra les développer. La prise de participation dans une entreprise privée par l'Etat français est une première depuis Alstom. Cela n'a jamais été fait. Je n'avais jamais appliqué le décret sur les activités stratégiques. Si on le fait, c'est parce que l'on croit à l'avenir des Chantiers de l'Atlantique. Je pense que dans le monde, on aura besoin de plus en plus de navires de croisière de haute gamme, de méthaniers de haute gamme. Et que ça serait pour la France un affaiblissement que de laisser tomber les Chantiers de l'Atlantique. Dans quelques semaines, nous serons copropriétaires de vos chantiers. C'est un engagement majeur, c'est un tournant incontestable dans la stratégie industrielle, je veux dire dans le volontarisme industriel. Je pense qu'on le doit à l'avenir économique de la France et on le doit aussi aux générations d'ouvriers qui ont travaillé ici, qui ont construit une compétence, qui sont respectés dans le monde entier.
J'ajoute pour terminer, je l'ai dit à M. KANG, que moi je n'étais pas d'accord pour que l'on se voie uniquement les jours où il y a des inaugurations. Il m'indiquait qu'il y a une dizaine de bateaux que cherche à faire construire l'Arabie Saoudite, un milliard de dollars chacun. On va se battre pour que cela vienne ici. Je sais parfaitement que le carnet de commandes est plein pour 3 ans. Pour les ouvriers qui construisent, c'est beaucoup. Pour les bureaux d'études, c'est peu, parce que pour les bureaux d'études, justement, ils doivent anticiper et travailler avant. A partir du moment où l'on est associé avec eux, on va se battre, nous aussi, dans mes innombrables voyages pour amener du contenu dans le carnet de commandes. De toute manière, il n'y a pas d'autre solution.
J'ajoute, dans l'accord, qu'un engagement de ne pas délocaliser et de ne pas concurrencer les Chantiers de l'Atlantique, mais la meilleure façon que cet accord soit respecté, c'est que, nous, on soit partie à l'accord.
Voilà ce que je tenais à vous dire. Je sais que pour vous, ce n'est pas facile depuis des années. Il y a eu des hauts et des bas, beaucoup. Mais que c'est une raison pour apprécier aujourd'hui la décision que je vous annonce. Elle ne règle pas tous les problèmes, ce qui règle les problèmes c'est d'avoir de nouveaux clients, de nouveaux bateaux en cale, de nouveaux projets. Mais avec un actionnariat stable et l'Etat à 100% derrière vous, on met toutes les chances de notre côté. Je reviendrai sur le chantier, je reviendrai chaque année pour m'assurer que ce que l'on a décidé, on l'a bien mis en oeuvre. Pour moi, ce lieu c'est un lieu qui symbolise la volonté industrielle de la France. Si on abandonnait les chantiers, c'est un peu plus que les chantiers qu'on abandonnerait, c'est une volonté industrielle. Il n'y a pas à abandonner la sidérurgie. Il n'y a pas à abandonner les chantiers mais il ne fallait pas abandonner Alstom. Croyez bien que ce que je vous dis, c'est l'expression d'une conviction profonde. Je sais qu'ici on ne parle pas beaucoup, on n'aime pas les promesses, on juge sur les résultats.
Mesdames et Messieurs, en venant ici, je m'engage. Je m'engage. Et je m'engage parce que je sais qu'ici se joue une part décisive.
Je vous remercie de votre attention et je remercie Monsieur KANG de sa présence.
Merci à tous.